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au Pape, qui se trouvoit ainsi chargé par presque toutes les puissances d'élire un grand-maître. L'affaire de la querelle de Bénévent étoit une de celles qui intéressoient le plus directement le Saint Père : c'est donc dans ce sens que la France va essayer de plaire au gouvernement pontifical.

CHAPITRE XXII.

DÉTAILS SUR LA QUESTION DE BÉNÉVENT ET DE PONTE-CORVO. BONAPARTE ORDONNE QUE CES PRINCIPAUTÉS SOIENT RESTITUÉES AU SAINT PÈRE. NOTE DU CARDINAL CONSALVI SUR LES PUBLICATIONS FAITES A PARIS. LE LIEUTENANT-GÉNÉRAL SOULT. PORTRAIT DU PREMIER CONSUL PAR LE SCULPTEUR MAXIMILIEN. TENTATIVE D'INSURRECTION EN SARDAIGNE. NÉGOCIATION POUR LA NOMINATION D'UN GRAND-MAITRE DE MALTE. DEMANDE DE CINQ CHAPEAUX POUR LA FRANCE. M. DE TALLEYRAND RENDU AU VÊTEMENT SÉCULIER. ÉCHANGE du PALAIS DE FRANCE DE LA STRADA DEL CORSO, CONTRE LA VILLA MÉDICIS. SUITE DES NÉGOCIATIONS POUR LES CHAPEAUX. FONCTIONS D'UN ABLÉGAT.

Il convient de placer ici quelques détails sur cette question de Bénévent, question de nature à diviser éternellement deux gouvernemens voisins, qui auroient tant d'intérêt à vivre en bonne harmonie. En 551, Alboïn étoit roi des Lombards, et il se voyoit maître d'une partie de l'Italie, Pour y conserver ses conquêtes, il y fonda trois grands duchés : le duché de Frioul, le duché de Spolette et le duché de Bénévent. Ce dernier étoit destiné à attaquer Rome, et à rejeter les armées des empereurs grecs sur la partie la plus méridionale de la péninsule. Les ducs de Bénévent ne tardèrent pas à se déclarer

indépendans, et durant plus de cinq cents ans ils donnèrent des lois à la plus grande partie du royaume actuel de Naples. Grimuald II, duc de Bénévent, qui régna de 806 à 848, résistoit à Charlemagne, et fit la paix avec lui en 842, moyennant un tribut qui fut porté à 25,000 sous d'or. En 4076, Robert Guiscard, l'aîné des enfans du second lit de Tancrède, attaqua Pandolfe VI, duc de Bénévent, le chassa de sa principauté et la donna à Grégoire VII. Tel est le titre de possession qui justifie le droit pontifical sur ce duché, possession qui date de sept cent soixante-un ans et qui dure encore aujourd'hui (1837). En 1081, Robert venoit de battre l'empereur Alexis Comnène en personne, devant Durazzo, et tout à coup il se retourna vers l'occident où il entendoit la voix de Grégoire qui imploroit son appui contre Henri, roi de Germanie, le premier qui prit le titre de roi des Romains, et qui fut empereur sous le nom de Henri IV, en 1084. Robert Guiscard accourt avec ses Normands, délivre Grégoire, et confirme le don de Bénévent.

En 1265, Clément IV fit un traité avec Charles d'Anjou, et il accorda à ce prince, qui étoit frère de saint Louis, l'investiture du royaume de Naples et de Sicile. Les conditions furent ainsi réglées: l'hérédité assurée pour les seuls descendans de Charles, dans les deux sexes, sans loi salique, et à leur défaut le retour de la couronne

à l'Eglise; l'incompatibilité de la couronne de Sicile avec l'Empire et avec la domination de la Lombardie ou de la Toscane, et la réserve annuelle d'un tribut consistant en un palefroi blanc (origine de la haquenée blanche), portant dans deux cassettes huit mille onces d'or; enfin le subside de trois cents cavaliers entretenus pendant trois mois chaque année, au service de l'Église, la remise de Bénévent avec son territoire, et la conservation de toutes les immunités ecclésiastiques pour le clergé des Deux-Siciles. Par avance, la déchéance étoit prononcée contre tout roi descendant de Charles qui n'observeroit pas ces conditions.

Pie II, pape en 1458, reconnut roi de Naples Ferdinand, fils d'Alphonse le Magnanime, le fit sacrer par le cardinal Latino Orsini, et mit à profit cette circonstance pour faire respecter les anciennes possessions de l'Église; il fixa le tribut que les rois des Deux-Siciles devoient au Saint Siége, tribut qui n'étoit pas payé depuis long-temps; et il veilla à ce qu'on lui restituât Bénévent, Ponte-Corvo et Terracine. Cette dernière ville n'a jamais été, depuis, l'objet d'au

cune contestation.

Charles-Quint, possesseur de Naples, ne refusa pas le tribut, et laissa les Papes maîtres de Bénévent et de Ponte-Corvo.

Nous voyons encore ce qui suit dans une dépêche de M. de Sillery, ambassadeur de notre

roi

roi Henri IV à Rome, en date du 29 juin 1599: « La veille de la Saint-Pierre, l'ambassadeur d'Espagne à genoux, dit en espagnol : « Sa Majesté Philippe III, des Espagnes, de Naples, de Sicile et de Jérusalem, présente à Sa Sainteté la haquenée et sept mille ducats » pour le cens dû à cause du royaume de Naples; il souhaite » longue vie à Sa Sainteté, pour le bien de la chrétienté, » et qu'il plaise à Dieu que Sa Sainteté reçoive encore long-temps ledit cens.

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Le procureur fiscal se leva, et en langage italien, déclara que ce paiement étoit accepté sans préjudice des droits du Saint Siége et de Sa Sainteté, les royaumes de Naples et de Sicile étant dévolus à l'Église, et lui appartenant en pleine propriété.

Le Pape Clément VIII a répondu en latin, qu'il recevoit volontiers le cens envoyé par le roi des Espagnes, à cause du royaume de Naples, qu'il souhaitoit au roi et à la reine sa femine toute prospérité ; qu'il accordoit sa

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Cette cérémonie eut lieu à l'extrémité de la grande nef de l'église, le Pape étant placé dans sa sedia gestatoria et environné de tout le sacré collége et des ambassadeurs étrangers.

Dans la guerre de la succession d'Espagne, au commencement du dernier siècle, pendant que l'on préparoit des marches, des siéges et des batailles, il se passa à Rome un événement qui vint renouveler, en quelque sorte, et constater à la face de l'Europe, les droits que les précédens rois d'Espagne reconnoissoient dans les Pontifes.

Le cardinal de Janson, ministre de France, et

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