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ART. 9.

Les ministres de l'intérieur et de la police générale sont chargés de l'exécution du présent arrêté.

En marge de la minute de cet arrêté est écrite une observation du premier consul.

Il

manque dans ce projet : 1o Le serment que devroient prêter les ministres du culte protestant.

» 2o Les élections des ministres du culte. Un des points essentiels seroit d'empêcher les consistoires situés sur la rive droite de nommer aux places vacantes en France, et pour cela autoriser l'établissement d'un consistoire en France. 21 ventose an x.

» Le premier consul,

BONAPARTE. »

Cette observation du premier consul est aussi judicieuse que politique. On avoit déjà observé qu'au fond de son cœur, il n'aimoit pas beaucoup les protestans.

CHAPITRE XX.

Discussion sur des objets d'arT SÉQUESTRÉS A ROME PAR LES FRANÇAIS. UN JOURNAL ANNONCE QUE M. DE CHATEAUBRIAND EST NOMMÉ SECRÉTAIRE DE LÉGATION A ROME. DÉPART De M. LE COMTE D'AVARAY. ARRIVÉE DU GÉNÉRAL MURAT DANS CETTE VILLE.

Le premier consul ne trouvoit souvent de toutes parts que des résistances; le ministre de l'intérieur lui présentoit des demandes de l'administration du musée central des arts, tout-à-fait mal fondées en droit.

Quand les Français avoient quitté Rome, ils s'étoient vus forcés d'y laisser une partie des objets d'art confisqués sur les maisons Braschi et Albani, et sur un Anglais nommé Fagan : ces objets, pour la plupart déposés auprès de Ripa Grande, sur le Tibre, étoient encore sous le scellé. Les propriétaires les réclamoient avec raison. M. Cacault écrivit en leur faveur. On lui répondit que le gouvernement consentoit à la remise de ces objets, à la condition qu'on en distrairoit l'Antinous colossal de la maison Braschi, et six autres morceaux capitaux de la collection. Albani, mais que définitivement le Pape seroit le maître de décider.

Je rapporterai les propres expressions de la réponse de l'inflexible M. Cacault :

« Ces poursuites, citoyen ministre, feroient croire que nous persévérons dans les erreurs qui ont souillé la révolution.

» Ce qui fera la gloire de la nation, ce n'est pas d'accumuler des objets étrangers. L'honneur des Français sera d'en produire de semblables.

» Qu'on s'attache à faire naître des grands hommes! nous avons des modèles à Paris plus qu'il n'en faut. Il ne s'agit pas de satisfaire la fantaisie des custodes, des gardiens de musées, il faut acquérir le premier rang dans les arts. La fureur d'amasser est toujours insatiable et peu productive. Nous n'avons ni fontaines, ni tombeaux, ni obélisques, ni rien de grand que le Louvre ! »

Le ministre Cacault ne montra pas cette lettre au cardinal Consalvi ; il lui dit seulement : « J'ai écrit mes raisons, communiquez-moi les vôtres.»> Le jour même, le cardinal lui remit une réponse détaillée.

Reflexions sur la lettre du ministre des relations extérieures de la république française, en date du 23 ventose an x, (14 mars 1802).

« Il ne se présente pas d'occasion dans laquelle on ne doive admirer la justice et la générosité du premier consul Quoique prévenu des motifs pour lesquels l'administra tion du musée central des arts désiroit sept monumens indiqués dans une note, le premier desquels appartient à la maison Braschi, tandis que les six autres appartiennent à la maison Albani, néanmoins le premier consul a voulu laisser le Saint Père dans la liberté de faire ce qui lui paroîtroit le plus convenable. Dans le haut entendement du

premier consul, le plus convenable ne peut être que le plus juste. Or, dans ses maximes, il ne pourroit pas trouver juste que l'on violât les propriétés particulières des possesseurs de ces objets précieux, qui les ont recouvrés légitimement à la suite des événemens accomplis. Ainsi il ne devra point ne pas trouver convenable que le Saint Père s'abstienne de faire usage à cet égard d'un coup d'autorité qui ne pourroit s'exécuter sans qu'on lésât les droits sacrés des propriétés privées.

» En descendant ensuite aux raisonnemens particuliers énoncés dans la lettre du respectable ministre, on croit cpportun d'observer qu'en fait d'objets d'art, ce n'est pas le nombre, mais le mérite de l'ouvrage qui est digne de considération. Que devient donc ce raisonnement, que la privation du petit nombre d'objets dont il s'agit, ne peut pas faire un grand vide chez les possesseurs? En matière de monumens, il y en a peu qui soient susceptibles d'augmenter le prix d'une collection. Si ce peu d'objets est enlevé, tout le reste quoique considérable demeure inutile et sans valeur. Il est question d'ailleurs d'hommes privés, pour qui la quantité de monumens demandés, qui dans des musées publics seroit petite, devient très-grande. Il ne subsiste pas en fait que la famille Braschi et la famille Albani possèdent la nombreuse collection que l'on suppose; pour l'une et pour l'autre, les monumens demandés sont ce qu'elles ont de plus précieux et de plus rare après les pertes qu'elles ont éprouvées. Ces possesseurs attachent donc un tel prix aux objets d'art qui leur sont restés, qu'ils ne voudroient y renoncer volontairement pour aucun intérêt pécuniaire,

ni

pour aucune indemnité quelconque. Le Saint Père ne sauroit les y contraindre contre leur volonté, sans user d'une violence qui offenseroit en cela les droits de leur propriété; d'ailleurs les circonstances actuelles de la détresse du trésor ne fourniroient pas, sans un dommage public, les moyens de payer cette indemnité.

TOM. I.

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» Enfin le Saint Père, après les malheurs qui ont privé Rome des plus rares monumens, ne pourroit se prèter aux désirs de l'administration centrale du musée, sans heurter l'opinion de la population entière, qui, outre qu'elle pleure encore la perte passée de ces ornemens, resteroit sensiblement émue de voir cette perte s'augmenter par l'enlèvement du peu d'objets qui ont été épargnés. »

Ce refus, on ne sait pourquoi, désobligea le gouvernement à Paris, au-delà de toute mesure. On parla mal du ministre de France qui étoit gouverné par le Pape, et l'on pensa à frapper M. Cacault, en maltraitant son secrétaire que l'on supposoit avoir trop de pouvoir sur son chef (1).

Le Journal des Débats annonça, sans la participation de M. de Chateaubriand, qui commençoit à se faire un grand nom dans les lettres, que cet auteur alloit être envoyé à Rome. Etonné lui-même de cette nouvelle, il écrivit à M. de Talleyrand :

« Je viens de lire dans les Débats l'article suivant : « On >> assure que le citoyen Chateaubriand, auteur du Génie du » Christianisme, est nommé secrétaire de légation à Rome. » Je ne sais où le journaliste a reçu ces renseignemens. Je prends la liberté de m'adresser à vous pour vous deman

(1) La vérité à cet égard étoit cependant bien connue; un jour M. Cacault recut un courrier de Naples, expédié par M. Alquier pour Paris: il apportoit quelques dépêches de cet ambassadeur pour le ministre à Rome : on étoit à table, et il y avoit plus de trente convives: le ministre demanda la permission de lire ses lettres; arrivé à la fin de la dernière, il fronça le sourcil, et il continua la lecture tout haut. a Ne gardez pas mon courrier trop long-temps! Mes complimens à votre

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