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Considérations Générales.

L'attention des représentants des Puissances s'est particulièrement portée sur l'examen d'un fait qui, de prime-abord, paraît être anormal et nécessite quelques explications. D'un ensemble de déclarations et de constatations il résulte en effet que l'année 1899 a été marquée par une recrudescence réelle de tentatives ayant en vue le trafic des esclaves. Il importe de rechercher les causes d'un état de choses qui, semble-t-il, vient à l'encontre des dispositions prises par les Puissances, et de l'action directe du Bureau institué par elles. Ainsi qu'on va pouvoir s'en rendre compte, les circonstances seules ont contribué à favoriser un commerce illicite, dont la pratique est universellement réprouvée.

Par suite de la grande sécheresse qui a régné pendant les années 1897 et 1898, les cultures ont été abandonnées ou détruites dans les hautes régions avoisinant les possessions Allemandes et Anglaises de l'Afrique Orientale. Le manioc, les patates et les fruits divers qui forment la base de l'alimentation indigène ont manqué tout à coup, déterminant une famine extrême dans le pays entier, et obligeant les noirs à se rapprocher de la côte; le mauque d'eau durant cet exode en masse a fait de nombreuses victimes, malgré les efforts des autorités pour secourir ces malheureuses populations. Celles-ci en ont été bientôt réduites aux dernières extrémités, et il est arrivé que des nègres se sont offerts d'eux-mêmes pour être vendus comme esclaves. Bien plus, certains d'entre eux ont tiré profit de la vente de leurs femmes et de leurs enfants. Les Arabes, toujours tentés par l'appât du gain, n'ont eu garde de laisser s'échapper une proie si facile, pensant trouver là une occasion de ravitailler les ports de la Mer Rouge et du Golfe Persique, où les esclaves font totalement défaut en ce moment. Ces noirs étaient amenés du continent et principalement de la côte Allemande, pendant les mois d'Avril, Mai, et Juin, au nombre de deux ou trois à la fois, sur de petites embarcations de pêche appelées "galawa;" ils étaient débarqués de nuit en un point quelconque de l'île, puis, groupés et acheminés sur des shambas en attendant le moment propice d'un départ pour la côte Arabique.

Les autorités ont fait preuve de la plus grande activité pour combattre de pareilles manoeuvres; des ordres énergiques ont été donnés et une surveillance des plus étroites a été exercée. Grâce au concours d'efforts tendant à un même but, il faut rendre cette justice que, dans la plupart des cas, on est parvenu à déjouer les tentatives les plus cachées et à s'emparer des délinquants. Les Tribunaux compétents ont eu à sévir dans une large mesure, ainsi qu'en témoigne le grand nombre de jugements entraînant des condamnations, et dont nous donnerons un aperçu au cours de cet exposé.

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On a remarqué que, malgré les conditions tout à fait exceptionnelles mentionnées plus haut, l'importation des esclaves en Turquie et dans l'Oman, loin d'augmenter, a bien plutôt diminué: un rapport du Consul de France à Mascate constate le fait, et ce fonctionnaire ajoute même que la pénurie d'esclaves a été si complète cette année à Sour et à Mascate que les propriétaires n'ont pu s'en procurer, à n'importe quel prix, pour leurs besoins domestiques. Ce résultat est conforme à ce qu'on était en droit d'attendre des dispositions prises pour réprimer le mal. En résumé, donc, si le nombre des individus pouvant faire l'objet d'un trafic a augmenté, d'une part, dans certaines proportions, ils n'ont pu, d'autre part, être exportés de Zanzibar, ayant été, à peu d'exceptions près, remis en liberté à la suite des recherches et des délits poursuivis.

A titre de renseignement nous donnons ci-après le tableau des esclaves libérés par les soins du Consulat Impérial d'Allemagne à Zanzibar, en 1899. Tous ces esclaves provenaient de la Colonie Allemande.

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Il convient maintenant de mentionner les mesures prises dans un but humanitaire et propres à assurer la sécurité de la navigation boutrière, dont le Bureau s'est occupé. Le Gouverneur-Général des possessions Allemandes, frappé de l'abus provenant de l'embarquement d'un nombre excessif de passagers sur les boutres, vu les dimensions ordinaires de ces navires, qui, souvent, ne prennent pas en quantité suffisante l'eau et les vivres nécessaires à des traversées se prolongeant souvent fort longtemps, par suite des calmes ou des courants contraires, a mis en vigueur un règlement rendant les patrons responsables et leur enjoignant, à l'avenir, de ne prendre qu'un nombre de passagers en rapport avec le tonnage du bâtiment. Le chiffre maximum des passagers à embarquer est inscrit en tête du rôle, et établi par une Commission d'experts

nommés à cet effet. On ne saurait qu'approuver la sagesse de cette réforme, et les Délégués ont aussitôt adopté et prescrit des règles semblables dans leurs Consulats respectifs.

Incidents divers, Jugements, &c.

Dans la séance du 18 Avril le Délégué Français a fait part à ses collègues d'un incident survenu dans le port de Zanzibar, et de nature à prêter à équivoque. Un nègre, âgé d'environ 13 ans, s'est précipité dans la mer du haut d'un boutre ancré dans la rade, au moment où passait à proximité une chaloupe appartenant au Gouvernement local.

Les askaris qui se trouvaient dans cette embarcation recueillirent le jeune nègre et l'interrogèrent. Celui-ci répondit qu'il avait été retenu à bord du boutre qu'il désigna et qui battait pavillon Français. A la suite de ces déclarations, une enquête fut ouverte et la vérité ne tarda pas à s'établir: le nègre en question, ami du mousse de l'équipage, s'était rendu à bord volontairement pour l'y voir. Après une journée passée ensemble, le visiteur demanda à regagner la terre; son compagnon s'opposa à le laisser partir; une querelle s'ensuivit, après quoi, voyant une embarcation s'approcher, il sauta dans l'eau. Le capitaine et la plupart des hommes d'équipage ne se trouvaient pas à bord et ne pouvaient être en aucune façon suspectés. Un cas plus grave s'est présenté dans la suite, entraînant la saisie et la vente par autorité de justice d'un autre boutre portant pavillon Français, le "Fath-el-Kheir," à bord duquel on découvrit vingt esclaves. Le capitaine et le subrécargue reconnus coupables de crime de Traite ont été condamnés par la Cour d'Appel de SaintDenis (Ile de la Réunion) à trois et à deux ans de prison. Copie du dit jugement est déposée aux archives.

Le Délégué Anglais a fait connaître qu'un boutre portant le pavillon du Sultan de Zanzibar et chargé d'esclaves a fait naufrage sur la côte de Wasin; des cinquante esclaves se trouvant à bord, treize seulement furent sauvés. Un des Arabes qui accompagnaient cette cargaison humaine s'est noyé, tandis qu'un autre s'échappait; six matelots ont été arrêtés et condamnés à cinq ans de prison avec "hard labour."

D'autres condamnations variant entre deux et trois ans ont été prononcées dans cette même affaire contre des individus complices.

Parmi les jugements en matière de Traite dont les copies existent aux archives, notons un jugement rendu par le Tribunal de Tabora (Afrique Orientale Allemande) dans le cas suivant: un individu ayant engagé deux nègres en qualité de porteurs et ne possédant pas les ressources suffisantes pour leur payer un salaire, ne trouva rien de mieux que de vendre l'un d'eux pour s'assurer les services de l'autre.

Pour ce fait il a été condamné à quatre années de chaîne, tandis qu'un complice se voyait infliger trois ans de la même peine.

Les Tribunaux de Dar-ès-Salaam et de Bagamoyo n'ont pas eu moins de onze jugements à prononcer, entraînant vingt-neuf condamnations aux travaux forcés pour faits de Traite entre la côte et Zanzibar.

Titres de Navigation, Transferts, &c.

En 1899 le port du pavillon Britannique a été accordé à 168 boutres, celui du Sultan à 88; 25 boutres étaient autorisés à arborer le pavillon Allemand et 5 le pavillon Français.

Les transferts de pavillon étaient les suivants :

Du pavillon Anglais au pavillon Zanzibarite
Du pavillon Français au pavillon Zanzibarite
Du pavillon Allemand au pavillon Zanzibarite

Du pavillon Anglais au pavillon Allemand
Du pavillon Allemand au pavillon Anglais

8472

Du pavillon Français au pavillon Anglais
Du pavillon Anglais au pavillon Français
Du pavillon Français au pavillon Italien

6

1

1

On comptait enfin 6 boutres Anglais détruits ou perdus, 5 Français, 1 Allemand, et 1 Zanzibarite.

Le tableau suivant donnera le nombre et le tonnage des boutres du port de Zanzibar tant à l'entrée qu'à la sortie :

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Participation du Bureau International de Zanzibar à l'Exposition Universelle de Paris en 1900.

Sur l'invitation qui lui en a été faite, le Bureau International de Zanzibar a décidé à l'unanimité de prendre part, dans la mesure du possible, à l'Exposition Universelle de Paris en 1900. Il a jugé comme devant attirer plus particulièrement l'attention du public de présenter une série de photographies d'esclaves libérés et d'indigènes

condamnés pour s'être livrés à la Traite. De plus, les différents types de boutres servant à la Traite seront exposés sous la forme de petits modèles d'une exactitude absolue, fabriqués par des indigènes aux environs de Dar-es-Salaam; ces différents objets seront envoyés directement à Paris dans le plus bref délai.

Zanzibar, le 20 Janvier, 1900.

Vu et approuvé : PAUL TAILLET, Président.

R. LARONCE, Secrétaire du Bureau.

CONVENTION entre l'Etat Indépendant du Congo et la Compagnie du Katanga.-Signée à Bruxelles, le 19 Juin, 1900.

LEOPOLD II, Roi des Belges, Souverain de l'État Indépendant du Congo, à tous présents et à venir, salut;

Sur la proposition de notre Secrétaire d'État,

Nous avons décrété et décrétons :

Article unique-Notre Secrétaire d'État est autorisé à conclure avec la Compagnie du Katanga uue Convention dont la teneur sera conforme au Projet ci-annexé.

Donné à Bruxelles, le 2 Juin, 1900.

Par le Roi-Souverain :

Au nom du Secrétaire d'État,

H. DROOGMANS,

CHEVALIER DE Cuvelier,

LIEBRECHTS,

Secrétaires Généraux.

LÉOPOLD.

ENTRE l'État Indépendant du Congo et la Compagnie du Katanga,

Il a été convenu ce qui suit:

ART. I. Il est créé un Comité spécial pour assurer et diriger en participation l'exploitation de tous les terrains appartenant au Domaine de l'État et à la Compagnie du Katanga et compris entre le 5o de latitude sud, jusqu'au 24° 10' de longitude est de Greenwich, une ligne droite rejoignant ce point à l'intersection du 6° de latitude sud avec le 23° 54' de longitude est, ce 23° 54' de longitude et les frontières méridionale et orientale de l'État.

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