Page images
PDF
EPUB

fête, et que la conduite de son ministre étoit en tout convenable et judicieuse (1).

(1) Tout grand, tout autocrate qu'il étoit devenu, Bonaparte voyoit encore quelquefois dans M. Cacault un homme que le Directoire lui avoit opposé, quand, par une dépêche du 18 octobre 1796, il ordonnoit que le traité avec le Pape seroit signé par le sieur Cacault seul. On sait comment ce traité conclu à Tolentino, a été signé : ni l'un ni l'autre des négociateurs français n'avoit de pleins pouvoirs à échanger.

[graphic][subsumed][subsumed]

CHAPITRE XIX.

RAPPORT DE M. DE TALLEYRAND SUR DES BRUITS DE RÉVOLUTION EN ITALIE. m. le comte d'AVARAY A ROME. RAPPORT RELATIF AUX FRANÇAIS DE LA RELIGION PRÉTENDUE RÉFORMée.

DE temps en temps on faisoit courir le bruit en Italie qu'il y auroit une révolution contre les Français, et même contre les gouvernemens qui pouvoient être leurs ennemis. M. Cacault consulté sur ces bruits, M. Cacault, qui connoissoit le pays et la disposition de tous à accréditer facilement de fausses nouvelles ou par crainte ou par espoir, avoit pleinement rassuré le ministère français.

Le 8 ventose (27 février) M. de Talleyrand adressa au premier consul le rapport suivant :

» Le bruit se répandit, il y a quelques mois, en Italie, qu'il s'y formoit une conspiration contre plusieurs gouvernemens. Cette nouvelle parut d'abord peu fondée : cependant d'après une dénonciation faite au gouverneur de Macérata, la Cour de Rome instruisit une procédure pour tâcher de découvrir si le complot avoit quelque réalité.

» Il résulte du témoignage de plusieurs personnes qui ont été citées en justice, qu'un napolitain licencié du service de la Cisalpine, et retournant dans son pays avec quinze autres napolitains, congédiés comme lui, a déclaré

à différens individus qu'il étoit entré dans le complot de faire révolter l'Italie entière; que le but étoit de chasser les Français, de protéger la religion, et en même temps de détrôner tous les souverains et le Pape lui-même ; mais que l'on devoit encore tenir secrètes ces deux dernières vues, jusqu'à ce qu'on eût un parti assez fort pour être assuré du succès.

» Le chef de ce détachement napolitain a déclaré de plus que le général Pino et le général Lecchi devoient faire révolter la Lombardie; que le général Vignole devoit, avec quelques généraux français, faire la même chose en Piémont, le général Ciccio Pignatelli dans l'état ecclésiastique, et le général Moliterno dans le royaume de Naples. Chacun des chefs d'insurrection étoit chargé d'employer les hommes les plus remuans de son pays. Le projet devoit s'exécuter au mois de novembre, mais la vigilance du gouvernement avoit déterminé les conjurés à en ajourner l'exécution.

>>

C'est à ces déclarations insignifiantes que se réduisent à peu près les dépositions des témoins entendus. Ceux-ci en reviennent constamment aux aveux que leur a faits le commandant du détachement napolitain: mais ces aveux ne paroissent mériter aucune confiance. Il peut se faire que cet homme, mécontent d'un gouvernement qui le renvoie, n'ait cherché qu'à semer le trouble. Il peut se faire qu'il ait eu en vue de sonder l'opinion de quelques hommes qu'il jugeoit mécontens comme lui.

» L'Italie ne manque pas d'hommes qui voudroient y opérer de nouvelles révolutions; mais à en juger par ma correspondance, tous ces individus ne sont unis que par leurs vœux secrets; ils n'ont aucuns moyens de force: enfin, il ne m'a été donné aucun indice qu'il se formât quelque conspiration en Italie, soit contre les gouvernemens actuels, soit contre les Français.

Ch.-Mau. TALLEYRAND. »

M. le comte d'Avaray, premier ministre et favori de Louis XVIII, étoit arrivé à Rome. Il venoit demander quelle étoit la véritable opinion du Saint Siége sur les évêques français réfugiés à Londres. Il n'apprit pas à ce sujet des choses satisfaisantes : le Saint Siége étoit forcé de solliciter les démissions, il n'avoit que cette voie à suivre. Le cardinal Consalvi entretint plusieurs fois le comte de la situation de la cour Romaine, et il lui parla surtout de cet ascendant politique que le premier consul commençoit à prendre en Europe. «< On peut, ajoutoit le cardinal, ne pas l'aimer dans certaines cours, mais on traite avec lui, on lui demande son intervention. Voyez jusqu'ici l'Angleterre ellemême; quel concert d'appui et de suffrages, ou de foiblesse et de patience! » Ce fut dans un de ces entretiens confidentiels, qu'un jour M. d'Avaray, causant avec le cardinal qui lui disoit, « La cause des émigrés français est bien malheureuse! » s'écria : « Une grande partie de la noblesse est rentrée; moi j'achèverai le sacrifice pour la cause d'un si bon maître. >>

Je vis un matin M. d'Avaray chez M. d'Agincourt, le patriarche de nos Français, qui vivoit depuis 4777 à Rome, où il n'avoit été faire, assuroit-il, qu'un voyage d'agrément. Nous prîmes le chocolat ensemble. M. d'Agincourt, sans me prévenir et sans me nommer le Français qui étoit présent, nous entretint des événemens. Je

ne savois rien de ce qui s'étoit passé entre M. le comte et le cardinal; je parlai de la situation du Saint Siége, comme Son Eminence, mais je ne cachai pas que, d'après mon sentiment, je trouvois quelque chose de noble, de franc et de bien placé dans la répugnance opposée par les évêques de Londres. Je dis que l'on disposoit les choses de manière à se passer de leur consentement; qu'ainsi, il y avoit de la dignité de leur part, à ne pas précipiter des démarches gratuites, parce qu'enfin il falloit établir qu'un tel renversement du droit épiscopal, ne s'opéroit pas à la satisfaction générale.

[ocr errors]

M. d'Avaray étant sorti, je demandai le nom du Français avec qui j'avois parlé : « C'est M. d'Avaray, reprit M. d'Agincourt. » Je lui fis quelques reproches, et j'allai tout dire à M. Cacault qui me consola en me répondant : L'hygiène à Rome veut qu'on ne sorte pas à jeun; un déjeuner hors de sa maison est trèsmauvais ici, surtout si on va le demander à des gens qui ne savent pas que, quand on a deux étrangers chez soi, il faut les nommer l'un à l'autre, avant de les laisser se prendre de paroles. »

Les affaires ecclésiastiques ne marchoient point à Paris d'un pas très-assuré. Le premier consul demanda au ministère des relations extérieures, un rapport sur l'état de la question, et sur les mesures à prendre immédiatement pour rassurer les autres cultes.

« PreviousContinue »