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trouvoient ainsi jugées exclusivement par des Italiens, il fut convenu que l'Allemagne nommeroit un auditeur Allemand, l'Espagne un auditeur Aragonais et un auditeur Castillan, et la France un auditeur Français, et que les huit autres places seroient dévolues à huit Italiens : savoir, trois Romains, un Toscan ou un Pérugin à tour de rôle, un Milanais, un Bolonais, un Ferrarais et un Vénitien. Les quatre juges étrangers à l'Italie sont présentés par leurs nations respectives, institués par le pays, et déclarés inamovibles. La Rote alors n'avoit plus d'autres fonctions que celles de juger les procès des sujets du Pape.

M. Cacault prévient le gouvernement qu'il y avoit lieu à nommer un successeur à M. de Bayane, et il proposa M. Pisani de La Gaude, ancien évêque de Vence, qui avoit rempli auparavant les fonctions de conseiller au parlement d'Aix; mais ce choix ne convint pas au premier consul. Il nomma le fils d'un ami de sa famille, natif d'Aix, auquel étoient recommandés tous les membres de la famille Bonaparte, qui passoient de Corse en France pour aller à Paris. Le 1er janvier 1805, M. Joachim-Xavier-D'Isoard fut pourvu de la charge d'auditeur de Rote en la cour de Rome, vacante par la promotion au cardinalat de M. de Bayane, dernier possesseur de ladite charge, pour la tenir et exercer, en jouir et user avec les mêmes honneurs, autorité,

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prérogatives, prééminence, franchises, libertés, gages, droits, fruits, profits, revenus et émolumens qui y appartenoient. Rien ne manquoit aux clauses usitées le plus anciennement.

Le 17 janvier, le Pape préconisa les cardinaux dont la nomination étoit annoncée. Dans son allocution au sacré collége, Sa Sainteté s'exprimoit ainsi :

« Comme anciennement après le concordat conclu entre Léon X, notre prédécesseur d'heureuse mémoire, et François Ier roi de France, ce sage Pontife plaça extraordinairement quelques sujets distingués de cette nation au nombre des cardinaux, nous avons décidé d'agir de même. En conséquence, nous avons nommé cardinaux de la sainte Eglise Romaine, Joseph Fesch, archevêque de Lyon; Jean de Dieu Raymond de Boisgelin, archevêque de Tours; Etienne - Hubert Cambacérès, archevêque de Rouen; nous nous réservons in petto par de justes raisons un quatrième sujet également digne de ces honneurs (c'étoit M. Bernier).

Ici, il y avoit un éloge pour les Vénitiens: Venise qui avoit été pour nous un port sûr...<< En conséquence, nous nommons Pierre-Antoine Zorzi, Vénitien, de l'ordre des Clercs réguliers de la congrégation des Somasques et archevêque d'Udine. >> Les autres prélats nommés en même temps furent François-Marie Locatelli, évêque de Spolette; Jean Castiglioni, percepteur général de l'Ordre

de l'hôpital du Saint-Esprit; Charles Erskine, Anglais, auditeur Santissimo; M. de Collorédo, évêque d'Olmutz; Grégoire Cadello, archevêque de Cagliari, et Jean-Raphaël de Belloy, archevêque de Paris. Les trois premiers Français, et M. de Bayane étoient les quatre cardinaux accordés à l'occasion du concordat. M. de Belloy étoit le cardinal de la couronne de France. Le cabinet de Madrid et le Portugal devoient ensuite nommer celui qu'ils présentoient au Saint Père.

Le 22 janvier, le Pape adressa au premier consul un bref par lequel il lui annonçoit que monsignor Doria étoit chargé, comme ablégat, de porter à Paris les quatre barrettes françaises : il le prioit d'accueillir avec une particulière bienveillance cet excellent jeune homme, orné de tous les avantages de la naissance, du cœur et de la vertu. Un bref fut aussi adressé à Joséphine.

PIE PP. VII.

Chère fille en Jésus-Christ, salut.

» Comme nous devons envoyer la barrette de pourpre à nos chers fils Jean de Boisgelin, Joseph Fesch, EtienneHubert Cambacérès et Jean Raphaël de Belloy, que nous avons élevés dernièrement au cardinalat à cause de leur mérite distingué, nous avons choisi pour notre ablégat apostolique, notre cher fils Georges Doria, camérier secret, qui leur portera les insignes de leur dignité. A cette occasion nous avons ordonné qu'en notre nom il se présentât devant vous, qu'il vous saluât, et qu'il vous exprimât tous les témoignages de notre paternelle bienveillance à votre égard. Nous désirons aussi vous faire participer aux actes

de gratitude adressés à l'illustre premier consul votre époux, pour tout ce qui a été fait par son aide et avec tant de gloire dans le rétablissement de la religion en France, ce qui rendra son nom immortel pour le bonheur de la république française. Nous vous prions d'accorder votre affection à notre ablégat, jeune homme aussi illustre par sa naissance, que par ses vertus et la candeur de son esprit, et qui pour ces raisons nous est très-cher. Accordez lui votre appui dans toutes les circonstances où il sera nécessaire. Ce que, par votre bonté singulière, vous ferez en sa faveur, nous le regarderons comme fait à nous-même. Chère fille en Jésus-Christ, nous vous accordons la bénédiction apostolique.

» Donné à Rome, le 22 janvier de l'an 1803, de notre Pontificat, le troisième.

» PIUS PP. VII. »

Une lettre de recommandation étoit aussi adressée à M. de Talleyrand, suivant l'usage, afin qu'en sa qualité de ministre des relations extérieures, il connût la mission de monsignor Georges Doria, et que cet ablégat pût être officiellement accrédité à Paris. Autrefois ces sortes de lettres étoient envoyées au grand chambellan depuis plusieurs siècles, la cour de Rome les adressoit aux ministres des affaires étrangères.

:

La pensée du concordat se présentoit toujours à l'imagination de M. Cacault; il avoit voulu que les arts lui consacrassent un souvenir durable, et il écrivoit au ministre :

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Notre fameux dessinateur, le citoyen Wicar, a fait un dessin historique du portrait du Pape et de celui du car

dinal Consalvi, dans l'acte où le Pape remet sa ratification à son secrétaire d'État qui lui a présenté la convention signée à Paris : les portraits faits d'après nature sont de la ressemblance la plus frappante; si le dessin est bien gravé à Paris, il en résultera une estampe classique du premier ordre. M. Canova nous a apporté ici le portrait du premier consul; nous envoyons en échange celui de Sa Sainteté, où nos Français verront au naturel la mule du Pape dont ils parlent tant, ainsi que l'anneau du pêcheur, et le beau costume du Saint Père et des cardinaux si favorable au dessin et à la peinture. »

Mais l'Europe pressoit le Pape de penser aux affaires de Malte. La Russie alléguoit qu'il suffisoit de nommer un lieutenant du magistère, parce que le Pape avoit consommé son droit et ses facultés dans la nomination. La France de bonne foi, l'Angleterre avec une arrière-pensée, l'Autriche dans des sentimens de concorde, et même le cabinet de Naples, marchant cette fois avec les intérêts de la vraie politique et de la droiture, sollicitoient l'élection d'un autre grandmaître. Le Pape nomma le bailli Tommasi, Toscan, qui résidoit en Sicile à portée de l'île de Malte. Le chevalier Bussi, à peine revenu d'Ecosse, nommé à cet effet commandeur, fut chargé de porter à ce bailli le bref d'élection. M. le chevalier Acton offrit obligeamment une corvette du roi pour conduire le commandeur à Messine. Le bailli Tommasi accepta la dignité, et s'empressa d'adresser ses remercîmens à M. Cacault, qui, en cherchant à faire quelque

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