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Frankreich.

4. Nov. 1895.

Nr. 11312. théâtre depuis plusieurs mois. Chaque jour, des achats inusités d'armes et de munitions étaient faits par les Musulmans. || Les choses en étaient là lorsque, le 30 octobre, le Vice-Consul de France télégraphiait à l'Ambassade que plusieurs réunions composées des personnages les plus influents de la contrée, au nombre desquels se trouvaient le cheikh de Zeilan et son fils, déjà si gravement compromis dans les massacres de Sassoun, avaient eu lieu chez un certain Djémil Pacha, ancien Gouverneur dans le Yemen; les projets les plus sinistres contre les chrétiens y avaient été discutés. Les Musulmans déclaraient ouvertement leur intention de „se venger", disaient-ils, des chrétiens. Ils avaient adressé à S. M. le Sultan un télégramme de protestation contre les mesures de réformes administratives prises à l'égard de certains vilayets d'Anatolie et se déclaraient résolus, au cas où la réponse attendue ne serait pas satisfaisante à leur gré, à attaquer les chrétiens le surlendemain vendredi. || Bien que ces projets fussent publiquement annoncés, Aniz Pacha feignait de n'y attacher aucune importance et, comme s'il avait voulu mieux endormir encore les chrétiens, assurait au Vice-Consul de France qu'il répondait de la tranquillité du côté des Musulmans. || L'événement a néanmoins malheureusement prouvé combien étaient exactes les informations rapportées au Vali par l'agent du Gouvernement français. Il prouve péremptoirement aussi combien est fausse la prétention qu'a la Sublime Porte d'imputer aux Arméniens le rôle de provocateurs. Dans plusieurs circonstances déjà, aux observations de l'Ambassade, la Sublime Porte a répondu que, d'après les informations des Valis, les Arméniens avaient envahi les mosquées et attaqué les Musulmans les armes à la main. Bien que la Sublime Porte sache mieux que personne combien cette allégation est mensongère, l'Ambassade proteste formellement contre une accusation qui prétend détourner de leur véritables auteurs la responsabilité des sanglants événements dont la ville de Diarbékir, après tant d'autres, vient d'être le théâtre. | Votre Excellence sait déjà comment des bandes de Kurdes de la campagne sont entrés dans la ville et, aidés de la population musulmane, ont massacré les Chrétiens de tous côtés, pillé et incendié le marché. || Le massacre a duré toute la journée de vendredi, de samedi et de dimanche. Le Vice-Consul de France, malgré les avertissements donnés au Vali, a pu, à grand' peine, obtenir une garde de zaptiés pour le Consulat et l'établissement des Pères capucins. Plus de 500 chrétiens poursuivis par les assassins se sont réfugiés dans son domicile, fuyant une mort certaine. | De nouvelles bandes de Kurdes sont signalées aux abords de la ville et l'autorité, loin de prendre des mesures, encourage les passions musulmanes. Non contente d'avoir, en quelque sorte, favorisé le fanatisme et les projets des Musulmans en s'abstenant de prendre par avance les mesures que réclamait le Vice-Consul de France, elle laisse les soldats et les zaptiés se mêler aux assassins et aux pillards. Notre agent, M. Meyrier, a vu de ses fenêtres, depuis deux jours, les représentants de la force armée faire cause commune avec la pire populace et se ruer sur les Chrétiens. || C'est

Frankreich.

avec peine que je me vois, Monsieur le Ministre, dans l'obligation de signaler Nr. 11312. des faits aussi graves, et malheureusement appuyés sur des preuves irréfutables. 4. Nov. 1895. Votre Excellence conviendra qu'ils ne sont que trop bien faits pour soulever l'indignation générale. Quelque regret que je puisse avoir à constater combien la responsabilité des autorités est engagée dans ces lamentables événements, il est de mon devoir de protester contre l'inertie coupable et la complicité de la Sublime Porte elle-même dans les massacres prémédités qui viennent d'avoir lieu et dont sont victimes, non seulement des Arméniens, mais des chrétiens de tous rites. || La présence à Diarbékir d'un Représentant de la France et d'un établissement de religieux capucins placés sous notre protectorat impose au Gouvernement de la République des devoirs et des droits qu'il entend exercer, et, au cas où le Gouvernement impérial ne se déciderait pas à prendre les mesures nécessaires et efficaces pour punir les coupables et réprimer les passions musulmanes malheureusement trop encouragées, le Gouvernement de la République serait obligé d'aviser au moyen de faire respecter les chrétiens partout menacés et dont un grand nombre sont, par le droit des traités, placés directement sous sa protection. P. Cambon,

Nr. 11313. FRANKREICH. Der Botschafter in Konstantinopel an den Minister des Auswärtigen. Zusammensetzung der Kontrollkommission.

Péra, le 4 novembre 1895.

Frankreich.

4. Nov. 1835.

La Commission de contrôle pour les réformes dans les six vilayets d'Asie Nr. 11313. Mineure est composée ainsi qu'il suit: || Chefik-Bey, Président; Président de la Section des requêtes à la Cour de cassation, Musulman; || Djémal-Bey, Directeur de la Banque agricole, membre musulman; || Abdullah-Bey, Conseiller d'État, membre musulman; || Djielal-Bey, Président de la Cour d'appel, membre musulman; || Constantin Caratheodory Effendi, Conseiller d'État, grec orthodoxe, membre chrétien; || Ohannes Effendi Sakiz, Procureur impérial de la Cour des comptes, Arménien catholique, membre chrétien; || Dilber Effendi, Conseiller légiste au Ministère des Finances, Arménien grégorien, membre chrétien.

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Nr. 11314.

7. Νον. 1895.

La situation de l'Asie Mineure reste très inquiétante. Aux observations des Ambassadeurs, la Porte a répondu par l'annonce d'une levée de 60,000 Frankreich. hommes de réserve en Asie Mineure et de 15,000 hommes en Syrie; mais ils ne sont pas organisés. On peut se demander s'ils ne contribueront pas à augmenter le désordre. || A Zeitoun, où la capitulation de la forteresse semble

7. Nov. 1895.

Nr. 1314. remonter à huit jours, la Porte n'a pas pu intervenir jusqu'ici; elle ignore le Frankreich. sort de la garnison et concentre des troupes du côté d'Alep. || A Erzeroum, 350 Arméniens et 12 Turcs ont été tués. Cette proportion indique le caractère de la lutte. 1,500 boutiques et des centaines de maisons ont été saccagées. Les ambulances installées par les consuls sont pleines de blessés. || Sur notre réquisition, plus de deux cents musulmans accusés de pillage ont été arrêtés. || A Diarbékir, où le massacre a duré pendant trois nuits consécutivement, notre consul estime à 5,000 le nombre des victimes. || Les Kurdes ont quitté la ville lundi et restent campés sous les murs. On redoute un retour offensif. M. Meyrier a donné 1,000 francs pour premier secours. Il a encore chez lui 700 réfugiés. P. Cambon.

Nr. 11315.

Nr. 11315. FRANKREICH. - Derselbe an Denselben. Sendung eines französischen Geschwaders in die Levante. Péra, le 8 novembre 1895.

Les Ambassadeurs se tiennent en étroites relations et prendraient en cas Frankreich. d'incident des résolutions communes. Mais ils ont pour la plupart des moyens S. Nov. 1895. d'action limités. || Les Anglais conservent à Salonique une escadre de dix-huit

navires de guerre qui peut en cas de péril imminent franchir les Dardanelles. ||
Les Russes prennent des dispositions militaires sur la frontière d'Arménie; ils
ont à vingt-huit heures du Bosphore leur escadre de Sébastopol et, sur la
proposition de mon collègue de Russie, ils ont rétabli peu à peu leur station
navale du Pirée en y maintenant trois navires de passage dans la Méditerranée. ||
Je considère aujourd'hui le rétablissement d'une force navale française dans le
Levant comme indispensable à la défense de nos intérêts de toute nature. ||
La station provisoire rétablie au Pirée devrait se composer, à mon sens, d'un
cuirassé et de deux croiseurs pour le cas d'une action sur plusieurs points à
la fois; elle devrait être commandée par un contre-amiral pour le cas de
démonstration commune avec d'autres Puissances. || Je serais reconnaissant à
Votre Excellence de soumettre, si Elle les approuve, ces considérations à M.
le Ministre de le Marine.
P. Cambon.

Nr. 11316.

12. Nov. 1895.

Nr. 11316. FRANKREICH.

Der Minister des Auswärtigen an den Botschafter in Konstantinopel. Dasselbe.

Paris, le 12 novembre 1895.

Une division navale française, sous le commandement de l'amiral de Frankreich. Maigret, a reçu ordre de se rendre au Pirée; elle est composée de quatre bâtiments et notre intention est de la diriger ultérieurement sur Smyrne. Je tiendrais toutefois, avant de rien décider, à connaître votre manière de voir à cet égard. Je tiendrais également à connaître votre sentiment sur l'utilité de l'envoi d'une seconde division navale, dans les eaux du Levant, à une date

Frankreich.

qui pourrait être très prochaine. || Je ne puis qu'approuver l'idée d'une entente Nr. 11316. en vue de doubler les stationnaires des Ambassades à Constantinople. Je 12. Nov.1895. compte télégraphier, dans ce sens, à Pétersbourg, en autorisant M. de Vauvineux à laisser pressentir au prince Lobanoff nos dispositions.

Berthelot.

Nr. 11317. FRANKREICH. Der Botschafter in Konstantinopel an den Minister des Auswärtigen. Dasselbe.

Péra, le 13 novembre 1895.

Frankreich.

En arrivant au Pirée, il importe que la division navale détache immé- Nr. 11317. diatement l'un de ses croiseurs à Beyrouth avec mission de se montrer à 13. Nov.1895. Tripoli de Syric, Alexandrette et à Mersina. || Un croiseur américain se trouve à Mersina pour la protection des missions protestantes. Un croiseur autrichien vient d'arriver à Smyrne. On annonce que l'escadre anglaise détachera deux de ses bâtiments sur la côte de Syrie. Il importe que nous ne soyons pas les derniers à montrer nos couleurs dans cette région. || Le séjour de la division au Pirée devra être de courte durée et Smyrne me semble bien choisi pour parer à tous les événements. Le Gouvernement russe pourrait également envoyer sa division du Pirée. || La préparation d'une seconde division navale me paraît utile pour le cas où la situation empirerait. || Les nouvelles des provinces sont de plus en plus mauvaises. Aujourd'hui même à Sivas des troubles ont éclaté. Notre consul a pris des dispositions pour assurer la protection de nos établissements religieux et il donne asile au plus grand nombre de chrétiens possible. P. Cambon.

Nr. 11318. FRANKREICH.

Der Botschafter beim König von Italien an den Minister des Auswärtigen. Sendung eines italienischen Geschwaders in die Levante.

Rome, le 13 novembre 1895.

Frankreich.

13. Nov.1895.

A la suite d'un conseil des Ministres réuni hier à Rome, des ordres ont Nr. 11318. été donnés pour faire partir aujourd'hui vers les mers du Levant une division navale composée des deux cuirassés Umberto Ier et Andrea Doria et des deux croiseurs Stromboli et Etruria portant ensemble quinze cents hommes d'équipage. Les instructions du commandant lui prescrivent de rejoindre l'escadre anglaise, de pourvoir à la protection des nationaux sur le territoire ottoman et, en cas de graves difficultés, de conformer son attitude à celle de l'amiral anglais. Billot.

Nr. 11319. FRANKREICH. Derselbe an Denselben. Absichten
Englands und Italiens.

Rome, le 13 novembre 1895.

Frankreich.

L'Ambassadeur d'Angleterre est venu hier soir m'entretenir des affaires Nr. 11319. d'Orient et il m'a parlé, pour les démentir, des bruits relatifs à un accord 13. Nov. 1895. entre l'Angleterre et l'Italic pour une action à deux. || Sir Clare Ford a déclaré

Staatsarchiv LIX.

15

13. Nov. 1895.

Nr. 11319. que le Gouvernement anglais considère le maintien de l'entente heureusement Frankreich. établie entre les six grandes puissances comme le plus sûr moyen de dénouer la crise et d'assurer la conservation de la paix, ainsi que Lord Salisbury l'a proclamé avec insistance au banquet du Lord-Maire. || De son côté, le Gouvernement italien fait démentir par les agences officieuses qu'il se soit concerté avec l'Angleterre pour une action maritime séparée. Billot.

Nr. 11320.

Nr. 11320. FRANKREICH. Die Botschaft in Petersburg an den Minister des Auswärtigen. Lobanoff über die Sendung eines französischen Geschwaders.

Saint-Pétersbourg, le 13 novembre 1895.

Le prince Lobanoff m'a témoigné sa satisfaction de l'envoi d'une division Frankreich. navale au Pirée et m'a dit que, de son côté, le Gouvernement russe venait

13. Nov.1895.

Nr. 11321.

13. Nov.1895.

de donner à sa flotte de la mer Noire l'ordre de se mettre en mesure de partir au premier signal. Cette flotte se tient déjà prête à agir selon les éventualités, mais une action ne s'exercera pas avant qu'une entente complète soit intervenue entre les Gouvernements français et russe. || Le prince Lobanoff se montre formellement décidé à maintenir aussi étroitement que possible l'union qui existe entre les deux pays. || Quant à la mesure suggérée par M. de Nélidoff de doubler les stationnaires des Ambassades, le Ministre des Affaires étrangères m'a déclaré qu'il l'approuvait et qu'il s'est entendu avec le Ministre de la Marine pour qu'un bâtiment puisse être expédié immédiatement à Constantinople. Vauvineux.

Nr. 11321. FRANKREICH.

Der Botschafter in Wien an den Minister des Auswärtigen. Unterredung mit Graf Goluchowski.

Vienne, le 13 novembre 1895.

Le Ministre des Affaires étrangères vient de me faire part de l'initiative Frankreich. qu'il a prise avant-hier de s'adresser aux Puissances signataires du Traité de Berlin pour s'entendre sur les mesures à adopter en vue des éventualités très graves qui peuvent se produire à Constantinople. || L'accord des Puissances, m'a-t-il dit, est absolu; il faut qu'il se continue sans réticence et sans arrièrepensée, tout le monde ayant le même intérêt pacifique à ce que les désordres cessent; c'est à ce prix qu'on pourra arrêter l'incendie qui dévaste la Turquie. Les Ambassadeurs s'entendent sur tous les points à Constantinople; cela est capital. Mais il faut encore que les Puissances qu'ils représentent leur donnent une liberté d'initiative dont ils peuvent avoir besoin en cas d'événements imprévus. Le Comte Goluchowski estime qu'il faut doubler dès à présent les stationnaires et grouper les flottes dans les eaux du Levant. || Le Ministre des Affaires étrangères a déjà donné toute latitude dans ce sens à son Ambassadeur à Constantinople. L'Autriche va envoyer une flotte dans le Levant. Lozé,

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