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de 37 centimes, 17 centimes 85, l'Espagne 17 centimes 85, la rémunération du service accompli par la France sera de moins de 0,02 centimes. (Bruit.)

En présence de pareils résultats, ne suis-je pas autorisé à demander à l'Assemblée nationale de prononcer, aux termes du règlement, l'ajournement pour que de nouvelles négociations soient ouvertes sur les articles 4 et 14? L'Allemagne a certainement entendu conclure avec nous un traité durable. Or, si ce traité est funeste pour notre pays, si le principe de la réciprocité est détruit, elle doit prévoir que la dénonciation pourra suivre de près la conclusion. Plutôt que de conclure pour dénoncer à bref délai, n'est il pas éminemment plus sage de tenir au négociateur allemand ce langage Vous voulez une convention; nous au si, mais nous avons le droit d'exiger que le contrat à passer assure des avantages égaux aux deux parties; négocions pour atteindre, d'un commun accord, et après enquête, cette égalité. (Aux voix ! aux voix !)

Je n'ai pas la prétention de m'imposer à l'Assemblée dont l'opinion me parait faite. Je renoncerai à la parole, si elle ne veut pas m'entendre, mais je crois qu'il serait indispensable de passer encore en revue les articles qui ont trait aux valeurs déclarées et au transit et surtout au transit par les paquebots transatlantiques où cette malheureuse phrase « de la nation la plus favorisée » aura sur nos finances des résultats véritablement désastreux.

En ce qui concerne notre rémunération pour le tran-port des valeurs déclarées, je crois que les espérances de l'honorable M. Rampont seront absolument déçues. Car, par suite d'une convection qui vient d'être passée entre la compagnie des chemins de fer de l'Est et les chemins de fer allemands, le commerce français, qui sait compter, sera amené à faire transporter ses valeurs d'argent par le chemin de fer, au détriment de la poste, parce qu'il y trouvera un avantage de 2 fr. 50 p. 10,000 fr.; au contraire, le commerce allemand aura intérêt à emprunter toujours la poste française pour faire arriver en France ses valeurs déclarées, et comme aux termes de la convention le service est gratuit en retour, nous aurons toute la charge sans le profit, et de plus nous aurons encore la responsabilité des pertes qui pourront se produire.

Quant au transit.... (Aux voix ! aux voix! Parlez! parlez!) on vous a dit précisément à cause de l'exagération de nos tarifs auciens, le transit a abandonné le territoire français.

Cette allégation est-elle exacte? Pour l'établir, on a fait un relevé du transit dans les premiers mois de 1872. Mais que sont quelques mois dans le résultat final d'une année? Le savez-vous d'une façon approximative?

L'honorable directeur général des postes sait parfaitement qu'il y a une très-grande inégalité dans le transit, si on compare les mois entre eux. Vous devez donc prendre une base plus sûre, c'est-à-dire une année entière, pour apprécier l'étendue de notre transit.

M. Rampont. Il n'y en a plus!

M. le baron de Ravinel. Si je prends, moi, une série d'années écoulées, et, peudant ces années, les résultats acquis, je constate, à l'aide même des documents officiels de la poste,

-

que de 1848 à 1869 compris, le transit a consiamment suivi en France une progression merveilleuse... si merveilleuse, messieurs, que, comparant le chiffre de 1848 au chiffre de 1869, je trouve que le transit par la France a sextuplé, pendant que, remarquez-le bien, - le mouvement à l'intérieur n'est que triplé. Ne venez donc pas nous dire, pour défendre vos tarifs, que le Trésor français perd tout transit! Je sais bien que vous avez perdu le transit angloallemand, vous nous l'avez dit hier assez souvent...

M. Rampont. Le transit anglo- italien aussi !

M. le baron de Ravinel. Et vous vous faites l'illusion d'espérer qu'en fixant le transit anglo-allemand à 6 fr., vous allez le récupé

rer !

Messieurs, ceux qui entretiennent ces espérances, qu'ils me permettent de le leur dire, courent au-devant d'une déception certaine, car, actuellement, à l'heure où je parle, le transit anglo-allemand se fait à raison de 5 fr. par kilogramme.

M. de Fourtou, raporteur. Sans distinction entre les lettres et les imprimés!

M. le baron de Ravinel. Si vous avez perdu le transit anglo-allemand avec la taxe de 5 fr. par kilogramme, vous n'espérez pas sans doute le récupérer avec une taxe de 6 fr. M. Rampont. Les imprimés et les lettres sont confondus.

M. le baron de Ravinel. Et si la correspondance anglo-allemande emploie la voie d'Ostende, de préférence à celle de Calais, c'est que, par Ostende, la taxe n'est que de 3 fr. 50. Voulez-vous descendre jusque-là? Peut-être même le feriez-vous en pure perte, car, si je me reporte aux négociations antérieures, qu'estce que je vois? je vois qu'autrefois le transit anglo-allemand n'était pas à 5 francs, il était beaucoup plus cher. L'office allemand est venu nous dire baissez votre prix de transit; si vous l'abaissez au prix de 5 francs, je cesserai de passer par la voie d'Ostende! (Bruit.) Et pendant qu'on nous tenait ce langage, après que nous avions baissé notre prix de transit, savez-vous ce que faisait l'office allemand? I allait trouver l'office belge, et lui disait l'office français vient d'abaisser son droit à 5 francs, si vous ne me faites pas de meilleures conditions, je passerai par la France. C'est ainsi que l'office belge a abaissé successivement son prix jusqu'à 3 fr. 50.

Vous nous dites bien que le directeur général des postes allemandes vous a écrit pour vous demander des indications sur l'heure de vos trains, de façon à vous laisser entendre que, probablement, il s'en servirait. Mais il n'est réellement pas sérieux de baser des espérances sur des documents semblables.

M. de Rémusat, ministre des affaires étrangères. C'est un engagement et il n'y a pas d'autre document.

M. le baron de Ravinel. Pardon, c'est une simple demande de renseignement, mais ce n'est pas là un engagement.

Voilà pour le transit intérieur.

Je ne puis pas descendre de cette tribune avant de vous avoir dit un mot du transit par les paquebots transatlantiques. Deux exemples vont vous faire toucher du doigt, pour ains

dire, les conséquences de cette phrase malheureuse qu'on a laissé introduire dans la convention et qui concède à l'Allemagne, au point de vue de nos transports d'outre-mer, le traitement des nations les plus favorisées.

La France s'impose un très-lourd sacrifice pour entretenir des paquebots qui font le service postal d'outre-mer. Il leur est voté an. nuellement une subvention de 26 millions. L'Angleterre, de son côté, entretient des paquebots. Les deux offices anglais et français, pour avoir réciproquement accès sur leurs paquebots, se sont fait une série d'avantages. Eh bien d'après la convention actuellement en discussion, l'Allemagne, qui ne subventionne pas de paquebots, va cependant, sans rien nous offrir en échange, jouir des mèmes avantages!

Voici, rendue tangible, la vérité de ce que j'avance:

Une lettre d'Allemagne pour Tunis, Tanger, la Turquie, la Syrie, l'Egypte, du poids de cinq grammes et expédiée par les paquebots français, coûtera à l'office allemand 62 centimes 05...

M. Rampont. Et la lettre de 10 grammes? M. le baron de Ravinel. Et elle rapportera à l'office français 13 centimes, alors que la lettre qu'un Français aurait à expédier sur les mêmes points sera taxée de 80 centimes.

Si la lettre allemande pèse 11 grammes, M. le directeur général des postes me demandait ce que coûterait la lettre de 10 grammes,

la taxe sera de 1 fr. 25; sur cette somme, l'office français aura, pour toute rémunération, 28 cent. 06, et l'office allemand, qui ne fait pas le service, qui ne subventionne pas de paquebots, aura un produit de 96 centimes.

Or savez-vous, messieurs, ce qui serait demandé à la lettre française du même poids pour la même destination? 1 fr. 60! Voilà la réci procité! (Aux voix ! aux voix! - Parlez! parlez !)

Messieurs, si ce sont là les résultats de la convention qu'on vous demande d'approuver. S'il est bien établi que, l'honorable directeur général des postes, outre-passant les instructions dans lesquelles il devait se renfermer, a engagé le Gouvernement français plus qu'il n'avait souhaité l'être, si les intérêts du Trésor et du contribuable français sont à ce point sacrifiés, ne suis-je pas autorisé à vous dire il est absolument indispensable de surseoir à statuer et d'ouvrir de nouvelles négociations avec l'Allemagne?

Si cette puissance a, comme nous, le désir de contracter une convention v3ritablement durable, il faut que les avantages soient réciproques, que la charge ne soit pas d'un côté, le profit de l'autre ; qu'en un mot le contrat ne soit pas léonin.

Je demande formellement le renvoi à la commission des articles 1, 4, 10 et 14. (Approbation sur quelques bancs à droite et au centre.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. de Rémusat, ministre des affaires étrangères. Messieurs, l'honorable membre qui descend de cette tribune demande le renvoi de l'article 4 à la commission; or, comme cet article contient l'essence même du projet, il l'a

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M. le ministre des affaires étrangères. Je ne vois pas d'autre conclusion à tirer du discours de l'honorable préopinant.

Sur plusieurs banes. Oui ! oui ! Vous avez raison!

M. le ministre. Je ne rentrerai pas dans le détail de la discussion; je crois qu'en ce moment, ce serait abuser de la patience de l'Assemblée; ce serait de plus une chose inutile, et, de ma part, bien imprudente, après le mémorable discours que vous a fait entendre, hier, M. le rapporteur de la commission; car, qu'il me soit permis de le dire, à moi, vétéran des Assemblées parlementaires, je n'ai jamais entendu une discussion mieux conduite, et une démonstration, suivant moi, plus péremptoire. (C'est vrai! Très-bien très-bien !) Cependant je suis obligé de dire un mot des deux systèmes qui sont en présence, pa ce que toutes les objections viennent précisément de deux manières toutes différentes, tout .opposées de concevoir les conventions postales. (Parlez ! parlez !)

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Je ne ferai point de théorie, je rappellerai simplement à l'Assemblée que le service postal est le mot l'indique lui-même, un service. La taxe des lettres est donc le prix d'un service; elle n'est pas essentiellement, primitivement un impôt. Le principe vrai de là taxe des lettres, c'est qu'elle doit représenter seulement ce que coûte le sérvice qui est rendu. (Marques nombreuses d'assentiment.)

M. le baron de Ravinel. Nous sommes d'accord!

M. le ministre. C'est là le vrai principe. Mais ce principe, comme beaucoup d'autres, a souvent été violé c'est que la nécessité de trouver des ressources pour satisfaire aux besoins du Trésor obligeait d'y manquer. Mais toutes les fois qu'on y peut revenir, il faut y revenir; et si nous avons été contraints de nous en écarter, tout le monde sait pourquoi c'est que nous avons eu à faire face à la plus douloureuse situation financière qui ait jamais pesé sur la France. De toutes les expériences financières que nous avons été forcés de faire, ce n'est pas la moins hasardée, c'est celle qui a le plus besoin de cette triste et toute-puissante excuse, la nécessité. (C'est vrai! bien !)

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Très

Mais faut-il appliquer ce système d'augmentation d'impôt, cet esprit de fiscalité à la taxe des lettres, aux conventions internationales? Non! Et ici, messieurs, nous avons un tout autre but.

Un des honorables préopinants qui nous a combattu a considéré que, dans une convention postale, les deux parties contractantes étaient dans les mêmes rapports, pour ainsl dire, qu'un vendeur et un acheteur, et qu'il fallait tâcher de vendre sa marchandise le plus cher possible.

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C'est le contraire, je crois, qui est la vérité (Approbation sur plusieurs bancs.) Les conventions postales ont pour but d'établir la circulation internationale, de rendre cette circulation la plus étendue et la plus facile possible, et surtout la plus économique; elles doivent atteindre, comme résultat, le bon marché. (Nouvelle approbation sur les mêmes bancs.)

Nous avions pendant longtemps suivi un autre système : nous nous étions créé une diplomatie postale qui avait de véritables avantages, au point de vue du Trésor, j'en conviens, mais qui n'était pas aussi favorable au libre développement de la circulation internationale des correspondances. Nous mettions en avant une raison qui paraît fort simple: nous voulions retrouver le port de lettres intérieur. Nous mettions en avant une autre raison : c'est que nous avions des distances considérables à parcourir, et qu'il était légitime de faire payer plus cher à des lettres qui parcouraieut ces longues distances qu'à des lettres étrangères qui, souvent, avaient un moindre espace à franchir. En outre, nous nous prévalions de la perfection de notre administration, nous prétendions que, puisqu'elle était plus parfaite, plus coûteuse, nous devions obtenir un prix rémunérateur plus considérable.

Je ne conteste pas, au point de vue où l'on était alors placé, toutes ces raisons; cependant elles n'ont pas pu passer éternellement sans être contestées. Il est venu un moment où l'on nous a fait des objections.

Par exemple, pour le port intérieur que nous voulions recouvrer, on a dû faire remarquer qu'une lettre à l'intérieur qui a besoin d'être d'abord expédiée, portée, recue au bureau de destination, distribuée dans les bureaux de distribution, distribuée ensuite à domicile par le facteur, coûtait nécessairement plus cher qu'une lettre pour l'étranger, qui n'a besoin que d'être expédiée et portée à la frontière. Ainsi, à l'aide de cette objection, on attaquait, on ébranlait jusqu'à un certain point notre prétention à recouvrer notre port intérieur. Nous voulions proportionner le prix de la lettre aux distances parcourues, mais on nous disait, en nous citant notre propre exemple, que l'idée de proportionner le prix des lettres à la distance était une idée surannée, que tout le monde condamne ici, qui, je crois, est abandonnée dans tous les Etats de l'Europe, et que tout le monde préférait une taxe fixe.

Enfin quand nous parlions de la supériorité de notre administration, on nous répondait quelquefois Ce n'est pas la supériorité de votre administration que vous voulez nous faire payer, c'est la cherté de votre administration; c'est parce que le prix auquel vous distribuez les lettres est plus élevé que celui des autres pays que vous demandez une part plus grande dans le produit total de la correspondance internationale. (C'est cela! Très-bien!)

Je répète ces objections pour rappeler à l'Assemblée qu'il est venu un moment où deux systèmes se sont trouvés en présence. Il y a déjà plusieurs années que les deux écoles se sont formées: l'une, pour un système que j'appellerai fiscal, et je ne le prends pas dans le mauvais sens du mot, c'est une idée très-légitime que de chercher à accroître les ressources

du Trésor; l'autre, que je ne veux pas appeler libérale, parce que je ne veux pas choquer un des honorables préopinants, mais que j'appellerai économique, comme l'a très-bien défini hier l'honorable M. de Fourtou. Ces deux systèmes, dis-je, se trouvaient en présence il y a déjà plusieurs années, et c'est pour cela qu'on a vu s'élever, dans le sein même de l'administration une division assez remarquable. Il est arrivé ce qui arrive toujours c'est que la tradition résistait à la nouveauté, les idées qu'on pouvait appeler conservatrices ont été en lutte contre les idées réformatrices, et jusques dans l'administration il s'est produit un antagonisme. Les étrangers ont naturellement soutenu le nouveau système.

Je suis fâché de citer encore l'exemple du traité avec l'Italie; mais enfin, je suis bien obligé de le citer, car il est concluant. L'Italie a fait admettre à la France, comme principe, le taux de 40 centimes pour une lettre de 10 grammes, chaque Etat conservant ce qu'il a reçu. C'est le principe de la convention actuelle. Le traité italien est, je crois, du 2 juin 1869. On vous a raconté l'histoire de ce traité, on en a fait un acte de bon plaisir, je ne conteste pas, et on a dit, qu'à raison même de ce traité, était survenue la décision très-sage qui soumettait les conventions postales au vote des Assemblées. Cela s'est pratiqué ainsi, et alors l'Espagne ayant fait la même réclamation, un traité a été conclu avec cette dernière puissance, par lequel il lui a été accordé 40 centimes par lettre de 10 grammes, chaque Etat conservant ce qu'il avait

reçu.

M. Horace de Choiseul. Je demande la parole.

M. le ministre. Ce traité a été voté par le Corps législatif et par le Sénat. Celui-là n'a pas été fait sous le manteau, il a reçu la consécration légi-lative du temps.

Quelque temps auparavant, on avait voulu sortir de l'état dans lequel sont nos relations postales avec l'Amérique. Il n'est pas un négociant dans cette Assemblée qui ne sache que nos relations postales avec ce pays sont dans un état déplorable; c'est un véritable scandale; ce n'est qu'une provocation, un encouragement à la contrebande des lettres. (Trèsbien! C'est vrai!)

On a voulu négocier une convention postale; on a rencontré les objections dont j'ai parlé, on s'est tenu aux anciens principes; on n'a pas pu s'entendre, et nous sommes restés dans un état déplorable, qui malheureusement n'a pas encore pris fin.

La Prusse, de son côté, a fait connaître qu'elle ne voulait pas rester plus longtemps dans les lens de l'ancien système et qu'elle était disposée à dénoncer le traité, ou plutôt à provoquer un congrès postal pour établir quelque chose qui ressemble à l'unité de taxe par toute l'Europe.

Et il ne faut pas croire que ce fussent seulement des économistes, des écrivains sans mission qui soutinssent les nouveaux principes. Ces principes avaient pénétré dans l'administration. Non-seulement en voilà la preuve par les traités qui ont été conclus, mais encore je vous demanderai la permission de m'appuyer sur l'administration impériale.

-

Je crois pouvoir dire, et j'invoquerai le témoignage de tous les membres de l'ancien Corps législatifque le fonctionnaire qui dirigeait alors l'administration des postes a laissé la réputation d'un fonctionnaire habile et capable. (C'est vrai! c'est vrai!)

J'en demande pardon à l'Assemblée, elle n'aime pas beaucoup les lectures de documents, et je vais lui en lire un qui est un peu long; j'ai donc besoin de toute son indulgence.

Voici une lettre du directeur général des postes au ministre des affaires étrangères, du 30 novembre 1868:

Le ministre verra dans cette discussion... » -la discussion des articles du traité avec l'Italie, — « un nouveau témoignage de cette confusion que nous a léguée le passé, et de la complication, pour ainsi dire, érigée en doctrine là où la simplicité et l'uniformité devraient être la règle générale et absolue...

A mon avis, le moment est venu de payer une partie des exagérations du passé en matière de tarifs internationaux; mais je crois qu'il importe que les populations profitent des sacrifices que ces exagérations vont probablement entrainer. D'un autre côté, il a toujours été de règle qu'un renouvellement de convention postale se traduisit par une réduction de taxe, mais je voudrais que cette réduction fut franche, sincère, et ne dissimulat pas, sous des atténuations apparentes, des moyens ingénieux, il est vrai, mais détournés, de retrouver, sous un autre forme, telle que les prix du transit, par exemple, les diminutions momentanées de recettes que le développement normal et régulier de la correspondance suffirait seul à combler. Fidèle à des traditions qui se sont imposées à ma subordination plutôt qu'à ma conviction, j'ai contribué pour ma part à l'état de choses contre lequel je suis conduit à réagir aujourd'hui, mais je n'éprouve nul embarras à reconnaître que des doctrines qui ont pu avoir leur raison d'être sont aujourd'hui surannées et à peu près impossibles, en présence du mouvement général des esprits et du développement économique dont le monde moderne offre le spectacle. Alors qu'une lettre de Kehl pour Berlin coûte 12 centimes, je ne crois pas qu'il soit opportun de faire payer 50 centimes à une lettre de Strasbourg pour Berlin; alors que tous les offices de poste d'Allemagne, depuis Memel jusque Raguse, ont proclamé entre ex la gratuité du transit, je ne crois pas qu'il soit opportun pour nous de spéculer sur notre position géographique, pour imposer aux Etats qui nous entourent, et qui ne peuvent se passer de notre intermédiaire, des tarifs où l'exagération le dispute à la confusion...

J'estime qu'il y aurait profit à substituer aux errements du passé un régime plus en rapport avec les principes journellement proclamés et appliqués à côté de nous.

« Si chaque office garde intégralement pour lui la totalité des taxes qu'il perçoit, nous arrivons à supprimer ainsi la plus grande partie de ces comptes journaliers qui ne répondent à aucune idée pratique et dont la confusion est incontestable. » (Très-bien! très-bien !)

Voilà, messieurs, l'oraison funèbre de ces comptes qui inspiraient hier de si touchants regrets à M. le comte de Choiseul! (Sourires.)

Eh bien, voilà où la question en était avant

la guerre. Dans quelle situation nous sommes nous trouvés après la guerre ?

Tous les traités, c'est un principe de droit public, sont abolis par la guerre; non-seulement nos traités avec la Prusse, mais les traités avec toutes les autres parties de l'Allemagne, excepté l'Autriche, ont été rompus. Les deux écoles, les deux systèmes dont j'ai parlé, étaient en présence. Sile plus grand nombre de nos conventions postales étaient encore dans l'ancien système, le nouveau avait cependant pénétré dans beaucoup d'esprits.

La Prusse, qui toujours soutenu le système nouveau, ne voulait entendre parler que de celui-là. Naturellement lorsque la conférence de Francfort s'est ouverte, notre administration a demandé le statu quo ante bellum, c'est-à-dire le maintien des anciennes conventions. Elle a rencontré aussitôt les difficultés, les objections que je vous ai rappelées. Nos négociateurs ont très-bien fait de soutenir l'ancien système; après tout, comme il arrive toujours, ce qui est usité parait le plus sûr. On ne doit pas innover légèrement: ce n'est pas en un moment et brusquement qu'il faut faire succéder l'esprit de réforme à l'esprit de conservation. (Assentiment.)

On s'est aperçu bientôt qu'aucune entente n'était possible si nous voulions maintenir nos anciennes théories. D'ailleurs, la division dont j'ai parlé, qui existait depuis longtemps dans l'administration, existait alors également; elle existe encore aujourd'hui. Il y a actuellement, dans le sein de l'administration, un parti qui soutient la doctrine du passé et un parti qui accepte le nouveau système que l'Assemblée nationale est appelée à sanctionner. Cette lutte est naturelle, elle était nécessaire; seule elle pouvait amener un examen contradictoire, sérieux, qui fit triompher peu à peu et clairement la vérité, et mit d'accord les convictions à l'aide d'une transaction rationnelle.

A l'époque où il fut notoire que la conférence de Francfort ne pouvait pas arriver à une convention postale, qu'il fallait évidemment faire de cette convention l'objet d'une négociation spéciale, à cette époque le traité sur le régime douanier provisoire de l'Alsace-Lorraine n'était pas terminé. Pour résoudre les dernières questions qui laissaient encore beaucoup de difficultés à vaincre, nous eùmes l'heureuse idée de proposer à M. le ministre des finances de se charger de nos pleins pouvoirs, et d'aller à Berlin résoudre ces difficultés qu'il était plus qu'un autre compétent pour résoudre.

Je dis que ce fut une heureuse idée, car j'aime à répéter que, dans toutes les négociations, dans toutes les transactions auxquelles j'ai pris part avec la Prusse, M. Pouyer-Quertier a été notre principal, notre heureux et habile négociateur. (Très-bien! très-bien !)

Après avoir arrêté les bases du traité douanier, il a été conduit à aborder la conventioon postale et, avec la promptitude de décision et de coup d'oeil qui le caractérise, M. PouyerQuertier n'a pas manqué de reconnaître qu'il fallait trancher dans le vif; aussi il a admis que la taxe devait être de 40 centimes pour la France et, ce qui est à peu près la même somme, de 37 1/2 centimes pour l'Allemagne. chaque Etat devant, en outre, garder ce qu'il avait reçu.

C'est sur ce principe, qui fut posé à Berlin, que les négociations furent ouvertes.

L'honorable préopinant cherchait à mettre en cause le directeur général des postes. Le directeur général des postes n'est pas responsable ici; seul j'ai cette responsabilité... (Trèsbien !), et je prends à ma charge d'avoir conconseillé à M. le Président de la République d'admettre les bases de la convention et de m'autoriser à la signer. (Très-bien! très-bien !) Mais j'ai voulu m'éclairer, et j'ai trouvé dans le sein de l'administration elle-même, à côté du directeur général des postes, des contradicteurs au nouveau système.

M. Rampont. C'est vrai!

M. le ministre. J'en ai trouvé encore dans le ministère des finances. J'en ai trouvé, pourquoi ne le dirais-je pas? dans le sein du ministère des affaires étrangères. J'ai voulu les entendre; non-seulement j'ai recueilli, mais j'ai provoqué les objections et même je les ai fait valoir; j'ai établi, autant qu'il était en mon pouvoir, une discussion contradictoire entre les adversaires et les partisans du nouveau système, j'en ai appelé au directeur général des postes, au ministre des finances, qui lui-même rencontrait autour de lui des objections et des difficultés, j'ai fait connaître au ministre des finances les objections du ministère des affaires étrangères, et c'est après avoir procédé à cet examen contradictoire que j'ai pris hardiment le parti de sacrifier, malgré les circonstances qui pouvaient nous rendre ce sacrifice pénible, l'intérêt fiscal à l'intérêt économique. (Trèsbien! très-bien!)

Ainsi, messieurs, voici la base de ce traité tant attaqué, le principe fondamental d'où tout découle un expéditeur français payera 20 centimes et, moyennant 20 centimes, prix du port intérieur, sa lettre sera portée à la frontière. Il payera en outre 20 autres centimes, moyennant lesquels l'Etat lui garantit que sa lettre arrivera jusqu'aux extrémités de l'Alle

magne.

Ainsi, la lettre simple coûtera le même prix soit en France, soit en Allemagne.

Ou bien si vous voulez compter autrement, -car on compte ordinairement les lettres deux par deux, l'expéditeur français payera 40 centimes, et moyennant ces 40 centimes on lui garantit le retour gratuit de la réponse à la lettre qu'il a envoyée. (Interruptions diverses.)

Remarquez ici que deux lettres supposent une réponse, et que celui qui écrit a, en général à obtenir la réponse le même intérêt qu'à aire partir sa lettre. C'est sur le fondement de cet intérêt égal de part et d'autre que repose le principe de l'égalité des taxes entre les deux pays.

Voilà donc, messieurs, tout le système dans sa simplicité. Encore une fois, je ne rentre pas dans les détails. Une seule objection pouvait s'élever. Il était assez naturel que, dans un moment où nous sommes obligés de faire de si grands sacrifices, de recourir si largement à d'anciens impôts, on se rapppelât que nous avions dû demander aux contribuables une augmentation sur la taxe des lettres; mais il faut se rappeler que le prix de 20 centimes est pour ainsi dire le prix normal, le prix regardé en France comme le prix légitime d'une lettre simple.

Ce prix de 20 centimes est inscrit dans tous les traités, c'est en quelque sorte le prix diplomatique des lettres, si j'ose ainsi parler.

On ne pouvait songer à demander à l'Allemagne un autre prix que celui qu'on demandait à toutes les autres nations; d'ailleurs, il faut espérer que les 25 centimes que vous avez substitués aux 20 centimes ne sera qu'une surtaxe momentanée; que ce ne sera qu'une sorte de double décime de guerre qui, je l'espère, ne sera pas éternel. (Très-bien! très-bien !)

C'est ainsi, messieurs, que nous en sommes venus à souscrire cette convention très-simple qui pourra se perfectionner par l'expérience, mais qui, je le crois, dans l'ensemble de ses dispositions, sera favorable à la circulation des lettres, c'est-à-dire à l'échange des intérêts, des sentiments, des lumières, des idées dont la correspondance internationale est le principal véhicule.

Messieurs, la paix nous a coûté bien cher, mais plus elle nous a coûté, plus nous devons désirer qu'elle porte ses fruits, plus nous devons désirer de rentrer le plus tôt possible dans ces calculs de prospérité, dans ces combinaisons qui appartiennent aux temps de paix, qui ont pour but d'accroître les relations des nations entre elles, de faciliter tous ces échanges qui sont véritablement le mouvement de la civilisation elle-même. (Très-bien! trèsbien!)

On a parlé, et c'est là peut-être une des œuvres d'un temps qui n'est pas très-éloigné, d'une conférence postale. Si jamais cette conférence se réunit sur un point de l'Europe, je ne doute pas qu'elle n'ait pour but le bon marché de la correspondance universelle, la fixité et l'uniformité du prix des lettres dans toute l'Europe.

La convention que nous vous avons soumise n'est qu'un pas vers ce système d'égalité et de réciprocité, c'est un progrès qui est bien loin d'atteindre encore l'idéal qu'on peut se proposer en cette matière. Mais c'est un progrès, et, à ce titre, je prie l'Assemblée de vouloir bien l'approuver. (Marques nombreuses d'approbation et applaudissements sur divers bancs.)

M. Horace de Choiseul. Messieurs, je ne répondrai que deux mots à l'honorable ministre des affaires étrangères; mais ce sera pour lui dire que, quant à nous, nous ne pouvons point accepter comme principe les arguments qu'il est venu apporter à cette tribune. Vous serez étonnés sans doute qu'à chaque instant il soit question de la convention avec l'Italie; mais c'est qu'il n'y a, en effet, que celle-là que le Gouvernement et la commission puissent aujourd'hui prendre pour base dans la discussion; on vous l'a dit, et il faut le répéter, cette convention a été faite d'une façon essentiellement autoritaire; elle a été faite, non-seulement par dessus ce qu'avaient toujours consacré les Assemblées, mais elle a été faite par dessus les ministres eux-mêmes de l'empereur. C'est dans le cabinet de l'empereur, entre l'honorable M. Rouher et M. Nigra, représentant de l'Italic, que le traité a été conclu.

M. Rouher. Je demande la parole. (Mouvement.)

M. Horace de Choiseul. L'honorable M. Magne, ministre des finances à cette époque, a protesté, et il n'a consenti à abandonner le

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