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nous a paru utile avant les discussions qui auront lieu devant vous

Mais si la commission du budget n'arrive pas à présenter dans son ensemble l'impôt sur les revenus, que présentera-t-elle? La discussion sur les matières premières pourra-t-elle s'ouvrir sans qu'elle ait un projet à lui oppo er? La commission répond qu'elle ne croit pas le vote urgent puisque le budget de 1872 est balancé, qu'il y a quelque inconvénient à voter une nouvelle série d'impôts quand on sait qu'il en faudra d'autres ultérieurement, que plusieurs des chiffres que l'on adoptera aujourd'hui pourraient être modifiés suivant le bilan définitif de la situation qui sera ultérieurement fait.

Cependant elle est toute prête à détacher du projet général qu vient d'être exposé quelques portions auxquelles la majorité de la commission a toujours été favorable. Ces impôts, votés par l'Assemblée, assureraient un revenu suffisant pour équilibrer le budget de 1873 sur les bases de celui de 1872 et remplaceraient les ressources exceptionnelles dont le budget de 1872 a profité. Ces impôts sont les suivants : Impôt sur les valeurs mobilières.. Impôt sur le chiffre des affaires. Impôt sur les créances hypothécai

res....

15.000.000 70.000.000

6.000.000

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On aurait un total de... 98.000.000

C'est-à-dire plus que ne donneraient les matières premières.

Nous vous présentons dans ce but trois rapports spéciaux :

1. Sur les valeurs mobilières que nous vous pro. posons de taxer à 2 p. 100, en adoptant les dispositions projetées par le rapport de M. Casimir Perier. M. Pouyer-Quertier évaluait son rendement à 30 millions, en prenant le tarif de 3 p. 100, et en frappant les valeurs étrangères de mesures rigoureuses que nous n'avons pas cru devoir reproduire. Nous croyons que l'impôt tel que nous le soumettons, rapportera 15 millions.

2. Sur les créances hypothécaires qui seraient également frappées d'un im ôt de 2 p. 100 sur leur revenu, en réservant momentanément les créances chirographaires pour lesquelles la difficulté d'application est plus grande. Le rendement de cet impôt est estimé à 6 millions.

3. Sur l'impôt sur le chiffre des affaires, nous reprenons l'amendement de MM. Feray, André, le duc Decazes, Flotard et 21 de leurs collègues, en adoucissant les dipositions afin de les rendre plus acceptables pour tous.

Nous reconnaissons qu'il y a quelque chose d'anormal à frapper le commerce quand d'autres éléments de la richesse publique ne vont pas se trouver frappés en même temps; mais nous nous retranchons derrière l'initiative des commerçants et des industriels qui ont fait, au mois de janvier dernier, cette proposition à l'Assemblée même pour un chiffre beaucoup plus élevé.

Les petits impôts auxquels nous avons fait allusion plus haut, sont les suivants :

Nous vous proposons d'abord d'autoriser l'emploi de la lynamite en la soumettant à un impôt. La dynamite, mélange de nitroglycérine, et d'une matière inerte, telle que le sable, permettant de la transporter et de l'employer sans danger, est un des produits les plus intéressants que la science ait mis depuis quelques années au service de l'industrie. La dynamite remplace la poudre de mine avec une force d'explos on de beaucoup supérieure. L'Etat tirant un bénéfice de la poudre de mine, dont il a le monopole, ne pouvait la laisser remplacer partiellement par la dynamite sans se

préoccuper de la perte qu'il allait éprouver. Aux mesures restrictives qu'il a dû prendre d'abord et qui ne peuvent être continuées puisqu'elles paralysent une consommation des plus utiles, nous proposons, conformément à une proposition de M. Mangini et de plusieurs de ses collègues, de substituer une tarification qui soumette la dynamite à un impôt régulier.

Un projet de loi en étudiera les conditions. Il est assez difficile de connaître le rendemeut possible de cet impôt. Il nous parait raisonnable d'en attendre 500,000 francs. Nous ne no s préoccupons pas de la diminution que quelques personnes redoutent dans l'emploi de la poudre, parce que les extractions de houille et de minerais et les entreprises de travaux publics dans le-quelles elle se consomme, vont toujours en augmentant.

Le Gouvernement nous a proposé dans son projet de budget de 1872, deux projets de lois, l'un sur les transports des journaux par la poste, l'autre sur la révision de l'impôt sur les chevaux et voitures, qui n'ont pas encore été discutés.

L'impôt sur le transport des journaux n'est autre que la reprise par le service des postes d'un transport qui se faisait depuis quelque temps par les chemins de fer, qui doivent le faire gratuitement pour l'Etat aux termes de leur cahier des charges

La révision de l'impôt sur les chevaux et voitures a été l'objet d'une longue discussion dans la commission du budget. Nous croyons que le projet de loi présenté aura lieu d'ètre modifié dans quelques détails par le Gouvernement, et pourra ensuite être accepté par l'Assemblée."

Le produit de l'impôt sur le transport des journaux est estimé par le Gouvernement.

Celui sur les chevaux et voitures. Si nous estimons l'impôt sur la dynamite à......

Nous aurons un total de....... pour les petits impôts.

3.500 000 fr. 3.000.000

500.000 7.000.000

Nous arriverons ainsi à un produit de près de 100 millions que nous avons indiqué plus haut comme suffisant, au point de vue où doit se placer la commission de 1872, pour assurer les conditions d'équilibre du budget de cette année que nous avons rappelées au commencement de ce rapport.

Nous avons maintenant à examiner les combinaisons différentes de l'impót sur les revenus, que votre commission a eu à étudier et dont plusieurs lui ont paru mériter la plus sérieuse attention. L'Assemblée pourrait y trouver un élément de recettes pouvant se substituer au projet de la commission de 1871 ou à celui de la commission de 1872, si elle ne les adoptait pas, ou les compléter si elle les jugeait insuffisants. 1° Alcool. (Proposition de M. Haentjens, amendement de M. le général Robert.)

--

L'impôt sur l'alcool a toujours été considéré comme une des sources les plus précieuses de nos

recettes.

La commission du budget a eu à s'en occuper de nouveau, à l'occasion d'une proposition de notre honorable collègue M. Haentjens, qui demande l'établissement d'une surtaxe de 70 cent. par litre.

L'Assemblée avait déjà repoussé, à l'occasion du budget de 1871, une proposition analogue. La commission du budget craindrait, en augmentant de nouveau les droits, de dépasser la limite dans laquelle il convient de se tenir dans les Impôts de consommation quand ils sont en même temps presque toujours sensiblement augmentés par les octrois des grandes villes. Elle redoute d'ailleurs de nouveaux progrès de la fraude, surexcitée par l'élévation du droit.

Avant de penser à augmenter de nouveau ce droit, la commission estime qu'il y a une pre

mière chose à faire, c'est de percevoir plus efficacement le droit existant. Elle recommande au Gouvernement l'étude des mesures nécessaires pour assurer cette perception en réprimant énergiquement les abus. Elle témoigne la crainte qu'il n'ait pas été fait encore assez pour cette répression, et exprime la conviction qu'en appliquant avec la plus grande vigilance les taxes existantes, le Trésor public peut faire rentrer une somme considérable en supplément de celle actuellement perçue.

La commission du budget a été informée que plusieurs de nos collègues de l'Assemblée se sont réunis pour examiner de nouveau la question des bouilleurs de crus, qui est reportée devant yous par l'amendement de MM. le général Robert, Savoye et plusieurs de nos collègues.

On assure que la décision prise il y a quelques mois par l'Assemblée a l'inconvénient de donner de grandes facilités à la fraude, et qu'on serait sur la voie de trouver un système qui pourrait concilier les exigences légitimes du Trésor et les intérêts que l'Assemblée par son vote antérieur avait voulu ménager. Sans pouvoir se prononcer sur un projet qui ne lui à pas été soumis dans tous ses détails et qui demanderait un examen détaillé, les opinions étant jusque-là réservées, la commission du budget croit devoir en recommander l'étude au Gouvernement, convaincue que l'alcool est loin de rendre au Trésor ce qu'on doit lui demander.

2 Impôt sur le sel. - (Amendement de M. Rouveure, amendement de M. de Kéridec.)

L'honorable M. Rouveure propose de frapper le sel d'un double décime portant le droit à 30 fr. les 100 kilog. M. Rouveure demande en même temps l'impôt sur le revenu. Nous avons déjà dit plus haut que cette association de deux taxes, l'une frappant tous ceux qui possèdent, l'autre devant être plus vivement sentie par les familles peu fortunées, nous parait conforme aux prin. cipes de justice et d'équitable répartition qu'il ne faut jamais perdre de vue dans la matière si difficile des impôts.

Chaque décime sur le sel rapporte, suivant les évaluations faites, 30 millions, et il parait certain que la consommation ne diminue pas avec un léger renchérissement. La proposition de M. Rouveure rapporterait donc 60 millions. Nous nous y rattacherions plus volontiers si elle n'était que d'un décime, soit de 30 millions.

Mais, ayant pu équilibrer l'exercice 1872 sans l'application de cette taxe, nous n'avons pas cru devoir vous faire à cet égard de propositions actuelle. Le Gouvernement connait parfaitement cette ressource; il sait comme nous le savons tous, que son application est facile, puisqu'elle a longtemps existé. S'il a hésité jusqu'ici à l'utiliser, c'est qu'il a voulu donner la préfé ence à d'autres impôts lui paraissant moins onéreux.

Il peut y avoir là, quand on le jugera nécessaire, un élément de fructueuses perceptions qui, par leur dissémination sur la totalité des consommateurs français, ne demanderaient que trèspeu à chaque contribuable.

La majorité de votre commission vous propose de renvoyer de l'examen de cet amendement à la commission du budget de 1873, qui pourra le comprendre, si elle le juge utile, dans les ressources nécessaires pour combler le déficit tel qu'il sera définitivement établi.

Nous le retiendrions dès cette année pour un examen immédiat si les propositions que nous vous avons faites plus haut n'avaient pas votre essentiment.

L'amendement de M. de Kéridec proposant des différences dans l'application du droit en raison des chlorures de sodium que les sels renferment, doit être ajourné jusqu'au moment où on reprendra l'examen de cet impôt.

3 Décimes. Nous avons déjà examiné, dans Je cours de l'étude de l'impôt sur les revenus, la T. XI

ANNEXES.

question du décime sur les contributions foncières.

Plusieurs de nos collègues qui, sans être hostiles à l'impôt sur les revenus, craignent que l'Assemblée ne l'adopte pas dans son ensemble, et ne voudraient pas admettre son application partielle parce qu'elle est inégale, proposent dans l'esprit d'un amendement présenté l'an dernier par l'honorable M. Gaslonde, de lui substituer une augmentation des contributions existantes, et se rattacheraient volontiers à un projet qui comblerait de la manière suivantes les lacunes du budget.

Deux décimes sur l'impôt foncier, deux décimes sur l'impôt mobilier, trois décimes pour les portes et fenêtres, deux décimes sur les paten71 millions.

tes.

En y ajoutant l'impôt proposé sur les valeurs mobilières......

Ensemble. ...

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Ils trouveraient avec ces 86 millions à équilibrer d'une manière effective un exercice comme 1872 sans l'emploi d'aucune ressource extraordinaire.

Si ce chiffre paraissait insuffisant dans l'examen du budget de 1873, ils trouveraient dans l'impôt sur le sel un complément de 15 à 30 millions en prenant soit un demi-décime, soit un décime.

Ils accueilleraient aussi les 7 millions de petits impôts proposés plus haut, et se rattacheraient aussi volontiers à toutes mesures destinées à la répression de l'abus de la fraude sur les alcools.

Si ces compléments donnaient pour le sel....

Pour les petits impôts, transports, journaux, voitures, dynamites..

Pour les alcools, par une répression plus efficace de la fraude, soit en frappant les bouilleurs de cru, soit autrement..

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30.000.000

7.000.000

30.000.000

67.000.000 86.000.000

153.000.000

suffisant à fournir ce que le Gouvernement nous a déclaré être nécessaire pour parer à nos charges, c'est-à-dire un total de 650 millions d'impôts puisque nous en avons déjà voté précédemment 500 millions.

D'après ces honorables membres, ce qu'il faut éviter, c'est d'innover inutilement. « Le moment, disent-ils, n'est pas aux expériences, mais aux perceptions certaines. » Celles qu'ils énumèrent ont ce caractère d'une perception facile, ils peuvent être mis en exécution aussitôt après le vote, sans tâtonnements.

Votre commission n'a pu méconnaître la simplicité et le caractère pratique de ce système. Si elle ne lui a pas donné la préférence, c'est que les impôts existants lui ont paru avoir, vis-à-vis d'une partie des contribuables, atteint la limite qu'on ne peut dépasser sans soulever souvent de très-vives réclamations. Le gouvernement nous a fait connaitre que son opinion, basée sur les renseignements qu'il a reçus de toute la France, n'était pas favorable à l'augmentation générale actuelle des quatre contributions. Cependant de bons esprits persistent à préférer ce système à tous les autres; c'était un devoir pour nous de l'exposer à l'Assemblée.

Si nous étions d'accord avec le Gouvernement, soit pour les matières premières, soit pour l'ensemble des revenus, soit pour le chiffre des affaires, nous regardérions comme fâcheux de vous 23

présenter ces idées différentes, et nous vous dirions qu'il vaut mieux n'en envisager qu'une, l'étudier dans tous ses détails d'accord avec M. le ministre et les directeurs du département des finances, et la présenter seule au pays qui peut être troublé par la proposition d'impôts multiples. Malheureusement nous n'en sommes pas là, le désaccord subsiste, par suite du refus du Gouvernement de ne nous faire aucune proposition autre que celle des matières premières, sur le produit de laquelle nous croyons qu'il se fait illusion, et nous tenons à vous avoir donné notre avis sur tous les systèmes proposés.

Il y a, en effet, une nécessité qui domine toutes les autres dans la crise financière difficile que nous traversons, c'est que nous devons acquitter toutes nos charges. Dans ce but, nous nous plaçons en face de la situation que nous créerait le relet par l'Assemblée des impôts que nous lui avons demandé de discuter par la priorité. La proposition de nos honorables collègues trouverait alors naturellement sa place devant vous, comme un 'autre moyen d'équilibrer les budgets, sans le secours de l'impôt sur les matières premières. 4° Impôts sur les loyers. (Proposition de M. Wolowski. Amendement de M. Aubry. - Amendement de M. le marquis d'Andelarre.)

A différentes époques, des économistes, partisans de l'impôt sur le revenu, mais désireux d'éviter les inconvénients de la déclaration, ont proposé d'en chercher la base dans le loyer payé par le contribuable. C'est, ont-ils dit, un des signes les plus habituels de la fortune. Une famille riche se donne le plus souvent, dans l'étendue et dans le luxe de son appartement, une satisfaction que se refuse nécessairement une famille pauvre. Cette présomption de revenus se prête à des constatations faciles, et peut mieux qu'aucune autre peut-être donner un système pratique de perception. Une proposition de M. Wolowshi, et deux amendements, l'un de M. Aubry, l'autre de M. le marquis d'Andelarre, vous proposent des solutions diverses se rattachant au même système.

Votre commission du budget reconnait, comme les auteurs des amendements, qu'il peut y avoir là une idée féconde, d'autant plus facile à appliquer que la valeur locative est déjà la base d'une de nos contributions directes. Elle fait remarquer cependant que cet élément d'évaluations de revenus n'est pas exempt d'erreurs. On se loge, en effet, bien souvent d'après l'importance de sa famille ou de son commerce, et non pas seulement suivant son revenu. Le célibataire riche ne paye parfois qu'un faible loyer qui ne pourrait suffire à une famille bien moins aisée que lui, mais nombreuse. M. Aubry a proposé de remédier à cette inégalité par une classification basée sur le nombre des membres de la famille; cette classification est difficile à établir et ne répond qu'imparfaitement aux objections.

D'un autre côté, la valeur locative est déjà, à Paris, la base d'une taxation très-lourde, à laquelle il serait difficile d'ajouter un supplément sans dépasser la limite de ce que l'impôt peut porter.

Dans certains départements, au contraire, des revenus considérables se trouveraient peu frappés parce que la valeur des loyers y est faible. Puis, comment estimer la valeur exacte du loyer de ces propriétaires ruraux habitant leur maison de campagne ou leur domaine? N'y a-t-il pas à craindre que les contrôleurs des contributions directes, privés de tout élément de comparaison, ne leur imposent des taxes très-arbitraires? La constatation de ces valeurs a bien lieu maintenant, mais ne sert de base qu'à un impôt relativement faible qui n'est qu'un impôt de réparti

tion.

Si elle devenait le principal élément d'appréciation du revenu, on se récrierait bien vite, et les contestations seraient d'autant plus difficiles à juger que dans bien des cas on peut aussi bien

soutenir qu'un loyer à la campagne vaut 500 fr. ou 1,000 fr., sans que personne puisse se prononcer avec certitude en faveur de l'un ou de l'autre chiffre.

Si nous entrons dans ces détails sur l'impôt sur le loyer, c'est que nous le regardons comme une des propositions les plus sérieuses qui nous aient été faites.

Votre commission lui préfère toutefois l'impôt sur les revenus, et, si elle s'était décidée, comme elle y a été longtemps disposée, à un impôt d'ensemble, frappant tous les contribuables, elle aurait préféré la forme proposée par la commission de 1871, d'après le rapport de M. Casimir

Perier.

Quoiqu'elle n'en ait adopté qu'une partie, elle a été dans l'impossibilité d'accueillir une autre taxe qui, s'appliquant à tous les revenus, ferait un double emploi pour un grand nombre de personnes que les propositions de la commission atteignent déjà, c'est-à-dire les porteurs de valeurs mobilières, de créances hypothécaires, et tous les négociants et industriels frappés par l'impôt sur le chiffre des affaires.

Si l'Assemblée repoussait les propositions que nous lui avons faites à cet égard, elle pourrait retrouver dans la proposition de M. Wolowski, dans l'amendement de M. Aubry, et dans celui de M. le marquis d'Andelarre, un moyen digne d'intérêt pour frapper les revenus d'une manière moins exacte, il est vrai, que par l'impôt sur les revenus, mais en évitant le danger des déclarations.

Au même ordre d'idées appartiennent deux amendements, l'un de M. de Tillancourt, l'autre de M. le général Robert, qui ne frappent que les propriétés habitées par ceux auxquels elles appartiennent, et n'étant pas soumises à la foi d'enregistrement des baux. Votre commission n'a pas cru qu'elle dût frapper cet usage si naturel et si légitime de la propriété et ne vous propose pas de prendre en considération les amendements de M. de Tillancourt et de M. le général Robert.

5 Impôt sur le timbre des marques de fabrique. Nos honorables collègues, MM. Labélonye, Bozerian, Paul Morin, Roger Marvaise et, Hèvre, proposent d'autoriser l'Etat à apposer un timbre spécial sur les marques commerciales et de fabrique, de manière à rendre plus difficile la contrefaçon à l'étranger et à la poursuivre plus efficacement quand elle se produit. L'Etat percevrait un droit pour l'apposition de ce timbre.

Cette proposition, appuyée sur la demande de nombreux commerçants et industriels français, nous a paru présenter de réels avantages et n'avoir aucun inconvénient; car, le timbre étant facultatif, tous ceux qui trouveraient onéreux le droit qui l'accompagne sont libres de s'en passer. Nous croyons donc devoir préparer un projet de loi sur ce sujet.

Si le Gouvernement s'associe comme nous le pensons, à l'esprit qui a inspiré cette proposition, il pourra y trouver, croyons-nous, une ressource qu'il ne faut pas dédaigner, et il rendra un service demandé par un grand nombre de négociants sans s'exposer aux reproches que le plus souvent les taxes nouvelles soulèvent, puisqu'il s'agit d'un impôt tout facultatif.

6 Impôt sur le timbre des livres de commerce.(Proposition de M. Prax-Paris.)

Notre honorable collègue M. Prax-Paris a développé, devant la commission du budget, une proposition ayant pour but de remettre en vigueur les dispositions de la loi du 13 brumaire an VII sur les timbres des livres de commerce.

M. Prax-Paris rappelle lui-même que cette obligation a été supprimée en 1837 et remplacée par une augmentation de 3 centimes sur les pa

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merce, et nous en aurions examiné la possibilité, si nous ne venions pas de présenter en mars dernier à l'Assemblée qui l'a accueillie une nouvelle loi sur les patentes, augmentant les charges des patentes d'envron 7 millions, et si nous ne proposions pas en ce moment même un impôt considérable sur les ventes des commerçants et industriels.

M. Prax-Paris sera, nous l'espérons, d'accord avec nous pour ne pas insister sur l'adoption actuelle de sa proposition, qui serait une charge de plus pour le commerce." Il y aurait lieu de la soumettre à un nouvel examen sans de beaucoup grandes chances de succès, si l'impôt sur le chiffre des affaires et celui sur les matières premières étaient repoussés.

La proposition' de M. Prax-Paris serait alors une des variantes qui devraient attirer l'attention du Gouvernement et de la commission du budget. Le gouvernement nous a déjà indiqué de sérieuses objections contre ce projet et nous a fait connaitre en même temps qu'il croyait que M. PraxParis s'exagérait le rendement de cet impôt.

Il nous a paru inutile d'entrer dans une discussion approfondie des arguments présentés en sens contraire, puisque nous vous demandions par les motifs indiqués plus haut, d'ajourner l'examen de cette proposition.

7 Augmentation de l'impôt sur le timbre des effets de commerce et le timbre des reçus et quittances. (Amendement de M. Ducarre.) Nous faisons à l'Assemblée la même demande d'ajournement au sujet de la proposition de l'honorable M. Ducarre, consistant à augmenter le timbre des effets de commerce, et à rendre le timbre des reçus et quittances proportionnel. C'est encore une des variantes de l'impôt sur le commerce pourvant être reprises au cas du rejet du système auquel la commission a donné la préfé

rence.

L'augmentation du timbre des effets de com merce a l'avantage de la simplicité de la perception. Il a l'inconvénient de l'inégalité. Quand le débiteur paye en prenant une traite dans son portefeuille et l'endossant à l'ordre de son créancier, il ne paie aucune taxe. Il paie au contraire une taxe de 2 p. 1,000, suivant la proposition de M. Ducarre, quand il crée la traite ou le billet.

D'un autre côté, l'aggravation du droit de timbre augmenterait la tentation de payer uniquement en chèques. On échappe ainsi complètement au timbre.

Enfin, toutes les opérations soldées en espèces ou en comptes courants échappent à la taxe, qui par suite ne rapporte qu'une somme insuflisante comparée à la charge qu'elle fait peser sur certains négociants.

L'augmentation du timbre sur les reçus et quittances a l'inconvénient d'interrompre l'application de l'impôt de 10 centimes qui entrait d'une manière générale dans les habitudes du commerce. Le danger, pour cet impôt des reçus, c'est qu'on cherche à s'y soustraire sans que la sanction soit facile à trouver ou à appliquer. La tentative de fraude augmenterait avec le timbre proportionnel, et l'administration de l'enregistrement ne conseille pas d'en faire l'expérience immédiatement.

Comme d'ailleurs l'impôt sur le chiffre des affaires frappe le même genre de négociations, la commission du budget croit devoir ajourner l'examen de l'amendement de M. Ducarre, sans en méconnaître d'ailleurs le caractère pratique. 8° Impôt sur les produits fabriqués. L'impôt sur les produits fabriqués a été indiqué par l'honorable M. Leurent, dans la commission de 1871, et par l'honorable M. Clapier, dans un discours prononcé devant l'Assemblée comme un des meilleurs moyens de frapper plusieurs consommations, telles que celles du vêtement, en France, sans gêner l'exportation.

N'ayant pas reçu d'amendement formulé sur

cette proposition, nous nous bornons à le rappeler comme une des idées les plus sérieuses qui aient été développées, et nous en recommandons l'examen pour le cas où le rejet des propositions de la commission de 1871, de celle de 1872 et du Gouvernement laisserait un vide dans nos finances.

Sans entrer dans de longs détails, nous nous bornons à rappeler que cet impôt a rendu de grands services aux Etat-Unis, et qu'il repose sur une donnée parfaitement juste dont il faut étudier seulement l'application.

9° Impôts sur les billets de spectacle et les entrées dans les bals publics. (Amendement de MM. Méplain, L'Ebraly et 36 de leurs collègues). L'idée de faire contribuer le plaisir au payement des taxes que nos malheurs ont rendues nécessaires est une idée juste, et nous ne nous étonnons pas de nombreuses signatures qui se sont associées à celles de MM. Méplain et L'Ebraly pour nous proposer la perception d'un décime sur les billets d'entrée dans les théâtres et bals publics.

Mais la ressource à laquelle ils proposent de s'adresser est déjà atteinte par le droit des pauvres, et les nombreuses discussions qui ont eu lieu à propos de la perception de ce droit montrent qu'il ne serait pas facile de l'augmenter sans dépasser la limite de ce que l'impôt peut rendre. C'est en effet sur les recettes brutes que s'applique le droit des pauvres et qu'on propose de percevoir un nouveau décime. Mais les charges des théâtres sont si considérables que le produit net, qui seul doit être atteint, est souvent bien faible. C'est pour cela que vous avez jugé nécessaire de donner des subventions aux théatres qui perpétuent les grandes traditions de l'art en France. Leur imposer une contribution nouvelle d'un dixième sur leurs recettes, c'est diminuer leur subvention, ce que vous n'avez pas voulu faire après avoir entendu la défense si éloquento qu'en à faite M. Beulé.

Quant aux théâtres que vous ne subventionnez pas, et qui ont aussi des charges énormes, à cause du prix auquel s'est élevée dans l'univers entier la rémunération des artistes, nous devons au moins les laisser vivre; car ils contribuent pour leur part à la prospérité des villes dans les quelles ils sont placés. S'ils prennent ce nouveau décime sur leurs recettes, ce sera pour beaucoup d'entre eux une cause de ruine. S'ils essaient d'augmenter le prix des places, ils succomberont sur un autre danger, celui de l'éloignement de leur clientèle, et cet éloignement aura comme conséquence de priver toutes les personnes de fortune médiocre de la distraction du théâtre qui est depuis longtemps entrée dans les mœurs françaises.

Nous ne croyons donc pas qu'il y ait lieu d'accueillir l'amendement de MM. Méplain, L'Ebraly et leurs collègues, quelque juste et honorable que soit le sentiment qui l'ait dicté.

10° Impôt sur les capsules, amorces ou cartouches. (Amendement de M. Monnot-Arbilleur.) Notre honorable collègue, M. Monnot-Arbilleur, vous propose de frapper d'un impôt les capsules ou amorces, douilles ou cartouches fabriquées en France ou à l'étranger, en en exemptant seulement celles qui sont exportées.

Cet impôt nous a paru pouvoir être examiné comme une variante à l'augmentation des permis de chasse qui a été votée par l'Assemblée.

Si on venait à reconnaître, comme le croient beaucoup de personnes, que l'augmentation des permis de chasse a diminué notablement le nombre des permis sans diminuer celui des chasseurs, la taxe sur les capsules, amorces et cartouches pourrait être examinée comme une autre forme d'impôt sur la chasse.

Il y aurait lieu alors d'examiner la question de plus près, et d'entendre les représentants de l'industrie et du commerce des amorces et cartou

ches qui nous ont fait parvenir une note contraire à l'impôt proposé; mais il nous a paru utile, avant d'entreprendre cette étude, d'attendre que l'effet de la dernière loi sur les permis de chasse ait pu être mieux étudié et mieux connu. 11 Impôt sur les pianos. MM. Feray et consorts.)

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(Amendement de

Un amendement de MM. Feray et consorts, antérieur à celui relatif au chiffre des affaires, vous avait proposé un impôt sur les pianos.

Votre commission l'a étudié et n'était pas éloignée de vous le proposer sur la base de 10 fr. par piano, en en exemptant seulement les personnes se livrant à l'enseignement ou s'y préparant. On évalue à 11,500,000 fr. le rendement probable de cet impôt.

Le Gouvernement nous a fait connaître que, dans son opinion, il fallait éviter à l'avenir la multiplication de ces petits impôts qui rapportent peu, obligent les agents de la perception à faire des recherches dans les maisons particulières, et par suite donnent beaucoup d'ennuis pour de faibles avantages.

Sans adopter entièrement ce système, votre commission du budget a cru devoir,.en présence de l'opposition du Gouvernement, ajourner l'examen de cet amendement.

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Nous résumons, avant de terminer, ce travail, l'ensemble de la situation telle que nous la comprenons.

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Vous avez voté le budget de 1872 en recettes et en dépenses. Vous pouvez être sans inquiétude sur son fonctionnement, sauf quelques différences probables ou quelques retards` dans la perception des nouveaux impots.

Vous pouvez aborder, quand le Gouvernement vous le demandera, l'étude de l'impôt sur les matières premières. L'excellent travail de la commission des tarifs et le rapport de M. Cordier vous ont préparé la voie et ont diminuê les incon vénients des taxes proposées. Des objections graves subsistent cependant contre le système, et la perception ne peut en être faite qu'après des négociations diplomatiques difficiles.

Il est à craindre que pendant plusieurs années les perceptions ne soient frappées d'un caractère d'incertitude qui répond mal aux exigences de notre situation financière. Cette préoccupation a été unanime dans notre commission.

En regard de cet impôt, nous vous présentons de nouvelles études sur l'impôt sur les revenus. Le rapport de M. Casimir Perier subsistant au nom de la commission de 1871, et le projet étant repris d'ailleurs comme amendement par l'honorable M. Guichard, vous aurez à le discuter. Le rapport vous indique les divergences qui nous ont séparés sur plusieurs de ses articles et qui nous ont empêchés d'être en majorité pour le voter dans son ensemble. Une partie de la commission insiste toutefois pour en recommander l'adoption, par préférence à tous autres impôts.

Ne pouvant préciser encore avant l'examen du budget de 1873, le total de nos charges, nous ne nous croyons pas appelés à fournir des chiffres définitifs qui donnent la solution dernière du problème financier et qui permettent de dire: «Nos impôts sont complets; il n'y aura plus rien à ajouter.» Nous croyons avoir accompli notre mandat, quand après avoir équilibré l'exercice 1872, nous vous avons indiqué la possibilité de remplacer par des ressources durables les ressources extraordinaires que cet exercice a utilisées.

Dans cet esprit nous sommes tout prêts à discuter devant vous les impôts suivants, détachés de l'impôt général sur les revenus, au cas où vous n'auriez pas adopté celui-ci dans son ensemble. Impôt sur les valeurs mobilières. Impôt sur les créances hypothécaires. Impôt sur le commerce et sur l'industrie. Ces trois impôts peuvent fournir l'équivalent des matières premières. En y ajoutant l'impôt sur

la dynamite, la révision de celui sur les chevaux et voitures, et la recette provenant du transport des journaux par la posté, soit ensemble 7 millions, on a une centaine de millions, et on peut porter ainsi les impôts votés par l'Assemblée à 600 millions.

L'Assemblée décidera s'il vaut mieux aborder immédiatement cette discussion ou s'il ne serait pas plus sage de réunir cette discussion à celle du budget de 1873, pour avoir une opinion d'ensemble sur les charges et les ressources du pays.

Ön connaîtrait plus exactement alors le rendement des impôts librement votés, et on pourrait espérer qu'à la suite de décisions prises en connaissance de cause, il n'y aurait plus ultérieurede nouveaux sacrifices à demander au pays. Que l'Assemblée demande la discussion immédiate ou préfère l'ajourner, nous sommes à sa disposition.

Subsidiairement aux impôts qui viennent d'être

énumérés:

1° Nous recommandons au Gouvernement l'étude sérieuse de la question des alcools.

2° Nous rappelons la ressource que peut fournir une augmentation de l'impôt sur le sel.

3. Nous vous soumettons la variante proposée consistant à trouver dans l'augmentation des impôts existants et dans l'impôt des valeurs mobifières les 86 millions qui auraient été nécessaires au budget de 1872, avec possibilité d'atteindre 153 millions en y ajoutant le sel, avec un accroissement de recettes sur les alcools, et les petits impôts proposés.

4 Nous vous rendons compte des différentes idées qui se trouvent développées dans les nombreux amendements que vous nous avez envoyés. Nous avons apporté à l'examen de chacun d'eux l'attention que méritent toues les idées proposées pour l'équilibre de nos finances.

Nous avons seulement laissé en dehors de notre travail quelques propositions d'ensemble comme celle de M. Carayon-Latour. celle de M. Amat et plusieurs autres faites en vue de la prompte libération du territoire. La commission spéciale nommée pour leur examen reste chargée de vous en rendre compte.

En terminant cette tâche laborieuse, nous croyons pouvoir dire à l'Assemblée que nous n'avons rien négligé pour répondre à la confiance qu'elle avait placée en nous. La mission de ceux qui sont chargés de fournir les derniers impôts, après qu'on a puisé déjà largement aux différentes sources de recettes, est une mission pénible. Nous aurions voulu nous mettre d'accord sur tous les points avec le Gouvernement, nous n'y avons pas réussi. Mais vous avez, dans ses propositions et dans les nôtres, le moyen de solder tous les déficits et de répondre à tous les besoins. Nous vous conseillons, pour atteindre le but, d'adopter un ordre de priorité, de commencer par l'impôt sur les revenus, tel que le proposait la commission de 1871, de passer en revue nos propositions et les divers amendements proposés et de finir par l'étude des conclusions de la commission des tarifs.

Qu'il nous soit permis de dire aussi au pays, en achevant ce rapport : « Notre principale préoccupation dans ces longues études a été d'éviter pour notre commerce et notre industrie les charges pouvant résulter des matières premières. Que nous ayons ou non réussi, soyez sans inquiétude, la France, si elle est sage dans sa politique, prudente et économe dans l'administration de ses finances, sera en mesure d'acquitter les charges que ses malheurs ont fait peser sur elle. Elle doit seulement les avoir sans cesse présentes à la mémoire pour accepter toutes les réformes nécessaires, repousser avec énergie les dépenses inutiles et supporter patriotiquement les sacrifices qui lui seront demandés; à cette condition, elle aura assez de force et dé vitalité pour re

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