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absurde que ce prétendu martyre. Ce sera un serviteur, un sot, un aumônier parasite, qui aura inventé cela en voyant faire les paquets du cardinal, et le cardinal ne sachant que dire à Acton, qu'il déteste, l'aura répété pour exprimer en peu de lignes quelque chose de frappant, et pouvoir ensuite penser à autre chose.

M. Cacault ajoute que le cardinal va d'ailleurs devenir ennemi de Naples, après une telle défection (circonstance du plus grand avantage pour la politique française). Ge négociateur malencontreux ne paroîtra qu'en tremblant devant le vainqueur de l'Italie, dont il vient de méconnoître les qualités généreuses, et, il faut le dire, plus d'une prévision magnanime.

M. Cacault prouve ensuite que jamais moment n'a été plus favorable pour traiter avec un tel homme, et dans une telle situation. La lettre se terminoit par ces paroles :

« Souvenez-vous bien, grand général, que lé Saint Siége n'aura jamais de communication sincère avec Acton, ce principal explorateur en Italie des premiers cabinets de l'Europe; Acton, qui rachète auprès d'eux la médiocrité de son importance, par la multiplicité et la servilité de ses avis. Voilà les deux voisins brouillés à mort. Leurs affaires porteront des traces de cette mésintelligence. Après tout cela, je vous en conjure, tenez-vous à un commencement de froideur; quand on traite avec les Italiens, il faut consoler, je dis toujours cela, il faut soutenir leur sensibilité, c'est-à-dire, les empêcher de se laisser accabler sous le poids des impressions que leur fibre délicate reçoit si faci

lement. N'humiliez pas trop Consalvi; prenez garde au parti qu'un homme aussi habile que lui malgré ses peurs, dont il revient, sauroit tirer de sa propre faute; ne le mettez pas sur le chemin de la ruse; abordez ses vertus avec les vôtres ; vous êtes grands tous les deux, chacun de vous à sa manière, et seulement dans d'autres proportions; vous connoissez et vous ne connoissez pas la lettre à cet Acton, et alors vous accomplirez vous-même la pieuse entreprise.

» Enfin, enfin, puisque vous le voulez, je ne comptois pas le dire, mais il faut achever. Supposez qu'un Mattéi ait dit cela, qui pourroit lui en savoir mauvais gré? Notre Consalvi pense peut-être avoir ses raisons. Il étoit Monsignor Sull'armi, quand on a tué Duphot, et il se croit le soldat qui a tiré sur le général. Les patriotes le lui ont tant dit à ce cardinal, qu'il le croit comme les quatre évangiles. Pour cela, du temps de Berthier, les patriotes cherchèrent Consalvi pour le conduire dans Rome attaché sur un âne; le prélat se cacha et il évita cet affront. Vous connoissez, ainsi que moi, les détails de ce déplorable événement. Personne à Rome n'a donné ordre de tirer, et de tuer qui que ce soit ; le général a été imprudent, tranchons, il a été coupable. Il y avoit à Rome un droit des gens comme partout. Le soldat a dit qu'en tirant sur un homme dont le chapeau bordé d'or étoit surmonté de hauts panaches, il avoit cru arrêter le courage de celui qui marchoit hardiment en avant, et pouvoir se sauver. Tous ces détails m'ont été confirmés à Rome, et je les tiens des Romains même que nous appelions patriotes. Consalvi, aussi, a fait alors, comme Monsignor Sull' armi, une visite au général Provéra, que le Pape faisoit venir pour remplacer Colli. Vous figurez-vous le malheur d'avoir visité ce Provéra que vous aviez si bien battu même deux fois! Le prélat ne sait pas que quand vous avez battu les gens, vous les estimez encore... J'écris ceci dans le cabinet de votre frère, et s'il entre avant que je ferme ma lettre, je la lui lirai. Je ne

dirai pas au premier consul, pourquoi il est indispensable que j'adresse ces informations à lui seul. Jamais je n'ai été si diffus, jamais je n'ai eu plus besoin d'une protection et d'une amitié pareilles à celles que le général Bonaparte me témoignoit à Tolentino dans ses confidences, et à Rome dans les lettres où il vouloit bien apprécier mon zèle. Agréez mes vues, et ne doutez jamais de mon dévouement. »

Le premier consul approuve ce que lui conseilloit M. Cacault, reçoit froidement Consalvi, ne paroît pas trop mécontent d'apprendre qu'on avoit peur de lui, peu à de lui, peu à peu a l'air de revenir à des procédés plus bienveillans, jette du ridicule sur la politique niaise d'Acton, qui veut arrêter des torrens avec des toiles d'araignées et des caquets, traite quelque temps après le cardinal avec des commencemens d'amitié, puis avec confiance, lui demande finement pourquoi il répond pour un autre, à ce qu'on a dit à un autre en riant, s'enquiert si, en Italie, on ne regarde pas le premier consul comme un ogre qui mange les prêtres, l'écrase bientôt d'une de ces improvisations primesautières, dans lesquelles il a toujours excellé quand il étoit dans une bonne voie, lui signifie des projets de concordat hardis, presque protestans, les modifie, tombe à la fin lui-même, ainsi qu'il l'a dit plusieurs fois, sous le charme des grâces de la Syrène de Rome, et termine la rédaction de cette convention appelée aujourd'hui Concordat de 1801.

CHAPITRE X.

EXAMEN DU CONcordat de Léon x et de franÇOIS 1er.

Nous devons citer les propres termes de ce traité important; mais auparavant il convient, puisqu'il sera souvent question du Concordat de François Ier, de dire quelles furent les stipulations de ce traité antique, qui avoit été, jusqu'en 1790, la règle des relations du Saint Siége avec les monarques français.

Dans le commencement de la dynastie Capétienne, les élections des évêques, pour être canoniques, devoient être faites par le clergé. Le métropolitain et les évêques de la province ecclésiastique mettoient le sceau à ce choix, en y adhérant et en consacrant le nouvel élu. Il est certain que le concile de Reims, tenu en 1049, ordonna que les élections ne seroient attribuées qu'au clergé. Quant au peuple, à qui on a dit que la même attribution étoit déléguée, je ne crois pas inutile de présenter une explication : il est vrai qu'il étoit d'usage de consulter le peuple sur les sujets qu'on se proposoit d'élire ; mais jamais le consentement du peuple ne fut nécessaire pour la canonicité de l'élection; on

évitoit de choisir des évêques qui pussent déplaire à l'ensemble des fidèles.

Le temps, qu'on ne peut empêcher d'agir, apporte aussi beaucoup de modifications dans les actions des hommes. Vers 1215, les chapitres avoient privé le clergé de ses droits, et le peuple de cette sorte d'accclamation dont il accompagnoit le vœu du clergé; en même temps les chapitres déclaroient qu'ils alloient continuer d'exercer les droits du clergé, pour éviter les fréquentes dissensions des élections, les brigues, les querelles, la difficulté de réunir sur une même personne les suffrages de tant de seigneurs et de communautés divisés de vues et d'intérêts. Seulement les chapitres, avant d'élire, en demandoient la permission au roi.

En 1438, à l'assemblée de Bourges, on adopta le célèbre réglement appelé la Pragmatique Sanction. On décida, malgré les réclamations du souverain Pontife Eugène IV, Vénitien, que les évêchés et autres emplois de prélat seroient remplis suivant les anciens usages, sans que les chapitres pussent s'attribuer les élections. Tant que vécut Charles VII, ce réglement fut une loi de l'État; Louis XI ne s'en montra pas partisan très-zélé; les parlemens et l'Université le défendoient avec ardeur.

Le Concordat de Léon X et de François Ier abolit la Pragmatique. On convint de renoncer à ce mode électif dans toutes les églises métro

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