Page images
PDF
EPUB

nons promptement les mesures nécessaires pour maintenir dans ces contrées la religion catholique, conserver les Églises et assurer le salut des ames, il est à craindre que dans un si grand bouleversement, qui engloutit les intérêts temporels de l'Église, ses intérêts spirituels n'éprouvent eux-mêmes de très-grands dommages. Obligé donc, par le devoir de notre ministère, de réunir tous nos moyens pour régler d'une manière stable les affaires ecclésiastiques de l'Allemagne, pour empêcher que dans ces contrées la religion catholique ne souffre aucun dommage en ellemême ou dans les choses qui lui sont nécessaires pour maintenir dans son intégrité ce qui subsiste encore, et conserver au moins les biens spirituels, après avoir perdu d'une manière si déplorable les biens temporels, nous avons résolu d'implorer votre secours, notre très-cher fils en Jésus-Christ, et de vous prier de nous aider dans une affaire si importante. Vous nous avez secondé avec tant de zèle, lorsqu'il s'est agi de rétablir la religion en France, et de lui rendre la paix et la sécurité, qu'après Dieu c'est à vous que nous sommes redevable de tout ce qui s'est fait, dans ce pays, d'avantageux à la religion, tourmentée si longtemps par d'aussi horribles attaques. C'est un motif pour nous de vous offrir cette nouvelle occasion de prouver votre attachement à la religion catholique, et d'acquérir de nouveaux titres de gloire.

pas

» Bien persuadé, d'après les preuves d'affection que vous nous avez données, qu'à notre prière vous ne refuserez votre appui à la religion catholique, et que vous nous seconderez de tous vos efforts dans une entreprise aussi importante, nous vous accordons affectueusement, trèscher fils en Jésus-Christ, la bénédiction apostolique.

» Donné à Rome, près Sainte-Marie Majeure, sous l'anneau du Pêcheur, le 4 juin de l'an 1803, de notre Pontificat le quatrième.

[ocr errors][merged small]

CHAPITRE XXXII.

ARRIVÉE DE M. DE CHATEAUBRIAND A ROME. SES PREMIÈRES ÉMOTIONS. ARRivée de M. le CARDINAL FESCH. PRÉSENS DU PAPE A LA LÉGATION QUI SE RETIRE. DÉPART DE M. CACAULT.

Nous avons vu M. Cacault portant sur divers actes et diverses questions de haute politique, les méditations de son génie actif, déterminé, courageux, et à la fois réservé, sage et prudent. Nous avons vu, et il est inutile de le répéter davantage, à quel point ce révolutionnaire corrigé s'étoit fait chérir du souverain Pontife et de son ministre : nous avons même vu le général consul rendre un hommage éclatant à ses talens, et les ministres de ce souverain magistrat de la France témoigner à un si habile négociateur leur estime et leur considération. Un coup inattendu, ou plutôt qu'il prévoyoit depuis long-temps, et qu'il savoit n'être que différé, vient de le frapper: il se résigne; il refuse les légations d'Italie; selon lui il est juste, puisqu'il n'a pas de fortune, qu'on ne suspende pas son traitement; en même temps il ne veut plus rien dire sur Rome, sur ses destinées, sur la vénération éternelle due au Pape. Son esprit n'est plus libre, mais aucun

pouvoir n'enchaîne les sentimens de son cœur. Il se croit insulté dans son ami, et au risque de refroidir les bonnes dispositions qui assurent un sort à sa misère, il va, sans avertir celui qui l'intéresse tant, tâcher à sa manière de conjurer la disgrâce qui menace son ami. Il écrit à M. de Talleyrand:

« M. de Chateaubriand est un grand auteur, un homme d'un grand mérite; cependant c'est gâter le bon effet que doit produire à Rome la légation de M. le cardinal Fesch, que de le faire arriver avec un secrétaire de légation, auteur célèbre, dans les livres duquel on ira chercher quelle est la doctrine et la théologie du cardinal. Il naît déjà, à cette occasion, des idées troubles et inquiètes. Tâchez de placer mieux M. de Chateaubriand.

» On dit ici qu'un moine défroqué, patriote romain réfugié, viendra aussi avec la légation. M. le cardinal Fesch est excellent; mais si sa mission est gâtée par ce dernier alentour mal combiné, il n'aura pas tous les agrémens qu'il mérite. Il faudra bien cependant que la chose marche et qu'il s'en trouve content: mais considérez que Rome a besoin d'un soutien sur lequel le Pape s'appuie avec confiance. Si les choses ne s'établissent pas de cette manière, M. Fesch se tireroit d'affaire, mais le Saint Siége s'écrouleroit.

[ocr errors]

J'ai l'honneur de vous saluer respectueusement.

Le 7 juin, M. de Talleyrand répondoit aux premières lettres que M. Cacault avoit écrites en apprenant la prochaine arrivée du cardinal Fesch, et il lui disoit que le gouvernement

étoit satisfait de la conduite de son secrétaire, dont le rappel n'étoit l'effet d'aucun mécontente

ment. Cependant M. de Chateaubriand entroit déjà dans Rome M. Cacault en rend compte :

« Le secrétaire de légation, de Chateaubriand, est arrivé à Rome, citoyen ministre. L'arrêté par lequel il a été nommé est dans les mêmes termes que celui en vertu duquel M. Artaud est secrétaire de la même légation. Je les ai logés ensemble dans ma maison; ils y vivent en frères, sans qu'il y ait ni premier ni second. »

Je me chargeai d'être le cicerone à Rome du nouveau secrétaire : je le conduisis par la rue détournée qui est à droite de la rue du Borgo, presqu'à la façade de Saint-Pierre, pour qu'il eût tout à coup la surprise de ce coup d'œil, et j'eus beaucoup de plaisir à jouir de ses émotions, qu'il exprimoit d'une manière simple, franche, et en même temps imprévue. Il parloit peu, parce qu'il étoit comme hors de lui, d'admiration. Sans doute rien de si grand, de si magnifique n'avoit frappé ses yeux; il paroissoit ravi de contempler ainsi le plus beau temple de notre culte. Je conduisis aussi mon nouvel hôte vers le Colysée : là, les émotions du voyageur devoient se reporter plutôt vers les immenses préceptes de l'histoire. C'étoit, d'ailleurs, toujours avec une aménité si douce et si élégante qu'il manifestoit ses moindres sensations, qu'on ne tarda pas à l'aimer dans Rome, et à montrer le désir que la légation nouvelle fût unie comme la légation précédente, et que tout en servant avec zèle les intérêts du gouvernement, elle montrât avec

TOM. I.

28

constance les égards respectueux auxquels le Saint Siége avoit tant de droits après ses malheurs.

M, Cacault, qui, comme tous les hommes vifs, laissoit apercevoir promptement ses opinions, et ne reculoit pas devant un repentir, écrivit après avoir vu quelque temps M. de Chateaubriand :

« M. de Chateaubriand m'a paru un digne homme, trèsintéressant, incapable de faire ici le dogmatiseur. Je suis fâché de m'être prévenu et alarmé en vous écrivant qu'il me paroissoit bien mal vu d'envoyer un auteur imprimé, à Rome qui a le privilége exclusif du savoir divin. M. de Chateaubriand ne cherchera pas ici à faire bruit de son ouvrage, ni à se montrer théologien; il s'attachera au travail de la légation. Ainsi tout est bien. M. le cardinal Fesch n'amène pas le Ragusais Gagliuffi (1); il arrive avec des abbés français de son diocèse, et vient se mettre avec moi dans ma maison. Tout ira bien. L'inquiétude que je vous ai témoignée n'avoit aucun fondement, mais elle vous prouve le désir qui m'anime pour le service de la légation qui vient remplacer la mienne. »>

M. le cardinal Fesch fit son entrée à Rome, sans aucune cérémonie, le 2 juillet. Il sembloit que tout devoit se passer, de part et d'autre, dans les termes de la meilleure intelligence. Il n'en fut pas ainsi. Jamais M. le cardinal ne s'en

(1) M. Gagliuffi dont il est ici question, avoit été un patriote romain, mais de bonne foi, comme quelques personnes ardentes et passionnées de ce temps-là. D'ailleurs, c'étoit un homme instruit, et surtout un admirable improvisateur en latin.

« PreviousContinue »