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Le problème n'est donc pas résolu, car c'est en ceci qu'il consiste surtout; dans la répartition juste et équitable des charges de la guerre sur tous les Français.

Dans le système proposé par M. Brunet, le citoyen dévoué accouru le premier à l'appel touchera un intérêt de 3 p. 100; le moins pressé, celui qui saura attendre, recevra évidemment un intérêt supérieur. Il est à craindre que l'on attende.

Après avoir entouré de formalités, de récompenses honorifiques une souscription qui n'atteindra pas le chiffre voulu, il faut en définitive avoir recours à l'emprunt.

A un emprunt permanent; ce mot seul indique que M. Brunet a supposé qu'il ne serait pas trèsrapidement couvert. La libération ne peut se faire cependant sans cette condition.

Nous devons ajouter que l'auteur de la proposition pense que l'opération financière qu'il propose faciliterait la liberté du Gouvernement dans les moyens à employer pour la délivrance du ter

ritoire.

La majorité de la commission ne peut partager cet avis.

Nous croyons au contraire que pour arriver au but il ne faut pas suivre plusieurs voies. La souscription complétée par un emprunt auquel il faut invariablement arriver, constitue un ensemble d'où peuvent surgir bien des complications, bien des mécomptes.

Par ces motifs et surtout par cette considération que l'Assemblée a déjà repoussé la nomination d'une commission spéciale chargée de centraliser tout ce qui concernerait la libération du sol par voie de souscription nous vous proposons de rejeter la partie de la proposition de M. Brunet qui traite de la souscription, et de renvoyer à la commission chargée de l'étude d'un impôt spécial pour la libération, la partie de la proposition qui concerne la création de titres 3 p. 100 avec mention spéciale du but de leur création.

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Messieurs, MM. Cuvillier frères, négociants à Paris, rue de la Paix, n° 16, ont fait, le 25 janvier 1871, les offres suivantes au ministère du commerce, à l'occasion du ravitaillement de Paris :

« Nous avons l'honneur de vous offrir: «2,000 barils de lard salé, provenance anglaise, à 250 francs les 100 kil, rendus au Havre;

« 2,000 quintaux de fromage de Hollande, à 220 fr. les 100 kilog., rendus au Havre. »

Nous ne parlons pas de deux autres offres de paille et de foin, contenues dans la même lettre, offres qui n'eurent pas de suite.

Les lards et les fromages furent acceptés. La

(*) Cette Commission est composée de MM. le duc d'Audiffret l'asquier, président; le marquis d'Andelarre, de Corcelle, vice-présidents; le marquis de Mornay, Savary, de Guiraud, le comte Octave de Bastard, secrétaires; Ancel, Toupet des Vignes, Blavover, Bozérian, de la Bouillerie, Teisserenc de Bort, l'amiral de Montaignac, Arbel, de Kergariou, le comte Rampon, Martell (Charente), Boduin, Prax-Paris, Balsan, Dufournel, Vétillart, Busson-Duviviers, Deseilligny, Maurice, le vicomte de Gontaut-Biron, Germoniére, Joubert, Wilson, Gaslonde, Adam (Pas-de-Calais), Ganivet, Lacave-Laplagne, Des Rotours, Bean, de Tarteron, le comte L. de Ségur, Julien, Peulvé, Dausso, Buisson (Aude), le comte de Bethune, de Combarieu, Bastid (Raymond), Martel (Pas-de-Calais), Riant, Rouveure, de Saint-Victor, Waddington, de Ravinel, Vitalis le baron Eschassériaux, Jozon, Vinay, Arthur Legrand, le baron de Jouvenel, le comte d'Hespel, Mayaud, Monnet.

notoriété et la compétence de la maison qui sollicitait cette fourniture, étaient cette fois, suffisa mment établies pour expliquer son admission, et le marché fut conclu le 28 janvier. Mais les con ditions furent modifiées en ce sens que la livraison dut se faire à Paris, et que le prix fut porté pour le lard, de 250 à 260 fr. les 100 kil., et pour le fromage, de 220 à 230 fr.

C'était donc une augmentation de 10 fr. par quintal, pour le transport du Havre à Paris, et les divers frais pouvant en résulter. Nous devons faire remarquer que ce prix de 260 fr. pour le lard est le plus élevé de ceux qui ont été concédés à la même époque. Tous les autres marchés sont à 230 fr., et le marché Frear, lui-même, n'atteint que 251 fr. 75. La même observation s'applique aux fromages. La condition de livrer à París, ne pouvait pas, d'ailleurs, justifier une augmentation de 10 fr. par quintal, quelle que fut la perturbation apportée par la guerre dans les conditions du transport par chemin de fer.

Pour quel motif le ministère, qui avait déjà traité à 230 fr., a-t-il consenti cette fois un prix de 260 ?

M. Cuvillier a déclaré à la commission qu'il avait offert au ministère du commerce, ainsi qu'il l'avait proposé dès le mois de novembre 1870, au ministre de la guerre, de sortir de Paris par ballon et de se rendre en Angleterre, pour y faire des achats, moyennant une commission. Il s'engageait même à faire les avances de fonds, avec un intérêt de 6 p. 100. Cette offre fut repoussée, car on tenait à ne conclure que des marchés fermes. Dès lors, M. Cuvillier, qui ne savait rien des cours, demanda des prix qui le missent à l'abri de toute éventualité. Le prix de 250 fr. lui paraissait devoir être, dans tous les cas, rémunérateur. Mais la condition de livrer à Paris ayant augmenté dans une proportion inconnue les chances défavorables de l'affaire, il crut pouvoir, pour se défendre contre les circonstances aléatoires, évaluer cette aggravation à 10 fr. par quintal. Ces conditions furent acceptées.

Il est évident qu'en traitant ainsi au hasard, le ministre se condamnait à subir toutes les prétentions. Le prix n'était plus la représentation de la valeur approximative des choses, si élevée qu'on la pût raisonnablement supposer, c'était l'expression arbitraire des circonstances laissées à l'imagination; il était, en tout cas, impossible à débattre. Des marchés fermes offerts dans ces conditions, tenaient à l'écart les maisons sérieuses; quand, par exception, elles les ont tentés, elles cherchaient naturellement à se garantir par l'élévation des prix, contre de véritables aventures. Par le fait, M. Cuvillier en augmentant ses prix de 10 fr. par quintal pour le transport du Havre à Paris, de combien se trompait-il?

Parmi les approvisionnements accumulés, soit au Havre, soit à Dieppe, les uns uns ont pu jouir d'un tarif spécial en passant par Amiens et le réseau du Nord; les autres (et les marchandises qui nous occupent ont été du nombre) ont dù venir par de nombreux détours sur le réseau de. l'Ouest jusqu'à Paris, aux conditions du tarif général, de telle sorte que le prix du transport de Dieppe à Paris qui, en temps ordinaire, représente 12, 14, 15 francs la tonne, suivant les marchandises, est monté alors à plus de 40 fr. ou 4 fr. le quintal. Le prix total du transport de Londres à Paris a atteint, par suite de ces circonstances, 70 fr. la tonne ou 7 fr. le quintal. Le fournisseur avait donc raison de redouter un mécompte; il n'a eu d'autre tort que de l'exagérer.

Le Prime mess Pork d'Amérique, que le ministère consentait à payer 260 fr. les 100 kil., rendus à Paris, valait à cette épeque, à Londres, d'après les cours hebdomadaires que nous avons sous les yeux, 100, 105, 107 et 112 schellings le baril de 200 livres anglaises, soit 139, 145, 148, 155 fr. le 100 kil.; en y ajoutant le prix du transport dans les conditions exceptionnelles que nous

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Les 2,000 barils, dont la désignation commerciale est Prime mess Pork, arrivèrent à Dieppe en deux séries, savoir : 736 barils du 13 au 17 février, et les 1,264 autres du 3 au 9 mars. Le tout parvint à Paris du 9 au 13 mars. Il ne paraît pas que l'on ait tenu bien rigoureusement la main à l'observation du délai, qui a été dépassé de quelques jours.

La facture, présentée le 15 mars, et arrêtée à la même date, c'est-à-dire 2 jours après la livraison, porte 2,000 quintaux de lard à 260 fr., soit 520,000 fr. qui furent payés le jour même. Postérieurement, le certificat de dépôt délivré par la compagnie de l'Ouest, constata qu'il n'était arrivé que 1,995 barils. Il y avait donc un solde de 5 barils à livrer, et le ministère les réclama. Mais la vérification de la commission a permis de relever une irrégularité plus sérieuse sur la facture.

Les 2,000 barils y sont comptés comme pesant chacun un quintal de viande nette. Or, les barils de prime mess pork en saumure quelle que soit leur provenance, ne renferment que 200 livres anglaises, ou 90 kilog., et sont toujours vendus dans le commerce pour cette quantité.

Le poids livré était donc inférieur au poids payé, de 10 kilog. par baril, et, sur l'ensemble de la livraison, de 20,000 kilog., représentant, à raison de 260 fr. les 100 kilogr., une somme de 52,000 fr. La commission a signalé le fait au ministre du commerce, qui a invité MM. Cuvillier à combler cette différence. Le 21 novembre 1871, ces négociants ont versé aux magasins généraux de Saint-Denis, au compte du ministère du commerce, les 5 barils manquants sur le nombre, et, en outre, 222 barils représentant 20,000 kilos, destinés à couvrir le déficit constaté.

La commission n'avait certainement pas à prescrire tel ou tel mode de régularisation; elle a

pensé toutefois qu'il eût mieux valu exercer la répétition de la somme payée en trop, qu'accepter du fournisseur un supplément de livraison à une époque où rien ne justifiait de nouveaux approvisionnements.

Aux termes mêmes du marché, l'Etat avait acheté 2,000 barils. Le fournisseur avait livré 2,000 barils, son marché était donc complétement rempli, et il n'y avait rien à ajouter à l'exécution. L'erreur portait uniquement sur la liquidation, dans laquelle chaque baril avait été compté pour un quintal, et la somme exagérée, par suite, d'un dixième. C'était cette différence qu'il eût fallu réclamer. Le procédé adopté présentait cet inconvénient d'encombrer le ministère d'un surcroît de denrées absolument inutiles, qui ne pou vaient servir qu'à augmenter la perte définitive, attendu que, payées 260 fr., elles n'auraient pas été revendues 100 fr. Ces observations ont été communiquées par la commission au ministère du commerce, qui en a reconnu le bien fondé.

Néanmoins, comme la livraison supplémentaire des 222 barils avait en lieu de bonne foi, et du consentement même de l'administration, il a paru rigoureux d'annuler ce règlement amiable et d'exiger le versement intégral en argent de la somme représentative du déficit. Il a donc été admis que les barils en question seraient acceptés par l'Etat pour leur prix coûtant dûment constaté et que MM. Cuvillier feraient compte du surplus en argent, de telle sorte que cette régularisation ne donnât lieu de part et d'autre à aucune perte comme à aucun bénéfice.

Arrivés à la gare des Batignolles le 13 mars, c'est-à-dire à un moment où Paris était déjà pourvu par le commerce, les 1,995 barils, inutiles pour le ravitaillement, ont dû être emmagasinés à l'entrepôt des douanes de la Villette. Ils ont péri dans l'incendie allumé le 26 mai 1871 par la Commune, et l'Etat, par ce fait, a été privé de la possibilité d'atténuer ses pertes par une revente.

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Ces quantités sont conformes comme nombre à celles qui se trouvent indiquées sur une note du délégué du ministère à Dieppe. Quant au poids, les chiffres énoncés ci-dessus ne peuvent être contrôlés avec exactitude. Nous avons toutefois pu savoir que le poids brut, reconnu à Dieppe, lors du déchargement, s'élevait à.... 228.157 k. le poids facturé n'étant que de......

on aurait opéré pour la tare une déduction de..

qui paraît admissible.

202.605

25.552 k.

Il résulte, en outre, des renseignements que nous nous sommes procurés, que les 3,174 caisses grosse forme, renfermaient des fromages de Chester, qui pèsent ordinairement en moyenne environ 30 à 32 kilog. et que les fromages dits têtes de maure (Hollande), renfermés dans les 1,550 caisses, pèsent à peu près 2 kilog l'un, ce qui porterait à 30 environ le nombre de ces fromages par caisse. Ces chiffres sont à peu près confirmés par le résultat des ventes, dont nous parlerons plus bas.

1,050 caisses de Chester ont été expédiées de

Dieppe à Paris les 4 et 5 mars, et remises par la compagnie du Nord aux facteurs, à la haile, qui en ont opéré la vente du 4 au 19 avril.

1,522 autres caisses, dont 137 de Chester et 1,385 de Hollande, ont été envoyées à Paris le 11 mars. Reçues à la gare des Batignolles, elles ont été déposées, du 30 mars au 5 avril, à l'entrepôt des douanes de la Villette, où elles ont été brùlées, le 26 mai, par la Commune.

Enfin, 2,149 caisses, dont 1,984 de Chester et 165 de Hollande, ont été vendues à Dieppe par ordre du ministère et pour son compte, le 19 mai. En résumé, les marchandises payées par l'Etat se répartissent ainsi :

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57,988

165 c. 10,052 k.

un excé

>>

1,385

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3

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Vendu à Paris.. 1,050 c. 29,770 k.
Vendu à Dieppe. 1,984
Brûlé à Paris... 137
Déficit........

Totaux..... 3,174 c. 87,758 k. 1,550 c. 10,052 k. Sauf le déficit de trois caisses, sur lequel il n'y a pas lieu d'insister, la livraison des quantités payées est donc justifiée par les pièces que nous avons rassemblées.

Quant au résultat en argent, il est désastreux; d'abord, sur 202,605 kilogr. facturés, il ne s'en trouve à la vente que 97,810. Soit une perte totale de 104,795 kilogr., ou, à 230 fr...... 241.028 50 Puis les 97,810 kilogr. vendus publiquement, qui avaient coûté..

N'ont produit qu'une somme brute de......

224.964 35

97.585 >>

Perte... 127.379 35 127.279 35

Perte totale.... 368.487 85 Sur une avance de 465,992 fr. 85 c., soit 80 p. 100.

Pas plus que les lards, ces marchandises ne sont entrées en temps utile dans la consommation de Paris. Environ 30,000 kilog. seulement ont été vendus à Paris, sur plus de 208,000, et la vente en a eu lieu à une époque où le ravitaillement était depuis longtemps terminé (du 4 au 19 avril).

La commission fait observer que le prix de 230 fr. stipulé par le marché comprenait l'obligation de livrer les marchandises à Paris; elle a pensé en conséquence que pour les quantités dont l'Etat a pris livraison à Dieppe, le prix devait subir une réduction égale à l'augmentation occasionnée par cette condition de livraison; comme nous avons vu en commençant que cette augmentation avait été de 10 fr. par quintal, elle estime qu'il y a lieu d'exercer une répétition sur les 68,040 kilogrammes vendus à Dieppe à raison de 10 fr. les 100 kilog, soit 6,804 fr.

Riz.

Le marché passé le 28 janvier comprend 12,000 quintaux de riz à 42 fr. La marchandise est entrée en France à Dunkerque, par deux navires, le Marie Stuart, le 13 février, et le North Star, lé 15 février 1871.

Les 19, 20 et 21 février, 1,170 balles, pesant 120,510 k., furent expédiées à Paris, où elles furent déposées aux magasins Trotrot, et vendues par les courtiers du ministère les 22 juin et 8 juillet.

Le surplus n'ayant pu être transporté à Paris, la livraison en a été effectuée à Dunkerque, entre les mains de MM. Pauwels et Debacker, négociants, chargés de représenter le ministère du commerce. Ces marchandises ont été vendues à

dant de livrai-. son de..

poids de..... 1.219.200

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Mais, d'autre part, le riz qui devait être livré au ministère à Paris, a été reçu à Dunkerque jusqu'à concurrence de 1,115,198 kilog. On aurait donc dù réduire la facture d'une somme représentant les frais de transport de Dunkerque à Paris, que le fournisseur n'a pas eu à supporter sur cette quantité. Nous vous proposons donc, messieurs, de signaler cette répétition au ministre du commerce.

Le prix payé par l'Etat pour 12,192 quintaux à 42 fr. est de 512,064 fr. La vente faite à Dunkerque a produit une somme brute de 270,029 fr. 96 cent. Celle des 1,170 balles parvenues à Paris s'est élevée à 29,500 fr. Le produit brut de ce marché de riz est donc de 299,500 fr. sur une avance de 512,000, soit une perte de 212,500 fr. ou plus de 40 p. 100, sans parler des frais de magasinage, camionnage, vente, commissions, etc.

Faisons remarquer, enfin que, sur plus de 1,200,000 kil, l'approvisionnement de Paris n'a profité en réalité que de 120,000, qui ne sont entrés dans la consommation qu'à la fin dɔ juin 1871.

En résumé, conclus avec une maison sérieuse, ces marchés de lard, de fromage et de riz n'ont pas été plus profitables à l'Etat, et plus utiles au ravitaillement que ceux qui ont été concédés à des aventuriers. Dans un cas comme dans l'autre, les prix sont exorbitants, les arrivages tardifs, les pertes considérables; mais au moins les règlements ont pu être rapides, et les répétitions ont été faciles. Quant au dommage, il était fatal. C'est au système adopté, bien plus qu'a la qualité des fournisseurs qu'il le faut imputer.

Les marchés fermes n'étaient nullement appropriés aux circonstances. Acheteurs et vendeurs également séparés du marché général, également ignorants des prix, du stock des places d'approvisionnement, de la valeur et des conditions du transport, n'avaient aucun des éléments qui servent de base à de semblables transactions. L'Etat était porté à tout concéder à ce qu'il regardait comme l'intérêt capital du ravitaillement l'intérêt privé était porté à tout exiger, pouvant tout craindre.

Les marchés à la commission (commission proportionnelle à la peine et aux circonstances) faits avec des négociants honorables, garantissaient à le fois au Gouvernement et au commerce sérieux les conditions les plus sûres. Ceux-ci y trouvaient l'occasion d'une rétribution légitime et suffisante: celui-là était garanti contre les exagérations des prix et les exagérations des approvisionnements. Comme conclusions, nous avons l'honneur de vous proposer, messieurs :

1. D'approuver l'arrangement pris par l'admi

(1) Tels sont les chiffres établis par les pièces qui nous ont été soumises.

nistration pour le règlement du déficit constaté sur le lard;

2. De signaler au ministre du commerce les répétitions à exercer en ce qui concerne les frais de transport des fromages et du riz qui devaient être livrés à Paris, et dont on a pris livraison à Dieppe et à Dunkerque.

5 De lui signaler également l'excédant de livraison de 175 quintaux de riz, en l'invitant à examiner s'il n'y aurait pas lieu d'en tenir compte au fournisseur.

4. Enfin de prier le même ministre de faire connaître à la commission la suite qui aura été donnée à ses observations.

MARCHÉ PROVOST.

M. Provost, marchand boucher, à Paris, rue aux Ours, n° 40, avait été, au mois d'août 1870, chargé par la baronne de Schlick, de fournir les bestiaux que ladite baronne s'était engagée à livrer au ministre du commerce, M. Clément Duvernois. Il noua, à cette occasion, des rapports avec un sieur Pérotaud, homme d'affaires de M de Schlick, et par celui-ci avec M. Barillon, avocat, que la commission a déjà vu paraitre à propos du marché Frear, comme conseil et associé de Me Blanche Costard. La commission sait comment les livraisons de Me de Schlick furent interrompues dès le 5 septembre par ordre du nouveau ministre du commerce, M. Magnin, par le motif que les bestiaux présentés, raccolés sur le marché même ou aux alentours, ne remplissaient pas les conditions sinon écrites, du moins implicites et sous-entendues du traité. Nous n'avons pas, d'ailleurs, à revenir ici sur le marché de Me de Schlick.

rations avec des ressources restreintes. Il suffit d'inspirer la confiance aux commissionnaires acheteurs sur les divers marchés de l'intérieur; les bœufs expédiés par eux sont payés sur réception aux toucheurs eux-mêmes; la société des fournisseurs prenait des mains de l'Etat et versait entre les mains de ces derniers dans les 24 heures. Il s'agissait donc de trouver une mise de fonds suffisante pour commissionner un premier achat. Quant au délai, il l'a bien tout d'abord jugé trop court et presque dérisoire, mais ce n'était, dans sa pensée, qu'un expédient ministériel, pour exciter l'activité des fournisseurs, et il entendait bien, pour son compte, au fur et à mesure des besoins, en demander la prolonga

tion.

On pourrait toutefois se demander s'il ne restait pas dans son esprit quelque appréhension, ou du moins quelque préoccupation au sujet de ces deux difficultés lorsqu'il a, de lui-même, avant de signer le traité, demandé de réduire ses offres, pour les boeufs, de 12,000 à 6,000; pour les moutons, de 15,000 à 10,000; pour les porcs, de 20,000 à 10,000?

Le prix stipulé dans le contrat est de 1 fr. 05 le kil. sur pied pour les boeufs et moutons, et de 1 fr. 55 pour les porcs. Nulle mention de la qualité. Cette omission, capitale en pareille matière, donnait au fournisseur le droit de livrer des animaux dont la qualité n'eût point été en rapport avec les prix consentis. Nous devons reconnaitre tout de suite qu'il n'a pas abusé de la faculté que lui laissait l'inexpérience ou la distraction des rédacteurs du contrat.

M.A

Dans le courant du mois d'octobre 1870, M. Barillon proposa au ministre du commerce un projet de traité ayant pour but de faire entrer dans Paris, nonobstant l'investissement, des quantités considérables de bestiaux, moyennant un prix déterminé, augmenté d'une prime par tête de bétail, prime justifiée par les risques de l'entreprise. Pour l'exécution de ce projet, M Barillon présenta au ministre M. Provost, au nom duquel un traité fut conclu le 14 octobre. Il est inutile d'ajouter que cette tentative d'approvisionnement n'eût aucune suite.

M, Provost était donc déjà connu de M. Magnin, lorsqu'il fit, de sa personne, à la date du 7 novembre, de nouvelles offres de fournitures. Il s'agissait cette fois de 50,000 bœufs, 60,000 moutons, et 20,000 porcs à livrer à Paris aussitôt après l'armistice ou le traité de paix. Des pourparlers eurent lieu à cette époque entre le ministre et le docteur Franco, que nous avons déjà vu mêlé aux marchés Frear, et qui représentait alors une association de capitalistes italiens et hongrois.

M. Provost et d'autres bouchers de Paris devaient être employés dans cette vaste enlreprise, et seuls y paraitre en nom. Mais elle ne fut pas accueillie par le ministre, et les offres de M. Provost, séparé de MM. Franco et C, furent réduites à 12,000 bœufs, 15,000 moutons et 20,000 porcs; elles étaient faites au nom de Provost et C. Cette circonstance parait avoir échappé au ministre qui, négligeant la garantie offerte par une société, fit le traité au nom personnel de M. Provost, sans s'inquiéter de connaître sa situation commerciale or, M. Provost était, depuis le 10 décembre 1866, en état de faillite.

La société Provost possédait un capital de 120,000 fr. C'était peu d'argent pour une entreprise de plusieurs millions. Le délai accordé était de quinze jours; c'était peu de temps pour amener à Paris, par une seule ligne de chemin de fer, dont l'encombrement était prévu, des milliers de bœufs, de porcs et de moutons.

M. Provost explique que les habitudes du commerce des bestiaux permettent ces grandes opé

Le 20 janvier, le lendemain de la bataille de Buzenval, un agent de MM. Provost et C partit de Paris en ballon pour commencer les achats. A cette époque, la suspension du commerce et le refoulement des bestiaux devant l'ennemi avaient considérablement avili les prix; aussi put-on se procurer dans l'Ouest des animaux de première qualité à 60 centimes le kilog. sur pied. Mais après l'armistice, lorsque vint le moment de les expédier sur Paris, les chemins de fer se trouvèrent partout réquisitionnés par la délégation du Gouvernement de Bordeaux au profit de ses agents, qui avaient, de leur côté, préparé des approvisionnements.

D'après son traité, M. Provost devait recevoir du ministre, en même temps que l'avis d'ouverture d'une ligne, une déclaration portant que les animaux présentés par lui étaient destinés au ravitaillement de Paris. Cette déclaration, sans être équivalente à une réquisition, devait avoir pour résultat, au tout au moins avait pour but de faciliter l'acceptation des envois adressés au ministère du commerce préférablement au commerce privé.

Pour un motif que la commission ne saurait exactement apprécier, l'administration ne se conforma pas à la lettre du traité et ne délivra pas la déclaration promise. On ne voulut pas, paraitil, faire à M. Provost une situation meilleure que celle des autres soumissionnaires.

Cette clause spéciale ne se trouve reproduite, en effet, que dans deux autres marchés, sur 29 qui sont relatifs au ravitaillement de Paris. Peut-être eut-il mieux valu ne la consentir à personne. La raison alléguée ne pouvait, en tout cas, dispenser l'administration d'une obligation formelle.

M. Provost ne manqua pas de s'en prévaloir. Ayant fait constater régulièrement les refus qui lui étaient opposés par les chemins de fer, ainsi que les motifs de ces refus, il prétendit laisser au ministère toute la responsabilité de l'inexécution de son contrat.

Le délai de 15 jours, courant du 31 janvier, expirait le 15 février. Le 9, les premiers animaux présentés à la gare de Chemillé ayant été refusés, M. Provost sollicita et obtint une prolongation de délai jusqu'au 4 mars. Du 17 février au 4 mars, il parvint à faire arriver au marché de la

Villette, 523 boeufs, 501 moutons et 2,001 porcs. La qualité de ces livraisons fut satisfaisante pour les boeufs et les moutons (classés de 1re et de 2o qualité), et uniformément bonne pour les porcs. Mais, à partir du 4 mars, ordre fut donné par le ministère de ne plus rien recevoir du sieur Provost; en effet, une bande de bœufs, moutons et porcs, arrivée le même jour à Paris, ne fut pas acceptée.

C'est alors que se produisit la réclamation du fournisseur, fondée sur l'inexécution par le ministère, des obligations du contrat, et sur les entraves apportées par son fait aux livraisons préparées.

Au fond, l'absence de la déclaration promise au sieur Provost avait-elle eu pour lui tous les inconvénients dont il se plaignait? Il est bien évident que cette déclaration aurait été comme non avenue devant les réquisitions formelles antérieurement signifiées aux compagnies de chemins de fer par la délégation du Gouvernement de Bordeaux. La mention que ses bestiaux étaient destinés à l'approvisionnent de Paris ne lui ent certainement pas ouvert par préférence les voies de transport. Ce n'était pas toutefois un motif pour permettre à l'administration de la refuser, et donner ainsi ouverture à une réclamation qui avait pour elle la lettre du contrat.

Le ministère actionné dut mettre le fournisseur en demeure de prouver d'abord qu'il avait réuni dans le voisinage des gares d'expédition des animaux achetés en nombre suffisant et à une date utile; en second lieu, que le retard dans les expéditions ne provenait que de l'insuffisance des moyens de transport. Mais facile à administrer lorsque les transactions sont constatées par des actes écrits, ou réglées à terme par des effets qui laissent des traces et fournissent des indications, cette preuve devenait impossible en l'état, lé commerce des bestiaux se faisant partout sur parole et se payant au comptant. En outre les animaux pouvaient être achetés à l'avance, sans avoir été réunis dans les gares. Aussi l'impuissance du sieur Provost à répondre à la mise en demeure de l'administration ne put être considérée comme infirmant radicalement ses prétentions.

Telle parait avoir été du moins l'appréciation de l'administration qui est entrée en transaction avec la société Provost. Celle-ci présentait un compte de pertes s'élevant à 423,974 fr. 38 c. Après négociation, il a été alloué par l'Etat aux réclamants une indemnité de 50,000 fr. à titre de forfait, et ils sont rentrés en possession de leur cautionnement et d'une somme de 21,467 fr., retenue à titre de garantie sur les payements effectués dans le cours des fournitures.

Ce règlement est du 3 mars dernier. Il nous permet d'apprécier aujourd'hui avec précision le marché Provost, au point de vue de ses résultats pour le Trésor.

Les bestiaux livrés par le sieur Provost ont coûté à l'Etat..

La revente, calculée d'après le cours moyen du marché de la Villette pendant la période des livraisons, à dù produire environ......

La perte à la charge de l'Etat serait donc d'environ..

à laquelle il faut ajouter l'indemnité de résiliation.....

683,770 fr.

549,690

135,087 fr. 50,000

Total de la perte probable.... 185,087 fr. Tel est approximativement le dernier mot de la liquidation de cette affaire.

Pour en justifier la conclusion, l'administration affirme que si elle avait délivré au sieur Provost la déclaration qu'on lui avait promise, le marché aurait pu être exécuté en entier dans le délai fixé.

Comparant, dans cette hypothese, la perte subie en réalité avec celle qu'aurait pu entraîner la livraison de 6,000 bœufs, de 10,000 moutons et de 10,000 porcs, elle se félicite de n'avoir pas remis la déclaration en question. Cette perte hypothétique est, en effet, évaluée par elle à plus d'un million. Or, peut-on admettre que le sieur Provost, même muni de la déclaration, eut jamais pu amener en quinze jours sur les marchés de Paris les quantités de bestiaux susmentionnées? Par la force des choses, son marché se fùt trouvé trèsprobablement résilié, sans que l'administration se vit forcée de transiger en allouant une indemnité.

Toutefois cette remarque n'a pas paru suffisante à votre commission pour infirmer un règlement amiable qui męt fin à une contestation toujours fâcheuse, et elle vous propose de l'approuver.

MARCHÉ VERDIER

Le 13 janvier 1871, M. Verdier, banquier, rue Feydeau, 26, offre au ministre du commerce 10,000 boeufs ou vaches au prix de 1 fr. le kilog. vif, sans octroi; la livraison doit commencer dans la quinzaine qui suivra l'avis donné par le ministre de l'ouverture d'une voie; elle se poursuivra par quantité de 500 tètes par jour.

M. Verdier n'était pas inconnu au ministère du commerce; déjà au mois d'août 1870, il avait traité avec M. Clément Duvernois pour une fourniture de bestiaux. Il avait d'abord promis 10,000 bœufs et vaches, cinq jours après il avait réduit son engagement à 1,000, et il avait fini par n'en livrer que 631 par l'entremise d'un sieur Bellet.

Cet intermédiaire était d'ailleurs d'une moralité plus que suspecte, et M. Verdier lui-même l'a fait condamner correctionnellement en décembre 1870, à trois mois de prison, à raison de certains faits relatifs à cette affaire. M. Magnin, ministre du commerce, avait de son côté, déféré à la justice dans le courant d'octobre 1870, des fraudes signalées dans la livraison des animaux. Des repports des inspecteurs du marché de la Villette établissaient que les bestiaux vendus par M. Verdier, et qui selon l'esprit du marché devaient provenir de l'extérieur de Paris, étaient tout simplement achetés sur le marché même.

« Il y a là, dit un de ces rapports, ainsi que nous en avons les preuves ci-jointes, un raccolage de bestiaux fait au détriment de l'approvisionnement ordinaire du marché. » Mais, faute de stipulation formelle sur la provenance des animaux, la poursuite dut étre abandonnée. Tous ces faits sont exposés en détail dans un rapport qui vous sera présenté sur les opérations de l'approvisionnement de Faris avant le siége; nous ne les rappelons ici que pour noter les précédents qui auraient dù tenir le ministre en garde contre un fournisseur si peu en mesure de tenir ses engagements, et qui employait de tels intermédiaires. M. Verdier obtint cependant sur ses offres écrites du 17 janvier un nouveau marché, consenti le 26 du même mois. L'exécution en fut garantie par un cautionnement de 20,000 fr. et une retenue de 10 fr. par tête de bétail.

Originaire de la Corrèze, M. Verdier assurait que, grâce à ses relations avec un grand nombre de marchands de bestiaux de ce département et des départements voisins, il réunirait facilement un troupeau considérable. Mais, ses ressources personnelles se trouvant insuffisantes pour une entreprise de cette importance, il chercha à s'adjoindre une maison de crédit possédant des capitaux. La société des entrepôts libres de ParisLyon-Méditerranée, que nous avons déjà rencontrée dans d'autres marchés du même temps, mit à sa disposition les fonds de roulement nécessaires, plus la moitié du cautionnement. Quant à la deuxième moitié, M. Verdier, que la société vou

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