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reusement réservés à la personne même de cette femme. Mais il y a cette différence entre les deux bénéfices, que si les héritiers ne peuvent jamais profiter de celui qui a pour objet le logement et la nourriture pendant le délai donné pour faire inventaire et délibérer, ils peuvent profiter quelquefois dé celui relatif aux linges et hardes. C'est quand la femme ne meurt qu'après l'avoir exercé. On conçoit, en effet, que si la femme, avant de mourir, a non-seulement renoncé, mais encore repris déjà les effets auxquels sa renonciation lui donne droit, ces effets, étant ainsi devenus sa propriété, font partie de sa succession et sont dès lors transmis à ses héritiers, aussi bien quand la femme meurt dès le lendemain du jour de la reprise effectuée que si elle mourait beaucoup plus tard. Mais s'il arrivait que la femme mourût dans l'intervalle de sa renonciation à la reprise des objets, les héritiers ne pourraient pas, selon nous, les réclamer, malgré ce qu'on a pu dire à l'appui de l'opinion contraire. L'esprit comme le texte de la loi s'y opposent. Sans doute, la femme transmet à ses héritiers la propriété des objets une fois prélevés et remis par elle dans son patrimoine; mais elle ne saurait leur transmettre le droit d'en opérer le prélèvement, puisque c'est précisément là le droit dont l'exercice, d'après notre article, lui est exclusivement personnel. Et, en effet, si l'on accorde ainsi à la femme le droit ou plutôt la faveur de prendre des objets qui appartiennent en principe au mari, c'est parce que non debet abire nuda : cela étant, comment y aurait-il lieu au bénéfice, quand cette femme meurt priusquam abeat?

Du reste, si l'expression de femme survivante, employée par notre article, est exacte pour le bénéfice de l'art. 1465, qui n'appartient en effet qu'à la veuve, elle ne l'est pas pour celui de l'art. 1492, qui appartient, comme on l'a vu, à toute femme renonçante, survivante ou non.

DISPOSITION

RELATIVE A LA communauté légale, lorsque l'un des époux OU TOUS DEUX
ONT DES ENFANTS DE PRÉCÉDENTS MARIAGES.

1496. Tout ce qui est dit ci-dessus sera observé même lorsque l'un des époux ou tous deux auront des enfants de précédents mariages.

Si toutefois la confusion du mobilier et des dettes opérait, au profit de l'un des époux, un avantage supérieur à celui qui est autorisé par l'article 1098, au titre Des Donations entre-vifs et des Testaments, les enfants du premier lit de l'autre époux auront l'action en retranchement.

SOMMAIRE.

I. Les avantages qu'un époux peut procurer à son conjoint par l'adoption de la communauté ne sont traités comme libéralité et réductibles au disponible que quand cet époux laisse des enfants d'un précédent lit.

11. Peu importe que les époux aient ou non fait un contrat. Peu importe aussi que les avantages résultent des biens de successions échues pendant le mariage: erreur de Toullier. Mais on ne tient pas compte des bénéfices faits sur les travaux ou revenus des époux.

III. C'est seulement au décès de l'époux, et sur la demande des enfants agissant comme 43

T. V.

I.

héritiers, que la réduction peut être prononcée. Les enfants du mariage profitent de la réduction opérée; mais ils ne peuvent pas la faire opérer, ni l'époux encore moins.

L'adoption de la communauté légale peut avoir pour résultat de procurer à l'un des époux, au préjudice de l'autre, des avantages considérables. Ainsi, qu'ils aient chacun une fortune d'environ 80 000 fr., mais que les biens de l'un soient tous immobiliers, tandis que ceux de l'autre se composent de capitaux ou de rentes, c'est-à-dire de valeurs purement mobilières, ce second patrimoine entrant seul et tout entier dans la communauté, le premier conjoint en acquerra la moitié, c'est-à-dire 40 000 fr., au détriment du second; en sorte que, par le fait de la célébration du mariage, les deux époux, au lieu d'avoir chacun 80 000 fr. comme auparavant, auront, l'un 40 000 fr. seulement, l'autre 120 000 fr. L'enrichissement de l'un par l'appauvrissement de l'autre serait plus considérable encore, si le premier avait des dettes mobilières. Ainsi, qu'au lieu de 80 000 fr. de biens sans dettes, il en ait 110 000 avec 30 000 fr. de dettes mobilières, la communauté se composant alors des 80 000 fr. d'actif de l'un et des 30 000 fr. de passif de l'autre, ce qui la réduit à un actif net de 50 000, le premier époux, au lieu de n'avoir, comme avant, que 80 000 fr. net, aura, d'une part, ses 110 000 fr. d'immeubles, et, d'autre part, sa moitié de 25 000 fr. dans la communauté; en tout, 135 000 fr., tandis que le second verra son avoir réduit à 25 000. L'un des époux aura donc enrichi l'autre de 55 000 fr.

En présence de ces résultats possibles, la loi a dû se demander s'il fallait traiter ces avantages comme des libéralités réductibles à la quotité disponible et attaquables pour excès par les héritiers réservataires, ou comme des conventions entre associés ayant le caractère d'actes à titre onéreux; et elle a résolu la question par une distinction. En principe, la convention est considérée comme acte à titre onéreux, comme n'étant rien autre chose que l'une des clauses de l'association et ne constituant point une donation. Cette règle s'applique non-seulement quand les héritiers réservataires que laisse l'époux qui a procuré l'avantage ne sont que des ascendants, mais aussi quand ce sont des enfants du mariage, parce que, s'il est vrai que la qualité des réservataires est alors très-favorable, il y a du moins cette circonstance que, s'agissant d'enfants communs aux deux époux, ce qu'ils perdent dans la succession de l'un n'en sort que pour entrer dans un patrimoine auquel ils sont également appelés à succéder. Mais quand l'époux qui a procure l'avantage laisse des enfants d'un précédent lit, comme ces enfants n'ont aucun droit sur la succession de l'époux avantagé, et que la loi voit toujours avec défaveur et défiance le subséquent mariage d'une personne ayant des enfants, notre article permet à ces enfants d'un lit précédent de traiter comme donation la convention, expresse ou tacite, d'où résulte l'avantage, et de faire dès lors réduire cet avantage, s'il y a lieu, aux limites de la quotité disponible telle qu'elle est fixée au titre Des Donations, de façon que l'avantage ne dépasse jamais ni, d'une

part, le quart des biens laissés par le conjoint, ni, d'un autre côté, une part égale à celle de l'enfant qui prend le moins (art. 1098, no II).

II. Nous disons que l'avantage peut être réduit aussi bien quand la convention matrimoniale d'où il provient est tacite que quand elle est expresse. Il est évident, en effet, que quand la soumission à la communauté légale résulte tacitement du fait que les époux se sont mariés sans faire de contrat, elle entraîne les mêmes conséquences et donne lieu à la même réduction que quand elle résulte d'un contrat dans lequel les époux expriment leur adoption du régime de communauté. Il est certain également que l'avantage doit être réduit, aussi bien quand il résulte de successions échues pendant le mariage, que lorsqu'il est la conséquence de la confusion des biens et dettes existant au moment même de la célébration. C'est évident, en présence de l'esprit et du texte de la loi: de son esprit, puisque les enfants seraient lésés dans un cas aussi bien que dans l'autre; de son texte, puisque notre article admet l'action en retranchement toutes les fois que la confusion du mobilier et des dettes opère un avantage supérieur à celui qu'indique l'art. 1098. C'est donc avec raison que la doctrine contraire de Toullier est repoussée par les auteurs, et notamment par son annotateur M. Duvergier (1).

On ne doit pas, au surplus, pour déterminer s'il y a ou non avantage excessif, tenir compte des bénéfices résultant des travaux des époux ou des économies faites sur leurs revenus; les capitaux seuls sont à considérer. C'est un point qui a toujours été constant dans l'ancien droit (2) et que le Code exprime formellement dans l'art. 1527, en reproduisant pour la communauté conventionnelle la règle portée par notre article pour la communauté légale (3).

III. Les avantages qui excèdent la mesure fixée par l'art. 1098 ne sont pas, pour l'excédant, frappés d'une nullité de plein droit; ils peuvent seulement être réduits, au décès de l'époux qui les a procurés, sur la demande des enfants d'un lit précédent.

C'est seulement au décès de l'époux, et sur la demande des enfants agissant comme héritiers réservataires, que la réduction peut être prononcée. Il suit de là, d'une part, que, dans le cas d'une dissolution de communauté résultant d'une séparation de corps ou de biens, la réduction ne pourrait pas être demandée quant à présent; le droit resterait en suspens pour s'exercer, s'il y a lieu, lors de l'ouverture de la succession de l'époux: nous disons s'il y a lieu, puisqu'il serait possible qu'au décès de l'époux les enfants d'un précédent lit fussent euxmêmes prédécédés, ce qui rendrait toute réduction impossible. Il s'ensuit, d'un autre côté, que si les enfants renonçaient à la succession de

(1) Toullier (III, 290); Odier (I, 592); Paul Pont et Rodière (II, 358, et 2e édit., 1624); Duvergier (sur Toullier); Duranton (XIV, 520); Dalloz (3062). — Conf. Caen, 21 nov. 1868 (Dev., 69, 2, 262).

(2) Ricard (3 part., ch. 9, gl. 2, no 1211); Pothier (no 552).

(3) Pothier (Contr. de mar., 552); Rodière et Pont (I1,358, et 2o édit., 1624); Troplong (2215); Dalloz (3063).

leur auteur ou étaient déclarés indignes, la réduction ne pourrait pas non plus être demandée (1).

Du reste, quoique la portion de biens qui excède la quotité disponible ne puisse être réclamée que par les enfants du précédent lit et non par ceux du mariage, ceux-ci, du moment que la réduction qu'ils ne peuvent demander serait opérée et les biens rentrés dans le patrimoine du défunt, auraient le droit d'en prendre leur part, puisque ces biens font ainsi partie de la succession, et que cette succession doit se partager également entre tous les enfants du défunt. Il est bien évident, en effet, que notre article n'a aucunement pour but de déroger à la règle fondamentale du partage par portions égales, et que, si l'excès de l'avantage fait par le défunt au conjoint ne doit jamais nuire à un enfant du lit précédent, il ne peut jamais non plus devenir pour lui une cause de gain, et lui procurer, au détriment des enfants du mariage, une portion de biens plus forte que celle qu'il aurait eue si les avantages étaient restés dans les limites du disponible.

Les enfants du mariage profiteront donc de la réduction opérée, mais ils ne pourront jamais la demander. Il est vrai qu'on a souvent enseigné le contraire, en disant que du moment où la condition voulue pour l'ouverture d'un droit se trouve accomplie, l'action peut être exercée par tous ceux qui doivent profiter de ce droit, et que, par conséquent, dès que le défunt se trouve avoir, parmi les héritiers acceptant sa succession, des enfants d'un précédent lit, la réduction, parce qu'elle doit profiter à tous, peut être demandée par tous (2). Mais cette doctrine nous paraît inadmissible. La réduction, qui doit, à la vérité, si elle a lieu, profiter par contre-coup à tous les enfants, n'est cependant établie que dans l'intérêt des enfants du premier lit; et du moment, dès lors, que ceux-ci ne se plaignent pas et entendent respecter la volonté de leur auteur, d'autres ne peuvent pas se plaindre: aussi notre article ne se contente pas de nous dire que l'action sera permise s'il y a des enfants d'un premier lit; il explique nettement que ce sont ces enfants du premier lit qui auront l'action.

A bien plus forte raison la réduction ne peut jamais être obtenue par l'époux qui a procuré l'avantage excessif; et on ne comprend pas que la Cour de Bordeaux (contredite au surplus par un arrêt récent de la Cour de Colmar) ait pu juger le contraire (3). La réduction d'une libéralité, même dans les cas ordinaires et quand elle peut être demandée par tous héritiers réservataires, n'existe que pour ces héritiers et ne

(1) Toullier (V, 881); Duranton (XV, 246); Odier (II, 931); Rodière et Pont (II, 366, et 2 édit., 1632); Troplong (2223). Les enfants du premier lit d'une femme qui, soumise à un conseil judiciaire, s'est remariée sans faire de contrat de mariage, sont non recevables à intervenir dans l'instance engagée du vivant de leur mère sur le point de savoir sous quel régime elle se trouve mariée, et à soutenir que la soumission à la communauté légale emporterait en faveur du mari un avantage supérieur à celui autorisé par l'art. 1098, le droit à réclamer ne s'ouvrant à leur profit que par le décès de leur mère. Limoges, 27 mai 1867 (Dev., 67, 2, 237).

(2) Doranton (XV, 247); Rodière et Paul Pont (II, 363, et 2e édit., 1629); Troplong (III, 2228); Odier (II, 930); Dalloz (3073).

(3) Bordeaux, 5 juill. 1824. — Contrà : Colmar, 19 fév. 1845 ( Aff. Walh).

peut jamais être réclamée par l'auteur de la libéralité, à plus forte raison ici, où le droit de réduction est plus restreint et n'appartient pas même à tous les héritiers réservataires (1).

Il va sans dire que les héritiers peuvent ici faire preuve, non pas seulement par titres, mais aussi par témoins et par commune renommée.

DEUXIÈME PARTIE

DE LA COMMUNAUTÉ CONVENTIONNELLE, ET DES CONVENTIONS QUI PEUVENT MODIFIER (OU MÊME EXCLURE) LA COMMUNAUTÉ LÉgale.

1497. Les époux peuvent modifier la communauté légale par toute espèce de conventions non contraires aux articles 1387, 1388, 1389 et 1390.

Les principales modifications sont celles qui ont lieu en stipulant de l'une ou de l'autre manière qui suivent, savoir:

1° Que la communauté n'embrassera que les acquêts;

2o Que le mobilier présent ou futur n'entrera point en communauté, ou n'y entrera que pour une partie;

3° Qu'on y comprendra tout ou partie des immeubles présents ou futurs, par la voie de l'ameublissement;

4° Que les époux payeront séparément leurs dettes antérieures au mariage;

5° Qu'en cas de renonciation, la femme pourra reprendre ses apports francs et quittes;

1.

6° Que le survivant aura un préciput;

7° Que les époux auront des parts égales;

8° Qu'il y aura entre eux communauté à titre universel.

SOMMAIRE.

Les huit modifications indiquées ici sont les seules qui se rencontrent dans la pratique et qui constituent la communauté conventionnelle. II. Le remploi conventionnel des propres de la femme est soumis, comme le remploi facultatif, à la double condition de la déclaration à faire par le mari et de l'acceptation de la femme erreur de Toullier et autres auteurs.

III. Les époux peuvent, en adoptant la communauté, frapper d'inaliénabilité les im

1.

meubles de la femme, mais seulement en soumettant expressément ces immeubles au régime dotal: erreur de la plupart des auteurs et de plusieurs

arrêts.

Les époux sont entièrement libres, ainsi que nous l'a déjà dit l'art. 1387, de stipuler comme ils le jugent à propos leurs conventions matrimoniales, sauf les restrictions que ce même article et les suivants apportent au principe par respect pour les bonnes mœurs ou l'ordre public. Ces époux sont donc maîtres, soit de modifier comme ils l'en

(1) Voy. MM. Paul Pont et Rodière (t. II, no 364, et 2 édit., 1630); Troplong (t. III, n° 2219); Dalloz (3071).

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