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tionnel que je vous propose; mais des considérations d'un autre ordre ne feront qu'ajouter encore à la conviction que cette réforme doit être accomplie dans un avenir prochain.

En effet sous le régime actuel que se passe-t-il? Les prestataires doivent au jour désigné se rendre, seuls ou accompagnés de leurs charrettes et de leurs animaux, à des distances qui varient suivant l'étendue des communes et peuvent atteindre de quinze à vingt kilomètres.

Sans doute, l'équité, le bon sens commandent aux agents chargés de ce service de choisir pour chaque chantier les travailleurs les plus voisins; cependant qui pourrait assurer que souvent le bon plaisir, les sympathies personnelles, des trafics cachés n'aient fait réserver pour le poste le plus avantageux certains prestataires favorisés, alors que d'autres moins agréables étaient envoyés sans égard pour leurs plaintes et quelquefois par esprit de vindicte aux extrémités de la commune. Certes nos maires, nos agents-voyers et nos administrateurs en général ont renoncé aux errements du passé; tous ont horreur de l'arbitraire et ne recherchent que le bien public; toutefois pour les prémunir de tout péril, de toute condescendance coupable, il est prudent de placer devant eux la barrière de la loi.

A ceux qui prétendraient que les préfets sont chargés de régler ce détail, je répondrai que là est précisément le mal et que la sauvegarde du droit vaut mieux que la sollicitude administrative. souvent inspirée par l'intérêt gouvernemental ou par l'ambition personnelle, auxquels les contribuables ne veulent en aucun cas être sacrifiés.

N'avons-nous pas vu la candidature officielle naître, se développer, gran lir colossalement, puis se masquer avec habileté alors que le devoir des agents qui se faisaient ses auxiliaires était d'en proscrire jusqu'à l'ombre en se renfermant dans leurs strictes attributions.

Je ne rappellerai ni les chefs fameux de cette lutte liberticide, ni l'armée qui manoeuvrait sous leurs ordres, je ne m'arrêterai pas à la pression d'en haut; mais je ne puis m'empêcher, à propos de la pression d'en bas, d'évoquer devant vous ce garde champêtre qui résumait en lui toute une légende, ce garde champêtre autoritaire qui savait établir, le cas échéant, des distinctions judicieuses entre les poules des amis du gouvernement et celles des opposants.

Voulez-vous qu'il en soit ainsi dans le choix des prestataires? Voulez-vous qu'il soit possible d'établir parmi eux de ces catégories de privilėgiés et de corvéables à merci?

Non, messieurs, votre conscience repousse jusqu'à l'idée de pareils abus, et vous en rendrez désormais le retour impossible.

C'est avec ce ferme espoir que je vous prie, messieurs, d'arracher nos populations agricoles et ouvrières aux éventualités d'un arbitraire qui résulte de la lacune existant à cet égard dans la loi du 21 mai 1836 et de leur rendre la prestation en nature, dont nous sommes contraints de réserver la suppression à des temps meilleurs, à la fois moins onéreuse et plus productive, en établissant un maximum de déplacement qui permettra à chaque contribuable d'appliquer son travail au chemin dont il profite et fera cesser les inégalités introduites dans la répartition de cet impôt. Ci-joint l'article de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre.

Article unique. Sauf en temps de guerre et lorsque la défense du pays l'exigera, la distance à parcourir par les prestataires, se rendant de leurs habitations respectives aux chantiers de travail, accompagnés ou non de leurs charrettes et de leurs animaux, ne pourra excéder 4 kilomètres. (Le présent article sera intercalé entre les articles 4 et 15 de la loi du 21 mai 1836.

Annexe no 1199.

PROPOSITION DE LOI ayant pour objet l'affranchissement de la navigation intérieure sur les canaux de Nantes à Brest et du Blavet, présentée par M. Hervé de Saisy, membre de l'Assemblée nationale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Messieurs, considérant que les canaux de Nantes à Brest et du Blavet, dont la création a coûté plus de 100 millions au pays, sont encore à sa charge pour un chiffre annuel de 400,000 fr., tandis que la perception des droits de navigation intérieure n'y produit qu'un revenu moyen de 15,000 fr., dont la valeur minime ne peut être mise en parallèle de l'énormité de la dépense primitive, ni lui être assignée comme résultat ;

Considérant que ces canaux, qui devraient être les artères vitales de la zone interieure qu'ils traversent, ne sont actuellement fréquentés que par une centaine de bateaux provenant en presque totalité des ports de Nantes, Redon, Pontivy, Chateaulin et Port-Launay, et que dans cet état regrettable, ils sont plutôt une œuvre d'art construite à grands frais et un foyer d'administration pour les ponts et chaussées, qu'une question d'économie régionale;

Considérant que ces canaux n'ont jamais été achevés, qu'ils n'ont pas partout la profondeur réglementaire et que le commerce ne peut risquer une batellerie organisée et d'un tonnage devenu illusoire sur des voies qui présentent un rapport vicieux entre les dimensions de longueur et de largeur des bassins d'écluse et une profondeur qui n'est restée vraie qu'au devis; que, dans de telles conditions, les droits de navigation intérieure spécialisés sur ces canaux ne peuvent s'appliquer avec fruit et équité ;

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Considérant que les canaux de Nantes à Brest et du Blavet sont surtout destinés à rendre un inappréciable service à la région centrale de Bretagne en y apportant, des fours à chaux de Nantes et de la rade de Brest, les amendements calcaires qui lui manquent absolument et peuvent seuls procurer la fertilité d'une superficie riveraine d'un million d'hectares totalement privée de cet élément essentiel; que loin d'arrêter à chaque bureau de perception la navigation en détresse de ces canaux, il faut l'exonérer des droits qui la grèvent et l'affranchir de ses entraves, sinon d'une manière définitive, ce qui serait désirable, au moins jusqu'à ce que l'achèvement du canal de Bretagne lui ait donné en outre de la profondeur réglementaire, les cales, les débarcadères et les chemins de circulation dont il est actuellement dépourvu;

Considérant de plus que la question posée devant vous se réduit à ce dilemme : ou maintenir des droits de navigation intérieure sur les canaux précités et étouffer lentement et à plaisir le faible mouvement commercial qui s'y est développé, en vue d'enrichir le Trésor d'un revenu dérisoire de 15,000 fr. produit par la dépense d'un capital de plus de 100 millions;

Ou supprimer des droits aussi stériles et concéder sans restrictions ces grandes voies d'un parcours total de 440 kilomètres à l'agriculture et au commerce de cette partie délaissée du territoire français, comme une prime d'encouragement aux importations de calcaire destinées à en assurer la prospérité,

Considérant en dernier lieu que la perte légère qui résulterait de cette suppression sera facilement couverte par l'une des nombreuses économies que la nation ne peut attendre plus longtemps de vos décisions, sans douter du patriotisme de son gouvernement et de l'énergie de ses mandataires.

Pour ces motifs, j'ai l'honneur de soumettre à l'Assemblée la proposition de loi suivante :

Article unique. La navigation intérieure sur les canaux de Nantes à Brest et du Blavet est affranchie de tous droits.

Annexe n° 1200.

RAPPORT fait au nom de la commission (*) chargée d'examiner la proposition de loi de MM. Destremx, Seignobos, le comte Rampon, le duc d'Harcourt, tendant à abroger le décret du 28 octobre 1870 et à modifier les récompenses nationales; 2 la proposition de M. Huon de Penanster, ayant pour objet l'abrogation du décret du 28 octobre 1870 sur l'ordre de la Légion d'honneur, par M. le général Mazure, membre de l'Assemblée nationale.

Messieurs, des deux propositions relatives à l'ordre de la Légion d'honneur, qui ont été soumises à l'examen de la commission dont j'ai l'honneur de vous présenter le rapport, l'une, émanée de notre honorable collègue, M. Huon de Penanster, a pour unique objet l'abrogation du décret du gouvernement de la Défense nationale, en date du 28 octobre 1870, qui affectait exclusivement à la récompense des services militaires la décoration de la Légion d'honneur.

La seconde proposition, due à l'initiative de plusieurs de nos honorables collègues, MM. Destremx, Seignobos, le comte Rampon et le duc d'Harcourt, contient, en outre de l'abrogation du décret du 28 octobre 1870, diverses dispositions destinées à réglementer les nominations et promotions dans la Légion d'honneur, de manière à prévenir les abus et les profusions non justifiées, que l'on a eu à reprocher aux divers gouvernements qui se sont succédé depuis institution de la Légion d'honneur.

Entre autres moyens de s'opposer aux abus et profusions dont il s'agit, les auteurs du projet de foi proposent la création pour chaque branche de services publics, de distinctions honorifiques d'un ordre secondaire, analo ues à la médaille militaire pour les armées de terre et de mer, ct aux palmes universitaires, pour l'instruction publique.

Enfin, d'après une dernière disposition, aucun représentant ne pourrait, pendant la durée de son mandat, recevoir de nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur.

Votre commission s'est d'abord occupée de la question du maintien ou de l'abrogation du décret du 28 octobre 1870, et s'est prononcée sans hésitation, et à une grande majorité, pour son abrogation. Elle a tenu à conserver l'un des principes essentiels d'une institution qui est entrée profondément dans nos mœurs, à savoir une no ble solidarité entre tous les services du pays, à quelque ordre qu'ils appartinssent, entre tous les mérites, de quelque manière qu'ils pussent se manifester.

Lors de la présentation au Corps législatif, le 25 floréal an X (15 mai 1802), du projet de loi portant création d'une Légion d'honneur, le conseiller d'Etat Roederer, chargé d'en exposer les motifs, s'exprimait en ces termes : « La Légion d'honneur paye aux services civils le prix du courage qu'ils ont tous mérité; elle les confond dans la même gloire, comme la nation les confond dans sa reconnaissance. >>

Cette Commission est composée de MM. le général Mazure, president; Desjardins, secrétaire; Huon de Penanster, fe vicomte de Lorgeril, Desbons, Fouquet, le général Robert, de Féligonde, Anisson-Duperon, Lepere, le comte de Juigné, le général Pellissier, La Caze, de Belcastel, le général Grillemaut.

Toutefois, messieurs, en vous proposant d'abroger le décret du 28 octobre 1870, nous ne saurions oublier qu'à cette époque la nation tout entière était appelée aux armes pour repousser l'invasion formidable sous laquelle elle a succombé. Tout Français devait devenir soldat et il était bon de proclamer et de dire bien haut qu'à cette heure, en dehors de l'armée régulière et auxiliaire, il ne pouvait plue être décerné de distinction honorifique. C'était faire appel au dévouement de tous. au point de vue unique et exclusif de la défense du territoire.

Le décret du 28 octobre 1870 était, en quelque sorte, un corollaire nécessaire de la loi du 29 août relative aux forces militaires de la France pendant la guerre. En effet, les articles 2 et 5 de cette loi, en assimilant aux militaires non-seulement les gardes nationaux mobiles et sédentaire, mais tout citoyen qui en revêtirait l'uniforme pour courir à la défense de la patrie, leur assuraient les mêmes avantages et les mêmes distinctions.

Aujourd'hui, le décret du 28 octobre 1870 n'a plus sa raison d'être, mais il n'est pas abrogé, et, comme le dit avec une haute raison l'un de nos honorables collègues, dans le rapport remarquable de la commission que vous aviez chargée de la révision de tous les décrets du Gouvernement de la défense nationale: « Nous sommes en face d'un décret législatif qui, en droit, a conservé toute sa vigueur et, en fait, a perdu son autorité, situation fâcheuse et anormale, laquelle il importe de mettre fin dans un intérêt de premier ordre, le respect de la loi. » (1)

C'est pour cela que nous vous en proposons l'abrogation; mais ce n'est pas tout et l'on pour rait craindre que les nominations et promotions dans la Légion d'honneur, qui ont eu heu et qui se font encore tous les jours contrairement à ses prescriptions, ne fussent entachées de nullité. Quelques membres de la commission, se faisant les organes des bureaux qu'ils représentaient, avaient même fait une proposition formelle à cet égard et demandaient que ces nominations et promotions fussent considérées comme nulles et non avenues. Nous avons dû en délibérer, mais la majorité de votre commission, tout en s'associant, je dois le dire, dans une certaine mesure, au sentiment qui inspirait cette réclamation, n'a pas cru devoir aller jusque-là. Ses motifs ne sauraient vous échapper, sans qu'il soit même besoin de les indiquer. Elle a jugé toutefois nécessaire de donner à ces nominations et promotions, par un article de loi spécial, le caractère de légalité qui leur manque.

Comme nous vous l'avons dit, messieurs, dans leur proposition de loi, MM. Destremx, Seignobos et autres de nos collègues se préoccupent des moyens de rendre à la Légion d'honneur tout le prestige qui l'entourait, dans les premiers temps de son institution, en accompagnant de sérieuses garanties la collation de cette haute distinction.

Nous avons partagé ces légitimes préoccupations, mais il ne nous a pas paru que le contrôle pût être donné à une commission prise dans le sein de cette Assemblée. Une telle immixtion dans les attributions du Pouvoir exécutif serait contraire à tous les principes qui commandent la division des pouvoirs. Il est d'ailleurs douteux qu'un pareil contrôle pût conserver longtemps, si même il l'avait à l'origine, l'efficacité desirable et nécessaire pour assurer la juste distribution des distinctions honorifiques. Ces considérations, et bien d'autres encore qu'il ne parait pas utile de développer, nous ont conduits à repousser la pensée contenue dans les articles 2 et 3 de la proposition de nos honorables collègues. Mais nous aurons à vous proposer un ensemble de mesures sur l'efficacité desquelles nous croyons pouvoir compter. Avant de vous les exposer, nous

(1) Rapport de M. Taillefert, déposé le 24 février 1872, n° 928.

devons terminer l'examen des derniers articles de la proposition qui nous occupe.

L'article 4 a pour objet de créer de nouvelles distinctions honorifiques d'un ordre secondaire, il est vrai, pour les fonctionnaires des divers services de l'Etat, comme il en existe pour la guerre et pour l'instruction publique. Dans la pensée de leurs auteurs, le but de cette création est sans doute de restreindre le nombre des décorations de la Légion d'honneur accordées aux fonctionnaires civils, comme ils peuvent supposer que cela a lieu dans l'armée au moyen de la médaille militaire, et dans l'instruction publique par les insignes universitaires. Il est assez difficile de vérifier ou de contrôler une semblable hypothèse en ce qui concerne l'instruction publique, mais on peut affirmer qu'il n'en est rien dans l'ordre militaire. Le but de l'institution de la médaille militaire a été de récompenser des sous-officiers. et des soldats, auxquels la durée ordinaire de leurs services ne pouvait que rarement permettre d'aspirer à la décoration de la Légion d'honneur, laquelle, à moins de blessures ou d'actions d'éclat, ne peut être conférée qu'après vingt ans. En tout temps, le nombre des sous-officiers et soldats décorés de la Légion d'honneur a donc été et restera nécessairement fort restreint.

Quoi qu'il en soit, ces exemples n'ont pas paru à votre commission motiver suffisamment la création de nouvelles distinctions honorifiques. Elle aurait été plutôt portée à les restreindre, si elle n'avait pensé qu'il pourra t y avoir plus d'inconvénients que d'avantages à en agir ainsi. Les distinctions universitaires n'ont point donné lieu à des abus qui aient été signalés. Quant à la médaille militaire, de laquelle on peut dire, comme de la Légion d'honneur, qu'elle a aussi été trop prodiguée, il y aura lieu de prescrire des dispositions pour s'y opposer à l'avenir.

L'article 5 de la proposition formule l'interdiction, pour tout représentant, d'être nommé ou promu dans la Légion d'honneur pendant la duré de son mandat. Cette disposition ayant pris place dans une proposicion de loi de l'honorable M. Princeteau, que vous avez adoptée en troisième délibération dans votre séance du 26 avril dernier, nous n'avons pas à nous y arrêter.

Nous devons maintenaut vous faire connaître les mesures que nous croyons pouvoir conduire au but qu'avaient en vue nos honorables collègues, c'est-à-dire mettre un terme aux abus qui se perpétuent depuis trop longtemps dans la distribution de la Légion d'honneur.

Un amendement, présenté par M. Desjardins, et qui vous a été distribué, a d'abord été l'objet de l'examen de la commission. Il a pour but de régler le mode de nomination et d'avancement dans la Légion d'honneur.

Les nominations et promotions seraient faites à l'avenir par un conseil suprème de l'ordre. Le dro t de présentation appartiendrait soit au gouvernement pour les services militaires, soit à des conseils départementaux pour les services civils.

Les conseils départementaux seraient élus par tous les membres civils de l'ordre domiciliés dans le département; le conseil suprême serait élu par les conseils départementaux; le grand chancelier serait élu par le conseil suprême.

Ce système, qui avait été accueilli d'abord avec faveur par un certain nombre de membres de la commission, après l'épreuve d'une discussion sérieuse, n'a point été accepté par la majorité. Elle a pensé que la création et le fonctionnement des conseils départementaux présenteraient plus de dificultés et d'inconvénients qu'ils n'oriraient de véritables garanties pour le choix des candidats. Le Gouvernement est bien mieux placé en effet pour apprécier les services rendus, et il est bien plus à abri des sollicitations et des influences locales que ne pourraient l'être ces conseils de départements.

Après avoir écarté l'amendement de M. DesANNEXES. T. XI

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jardins, la commission s'est ralliée à l'idée qu'il suffirait, sans introduire de bien grandes modifications dans les dispositions du décret organique de la Légion d'honneur, d'augmenter les attributions du conseil de l'ordre. En lui donnant un droit de contrôle absolu sur les propositions, on préviendrait le retour des abus regrettables qui se sont produits depuis tant d'années, et qui ont eu pour résultat non-seulement d'accroître dans une forte proportion le budget de la grande chancellerie, mais de diminuer le prestige de la Légion d'honneur.

Pour que le droit de contrôle attribué au conseil de l'ordre pût être efficace, il a paru de toute nécessité de rendre ce conseil indépendant du Gouvernement en le faisant procéder de l'élection. Atin que les divers intérêts y fussent eprésentés, l'élection de ses membres serait attribuée à divers corps constitués, tels que 1° la réunion des maréchaux de France aux présidents des comités d'armes, et celle des amiraux au conseil d'amirauté, pour les membres des armées de terre et de mer; 2 le conseil d'Etat, la cour de cassation et l'Institut pour les membres représentant les services civils, les sciences et les arts.

Après l'adoption de ce mode de formation du conseil de l'ordre, il y avait lieu de déterminer de quelle manière il se renouvellera t. Un de nos collègues proposait que les membres fussent inamovibles, sauf à fixer une limite d'âge, et que le renouvellement eût lieu par une élection que ferait le conseil lui-même. De cette manière on pourrait obtenir une plus grande indépendance du conseil et une véritable autonomie de la Légion d'honneur.

La majorité n'a point partagé cette manière de voir. Elle a pensé d'abord que ce serait s'écarter du principe qui avait déterminé la première composition, et que les divers intérêts que l'on avait en vue de sauvegarder_courraient le risque de ne plus être représentés. En second lieu, l'inamovibilité, même avec limite d'àge, aurait l'inconvénient de conserver quelquefois trop longtemps, dans le conseil, des membres que leur àge, des infirmités ou un affaiblissement de leurs facultés, rendraient peu capables de remplir convenab emeut leurs fonctions.

Par ces motifs, elle a cru préférable de faire nommer les membres du conseil pour 6 ans, avec renouvellement par moitié tous les 3 ans, en conservant le même mode d'élection que pour la première formation.

Le grand chancelier, choisi par le chef de l'Etat, serait président du conseil; un vice-président serait élu chaque année par le conseil; le secrétaire général, également nommé par le chef de l'Etat, aurait entrée au conseil avec voix délibérative.

Les propositions de nominations ou promotions dans la Légion d'honneur seraient adressées par les divers ministres au grand chancelier, qui les présenterait à l'approbation du chef de l'Etat, après les avoir soumises au conseil de l'ordre.

Votre commission a pensé, messieurs, que les pouvoirs donnés à un conseil ainsi constitué, offriraient les plus sérieuses garanties et seraient un puissant obstacle à des nominations souvent peu justifiées.

Après avoir exposé la partie essentielle du projet que nous vous soumetions, nous allons vous lairr connaitre successivement, et en suivant l'ordre des titres du décret constitutif de la Légion d'honneur, en date du 16 mars 1852, les diverses modifications que nous croyons devoir y apporter.

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laquelle elle a été distribuée, nous jugeons nécessaire de fixer une limite pour le nombre des chevaliers; comme il en existe une pour tous les autres grades, en établissant une proportion entre les croix décernées aux services civils et celles attribuées aux services militaires. La limite serait

de 25,000; la proportion serait des deux cinquièmes pour le civil et des trois cinquièmes pour le militaire, et cela dans tous les grades. En établissant ces proportions, nous ne faisons que revenir aux dispositions de l'article 23 de l'ordonnance royale du 26 mars 1816. Nous avons eru devoir, en outre, ramener de 80 à 70 le nombre des grand's-croix, le seul grade pour lequel la limite actuelle a rarement été dépassée et souvent même n'a pas é.é atteinte.

Le nombre des légionnaires, dans les divers grades, dépassant de beaucoup aujourd'hui les limites dont il s'agit, nous avons dû, par mesure transitoire, proposer de ne faire qu'une nomination ou promotion pour deux extinctions dans l'ordre militaire, et une seulement pour trois extinctions dans l'ordre civil, jusqu'à ce que l'on soit rentré dans le cadre. Nous n'avons fait, du reste, que nous conformer aux précédents; car, dans les divers décrets de réorganisation de l'ordre de la Légion d'honneur, une mesure semblable avait toujours été prescrite, seulement elle n'avait jamais reçu de rigoureuse application. Est-ce trop présumer que d'espérer qu'il n'en sera plus ainsi avec un conseil constitué comme nous le proposons et investi d'un droit de contrôle absolu?

Pour assurer l'exécution nécessaire de cette disposition, il suffira d'ailleurs de prescrire que les décrets fassent mention expresse et nominative des extinctions donnant lieu à chaque no. nation ou promotion.

Il est à propos ici, pour bien faire comprendre la nécessité des restrictions imposées jusqu'à ce que l'on soit rentré dans le cadre, de mettre, en regard des chiffres de ce cadre, le nombre des membres des divers grades de la Légion d'honneur existant à la date du 1er mars 1872.

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De la combinaison de ces chiffres avec ceux en excédant du cadre dans les divers grades, et en tenant compte de la condition de ne faire qu'une nomination ou promotion pour trois extinctions dans le civil et une pour deux extinctions dans le militaire, on arrive à ce résultat que l'on serait rentré dans le cadre:

En 1 an pour les grands'-croix, en 9 ans pour les grands officiers, en 13 ans 1/2 pour les commandeurs, en 34 ans 1/2 pour les officiers, en 37 ans pour les chevaliers (1).

(1) En raison du plus grand nombre d'extinctions tant dans le militaire que dans le civil, ainsi que de la plus grande proportion de décorations attribuées aux militaires, il ne faudrait que trente années environ pour que l'on fût rentré dans le cadre pour l'armée.

Assurément,messieurs, ces délais sont considėrables pour une génération, mais ils sont bien peu de chose dans l'existence d'une nation, et ce sera l'honneur des conseils de l'ordre qui se succéderont, d'avoir tenu la main avec fermeté à la rigoureuse exécution de mesures qui contribueront dès à présent à restituer son prestige à la Légion-d'honneur, et qui en assureront la conservation dans l'avenir.

TITRE II.- - Forme de la décoration et manière de la porter.

Pour ne rien préjuger sur la forme définitive du Gouvernement que choisira la souveraineté nationale, votre commission ne pouvait songer à déterminer quelle serait, dans le présent ni dans l'avenir, la forme de la décoration de la Légion d'honneur, cette forme, ou plutôt ses détails accessoires ayant changé avec celle des gouvernements qui se sont succédé depuis son institution. Nous vous proposons donc de dire seulement que cette question sera réglée ultérieurement par un décret spécial.

TITRE III.

Admission et avancement dans la Légion d'honneur.

Votre commission n'a rien changé aux conditions d'admission on d'avancement dans la Légion d'honneur, sot en temps de paix, soit en temps de guerre, es abus dont on se plaint résultant en effet un ement de ce que ces conditions n'ont pas toujours été rigoureusement exigées. Il est juste cependant de reconnaître que c'est surtout dans le civil que l'on s'en esst affranchi.

Dans nos armées de terre et de mer, il en a presque toujours été autrement. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler de quelle manière se font les nominations. Il faut d'abord être, de la part de son chef de corps, l'objet d'une proposition, qui, après avoir reçu l'attache du général de brigade, est soumise à l'inspecteur général. Toutes les propositions acceptées par les inspecteurs géneraux sont plus tard examinées, soit par la réunion des inspecteurs généraux pour les armes spéciales, soit par la réunion des maréchaux pour les autres armes. Il est alors formé pour chaque arme un tableau par ordre de préférence, ne comprenant, pour chaque grade, qu'un nombre de candidats limité d'après les instructions ministérielles; c'est sur les tableaux ainsi formés que le ministre choisit, en suivant le plus souvent l'ordre des tableaux, les candidats qu'il présente à la nomination par le chef de l'Etat.

Le contrôle que nous proposons d'attribuer au conseil de la Légion d'honneur aura pour résultat inévitable d'étendre à l'ordre civil les garanties qui existent déjà dans l'ordre militaire.

Nous aimons à croire que les ministres, loin de repousser ce contrôle, l'accepteront au contraire avec satisfaction. Ce sera pour eux un moyen de se soustraire à des sollicitations toujours importunes et à des influences souvent embarrassantes.

Quant à l'avancement aux divers grades, dont les conditions de temps avaient été singulièrement réduites par le décret de 1852, puisqu'il suffit aujourd'hui de trois ans du grade de commandeur pour pouvoir être élevé à celui de grand officier, où de deux ans seulement du grade d'officier pour arriver à celui de commandeur, nous avons pensé qu'il y avait lieu de se rapprocher, sans y revenir absolument, des conditions de temps que fixait l'ordonnance du 17 mai 1815, et de porter à quatre ans le nombre d'années passées dans le grade intérieur pour pouvoir être promu, soit au grade de commandeur, soit à celui de grand officier.

Il est, toutefois, entendu qu'en temps de guerre, et pour les actions d'éclat, les blessures graves

et les actes de dévouement, ces conditions de temps ne seraient pas rigoureusement exigées.

Nous avons pensé, en outre, que la procédure suivie en temps de paix pour les nominations ou promotions dans la Légion d'honneur pouvait être modifiée pour le temps de guerre, et qu'il fallait consacrer par un article de loi la faculté ordinairement accordée aux maréchaux ou généraux commandants en chef d'armées, ainsi qu'aux amiraux ou vice-amiraux commandants en chef d'escadres, de nommer ou d'avancer dans la Légion d'honneur jusqu'au grade d'officier inclusivement.

Ces nominations et promotions n'auraient cependant qu'un caractère provisoire et devraient être confirmées par le chef de l'Etat après avis du conseil de l'ordre.

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TITRE V.

Pensions, brevels et prérogatives. Quelques membres de la commission avaient pensé, en raison de la situation difficile de notre pays, au point de vue-financier, qu'il serait opportun de n'accorder le traitement attaché à la Légion d'honneur qu'aux officiers et soldats nommés chevaliers, et, quant aux autres membres militaires de l'ordre, nouvellement nommés ou promus, de ne letir accorder de traitement ou de supplément de traitement que lorsqu'ils seraient admis à la pension de retraite. Les auteurs de ces propositions entendaient cependant que les traitements acquis seraient respectés, et ne prétendaient statuer que pour l'avenir.

La majorité de votre commission n'a pas accepté cette proposition. Elle a considéré les inconvénients qu'il y aurait à ce que des membres de la Légion d'honneur, de même grade, fussent traités différemment. Quant à la question financière, il y est fait droit dans une certaine mesure, en ne faisant dans l'ordre militaire qu'une nomination ou promotion sur deux vacances. En effet le produit annuel moyen des extinctions est aujourd'hui de 430,000 fr. environ, dont la moitié fera retour au trésor. Lorsque l'on sera rentré dans le cadre, le montant de la somme nécessaire pour les traitements affectés aux membres mili. taires de la Légion d'honneur sera ramené du chiffre actuel de 11,163,500 fr. à 5,916,000 c'està-dire qu'il y aura réduction de 5,247,500 fr. sur le budet de la grande-chancellerie. Ces chiffres ont leur signification.

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conditions qui se rapportaient aux lois existantes sur le recrutement de l'armée et ne trouveraient plus leur complète application dans la loi nouvelle, quelle qu'elle soit, qui sortira de vos délibérations.

Jusqu'à ce jour le nombre des médaillés n'avait pas été limité. Il s'élève aujourd'hui à plus de 60,000, ce qui forme pour le Trésor une charge de plus de 6,000,000 par an. Votre commission pense qu'il y a lieu de limiter le nombre des médaillés, comme elle l'a proposé pour les chevaliers de la Légion d'hnneur, et de le fixer à 40,000, en ne faisant désormais qu'une nomination sur deux vacances jusqu'à ce que l'on soit rentré dans ce cadre.

Le nombre des extinctions annuelles étant, en moyenne, de 700 environ, chiffre qui tend à s'accroître à mesure que l'on s'éloigne de l'année de la création de la médaille militaire, il faudra de 28 à 30 ans pour rentrer dans le cadre déterminé. L'économie ne sera, en commençant, que de 35,000 fr. environ par an, mais elle atteindra, au bout du laps de temps qui vient d'être indiqué, la somme de 2 millions.

Le budget de la grande chancellerie se trouvera alors exonéré de 7,250,000 fr.

Tel est, messieurs, l'ensemble des modifications qui, en y ajoutant celles de détail dont nous avons jugé inutile de parler dans ce rapport, font l'objet du projet de loi que nous soumettons à vos délibérations.

Nous mettons ci-dessous les articles correspondants des décrets de 1852, relatifs à la Légion d'honneur et à la médaille militaire.

PROJET DE LOI

Sur la Légion d'honneur et la médaille militaire. (Décret du 16 mars 1852.)

TITRE Io.- Organisation et composition de l'ordre.

Art. 1er. La Légion d'honneur est instituée pour récompenser les services civils et militaires.

Art. 2. Le Président de la République est chef souverain et grand maître de l'ordre.

Art. 3. La Légion d'honneur est composée de chevaliers, d'officiers, de commandeurs, de grandsofficiers et de grands-croix.

Art. 4. Les membres de l'ordre sont à vie.

Art. 5. Le nombre des chevaliers n'est pas limité; néanmoins, comme ce nombre est aujourd'hui trop considérable, il ne sera fait, dans le civil, qu'une promotion sur deux vacances, jusqu'en 1856.

Le nombre des officiers est fixé à 4,000; celui des commandeurs à 1,000; celui des grands officiers à 200 et celui des grands-croix à 80.

Art. 6. Le nombre des grands-officiers, commandeurs et officiers, dépassant les limites fixées, il ne sera fait, dans ces divers grades, tant au civil qu'au militaire, qu'une nomination ou promotion sur deux vacances, jusqu'à ce que l'on soit renlré dans le cadre.

Art. 7. Les étrangers sont admis et non reçus; ils ne prêtent aucun serment et ne figurent pas dans le cadre fixé.

TITRE II. Forme de la décoration et manière de la porter.

Art. 8. La décoration de la Légion d'honneur est, comme sous l'Empire, une étoile à cinq rayons doubles, surmontée d'une couronne.

Le centre de l'étoile, entourée de branches de chêne et de laurier, présente d'un côté l'effigie de Napoléon avec cet exergue: Napoléon Empereur des Français, et de l'autre côté, l'aigle avec la devise: Honneur et Patrie.

Art. 9. L'étoile émaillée de blanc, est en argent

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