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loit influer sur le choix. Le premier consul luimême quittoit le ton de général, dans ses relations avec Pie VII, pour reprendre ce ton avec les ennemis de Rome, et il s'occupoit spontanément des intérêts du Saint Siége contre les prétentions du chevalier Acton il soignoit celui des intérêts romains qui étoit le plus important, le plus immédiat et le plus délicat. Mais le gouvernement napolitain qui ne savoit pas, à la ma

:

nière dont la faute du cardinal Consalvi avoit tourné contre M. Acton, si cette faute n'avoit pas été un piége, et qui cherchoit à montrer son mécontentement par toutes les chicanes les plus subtiles, obéissoit de mauvaise grâce aux commandemens du premier consul. M. Cacault rendoit compte de ce qui venoit de se passer à la suite de l'invitation envoyée à M. Alquier.

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J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 11 prairial (31 mai), dans laquelle vous m'annoncez que l'intention du premier consul est que Bénévent et Ponte-Corvo soient rendus au Saint Siége et rétablis sur l'ancien pied. Voici l'état des choses à cet égard. Par une dépêche et un édit du 17 octobre 1800, et différentes lettres du roi et du ministre Acton, la cour de Naples annonçoit qu'elle rendroit seulement au Pape le domaine utile de Bénévent et de Ponte-Corvo, et qu'elle retenoit le haut domaine. Ainsi elle faisoit du Pape un feudataire du roi. Par suite de la propriété de ce haut domaine, ou autorité supérieure, on déclara que l'on vouloit faire plusieurs innovations; qu'on tiendroit un préside militaire permanent dans ces deux possessions; qu'on ne reconnoîtroit plus le droit d'asile ; qu'il seroit procédé à des changemens relative

TOM. I.

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ment aux déserteurs ; qu'on feroit des levées de soldats de milices pour les incorporer dans les troupes de ligne du roi.

» Ici on réclama contre l'acte qui retenoit cette autorité supérieure, et contre les effets de cette autorité, mais toujours inutilement. Ces jours derniers, la cour de Naples a retiré de Bénévent et de Ponte-Corvo son préside militaire sans en informer Sa Sainteté, sans aucun acte indiquant qu'on renonçoit aux premières prétentions, et en laissant subsister l'édit du 17 octobre et tous les actes successifs.

» En éloignant seulement le préside, la cour a eu en vue de pouvoir un jour le rétablir, comme si elle ne l'avoit éloigné cette fois que pour sa commodité, et par l'effet d'une détermination particulière. Sous prétexte de réclamer les déserteurs, la cour de Naples a adressé une note ministérielle à Sa Sainteté. Il est exposé dans cette note, que Sa Majesté a nommé un capitaine pour résider à Bénévent et y être à portée de redemander les déserteurs qui y fuiroient. On veut donc toujours conserver une autorité militaire quelconque à Bénévent, parce qu'on ne peut y avoir le préside. La cour de Rome a répondu, pour proposer de rendre simplement les déserteurs, aux termes des anciens concordats; elle a déclaré que l'existence d'un capitaine à Bénévent étoit une chose inusitée, inutile, et qui sembloit accorder une juridiction sur un territoire étranger, et qu'elle espéroit que Sa Majesté se désisteroit de cette demande.

» Il a été donné par la cour de Naples une réponse verbale. Cette réponse déclaroit que le roi n'entendoit que faciliter l'arrestation des déserteurs. La réponse verbale n'a pas été acceptée du Saint Siége. Il a été formellement demandé que la réponse fût écrite. Alors il a été répliqué que l'ordre du roi étoit de faire la réponse de bouche. Si j'apprends sur Bénévent d'autres détails, je m'empresserai de vous les transmettre. »

En marge de cette dépêche, le premier consul fit écrire la note suivante, qu'il dicta :

Faire connoître au Pape que les Napolitains ayant évacué, il faut qu'il fasse occuper le plus tôt possible ces deux pays, et que le roi de Naples ne dira rien, que cette affaire est finie. »

Non, cette affaire n'étoit pas finie, et M. Cacault fut obligé d'écrire encore à Paris sur ce sujet :

« J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 7 messidor (26 juin) (celle où il étoit annoncé que le roi de Naples ne diroit rien), concernant Bénévent et Ponte-Corvo. J'en ai donné communication confidentielle au Saint Père, qui m'a marqué toute sa sensibilité aux preuves de bienveillance que ne cesse de lui donner le preinier consul. En même temps, il m'a paru affligé du peu d'importance qu'on a attaché à Paris aux réserves faites par M. le chevalier Acton, dans sa lettre à l'ambassadeur de la république. Le statu quo ante bellum assuroit au Pape la souveraineté réelle et absolue de Bénévent et de PonteCorvo. Un édit du roi de Naples, en date du 17 octobre 1800, et contre lequel la cour de Rome a toujours protesté, établit une distinction entre le haut domaine et le domaine utile, et déclare que le haut domaine appartient à Sa Majesté Sicilienne.

>> Si les réserves notifiées à la France dans la lettre de M. Acton sont dans le même esprit qui a dicté cet édit, elles deviennent un nouveau titre d'usurpation. Je vous ai expliqué dans ma dépèche du 6 de ce mois comment Bénévent et Ponte-Corvo avoient été rendus au Pape. Il est vrai que les troupes Napolitaines en ont été retirées, mais on voit bien que les prétentions à l'égard du haut domaine subsistent toujours. C'est de quoi le Pape gémit et

se plaint, mais sans vouloir appeler à ce sujet l'appui d'aucune puissance. L'intérêt que le premier consul a fait connoître à Naples qu'il prenoit à la restitution de Bénévent et de Ponte-Corvo, a donné lieu à M. Acton d'imaginer que le Pape avoit imploré le secours de la France non-seulement sur cet objet, mais encore sur celui de la haquenée. Vous savez que cela n'est pas vrai. Le roi de Naples cherchera toujours à gagner sur ce pays-ci, et en prenant des moyens sourds dans des temps tranquilles, et en saisissant à découvert, dans les occasions favorables, d'autres moyens plus vigoureux, il empiétera à la longue autant qu'il voudra. »

L'idée de trouver le Pape favorable pour tel ou tel candidat partisan de la France, et disposé à la servir dans l'île de Malte, n'étoit pas le seul motif de la protection accordée au Pape. Le premier consul vouloit avoir des cardinaux français. Voici comment il imagina lui-même qu'il falloit demander ces cardinaux au Saint Père. C'est encore un autre coup de pistolet, comme lorsqu'on exigea un concordat qui seroit signé en trois jours.

Le premier consul de la république, au citoyen ministre des relations extérieures.

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Paris, 19 messidor an x (8 juillet 1802.)

« Je vous prie, citoyen ministre, d'envoyer la lettre cijointe au citoyen Cacault, pour qu'il la remette au Pape. Il ya cinq places de cardinaux vacantes au sacré collége. Vous écrirez au citoyen Cacault que je désire que ces places soient données à la France. Quatre évêques, et M. Bayanne pour le cinquième. Cela formera une compensation pour le droit que n'a pas eu la France depuis 15 ans. Dans les discussions qu'il pourroit avoir sur cet

objet, le citoyen Cacault fera connoître que le cardinal Montmorency loin d'étre Français, devroit être destitué puisqu'il a refusé; que Rohan est évêque d'Allemagne ; que Jenvis (il vouloit dire Gerdil), que l'on croit Savoyard, n'ayant jamais été évêque en France, ne peut pas être considéré comme membre du clergé Français, que Franckenberg n'étant pas non plus évêque en France, je le considère sous le même rapport; que du reste je m'en rapporte au Pape; que si on n'adhère pas à la juste demande que je fais, je renonce dès ce moment à toute nomination de cardinaux, parce que je préfère que la France n'ait rien de commun avec le sacré collége, à ce qu'elle soit moins bien traitée que les autres puissances. Je vous salue.

» BONAPARTE. »

L'envoi qui fut fait par le ministre des relations extérieures, comprenoit la lettre adressée au Pape, dont il est question dans celle du premier consul, et une dépêche ministérielle modifiant dans les expressions le coup de boutoir sur la nomination des cardinaux (le cardinal Montmorency, loin d'être Français; Rohan, évêque d'Allemagne) (1).

Sous la protection calculée de tout ce bruit, M. de Talleyrand sollicitoit un bref de sécularisation, dans une lettre adressée au cardinal Consalvi. Cette affaire fut traitée entre M. le

(1) Il faut convenir que c'est une idée bien bizarre de prétendre qu'un Montmorency-Laval est loin d'être Français, parce qu'il n'a pas donné sa démission de l'évêché de Metz, et qu'un Rohan évêque de Strasbourg, est évêque d'Allemagne, parce que le diocèse de Strasbourg s'étendoit jusque sur la rive droite du Rhin. A quoi pensoit-done P'homme qui adressoit de parcilles choses à un Talleyrand-Périgord ?

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