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ques. Le soin de solliciter le bref nécessaire avoit été remis au sieur Mencarelli, envoyé de la république. M. Cacault donnoit des conseils modérés à cet envoyé. En attendant, la république désirant acquitter sur-le-champ ses engagemens, recherchoit un emprunt, et ne pouvoit trouver des fonds. Mécontente de ces embarras, la république venoit d'écrire des lettres de colère, comme le faisoit quelquefois Bonaparte. M. Cacault, protecteur par position de tous les gouvernemens qui dépendoient de la France, reçoit une de ces lettres. Vingt minutes après, la réponse étoit dictée et signée.

» J'avois obtenu pour vous la promesse d'un bref qui autorisoit la vente de biens pour procurer au gouvernement 66,000 piastres; j'avois obtenu de plus que vous pussiez lever une contribution annuelle sur le clergé, contribution destinée à vous mettre en état de pourvoir aux besoins des curés. J'avois mis votre député à Rome, M. Mencarelli, dans la bonne voie. D'avance vous avez voulu emprunter de l'argent, et n'en ayant pas trouvé, vous écrivez avec amertume. J'ai repris la négociation de vos affaires dans les règles et les formes douces avec lesquelles la république française traite ses propres affaires près du Saint Siége, et vous avez l'expédition de votre bref qu'il faut faire exécuter. »

La république ligurienne avoit ordonné qu'il seroit élevé une statue au premier consul, et une autre statue à Christophe Colomb.

M. Cacault développe, à cet égard, dans une dépêche, les idées les plus spirituelles sur les

arts en Italie, et il jette en avant la première pensée du style dans lequel Canova exécutera probablement la statue du premier consul.

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Dieu nous garde, s'écrie le ministre, de l'artiste qui a représenté dans un palais de Gênes, une bienfaitrice de la ville habillée à la manière du temps avec un manchon!>>

On verra plus tard à quel point M. Cacault aimoit les beaux arts. Sa collection qui est aujourd'hui au Musée de Nantes en fait foi; on accusoit ce Ministre de n'acheter qu'à bon marché les tableaux qui alors avoient peu de valeur en Italie : cela n'empêchoit pas qu'il ne dissertât sur les arts avec un talent et une intelligence qui surprenoient souvent Canova et les plus grands professeurs de Rome.

CHAPITRE XXVI.

LEGS FAIT AU PAPE PAR MONSIGNOR CORNARO. M. LE COMTE DE KHEVENHULLER MINISTRE d'autriche. entrée de demiGALA DE M. LE COMTE DE SOUZA. LE PREMIER CONSUL FAIT DON AU PAPE DES BRICKS LE SAINT PIERRE ET LE SAINT PAUL. AUDIENCE DONNÉE PAR PIE VII A DES OFFICIERS DE MARINE FRANÇAIS.

UN Vénitien, monsignor Cornaro, qui avoit été frappé à Venise de l'éclat des vertus du Pape, et qui depuis sentoit toujours redoubler son admiration, laissa par testament au Pontife un palais à Venise, avec tous les tableaux qu'il contenoit.

La cour de Vienne voyant que véritablement Rome devenoit un centre très-important des affaires d'Europe, y accrédita un ministre, le comte de Khevenhuller. Le comte de Souza, ambassadeur de Portugal, fit alors une entrée de demi-gala, et demanda au Pape une audience publique, où, par ordre de la cour de Lisbonne, il étala beaucoup de magnificence. L'ambassadeur avoit pour secrétaire d'ambassade son fils, le chevalier de Souza, aujourd'hui duc de Palmella.

Conformément aux instructions données par le Pape au sacré collége, les lettres des cardinaux pour le premier consul partirent le 1er décembre. Toutes les demandes de M. Cacault,

réussissoient à Paris. On ne s'occupoit plus du refus de l'Antinoüs. Le premier consul pensa même à envoyer en présent, au Saint Père, deux bricks de guerre destinés à protéger son commerce. Ces deux bricks appelés exprès, l'un le Saint-Pierre, l'autre le Saint-Paul, furent amenés à Civita-Vecchia par le commandant Dornaldegny. La remise des bâtimens munis de leurs agrès et complètement armés, fut faite dans ce port avec toutes les formalités convenables. Le Pape envoya chercher les officiers dans des voitures, et les fit traiter à Rome avec des égards pleins de bienveillance. Naturellement les Français formant l'état-major des équipages de marine et d'un autre bâtiment qui avoit accompagné les bricks, demandèrent avant de partir, à être présentés au Saint Père. J'écrivis à monsignor Odescalchi, maestro di camera (premier gentilhomme de la chambre), pour le prier de soumettre cette demande à Sa Sainteté. Il me répondit que le lendemain Sa Sainteté recevroit avec beaucoup de plaisir tous les officiers que je lui présenterois au nom de M. Cacault, qu'il savoit être malade et retenu au lit. J'avertis les officiers; nous nous rendons à Monte-Cavallo : c'étoit une armée tout entière. Les employés chargés de diverses fonctions à bord, s'étoient réunis aux officiers. Arrivé dans la pièce qui précède le cabinet du Pape, je ne rencontre pas monsignor Odescalchi, mais un

de ses subalternes qui le remplaçoit. A la vue de ce cortége, il s'étonne, il s'embarrasse, il me comble de politesses, de félicitations; comme Romain, il me remercie aussi du don des bricks, il manifeste une joie extrême, il dit que le Pape va être charmé. Je fais déposer les épées de ceux que je dois présenter, en n'exceptant que M. Dornaldegny (1). L'introducteur reprend un peu ses sens; il dit à nos Français comment il faut entrer, comment il faut sortir, et les endoctrine dans cet autre genre de manœuvre. « J'entends, dit un jeune aspirant provençal : c'est comme à la guerre, toujours en avant et sans jamais tourner le dos, même en se retirant. »

Lorsque tout est disposé, l'introducteur, encore un peu hors de lui, oublie une formalité importante, il ne va pas prévenir Sa Sainteté. Il ouvre la porte du cabinet du Pape, se met à genoux, et me nomme seul. Le Pape étoit assis sur une estrade devant une table où il écrivoit. Je m'approche le premier, précédant M. Dornaldegny, et je m'aperçois à l'instant que Sa Sainteté éprouve un saisissement, et que nous n'étions pas attendus. Tous les officiers entroient à la suite, et cette vue de tant d'hommes en uni

(1) L'usage étoit de faire laisser dans l'antichambre les épées et les chapeaux de ceux qui étoient présentés au Saint Père: d'après la règle, on n'exemptoit de cette formalité que les ambassadeurs, les ministres et chargés d'affaires, les officiers généraux, les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et les chevaliers de l'Ordre royal et distingué de Charles III d'Espagne.

TOM. I.

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