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nouveaux, de nouvelles pensées annoncent une ère nouvelle. Les voix qui partent des ruines du passé, apportent à l'oreille des jeunes générations des sons étranges qui les étonnent, des paroles vides qu'elles ne comprennent point. Pleines d'ardeur et de confiance, elles inarchent vers le point du ciel où la lumière leur est apparue, laissant derrière elles les larves de tout ce qui n'est plus se traîner et gémir dans la nuit. Rétrograder ou s'arrêter, le voulussent-elles, elles ne le pourraient pas. Une irrésistible puissance les force d'avancer toujours. Qu'importe les périls, les fatigues de la route? Elles disent comme les croisés, Dieu le veut! Le génie aussi prophétise. Du haut de la montagne, il a découvert la terre lointaine où le peuple se reposera au sortir du désert; et nos neveux un jour en possession de cette terre heureuse, se rediront d'âge en âge le nom de celui dont la voix encouragea leurs pères dans le voyage.

« La société telle qu'elle est aujourd'hui n'existera » pas à mesure que l'instruction descend dans les >> classes inférieures, celles-ci découvrent la plaie se» crète qui ronge l'ordre social depuis le commence» ment du monde; plaie qui est la cause de tous les >> malaises et de toutes les agitations populaires. La trop » grande inégalité des conditions et des fortunes a pu se » supporter tant qu'elle a été cachée d'un côté par l'i» gnorance, de l'autre par l'organisation factice de la cité; mais aussitôt que celte inégalité est générale» ment aperçue, le coup mortel est porté.

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» Recomposez, si vous le pouvez, les fictions aris>>tocratiques; essayez de persuader au pauvre, quand » il saura lire, au pauvre à qui la parole est portée chaque jour par la presse, de ville en ville, de village » en village; essayez de persuader à ce pauvre, possé» dant les mêmes lumières et la même intelligence que » vous, qu'il doit se soumettre à toutes les privations, » tandis que tel homme, son voisin, a sans travail, » mille fois le superflu de la vie; vos efforts seront inu» tiles: ne demandez point à la foule des vertus au-delà » de la nature.

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» Le développement matériel de la société accroîtra

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>> le développement des esprits. Lorsque la vapeur sera » perfectionnée; lorsque, unie au télégraphe et aux » chemins de fer, elle aura fait disparaître les distances, » ce ne seront pas seulement les marchandises qui voya» geront d'un bout du globe à l'autre avec la rapidité de l'éclair, mais encore les idées. Quand les barrières » fiscales et commerciales auront été abolies entre les >> divers Etats, comme elles le sont déjà entre les pro» vinces d'un même Etat; quand le salaire, qui n'est » que l'esclavage prolongé, se sera émancipé à l'aide de l'égalité établie entre le producteur et le consomma» teur; quand les divers pays, prenant les mœurs les » uns des autres, abandonnant les préjugés nationaux, les vieilles idées de suprématie ou de conquête, ten» dront à l'unité des peuples; par quel moyen ferez» vous rétrogader la société vers des principes épuisés ? » Bonaparte lui-même ne l'a pu : l'égalité et la liberté, auxquelles il opposa la barre inflexible de son génie, » ont repris leur cours et emportent ses œuvres; le » monde de force qu'il créa s'évanouit; sa race même » a disparu avec son fils. La lumière qu'il fit n'était qu'un météore.....

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» Un avenir sera, un avenir puissant, libre, dans » toute la plénitude de l'égalité évangélique; mais il » est loin encore, loin, au-delà de tout horizon visible: » on n'y parviendra que par cette espérance infatigable, incorruptible au malheur, dont les ailes croissent et grandissent à mesure que tout semble la tromper; par cette espérance plus forte, plus longue que le temps, et que le chrétien seul possède (1). »

»

>>

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(!) M. de Châteaubriand, Essai sur la littérature anglaise, t. II, p. 391 et suiv.

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Bien que le peuple d'Israël, conduit par une main toute-puissante, eût des promesses certaines de durée, il n'en éprouva pas moins des vicissitudes nombreuses; tour-a-tour glorieux, humilié, libre sous le ciel de la patrie, captif sur des rives étrangères, selon qu'il deincurait fidèle à sa loi, ou qu'un esprit d'erreur l'emportait en des voies trompeuses. Car, ainsi qu'en tous les enfans d'Adam, un principe de désordre luttait sans cesse, au sein de ce peuple, contre le principe de vie. Ses grandes destinées lui pesaient. Des hauteurs où Dieu l'avait élevé pour indiquer au genre humain la route de l'avenir, il abaissait ses regards sur la plaine, impatient de se mêler à la foule qui se remuait là, ivre d'une joie malade. Séduit par la religion des sens, par l'éclat et l'attrait d'une société brillante comme le soleil d'Orient, voluptueuse comme la nature qu'il féconde; séduit par la servitude même, il descendait : et aussitôt

l'invisible vertu qui émanait du Saint des Saints pour conserver la nation choisie, semblait y rentrer momentanément. Les Chérubins repliaient leurs ailes sur l'arche sacrée. La nuit se faisait; et dans cette nuit, je ne sais quelle lueur funèbre montrait à l'horizon le fantôme de la mort. Et à ces époques lamentables, d'où partaient les premiers exemples de la prévarication? Qui donnait le signal de la révolte contre Jéhova, et provoquait les calamités dont le récit, après tant de siècles, nous épouvante encore? Les rois et leurs flatteurs, les grands, les prêtres mêmes. La corruption rampait du trône à l'autel, et de l'autel au trône. Des pontifes, sans zèle et sans foi, ouvraient aux passions les portes du sanctuaire. Les cérémonies du culte antique, devenues un vain spectacle, voilaient mal l'ambition, le luxe, l'avarice, seules divinités que désormais on y adorât; et quand le crime des uns, l'indifférencedes autres, avaient placé l'Etat et la religion qui lui servait de base sur le bord de l'abîme, une politique stupide, impie, achevait de les y précipiter. Toutefois ni les avertissemens, ni les conseils, ni les prophéties ne manquaient au peuple qui se perdait. La douleur et l'indignation soulevaient de fortes poitrines, et du fond du désert, dernier asile de la conscience en ces temps de bassesse et d'aveuglement, des voix tonnantes jetaient la menace au milieu de Jérusalem.

Semblable en cela au peuple de Dieu qui en était le type, l'Eglise aussi a traversé bien des jours mauvais, a subi bien des épreuves depuis son origine. Persécutée au dehors par les puissances mondaines, elle a été travaillée au dedans par les hérésies, les schismes, nécessaires, dit saint Paul (1); par les désordres de ses ministres, ou leur insouciante langueur. Il y eut des époques désolantes où l'on aurait cru qu'elle allait périr, tant les attaques dirigées contre elle étaient violentes et multipliées, ou tant elle paraissait épuisée en elle-même. Car la force infinie qui la soutient est invisible; tandis que l'élément humain qui combat cette force divine,

(1) Corinth, XI, 19..

frappe incessamment tous les yeux. Ainsi, lorsque le marteau des rois tombait de son énorme poids sur l'édifice sacré, on voyait ce qui brise, on ne voyait pas ce qui résiste, ou ce je ne sais quoi de plus secret encore qui répare. Lorsque l'erreur amoncelait ses nuages, on voyait les ténèbres s'épaissir, on ne voyait pas les rayons de la vérité indéfectible qui, d'en-haut, pénétraient ces nuages et peu à peu les dissipaient. Lorsque, dans la chrétienté presque entière, tous les vices recouvraient le sacerdoce comme un vêtement, on voyait cette enveloppe impure, on ne voyait pas l'énergie interne qui bientôt allait la rejeter, on ne voyait pas l'amour, l'amour indestructible qui préparait intérieurement de nouveaux prodiges de vertu, de foi, de zèle et de sacrifice. Il en sera de même jusqu'à la fin. Jusqu'à la fin l'Eglise offrira ce mélange de la misère de l'homme et de la puissance de Dieu. Infirme dans sa partie terrestre, elle paraîtra près de se dissoudre, à certains momens de sa durée. On dira: Son terme est venu, la voilà qui penche vers la tombe, et l'on ne se trompera pas tout-à-fait, car quelque chose qui est en elle, mais qui n'est pas elle, devra mourir effectivement. Ce sera tantôt ce que le cours des choses et des passions humaines y aura établi d'étranger et souvent même de contraire à sa nature; tantôt ce qui, passager en soi, aura vieilli avec les âges: des formes usées, des institutions qui, ne tenant pas à son essence, varient selon les temps, l'état de la société et ses besoins divers. Mais après avoir abandonné cette dépouille décrépite, et livré ce qui est de l'homme à la destinée de l'homme, on, la verra relevant la tête, sourire aux peuples rassurés et marcher devant eux, avec une vigueur nouvelle, vers le but assigné par le Créateur à l'humanité rachetée par son Fils.

Toutefois, et quoique Dieu seul, présent à son Eglise, soit le principe vivant, l'efficace énergie qui la conserve et la développe, il est dans l'ordre voulu de lui qu'à l'action des causes qui tendent à le détruire ou à l'altérer, on oppose une action réparatrice, afin que la créature libre concoure, selon les lois de l'ordre, au

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