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pond par une défense au fond, il est clair qu'il reconnaît l'acte par cela même (1). Lorsque, soit sur une demande au fond, soit sur une demande en reconnaissance, il dénie l'écriture ou la signature (ou déclare ne les pas connaître, quand il s'agit d'un héritier ou autre ayant cause), c'est alors qu'il y a lieu à une vérification dont les règles sont tracées par les lois sur la procédure (Code de procédure, art. 193-213; loi du 3 septembre 1807). Si, par le résultat de cette vérification, le tribunal déclare que l'écriture ou la signature appartiennent bien à celui auquel on les attribue, l'acte se trouve ainsi reconnu : il est reconnu par la justice au lieu de l'être par le défendeur. Ce cas, et celui où l'on défend au fond sans élever de méconnaissance, sont ceux auxquels l'art. 1322 fait allusion quand il parle de l'acte légalement tenu pour reconnu (2).

1325. Les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct.

Il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt.

Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits.

Néanmoins le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention.

SOMMAIRE.

1. Règle fausse et immorale introduite par le Parlement de Paris. Notre article s'est gardé de la reproduire; il appliqué à la preuve ce qu'on disait de la convention même. Grave erreur d'un arrêt de Paris.

II. Il suffit que la convention, dont l'acte ne mentionne pas les doubles ou n'a pas même été fait double, soit prouvée d'une autre manière ou volontairement exécutée. L'acte non double fait commencement de preuve par écrit. Renvoi. III. Sens des mots qui a exécuté de sa part»; et « ayant le même intérét. » IV. La formalité des doubles n'est imposée que pour les contrats synallagmatiques. Elle ne l'est donc pas pour une promesse unilatérale de vendre ou d'acheter (lourde erreur de Merlin et des Cours d'Angers et de Lyon). Elle ne l'est pas non plus quand l'une des obligations réciproques est exécutée lors de la rédaction.

I. C'est en 1736 seulement que, par une étrange violation des principes les plus élémentaires du droit, vint s'établir dans notre ancienne jurisprudence la règle que notre article, qui aurait peut-être mieux fait de la rejeter complétement, n'a du moins reproduite qu'en la modifiant profondément.

Confondant la validité d'une convention avec la validité de l'écrit

(1) Toullier (t. VIII, no 197 à 212); Larombière (art. 1322, no7); Paris, 8 mai 1815; Req., 9 déc. 1839.

(2) Du reste, il est évident que la dénégation d'écriture n'oblige pas le juge à ordonner une vérification et qu'il peut, lorsque la sincérité de l'acte lui est démontrée, le tenir immédiatement pour reconnu. Voy. Paris, 31 juill, 1852 (J. P., 1853, t. Il, p. 289).

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destiné à en faire preuve, le Parlement de Paris, par divers arrêts, dont le premier est du 30 août 1736, décida que toute convention créant des engagements réciproques est complétement nulle, si elle n'est pas constatée par un écrit rédigé en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt opposé, et dont chacun porte la mention du nombre de ces originaux. Ainsi, alors même que chacune des deux parties ayant formé un contrat synallagmatique aurait formellement avoué la réalité de la convention, et que cette convention aurait été déjà volontairement exécutée par l'une d'elles, la circonstance que l'écrit n'avait pas été fait double, ou même qu'en rédigeant deux doubles représentés dans le procès, les parties n'avaient pas eu soin d'en écrire la mention sur chacun, la convention était déclarée nulle, et l'impudente mauvaise foi de celui qui demandait à se soustraire à sa promesse sous un pareil prétexte serait triomphante.

Notre Code n'a pas reproduit cette règle aussi absurde qu'immorale. Il déclare inefficace, à défaut des doubles ou de la mention de ces doubles, non pas le contrat, mais seulement l'écrit qui devait en faire preuve. « Les actes qui contiennent des conventions synallagmatiques, dit-il, ne sont valables qu'autant... » ; et appliquant lui-même à l'un des cas qui s'étaient présentés devant le Parlement de Paris, au cas de défaut de mention des doubles, cette règle de nullité de la preuve (sauf validité de la convention, si elle se trouve autrement justifiée), il déclare par son dernier alinéa que l'exécution faite par l'une des parties rendrait ce vice de forme insignifiant et ne permettrait pas de l'opposer.

On n'est pas peu étonné, d'après cela, que la Cour de Paris (arrêt du 27 novembre 1811) ait pu déclarer que l'art. 1325 vient consacrer les anciens principes! « Il s'en faut de beaucoup, dit avec raison le Répertoire de Merlin, que cet article ait donné dans une aussi étrange aberration; et tandis que la très-moderne jurisprudence du Parlement de Paris poussait l'oubli des notions les plus élémentaires du droit jusqu'à annuler une convention synallagmatique, par cela seul que la preuve n'en résidait pas dans un acte fait double, l'art. 1325 se borne à déclarer qu'un pareil acte n'est pas valable à l'effet de constater cette convention, qui d'ailleurs peut être prouvée de toute autre manière. » (Vo Double écrit, no 8.) (1)

II. Le défaut de la mention des doubles ou de la rédaction même de ces doubles n'est donc plus aujourd'hui qu'une question de preuve, en dehors de laquelle la convention sera toujours valable, si elle se trouve autrement prouvée.

Ainsi, quand la partie contre laquelle on demande l'exécution se fonde pour la refuser sur ce qu'on n'a pas mentionné les doubles, ou sur ce qu'on n'a pas fait de doubles, ou sur ce qu'on n'a même rédigé aucun écrit, mais en reconnaissant d'ailleurs que la convention s'est formée, cette convention, ainsi établie par l'aveu même de la partie, produira pleinement l'effet qu'on lui refusait autrefois.

(1) Conf. Rej., 27 niv. an 12, 17 août 1814; Metz, 11 fév. 1819; Rej., 16 mai 1859 (D. P., 59, 1, 373); Dict. not. (vo Double écrit., no 3 et 4).

Que si cette partie nie la convention même et prétend qu'on avait soumis la formation du contrat à la rédaction d'un acte complétement régulier, en sorte que, suivant elle, l'irrégularité de l'acte a empêché les engagements de naître, l'adversaire pourra lui déférer le serment (art. 1358 et suiv.); et si, reculant devant un parjure, la partie qui avait nié d'abord avoue enfin que la convention était arrêtée avant la rédaction de l'écrit et indépendamment de cet écrit, le contrat, se trouvant encore établi par là, aura tout son effet (1).

De même encore, si la convention, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article, se trouve prouvée par l'exécution même, ce ne sera pas seulement le défaut de la mention des doubles, mais aussi le défaut des doubles eux-mêmes, qui deviendra insignifiant : si cette décision pouvait paraître douteuse en face du seul texte de notre article, elle cesserait de l'être en présence de l'art. 1338, qui déclare que l'exécution volontaire emporte renonciation à tous les moyens et exceptions qui pouvaient être opposés contre l'acte (2).

Le doute ne serait pas plus possible, et la nécessité de donner effet à la convention serait évidente, si, comme il était arrivé dans l'une des espèces jugées par le Parlement de Paris, il y avait absence de la mention des doubles, mais représentation de ces doubles. La règle de notre article ne présente plus qu'une question de preuve, la mention des doubles n'est exigée que pour prouver et mieux assurer l'existence même de ces doubles; or la représentation effective des doubles est assurément la meilleure preuve possible de leur existence : c'est une preuve beaucoup plus forte que la mention elle-même. (Conf. Grenoble, 8 avril 1829; Bonnier, no 605.-Contrà: Aubry et Rau, 3o édit., t. VI, p. 383.)

Nous verrons, sous l'art. 1347, que, contrairement à la doctrine de MM. Duranton, Bonnier et autres, l'acte ne portant pas la mention fait double pourrait aussi être pris comme commencement de preuve par écrit de la convention, autorisant le demandeur à prouver par témoins que cette convention s'est vraiment formée, et permettant aux juges de se décider par de simples présomptions (art. 1355) ou au moyen du serment supplétoire (art. 1367).

III.-En prévoyant le cas d'exécution volontaire, notre article parle de l'exécution que l'une des parties aurait faite de sa part. Il est possible, en effet, qu'une convention, quoique synallagmatique, reçoive une exécution de l'une des parties, sans que l'autre concoure en rien à cette exécution. Ainsi, quand je vous ai vendu ma maison moyennant 40 000 francs dont vous deviez payer 35 000 à moi-même et 5 000 à un tiers en mon nom, le fait par vous d'avoir payé à ce tiers les 5 000 fr.

(1) Conf. Toullier (324); Duranton (t. XIII, no 163); Aubry et Rau (loc. cit., 385); Larombière (art. 1325, no 33); Dalloz (vo Oblig., no 4054 et 4060); Cass., 29 prair. an 13; Dict. not. (vo Double écrit., no 43).

(2) Toullier (VIII, 133); Delvincourt (t. II); Solon (no 89); Duranton (VIII, 161); Dalloz (art. 2, 2, no 3); Bonnier (no 562); Aubry et Rau (3 édit., t. VI, p. 384); Larombière (art. 1325, no 39); Rej., 13 fév. 1812; Cass., 15 fév. 1814; Req., 29 mars 1852 (Dev., 52, 1, 385); Riom, 13 juin 1855 (Dev., 56, 2, 273).

constitue de votre part une exécution dans laquelle je ne suis pour rien; tandis que, s'il s'agissait d'un payement d'une portion de prix reçu par moi, il y aurait eu exécution de ma part aussi bien que de la vôtre. Quand il n'y a eu exécution que de la part d'une des parties, sans aucun concours de l'autre, celle qui a exécuté est la seule qui ne puisse plus opposer le défaut des doubles (1).

A cette observation de texte, joignons-en une autre pour les mots ayant le même intérêt.

L'article nous dit qu'un seul original suffit pour les parties ayant un même intérêt, et que c'est seulement pour chacune des parties ayant un intérêt distinct qu'un original séparé doit être fait. Ceci, on le comprend bien, ne s'entend pas seulement des personnes qui auraient identiquement un seul et même intérêt (par exemple, une femme stipulant avec le concours de son mari qui ne vient que pour l'autoriser), mais de toutes personnes ayant chacune un intérêt semblable et qui jouent toutes ensemble, par rapport à la partie adverse, le rôle que jouerait une seule partie. Ainsi, lorsque les trois copropriétaires d'une maison traitent avec un entrepreneur pour la réparation de cette maison, il suffira de deux originaux, un pour l'entrepreneur, l'autre pour les trois copropriétaires : quoique ceux-ci, en définitive, aient entre eux des intérêts distincts, ils jouent cependant à eux trois, vis-à-vis de l'entrepreneur, le rôle que remplirait un propriétaire unique de la maison. Que s'il s'agissait, au contraire, de faire entrer les trois copropriétaires au partage d'un bien commun, chacun des copartageants serait alors l'adversaire des autres, et l'acte devrait être fait en trois originaux (2). -Il est évident, au surplus, que, dans le cas de plusieurs personnes ayant des intérêts qui se trouvent n'en former qu'un seul par rapport à la partie adverse, l'original que cette partie reçoit, en échange de celui qu'elle donne aux divers coïntéressés, doit être signé de tous ses cointéressés. Autrement, les écrits n'établiraient que le projet d'une convention, que rien ne prouverait s'être conclue, ainsi que nous l'avons expliqué au no III de l'art. 1318, en réfutant une grave erreur de Toullier et de M. Duranton.

On voit que la règle que nous venons d'expliquer serait mieux formulée en disant qu'il faut autant d'originaux qu'il y a de parties ayant, dans la convention, des intérêts opposés.

IV.—Voyons maintenant à quels contrats s'applique la règle de la nécessité des doubles.

Notre article ne l'impose que pour les conventions synallagmatiques, et par conséquent on ne peut l'exiger pour aucun des contrats unilatéraux, pas plus pour ceux qui peuvent faire naître ex post facto des obligations réciproques contre la partie qui n'était pas obligée d'abord, que pour les autres. Il est vrai que ces contrats (le dépôt, le commo

(1) Conf. Aubry et Rau (3° édit., t. VI, no 386); Larombière (sur l'art. 1325, no 30). - Voy. le Dict. not. (vo Double écrit., no 54 et suiv.).

(2) Voy. Req., 23 août 1853 (J. Pal., 1835, t. I, p. 528); Duranton (XIII, 154); Aubry et Râu (t. VI, p. 382); Larombière (art. 1325, no 23).

dat, etc.) sont souvent appelés synallagmatiques imparfaits; mais ils ne sont en définitive qu'une des espèces du contrat unilatéral; s'ils peuvent présenter des obligations réciproques, ce n'est jamais qu'après coup et par accident; ils n'ont rien de synallagmatique au moment où ils se forment, et on ne peut pas dire que l'acte rédigé pour les constater contienne des conventions synallagmatiques: aussi on a toujours été d'accord, et on l'est encore, pour ne pas leur appliquer la règle des doubles (1).

La règle ne s'appliquerait pas non plus à la promesse unilatérale, c'est-à-dire faite par une seule partie sans que l'autre s'oblige, de conclure ultérieurement un contrat synallagmatique. Ainsi, quand je m'oblige à vous livrer ma maison pour 60 000 francs, si vous vous décidez à la prendre pour ce prix dans un délai de trois mois, il est bien évident qu'il n'y a pas lieu de faire un acte double et que celui que je vous souscris est bien suffisant, puisque vous ne vous obligez à rien envers moi. Que le Parlement de Paris ait pu pousser l'oubli de tous les principes jusqu'à décider le contraire (dans un arrêt que rapporte Denizart au mot Doubles), on peut le comprendre, après l'étrange aberration dans laquelle Merlin lui reproche si justement d'être tombé : dans l'erreur comme dans le vice, le premier pas conduit à d'autres. Mais on ne conçoit pas que, sous le Code civil, Merlin lui-même (Répert., yo Vente, p. 534-555), et après lui les Cours d'Angers et de Lyon (2), soient venus dire que toute obligation de vendre ainsi contractée uni- . latéralement se trouve frappée de nullité par l'art. 1589... Cet article déclare que la promesse de vente vaut vente, quand il y a consentement réciproque, c'est-à-dire contrat synallagmatique par lequel les deux parties s'obligent, l'une à vendre, l'autre à acheter. Ce que le bon sens conclut de là, c'est que quand, au lieu de deux obligations réciproques, il y a seulement obligation de vendre, la promesse de vente ne vaut plus vente, et constitue un simple contrat unilatéral dont l'effet est nécessairement celui de tous les contrats unilatéraux. Merlin et les Cours d'Angers et de Lyon n'ont pas raisonné ainsi; et de ce que la promesse de vendre constitue une vente lorsqu'il y a obligation réciproque, ils en concluent que, quand il n'y a qu'une seule obligation, elle ne vaut rien, et se trouve absolument nulle! L'esprit reste vraiment confondu en présence d'une aussi monstrueuse décision, contraire, comme on le pense bien, à la doctrine de tous les auteurs anciens et modernes (3).

C'est surtout par M. Troplong qu'a été énergiquement réfutée cette

(1) Toullier (VIII, 326); Delvincourt (t. II); Duranton (XIII, 150); Dalloz (no 6); Bonnier (no 566); Zachariæ (V, p. 648); Aubry et Rau (3 édit., t. VI, p. 380); Larombière (art. 1325, no 11); Dict. not. (vo Double écrit., no 7). Ainsi jugé pour les arrêtés de comptes et les quittances données en conséquence. Cass., 16 mars 1852; Orléans, 2 déc. 1853 (J. Pal., 1852, t. I, p. 449; 1855, t. I, p. 171).

(2) Angers, 27 août 1829; Lyon, 27 juin 1832 (J. Pal., t. XXII, p. 1148; t. XXIV, p. 1212).

(3) Notamment: Tiraqueau (De Ret. conv., tit. fin); Fachin (Conf., liv. 2, ch. 7); Boerius (Décis. 183); Henrys (t. 1, liv. 4, ch. 6, Quest. 40); Bardet (t. I, liv. II, ch. 31); 4

T. V.

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