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vint, le 28 février 1676, un arrêt par lequel, après avoir statué sur les contestations 'des parties,

<< Faisant droit sur les requêtes dudit magistrat de Tournai, requête d'intervention des échevins de Lille, et celle du sieur évêque de Tournai, ordonne, Sa Majesté, que ledit sieur évêque et son official pourront connaître des affaires et juger ainsi qu'ils faisaient en l'année 1667, auparavant la réduction de Tournai à l'obéissance de Sa Majesté, conformément aux lettres de la duchesse de Parme, publiées sur le fait de la réception du concile de Trente, les 11 et 24 juillet 1355, et placard ou lettres-patentes du roi Philippe II, de l'année 1587, confirmatives du synode de Cambrai, avec défenses respectives audit sieur évêque de Tournai de rien entreprendre au préjudice des hauteurs de Sa Majesté ni autres droits réservés par lesdites lettres, et aux juges de Sa Majesté de troubler ledit sieur évêque ni son official dans la juridiction qui lui appartient dans la ville de Lille, ville et diocèse de Tournai;

» Et en cas d'entreprises de la part dudit sieur évêque de Tournai ou de son official, la plainte en sera portée au conseil souverain de Tournai, pour, à la requête du procureur général de Sa Majesté audit conseil, être les réquisitions faites audit sieur évêque, son official ou promoteur, en tel cas requises et accoutumées, et suivant les formes prescrites par lesdites lettres-patentes de Philippe II; et en cas de refus de la part dudit sieur évêque ou de son official, il en sera dressé procès-verbal par l'un des conseillers dudit conseil de Tournai, à la requête du procureur général en icelui, lequel l'envoiera à Sa Majesté pour y être pourvu, s'en étant réservé la connaissance et en son conseil, jusqu'à ce qu'autrement par elle en ait été ordonné ; et pendant lesdites contestations, demeurant toutes choses en surséance de part et d'autre; et sera le présent arrêt lu et publié au conseil souverain de Tournai, l'audience tenante, pour être exécuté se

lon sa forme et teneur, et servir de réglement pour ledit diocèse de Tournai ».

Le conseil souverain de Tournai enregistra cet arrêt le 22 mars de la même année (1); mais en se soumettant par là à en exécuter les dispositions, pour la partie de son ressort qui était située dans le diocèse de Tournai, il ne contracta sans doute pas le même engagement

(1) Recueil d'Édits... enregistrés au parlement de Flandre, tome 2, page 16.

pour les parties de son ressort sur lesquelles s'étendaient les diocèses de Cambrai, d'Arras, de Saint-Omer et de Bruges; en sorte que, dans celles-ci, il conserva la plénitude de sa juridiction naturelle pour la répression des Abus de l'autorité ecclésiastique, et que, dans celles-là, ce fut le conseil d'état qui en devint le juge.

Une différence aussi bizarre de législation dans un même ressort, sur une matière où il importe autant que tout soit fixe et uniforme, semblait ne pouvoir pas durer; cependant elle se prolongea jusqu'à la quatrième année du rêgne de Louis XV; et enfin, le 8 janvier 1719, elle fut abrogée par une déclaration du Roi, enregistrée le 27 du même mois, qui, en même tems, fit cesser, tous les doutes sur le point de savoir si c'était par appel comme d'Abus, ou par recours au prince, que l'on devait, en cette matière, procéder devant le parlement de Flandre.

Voici comment fut conçue cette déclaration: « Louis......; quoique les appels comme d'Abus des sentences et autres actes des juges d'église, bulles et rescrits de cour de Rome aient été en usage en Flandre avant la cession de la souveraineté de ces pays, faite au roi d'Espagne par les traités de Madrid et de Cambrai, et qu'ils aient été conservés par l'ordonnance de Philippe II, roi d'Espagne, le conseil de Malines, l'usage en a été moins du 8 janvier 1559, servant de réglement pour fréquent, soit par la tolérance des officiers royaux, soit parceque les juges d'église se contenaient dans les bornes que les lois leur ont prescrites; mais depuis la réunion à notre couronne d'une partie des Pays-Bas, la voie d'appel comme d'Abus a dû être pratiquée dans notre parlement de Flandre comme dans tous les autres parlemens de notre royaume, avec 'd'autant plus de raison que l'édit du mois de mars 1682, donné à l'occasion de l'assemblée du clergé de France, concernant la puissance ecclésiastique, a été enregistré dans notre qui en fut faite alors, et y a été observé dans dit parlement de Flandre, suivant l'adresse tous ses points; ce qui emporte et confirme le droit des appels comme d'Abus, aucun moyen n'étant plus sûr, plus nécessaire et plus propre, tant pour réprimer les contraventions à cet édit et aux saints décrets, que pour maintenir les libertés de l'église gallicane; que l'appel comme d'Abus est pratiqué depuis long-tems en Artois ainsi que dans le comté de Bourgogne; et d'autant qu'il convient à l'ordre public et à la tranquillité de notre royaume, qu'il y ait sur cette matière

une règle certaine et uniforme dans toutes les provinces qui le composent;

» A ces causes, voulons et nous plaît que les appels comme d'Abus soient reçus et aient lieu dans le ressort de notre parlement de Flandre, en la forme et manière qu'ils se pratiquent dans les autres parlemens de notre royaume, et notamment dans le parlement de Paris; et, en conséquence, qu'il soit permis à notre procureur général audit parlement de Flandre, et aux parties, de se pourvoir par cette voie dans les cas accoutumés (1) ».

Le principe si solennellement raffermi par cette loi, que les cours souveraines étaient, par le seul titre de leur institution, exclusivement investies de la connaissance de l'appel comme d'Abus, n'éprouva plus, tant que subsistèrent les parlemens, ni controverse, ni modification même locale.

Et il ne faut pas croire qu'il soit devenu sans application par la suppression des parlemens : le contraire est nettement prouvé par les art. 4 et 5 de la loi du 15-24 novembre 1790. Le premier de ces articles portait qu'en cas de refus, de la part du métropolitain et de tous ses suffragans, d'accorder la confirmation canonique à l'ecclésiastique élu à un évêché vacant, il y aurait lieu à l'appel comme d'Abus; et le second ajoutait : « L'appel comme » d'Abus sera porté au tribunal de district » dans lequel sera situé le siége épiscopal au» quel l'élu aura été nommé, et il sera jugé D en dernier ressort ».

Tel était l'état de la législation sur cette matière importante, lorsque, sur la proposition du gouvernement créé par la constitution du 22 frimaire an 8, la loi du 18 germinal an 10, organique du concordat du 26 messidor an 9, y substitua un ordre de choses tout-à-fait nouveau, en plaçant l'appel comme d'Abus sous la juridiction du conseil d'état.

Le gouvernement ne tarda pas à éprouver lui-même les inconvéniens de cette innovation imprudente. Le pape Pie VII ayant refusé, sans cause fondée en droit, l'institution canonique à plusieurs des évêques qui, en exécution du concordat du 26 messidor an 9, avaient été nommés par le chef de l'État à des évêchés vacans, on sentit tout de suite que seul moyen légal d'y remédier était l'appel comme d'Abus; mais on sentit en même temps que, dans une matière aussi délicate, et sur laquelle il était d'un aussi grand intérêt de marcher d'accord avec l'opinion publique, un

(1) Ibid., tome 4, page 725.

le

décret rendu en conseil d'état aurait bien moins d'influence sur les esprits qu'un arrêt émané d'un corps judiciaire; et, dès ce moment, on pensa sérieusement à rendre l'appel comme d'Abus aux cours souveraines.

Tout en s'occupant de cette idée, le chef de l'État négocia avec le pape Pie VII, et signa avec lui, à Fontainebleau, le 25 janvier 1813, un nouveau concordat, dont l'art. 4 était ainsi conçu: « Dans les six mois qui suivront » la notification d'usage de la nomination par » (le chef de l'état) aux archevêchés et évê

chés......, le pape donnera l'institution ca» nonique, conformément aux concordats, et » en vértu du présent indult. L'information » préalable sera faite par le métropolitain. » Les six mois expirés sans que le pape ait » accordé l'institution, le métropolitain, et à » son défaut, ou s'il s'agit du métropolitain, l'évêque le plus ancien de la province, pro» cédera à l'institution de l'évêque nommé, » de manière qu'un siége ne soit jamais vacant >> plus d'une année ».

*

A cet acte, publié comme loi de l'État le 13 février suivant, succéda, le 25 mars de la même année, un décret dont voici les termes.

Art. 1. Le concordat signé à Fontainebleau, qui règle les affaires de l'église, et qui a été publié comme loi de l'État le 13 février 1813, est obligatoire pour nos archevêques, évêques et chapitres, qui seront tenus de s'y conformer.

» Art. 2. Aussitôt que nous aurons nommė à un évêché vacant, et que nous l'aurons fait connaître au Saint-Père dans les formes voulues par le concordat, notre ministre des cultes enverra une expédition de la nomination au métropolitain; et, s'il est question d'un métropolitain, au plus ancien évêque de la province ecclésiastique.

» Art. 3. La personne que nous aurons nommée se pourvoira pardevant le métropolitain, lequel fera les enquêtes voulues et en adressera le résultat au Saint-Père.

» Art. 4. Si la personne nommée était dans le cas de quelque exclusion ecclésiastique, le métropolitain nous le fera connaître sur-lechamp; et dans le cas où aucun motif d'exclusion ecclésiastique n'existerait, si l'institution n'a pas été donnée par le pape dans les six mois de la notification de notre nomination, aux termes de l'art. 4 du concordat, le métropolitain, assisté des évêques de la province ecclésiastique, sera tenu de donner ladite institution.

» Art. 5. Nos cours d'appel connaîtront de toutes les affaires connues sous le nom

d'APPELS COMME D'ABUS, ainsi que de toutes celles qui résulteraient de la non-exécution des lois des concordats.

» Art. 6, Notre grand-juge présentera un projet de loi pour être discuté en notre conseil, qui déterminera la procédure et les peines applicables dans ces matières.

» Art. 7. Nos ministres.... sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois ».

La loi promise par l'avant-dernier article de ce décret n'était ni longue ni difficile à faire; mais les grands événemens qui se passaient alors, la firent perdre de vue ; et, d'un autre côté, le nouveau concordat de Fontainebleau, auquel se référaient trois des articles précédens, resta sans effet par suite d'une protestation du pape Pie VII.

Ce fut dans ces circonstances que s'opéra la restauration de 1814; et dès le 19 juin de la même année, il parut une ordonnance du roi qui, en organisant un nouveau conseil d'état, déclara, art. 8, qu'il connaîtrait des appels comme d'Abus; ce qui signifiait, en d'autres termes, et que le nouveau conseil d'état succédait à toutes les attributions de l'ancien, et que l'ancien avait conservé la connaissance des appels comme d'Abus, nonobstant l'art. 4 du décret du 25 mars 1813.

Mais cette disposition ne se retrouve plus dans l'ordonnance du 23 août 1815, qui, en donnant une nouvelle organisation au conseil d'état, rapporte purement et simplement, par son premier article, celle du 29 juin 1814.

Est-ce à dire pour cela que le gouvernement avait fait, le 23 août 1815, de nouvelles réflexions sur l'art. 5 du décret du 25 mars 1813, et qu'il le regardait alors comme la seule loi qui dût régir la France, relativement au droit de connaître des appels comme d'Abus?

Ce qui porte à croire que non, c'est la manière dont les ministres du roi s'exprimèrent devant la chambre des députés, le 22 novembre 1817, lorsqu'ils lui présentèrent un projet de loi (retiré depuis) pour l'exécution d'un concordat du 11 juin précédent, qui était destiné à remplacer celui du 26 messidor an 9.

Après avoir rendu hommage à la nécessité de l'appel comme d'Abus pour réprimer « l'ex»cès du pouvoir en matière spirituelle ou la >> violation des saints décrets, maximes et >> canons reçus en France, la violation des » lois et réglemens du royaume et des droits » des citoyens; l'outrage, la violence, les » voies de fait dans l'exercice des fonctions ecclésiastiques », il ajoutaient :

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«La connaissance de l'appel comme d'Abus » sera attribuée aux cours royales : ces corps » de magistrature sont assez élevés pour de» venir étrangers aux petites passions qui » se déchaînent si souvent contre les déposi»taires de l'autorité, soit civile, soit ecclé

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siastique, et pour résister à l'influence de » ces autorités mêmes. Composées de magis>>trats inamovibles, elles sont éminemment » propres à conserver le dépôt de nos maxi>> mes nationales, et à en perpétuer la tra»dition. Les ministres de la religion trouve› ront dans les magistrats cette gravité de » mœurs et de pensées, ces sentimens vrai»ment religieux qui ont toujours honoré la » magistrature française ».

Annoncer que la connaissance de l'appel comme d'Abus serait attribuée aux cours royales, c'était supposer clairement que, dans l'opinion des ministres, les cours royales n'en étaient pas encore investies; et c'est ce que paraissait également supposer l'art. 8 du jet de loi, qui était ainsi conçu :

pro

Les cas d'Abus spécifiés en l'art. 6, et ceux de troubles prévus par l'art. 7 de la loi du 8 avril 1802 (18 germinal an 10), seront portés directement aux cours royales, première chambre civile, à la diligence de nos procureurs généraux, ou sur les poursuites des parties intéressécs.

» Les cours royales statueront dans tous les cas qui ne seront pas prévus par les Codes, conformément aux règles anciennement observées dans le royaume, sauf le recours en cassation (1) ».

Si cet article eût été converti en loi, il importerait peu aujourd'hui qu'il eût disposé comme introductif d'un droit nouveau, plutôt que comme explicatif de l'art. 5, et supplétif de l'art. 6 du décret du 25 mars 1813. Mais le retrait qui en a été fait par le ministère de cette époque, laisse entière la question de savoir à quelle autorité appartient aujourd'hui la connaissance de l'appel comme d'Abus.

Nul doute que cette question ne doive être résolue en faveur des cours royales; si les art. 6 et 7 de la loi du 18 germinal an 10 ont été abrogés par l'art. 5 du décret du 25 mars 1813; mais nous devons convenir que, jusqu'à présent, elle a été jugée dans un sens contraire. Le 24 mars 1819, une ordonnance du roi, statuant, au rapport de M. de Cormenin, maître des requêtes (qui en rend compte dans ses Questions de droit administratif, aux mots

(1) Moniteur du 25 novembre 1817, page 1292.

Appel comme d'Abus,§. 1, no 2), sur un conflit élevé par un préfet contre une cour royale, a prononcé en ces termes :

<< Considérant qu'aux termes de l'art. 6 de la loi du 18 germinal an 10, les recours, dans tous les cas d'Abus de la part des supérieurs et autres fonctionnaires ecclésiastiques doivent être portés au conseil d'état, et qu'aux termes de l'art. 8, l'ecclésiastique qui veut exercer le recours doit adresser un mémoire détaillé et signé au ministre de l'intérieur pour, sur son rapport, l'affaire être suivie et définitivement terminée dans la forme administrative, ou renvoyée, selon l'exigence des cas, aux autorités compétentes;

» L'arrêté de conflit est approuvé

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Le 10 janvier 1824, autre ordonnance du roi qui, sans juger formellement la question de compétence, la suppose également résolue définitivement contre les cours royales.

« Nous nous sommes fait représenter (porte-t-elle ) une lettre pastorale de notre cousin le cardinal archevêque de Toulouse, en date du 15 octobre 1823, imprimée dans la même ville chez Augustin Manavit;

» Et nous avons considéré que, s'il appartient aux évêques de notre royaume de nous demander les améliorations et les changemens qu'ils croient utiles à la religion, ce n'est point par la voie des lettres pastorales qu'ils peuvent exercer ce droit, puisqu'elles ne sont adressées qu'aux fidèles de leur diocèse, et ne doivent avoir pour objet que de les instruire des devoirs religieux qui leur sont prescrits; » Que notre cousin le cardinal archevêque de Toulouse a publié, sous la forme d'une lettre pastorale, des propositions contraires au droit public et aux lois du royaume, aux prérogatives et à l'indépendance de notre couronne;

» C'est pourquoi,

» Sur le rapport de notre garde-des-sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la justice,

» De l'avis de notre conseil d'état,

» Nous avons déclaré et déclarons, ordonné et ordonnons ce qui suit :

» Art. 1er. Il y a Abus dans la lettre pastorale de notre cousin le cardinal archevêque de Toulouse,, imprimée dans la même ville chez Augustin Manavit; en conséquence, ladite lettre est et demeurera supprimée.

» Art. 2. Notre garde-des-sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la justice, et notre ministre secrétaire d'état au département de l'intérieur sont chargés, chacun

en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois ».

Deux jours après cette ordonnance, et avant qu'elle fut connue, le sieur Chasles, curé de Notre-Dame de Chartres, a présenté à la cour royale de Paris une requête ainsi conçue :

« Plaise à M. le premier président autoriser l'exposant à faire citer monseigneur l'évêque de Chartres sur l'appel comme d'Abus qu'il entend interjeter contre ce prélat, et est motivé sur les faits suivans :

» 1° Par ordonnance donnée à Chartres le 8 novembre 1821, monseigneur de Latil, agissant en vertu d'une bulle du pape Pie VII, en date du 27 juillet 1817, a érigé le chapitre de la cathédrale ; et en appelant le curé de la paroisse de Notre-Dame parmi les chanoines, il a cru en induire plus tard la renonciation de l'exposant à sa cure.

» Or, non-seulement la bulle dont il s'agit n'a pas été vérifiée au conseil d'état ni publiée selon les formes prescrites par les lois du royaume, mais par l'ordonnance de publication de la bulle d'institution de Monseigneur, et par celle de circonscription du nouvel évêché de Chartres, toutes deux en date du 190ctobre 1821, insérées au Bulletin des lois, S. M. a déclaré formellement qu'on ne pourrait en induire aucune approbatoin de la bulle de circonscription donnée à Rome le 27 juillet 1819; laquelle, est-il dit dans cette ordonnance, n'est pas reçue dans le royaume.

>> En quoi monseigneur l'évêque de Chartres a violé l'une des maximes fondamentales du droit public français, notamment la loi du 8 avril 1802.

» 2o Par une seconde ordonnance épiscopale, du 19 janvier 1823, Monseigneur, sans avoir observé aucune des règles canoniques, et par une conséquence erronée du pouvoir qu'il croit lui avoir été concédé par la bulle du pape, a cru devoir réunir le curé de la paroisse Notre-Dame à son chapitre épiscopal, et déléguer les fonctions de premier curé du diocèse à un ecclésiastique révocable dans son titre et dans son salaire

» 30 Enfin, par une dernière ordonnance rendue, comme la précédente, hors du diocèse de Monseigneur, et en l'absence de son conseil épiscopal, sans avoir entendu ni mandé l'exposant, monseigneur de Latil, au mépris du principe de l'inamovibilité des curés, consacrée par les saints canons, et notamment par l'ordonnance donnée à Versailles, par Louis XIV, le 29 janvier 1686, registrée

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au parlement le 11 février, a destitué le curé de Notre-Dame de sa cure, et l'a interdit arbitrairement, d'une manière illimitée, des fonctions curiales, en lui retirant même le pouvoir d'entendre les confessions et d'annoncer la parole sainte, pouvoir qu'en vertu de son institution il tient de Dieu, et non de monseigneur l'évêque.

» En quoi ledit prélat a évidemment violé les saints canons, toutes les règles de la discipline ecclésiastique, et abusé de ses pouvoirs,

Pourquoi, et attendu que, par décret du 25 mars 1813, art. 5, les appels comme d'Abus ont été formellement restitués aux cours souveraines, et qu'en ce point celles-ci ont succédé aux attributions des parlemens :

que

» Attendu ce décret a été inséré au bulletin des lois; qu'en vertu de la charte, il est devenu loi de l'État, et qu'il n'a point été abrogé ;

» Attendu que, si, par l'art. 18, de l'ordonnance du 29 juin 1814, relative à l'organisation du conseil d'état, il a été dit, par forme d'énonciation, que ce conseil connaîtrait des appels comme d'Abus, cette énonciation, purement accidentelle, n'a pu dessaisir les cours royales d'une attribution dont elles étaient, par un acte devenu législatif, définitivement investies;

» Que d'ailleurs, l'ordonnance du 29 juin 1814 a été entièrement rapportée par celle du 23 août 1815, qui a réorganisé le conseil d'état sur de nouvelles bases, et qui ne parle plus des appels comme d'Abus ;

» Que le gouvernement lui-même a reconnu qu'il s'était dessaisi de ce droit, puis que, dans l'ordonnance royale du 22 novembre 1817, proposée en forme de projet de loi aux chambres, il est dit, art. 8, que les cas d'Abus seront portés directement aux cours royales, première chambre civile, à la diligence des procureurs généraux, ou sur la poursuite des parties intéressées ;

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» Que, si le conseil d'état est resté en possession de fait de la connaissance de ces sortes d'affaires, il ne l'est pas de droit; puisque le décret du 25 mars 1813 n'a jamais été législativement rapporté;

Pourquoi l'exposant vous supplie‚M . le premier président, de vouloir bien lui adjuger les fins de la présente requête, et ce sera justice».

Quel a été le sort de cette requête ? Par arrêt rendu à la chambre du conseil de la première chambre, le 20 janvier 1824, il y a été statué en ces termes :

« Vu la requête présentée par Pierre-Claude Chasle, tendant à obtenir permission d'assigner devant la Cour, à raison d'appel comme d'Abus, Jean-Baptiste-Anne-Antoine de Latil, évêque de Chartres, ladite requête signée Durant, avoué;

» Vu l'ordonnance de soit communiqué au rendue par M. le procureur général du roi, premier président de la cour royale de Paris, en date du 12 janvier présent mois;

>> Vu les conclusions par écrit du procureur général en date du 14 jauvier aussi présent mois;

» Quï M. Silvestre, fils, conseiller, en son rapport;

» La cour après en avoir délibéré, vu la loi du 18 germinal an 10 (8 avril 1802) et notamment l'art. 8, de ladite loi ainsi conçu : le recours compétera à toute personne intéressée. Le fonctionnaire public, l'ecclésiastique ou la personne qui voudra exercer ce recours, adressera un mémoire détaillé et signé, au conseiller d'état chargé de toutes les affaires concernant les cultes, lequel sera tenu de prendre, dans le plus court délai, tous les renseignemens convenables, et, sur son rapport, l'affaire sera suivie et définitivement terminée dans la forme administrative, ou renvoyée, suivant l'exigence des cas, aux autorités compétentes, délaisse le requérant à se pourvoir (1) ».

Mais que serait devenu cet arrêt s'il eût été attaqué par un recours en cassation?

J'ose croire qu'il eût dû être cassé, et je n'ai besoin, pour le prouver, que de réduire à leur juste valeur les raisons sur lesquelles M. de Cormenin, à l'endroit cité, nous apprend que les défenseurs de la compétence administrative fondent leur système.

Première raison. « La loi du 8 germinal » an 10, qui attribue au conseil d'état les appels comme d'Abus, est claire et pré»cise. Cette loi, la plus impartiale qui ait été >> rendue sur les matières ecclésiastiques avant » la restauration, n'a pu être révoquée par un simple décret, et ce décret lui-même n'a reçu » aucune exécution; de manière que la loi du » 18 germinal an 10 n'a été rapportée ni de » droit ni de fait ».

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Réponse. Cette première raison se divise, comme l'on voit, d'abord deux branches;. en les art. 6 et 7 de la loi du 18 germinal an 10 n'ont pas pu être rapportés par un simple décret; ensuite, le décret du 25 mars 1813 est resté sans exécution.

(1) Moniteur du 24 janvier 1824.

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