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EXTRAIT DU MONITEUR.

Du vendredi 12 mai 1815.

EXTÉRIEUR.

ANGLETERRE.

Londres, le 5 mai.

(Extrait du Statesman.)

Nous apprenons de Vienne que la seconde de

claration que le congrès devait publier contre Napoléon n'aura pas lieu, parcequ'on n'a pas pu s'accorder sur les termes dans lesquels il fallait la rédiger. Ainsi on admet que le congrès, qui est encore assemblé, n'est pas d'accord sur le sujet de la guerre avec la France. Quelques-unes des puissances qui composent cette assemblé, peuvent voir aujourd'hui la nécessité de changer le style de leurs déclarations, quoiqu'elles n'aient pas été très-scrupuleuses sur la forme de celles qu'elles ont déjà publiées. Nous soupçonnons que les termes sur lesquels on ne s'accorde pas, ne sont pas les expressions. Il s'agit de termes qui offrent un peu plus de difficultés. Après la grande colère du conclave des rois, nous nous attendions à les voir arriver plus tôt, la torche à la main, et mettre le feu à une autre Troie, et danser sur la tombe du principal objet de leur haine. Mais nous ap

prenons que leur départ est différé, que les alliés ne veulent commencer les hostilités que lorsqu'ils auront rassemblé toutes leurs forces sur une seule ligne, ce qui ne peut avoir lieu que vers la fin de juin, ce qui désappointe un peu les chauds partisans de la guerre.

La France n'est pas le seul objet qui fixe aujourd'hui l'attention des hautes puissances. Il n'y a pas de doute que la Pologne ne soit dans un état d'insurrection; c'est apparemment pour cette raison que l'on a réduit le nombre de troupes russes qui devaient agir contre la France. Il faut bien laisser en Pologne un certain nombre de lances de cosaques pour maintenir l'ordre de choses si heureusement etabli. En outre, on a remarqué dans les pays partagés par le congrès, et dans ceux qui sont menacés d'être forcés à la guerre, des dispositions qui inquiètent. La Saxe n'est point tranquille; la Suisse est mécontente qu'on ne veuille pas respecter sa neutralité; la Suède et la Turquie inspirent des craintes à la Russie. Les voisins de la France ne partagent pas tous l'animosité des souverains. L'Italie n'est point encore débarrassée de Murat. Les 20,000 Croates qu'on fait débarquer de la Dalmatie; les Siciliens qu'on jette dans la Calabre; la déclaration de guerre de l'Angleterre sont des événemens possibles, même probables, mais tout au plus dans un mois. Ce qu'il y a de certain, c'est que les papiers d'Alleinagne, même de Bruxelles, ne sont plus aussi èpouPentablement menaçans.

Seconde lettre à lord Castlereagh.

(Extrait du Veckly-Political-Register.)

Quand j'y réfléchirais toute ma vie, je ne pour rais trouver une définition plus franche et plus complette du dernier message du prince-regent, et des discussions qui l'ont suivi, que celle renfermée dans ce seul vers d'un de nos meilleurs poëtes:

Il veut blesser, mais frapper l'épouvante.

Je sais bien pourquoi vous êtes encore épouvanté de frapper, mais je ne vois pas pourquoi vous voulez le faire.

La guerre de 1793 fut appelée à juste titre une croisade quelques-uns disent qu'elle était en faveur de la religion et de l'ordre social; d'autres qu'elle était contre la liberté : tous reconnaissaient que c'était la guerre des rois, des nobles et des prêtres contre les ennemis de la royauté et du gouvernement féodal et ecclésiastique. Il est impossible de considérer l'état présent des choses sans reconnaître que par un mouvement subit l'Europe est revenue à la même situation qu'en 1793, avec celte différence que la France est en possession des biens que les défenseurs de la révolution ne faisaient alors que lui promettre; avec cette différence encore que nous savons qu'il ne faut pas voir un présage de succés dans les sacrifices que son Empereur offre de faire pour obtenir la paix, parce que nous n'avons pu oublier qu'en 1795 les chefs de la république offrirent bien davantage, et que lorsqu'ils furent forcés de recourir aux armes, ils se

trouvèrent en état, non-seulement de défendre le sol français, mais de conquérir une grande partie du territoire de leurs agresseurs.

Les événemens de 1814 avaient, dites-vous, guéri le Monde de tous ses malheurs et assuré sa tranquillité. A regarder la chute de la superstition et de la puissance féodale comme un malheur, il faut avouer que les succès des alliés, en ont guèri une grande partie du Monde; et en considérant le rétablissement des jésuites et de l'inquisition d'un côté, ainsi que l'extinction des républiques de Hollande, de Venise, de Gênes comme une amélioration, il faut encore avouer qu'on la doit aux succès des alliés. Mais à l'aspect des événemens qui se préparent peut-on dire que les alliés ont assuré la tranquillité du Monde.

Un autre effet des succès qu'ils ont obtenus était, avez-vous dit, de rétablir le systéme social. Il faudrait savoir ce que vous entendez par ces mots, et si, par exemple, vous ne poursuiviez pas le rétablissement du système social lorsqu'après l'abdication. de Napoléon, vos collègues au ministère disaient qu'il fallait continuer la guerre d'Amérique jusqu'à Madison fût déposé. Il ne paraît pas que ce que dans ce Monde, au moins, vous ayez atteint votre but; car vous y avez laissé subsister tout ce qui existe en France, un premier magistrat, une législature élue par le peuple; une proscription des droits féodaux, de la supériorité attachée à la naissance, d'ordres privilégiés, d'une église dominante; une liberté entière de la presse en matière d'opinion; une parfaite égalité de droits civils. Si tout cela ce

pendant ne peut entrer dans le systême social, il faut convenir que le Monde n'y sera rétabli qu'après une nouvelle restauration des Bourbons. Peut-être aussi pensez-vous que le systéme social n'est rétabli qu'en Espagne, en Italie, à Gênes.

Vous revenez à dire que l'armée seule a demandé l'Empereur; qu'elle seule le maintient contre le vœu du peuple, a tant de preuves déjà données du contraire dans ma précédente lettre, ajoutons quelques considérations importantes.

Depuis longues années, les Anglais entendent répéter, et doivent être persuadés, que les armées françaises ne sont point composées de volontaires; qu'on n'y voit point de ces hommes conduits par l'amour de la gloire; que ses rangs sont remplis au contraire par des infortunés qu'on a conduits enchaînés. Que de volumes ont été écrits sur les effets de la conscription? Ne devions nous pas croire que ces pauvres gens ne soupiraient qu'après le moment où ils seraient rendus à leurs familles? Et cependant, chose étrange, on nous dit aujourd'hui que ce même chef, si vivement accusé, vient d'être rappelé et soutenu, contre un prince doux et bienfaisant, par cette même armée. Quoi donc, ces hommes chérissent-ils des chaînes et les tortures qui les ont enregimentés, au point qu'après en avoir été délivrés, ils courrent se remettre sous le commandement de celui dont ils ont éprouvé mille cruautés ? En vérité, rien de ce que l'histoire nous apprend ne nous montre encore un peuple chérir ainsi son tyran et redemander sa tyrannie.

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