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les dispenses de mariage, sur la sécularisation, les indults d'oratoire, etc. C'étoit là une bien autre guerre faite au Saint Siége. S'il avoit accordé ces droits à l'Espagne, il étoit obligé de les accorder ensuite à toute l'Europe. M. le cardinal Consalvi répondit officiellement le 9 janvier :

« Le Saint Père a été pénétré de la plus vive douleur, en lisant la demande de Sa Majesté, à l'égard des dispenses de mariage. Il s'est rappelé que l'Espagne, par les concordats de 1753 et de 1780, a garanti tous les droits du Saint Siége. Il a vu avec peine de nouvelles demandes amener de nouveaux refus. Sa Sainteté ne peut abandonner ses droits en substance, et se les réserver en apparence.

» Le centre de l'union pour le bonheur de la religion catholique, ne doit pas laisser anéantir les droits de l'Eglise. Peut-on accorder cette permission aux évêques à perpétuité? Le Pontife romain est l'unique et le suprême dispensateur des lois ecclésiastiques positives; les catholiques l'ont considéré comme tel de tout temps.

» Si ce n'étoit ainsi, il cesseroit d'être le chef visible de l'Eglise. Ne pouvant pas dispenser, il n'auroit pas l'absolue puissance des clés; et si les autres dispensoient, la première autorité ne seroit pas concentrée dans le Pape seul.

» La note de Votre Excellence dit que cette opération s'acheveroit sans diminuer, en la plus petite partie, l'autorité du Saint Père.

› Croira-t-on qu'une autorité active se change irrévocablement et à perpétuité, en autorité inerte et sans exercice, et qu'ensuite cette autorité ne reçoive aucune atteinte?

» Au moment de la révolution passée, Pie VI délégua une semblable permission à ses nonces résidans près de différens souverains; mais il la déléguoit pendant la tempête.

» A Naples, trois évêques reçurent ce droit, à défaut d'un nonce apostolique. On leur enjoignit en même temps d'observer les règles de la Daterie, et d'exiger les taxes

accoutumées.

» Les raisons qui ont alors déterminé Sa Sainteté ne subsistent pas pour l'Espagne.

» Les plus respectables autorités justifient les taxes dont il est parlé ci-dessus.

>> Le cardinal Belluga, évêque de Carthagène, rappeloit à Sa Majesté Philippe V ces propres paroles de saint Paul aux Corinthiens ( cap. 1x, y. 13):

« Ceux qui travaillent dans le sanctuaire, consomment » ce que produit le sanctuaire. >>

» Ce qui s'expédie par bulles et par brefs paie seulement les droits : ce qui est autrement expédié, ne paie rien. » Sa Sainteté aime à se persuader que Votre Excellence connoîtra facilement la justesse de ces raisons.

» H. Card. CONSALVI.

>> Des chambres du Quirinal, le 9 janvier 1802. »

On dit que les Espagnols se plaisent à faire et même à recevoir des réponses quelque peu altières; le second penchant de la nation a pu ici se trouver satisfait. Dans la première réponse, la demande du ministre est traitée d'absurde, et une teinte d'ironie un peu trop marquée domine dans le reste de la note. Quant à l'autre réponse, elle est digne, noble, forte, adressée à tous; ces expressions de permission accordée pendant la tempête, ont quelque chose de sublime. M. le chevalier de Vargas ne vit que cela dans cette note, et nous dit que le cardinal

Consalvi avoit pleinement raison. Cependant le cabinet de Madrid chercha, plus tard, à tirer une petite vengeance de ces refus.

M. Cacault, quand il apprit tout ce qui s'étoit passé à cet égard entre le cabinet du Quirinal et la légation de Sa Majesté Catholique, se contenta de remarquer que dans ces allégations du cardinal, il y avoit des leçons incidentes pour ceux qui parloient trop vite.

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CHAPITRE XVIII.

LE CORPS DE PIE VI EST TRANSPORTÉ DE VALENCE A ROME. DESCRIPTION Des funéraillES. EXPLICATIONS DU CARDINAL CONSALVI SUR QUELQUES EXPRESSIONS DE L'ORAISON FUNEBRE.

CEPENDANT le corps de Pie VI avoit été remis sans appareil à monseigneur l'archevêque de Corinthe, qui s'acheminoit lentement vers Rome avec ce dépôt sacré. Alors on pensa à transporter dans l'église des Saints - Apôtres, les restes de Clément XIV, déposés au-dessus de la porte à gauche de la chapelle du chœur de Saint-Pierre, parce que c'étoit là qu'on devoit placer le corps de Pie VI. Le notaire Lorenzini, le même qui avoit fait l'acte d'inhumation en septembre 1774, fut appelé, en sa qualité de notaire de la Vaticane, pour constater la récognition du corps. Après vingt-sept ans, quatre mois et vingt-sept jours, on trouva le corps dans un état singulier de conservation : seulement la mitre étoit un peu rabattue en arrière du masque (1) qui recouvroit la figure et le

(1) A Rome, on place quelquefois sur la figure des papes défunts que l'on tient découverte pendant les cérémonies des funérailles qui durent neuf jours, un masque de cire imitant la ressemblance, et renouvelé tous les matins. Pour ppliquer ce masque, on déprime des parties de la

front. On vit aux pieds une bourse de velours cramoisi à glands d'or, contenant les médailles d'or et d'argent frappées dans les premières années de son pontificat. La cérémonie de la récognition et du transport eut lieu le 24 janvier 1802.

Déjà le corps de Pie VI étoit arrivé sur le territoire pontifical. Le cardinal Consalvi rappela au Pape qu'il étoit temps de pratiquer la religion des Réparations. Il fut résolu qu'à cette occasion l'on déployeroit une pompe extraordinaire, et qu'on feroit un appel à la générosité de la noblesse romaine. Au moment où le convoi parvint à Rome, Canova, dont on vouloit obtenir les précieux conseils dans une telle circonstance, fut décoré par le Pape de la croix de l'Eperon, qui est honorable quand c'est le Pape lui-même qui la confère, avec un bref spécial et raisonné, et l'on s'apprêta à rendre aux restes du Pontife les honneurs les plus solennels.

Il falloit tout inventer, car la circonstance étoit nouvelle. Il y a plusieurs descriptions de cette cérémonie je puiserai mes informations dans le ragguaglio qui nous fut remis par le secrétaire d'État, et dans les faits dont j'ai été témoin très-assidu, par ordre exprès de mon

ministre.

figure, ce qui est une sorte de profanation. J'aurai occasion de revenir sur cet usage, car il seroit possible d'ajuster ce masque, puisqu'on le veut ainsi, sans employer, pour l'assujétir, un moyen aussi peu convenable.

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