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cette histoire, nous ont conduits à Imola, où se trouvoit le cardinal Chiaramonti. Prudent et réservé lors de l'invasion, il s'étoit gardé de se laisser entraîner comme tous les autres sujets du Saint Père qui avoient essayé de rallumer la guerre, parce que, suivant eux, les conditions mêmes qui sembloient la suspendre n'étoient qu'une dérision. Il Ꭹ avoit cependant à Lugo, à Imola, des agens, des militaires autrichiens; ils s'étoient mis à la tête du mouvement, et ils avoient exigé que le cardinal, en sa qualité d'évêque, appuyât leur entreprise; ils alloient jusqu'à le menacer. Mais à Rome, on reconnoissoit l'armistice; on rassembloit les millions demandés avec autorité; on retiroit du château Saint-Ange ce qui pouvoit rester du trésor de Sixte-Quint. On faisoit fondre les saints ciboires, les joyaux des églises, les statues d'argent; on demandoit aux femmes leurs bijoux, leurs colliers, leurs anneaux; et toutes les classes de la société, à la voix du Saint Père, apportoient au trésor ce qu'elles possédoient de plus précieux.

Le cardinal Chiaramonti ne devoit faire que ce que faisoit le Saint Père, résigné à reconnoître et à exécuter le traité.

Agent général de la république, en Italie, M. Cacault veilloit à Rome à l'exécution des articles de l'armistice, et il témoignoit au gouvernement pontifical toute la déférence que permettoit une telle position.

CHAPITRE II.

L'ÉTAT

NOUVELLES VICTOIRES DE BONAPARTE. INVASION DE L

ROMAIN. LA VIERGE DE SAINT-CYRIAQUE. TRAITÉ DE TOLENTINO. ÉMEUTE A ROME. MORT DE DUPHOT.

CEPENDANT le général Bonaparte étoit redouté plus que jamais; commandant à d'admirables soldats (1), il sembloit ne livrer des batailles que pour les gagner. Lui-même il s'étoit revêtu d'une autorité absolue (2); il avoit combattu heureusement à Brescia, à Lonato, à Castiglione, où il avoit fait quinze mille prisonniers, après s'être emparé de soixante-dix canons; il bloquoit de nouveau Mantoue, occupoit Trente, faisoit conclure la paix avec Parme et Naples. Il avoit vaincu à Arcole le 15, le 16 et le 17 novembre, à Rivoli le 10 janvier 1797, pris Mantoue le 2 fé

(1) « Vous croyez, écrivoit Bonaparte au directoire exécutif, vous croyez que mes soldats doivent au moins dormir. Point du tout. Chacun fait son compte, ou son plan d'opération du lendemain, et souvent on en voit qui rencontrent très-juste; l'autre jour, je voyois défiler une demi-brigade; un chasseur s'approche de mon cheval : « Général, me >>> dit-il, il faudroit faire cela. Malheureux, lui dis-je, veux-tu bien >> te taire ! » Il disparoît à l'instant. Je l'ai fait en vain chercher : ce qu'il me disoit, c'étoit justement ce que j'avois ordonné que l'on fìt.»

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(2) Il avoit su réduire au silence les commissaires qu'on lui avoit adjoints, pour signer l'armistice du 23 juin. Voici une lettre qu'il écrivoit à son collègue d'un instant, le citoyen Garreau : « La réquisition que vous avez faite, citoyen commissaire, au général Vaubois, est contraire à l'instruction que m'a donnée le gouveruement. Je vous prie de

vrier; le moment étoit arrivé, où il croyoit pouvoir menacer d'envoyer une division sur Rome, pour y lever de nouvelles contributions.

Le 3 février, Faenza, Imola et Forli furent envahies; le 9 il étoit maître d'Ancône. Le pape Pie VI, qui avoit consenti, sur de faux exposés, à des armemens assez considérables, difficiles à concilier avec un état d'armistice; le Pape, ministre de concorde, qui avoit appelé à sa cour le général Colli, Piémontais, et lui avoit attribué la direction de ses troupes, après lui avoir remis solennellement un bâton de commandement, comme autrefois on les remettoit aux généraux de l'Eglise; le Pape, abandonné de tous ses alliés excepté des Napolitains qui of froient de négocier pour lui, et ne croyant pas pouvoir se défendre, demanda la paix.

Bonaparte parut à Ancône le 10 février, et il descendit au palais du marquis Trionfi; là, il fit convoquer le vicaire-général, les curés,

vous restreindre désormais dans les bornes des fonctions qui vous sont prescrites; sans quoi, je me trouverois obligé de défendre, à l'ordre de l'armée, d'obtempérer à vos réquisitions. Nous ne sommes tous que par la loi. Celui qui veut commander et usurper des fonctions qu'elle ne lui accorde pas, n'est pas républicain. Quand vous étiez représentant du peuple, vous aviez des fonctions illimitées : tout le monde se faisoit un devoir de vous obéir. Aujourd'hui vous êtes commissaire du gouvernement, investi d'un grand caractère, mais une instruction positive a réglé vos fonctions, tenez-vous-y! Je suis bien sûr que vous répéterez que je ferai comme Dumouriez. Il est clair qu'un général qui a la présomption de commander l'armée que le gouvernement lui a confiée, et de donner des ordres, sans un arrêté des commissaires, ne peut être qu'un conspirateur. »

Corresp. ined. Italic, Tom. 1o, pag. 338 et suiv.

les chefs des ordres de moines, et le vicaire de l'inquisition. Il les reçut avec gravité, leur recommanda de prêcher l'Evangile, et de ne pas s'ingérer dans les affaires politiques, assurant que la religion seroit respectée et protégée. Il reprocha au vicaire-général la fuite du cardinal Ranuzzi, évêque d'Ancône. « Celui d'Imola, qui » est aussi cardinal, ne s'est enfui : je ne l'ai » pas vu en passant, mais il est à son poste. » Il dit au vicaire-général qu'il falloit faire revenir l'évêque sur-le-champ. Ensuite il s'adressa au vicaire du saint Office, et croyant, ainsi que beaucoup de Français d'alors, que ce tribunal condamnoit encore au feu, comme en Espagne il y avoit à peu près quinze ans, il parla ainsi : « Votre tribunal est dès ce moment supprimé, » il n'y aura plus de bûchers. » Peu de temps après le vicaire-général fut conduit dans la forteresse, pour y être détenu jusqu'au retour du cardinal évêque. On voyoit à un air gêné de Buonaparte qu'il vouloit dire quelque chose d'important, mais qu'il n'étoit pas bien décidé à manifester le sentiment qui l'occupoit. Enfin, il se détermina, après avoir fait un effort sur lui-même, à communiquer sa pensée. Presque tous les détails que je vais rapporter, ont été recueillis par M. Léoni, qui les a consignés, en les abrégeant, dans son histoire d'Ancône, publiée en 1832, et dédiée au roi Charles X.

Qu'on m'aille chercher, s'écria le général,

les chanoines Cyriaque Capoléoni, Joseph Cadolini et François Candelari. » L'ordre fut exécuté. A peine furent-ils entrés, qu'il leur dit : « Vous avez employé des moyens artificiels, pour >> faire ouvrir et fermer les yeux de la madone » de saint Cyriaque; avez-vous cru ainsi susOpendre la marche de mes troupes? Je veux >> vous confondre; je saurai vérifier la chose : qu'on apporte la Vierge! » La statue de la Vierge fut à l'instant apportée dans le palais Trionfi; il la fit enlever de son cadre en exigeant même qu'on détachât le cristal qui la couvroit, et il se mit alors à la considérer attentivement, sans la toucher. Ne voyant aucune imposture, il se convainquit que le chapitre d'Ancône ne méritoit pas de reproches. La Vierge avoit sur la tête un diadème orné de riches joyaux et son cou étoit paré d'un long collier de perles fines très-précieuses; le général y porta la main, les détacha en disant qu'il en donnoit la moitié à l'hôpital, et que l'autre moitié fourniroit des dots à de pauvres filles. Ensuite il se tourna vers les chanoines et leur demanda combien de personnes étoient venues implorer le secours de la Vierge. Mais une foule innombrable, dit un chanoine, quarante mille personnes. On a fait un procès-verbal, qui l'a rédigé? - L'avocat Bonavia.— Où est cet avocat?-Dans votre antichambre.-Qu'on le fasse venir.- Le général interrogea l'avocat Bonavia,

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