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ne sera pas grave et sévère; il a fallu avouer les particularités qui précèdent. Du dehors, on assiége les cardinaux, par des intrigues, par des sollicitations, par des menaces; il faut bien qu'ils se défendent ils sont sujets aux passions humaines, et les détracteurs de ces nobles assemblées y porteroient-ils un esprit plus réfléchi, et des intentions plus honorables?

Maintenant, qu'on se rassure! chacun va tenir son rang avec la dignité convenable, mais aussi sans cesser de commettre des fautes. Plût à Dieu qu'au milieu de ces opérations si diverses que nous devons retracer, les passions de la fragilité humaine y compris celles de l'historien lui-même, ne dussent pas être encore signalées ! Mais les révélations n'arriveront que trop tôt : en attendant, pour dire toute la vérité, il a fallu parler du conclave de 1800, comme nous en avons parlé.

Si les hommes qui vouloient le bien (et les cardinaux Chiaramonti et Maury, ainsi que le prélat Consalvi, ne vouloient que le bien de la religion), si les hommes qui vouloient ce qui étoit sage et utile, n'avoient pas employé leurs vertus et leurs talens à faire triompher la cause raisonnable, ils abandonnoient trop indignement la place aux insensés qu'il est facile d'amener au mal. L'habileté qu'accompagnent les bonnes intentions est toujours honorable, et dans un conclave, l'habileté des Italiens se

trouve là tout exprès, et tout à propos, pour empêcher les succès ambitieux d'un étranger quelconque (dans le temps, à propos d'autres actions, je ne ménagerai pas davantage les Français). Ce sont les Italiens, et surtout ceux du centre de la péninsule, qui ont à garder le grand dépôt. Il sera toujours heureux que ces Italiens soient préférés pour le haut fardeau du pontificat, et qu'entre eux on porte particulièrement les yeux sur ceux qu'aucune menée inconvenante, qu'aucune promesse coupable n'a détachés d'avance des vrais intérêts du Saint Siége, qui ne sont que les intérêts de l'universalité du christianisme. Combien on se trompe d'ailleurs, en imaginant absolument, comme on le fait trop souvent, qu'on retire un grand profit d'une immense influence au conclave, et de l'honneur d'y avoir dirigé le choix! Quelquefois, on n'est jamais plus mal servi que par son protégé, et le cardinal de Bernis disoit : « Je ne ferai pas une intrigue pour contribuer à la nomination d'un pape. Nommez celui qui est le plus notre ennemi. Placez-le bien sur la chaire de saint Pierre. Là, presque toujours, à moins qu'il ne soit très-foible et très-vieux, il ne se montrera qu'un homme de sens, et il comprendra sa position après cela, donnez-moi, à moi ministre de France, donnez-moi un des ministres du corps diplomatique à Rome, celui que vous voudrez, je n'en ai besoin que comme

d'un confident: alors à nous deux, ce ministre et moi, par une conduite réservée et courageuse, nous nous ferons autant et plus considérer que ne sauront se faire craindre ceux qui auront tout obtenu à la Chapelle sans nous. »

J'ai passé plus de vingt ans à Rome, dans des fonctions diplomatiques, et je suis entièrement de l'avis du maître à tous, le cardinal de Bernis: du reste, ces réflexions ne sont pas ici absolument applicables à l'Autriche. Elle croyoit devoir désirer Mattéi. Il ne s'agissoit pas de lui demander les Légations; il s'agissoit d'avoir affaire à un homme foible, qui ne l'auroit pas inquiétée dans la possession de ces provinces.

CHAPITRE VI.

ENCYCLIQUE DU PAPE PIE VII. IL S'EMBARQUE POUR ALLER A ROME. IL ENTRE DANS CETTe ville le 3 juillet. bulle post DIUTURNAS. LOI SALUTAIRE SUR LA MONNOIE DE BAS ALOI.

MONSIGNOR Consalvi méritoit une récompense. Elle lui étoit due même par le sacré collége. Il obtint la promesse d'un chapeau, qu'il a depuis reçu, avec la place de secrétaire-d'État, qui avoit dans ses attributions toutes les relations avec les gouvernemens étrangers, et plusieurs fonctions assez importantes, qui concernent l'administration intérieure.

Avant de recevoir le chapeau, il n'eut que le titre de secrétaire-d'État par intérim (1).

Nous observerons dans le cours de ce récit que le cardinal Maury ne fut pas assez dignement récompensé.

Il ne faut pas s'étonner de voir un secrétaire général du conclave, jouer un grand rôle, et

(1) Consalvi se fit donner cette place d'intérim d'une manière trèsadroite. Il dit à Pie VII: «L'Autriche n'a pas fait le Pape; si vous voulez nommer ici aux grandes charges, c'est elle qui dictera les choix. Ajournez surtout la nomination du secrétaire-d'Etat. Vous y penserez à Rome, où vous serez libre de toute influence. >>

Pie VII ayant déféréà ces avis, le prélat remplit par intérim la place de secrétaire-d'État, et ne la rendit plus.

devenir comme l'arbitre entre des factions ouvertement opposées.

Le prélat Fanelli, également secrétaire du conclave, en 1644, dans lequel on élut Innocent X (Jean-Baptiste Pamphili), avoit presque seul décidé cette élection. L'histoire du temps ne dit pas si le Pape lui en témoigna sa reconnoissance. On sait qu'il fit cardinaux, Gori et Giorio, ses conclavistes, parce qu'ils l'avoient servi avec zèle et assiduité.

Cependant la cour de Vienne, un peu blessée de la nomination de Chiaramonti, avec qui elle n'avoit pas pensé à traiter, avoit refusé de le laisser couronner dans l'église Saint-Marc. Le 21 mars, Pie VII fut couronné dans l'église Saint-George, par le cardinal Antoine Doria, chef de l'ordre des cardinaux diacres, et frère du cardinal Joseph.

Un pontife tel que Pie VII pouvoit-il ne pas se livrer, sur-le-champ, aux travaux les plus solennels du Pontificat? Le 15 mai 1800, il adressa une encyclique aux cardinaux, et à tous les évêques de la chrétienté; on y remarquoit ce passage:

« Nous éprouvons une profonde tristesse et une vive douleur en considérant ceux de nos enfans qui habitent la France; nous sacrifierions notre vie pour eux, si notre mort pouvoit opérer leur salut. Une circonstance diminue et adoucit l'amertume de notre deuil. C'est la force et la constance qu'ont montrées plusieurs d'entre vous, et qui ont

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