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>> s'en rapporter ainsi dans le doute à la bonne foi » ou plutôt au bon plaisir de l'une des parties, le >> sens commun entrerait en révolte; mais com>> bien de fois l'autorité ne s'est-elle pas regardée > comme en position de décliner le sens com

>> mun ? >>

La dernière considération est une ironie mordante, mais ne prouve rien. L'assimilation de l'état avec un particulier est, à mon avis, contraire au véritable esprit de notre régime constitutionnel.

Je dirai avec M. Portalis, avec M. Henrion de Pansey (1) et avec tant d'autres dont le nom seul est une garantie de lumière, qu'en matière administrative, c'est surtout l'intérêt général, les intérêts communs et collectifs qu'il s'agit de conserver et de protéger; que s'il faut veiller avec soin à ce que les intérêts ou les droits privés ne soient pas sacrifiés, ni froissés par l'action administrative, il n'est pas moins important d'empêcher que l'action administrative ne soit entravée dans sa marche; que si on ne veut pas tomber

(1) Tous les deux PREMIERS PRÉSIDENTS de la cour de cassation, de la première cour de justice du royaume...

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dans la confusion et l'anarchie, il n'y a qu'une autorité administrative qui puisse réformer les actes d'une autorité administrative; que c'est précisément pour que les mêmes hommes ne soient pas juges de leurs propres jugements qu'on a établi un conseil administratif délibérant qui assure une autorité morale aux décisions suprêmes de l'administration.

Juge et partie;... tant mieux, doit dire tout citoyen jaloux de la prospérité générale, si l'administrateur est assez pénétré des devoirs de sa position pour considérer les intérêts de l'état, du trésor public, comme ses propres intérêts.

Juge et partie... Comment fera-t-on jamais admettre que quinze conseillers d'état sont tellement identifiés au ministre qui a rendu la décision, qu'ils sacrifient tout sentiment de pudeur et de justice pour faire triompher l'iniquité, qui certes ne sera pas l'œuvre directe de ce ministre, mais l'œuvre de ses bureaux (1).

(1) Qu'on ne croie pas que j'approuve in globo toutes les décisions du conseil d'état. Il en est lors desquelles une pensée politique, ou un zèle peut-être exagéré pour les intérêts du trésor ont trop vivement préoccupé les conseillers qui les approuvaient.

Juge et partie. «Mais, dit enfin M. Portalis, >> l'état figure dans les litiges administratifs, non >> comme propriétaire de ses domaines, ou comme >> exerçant des actions civiles, mais comme le con>> servateur de cet ordre social et public qui a né>> cessité la distinction des compétences, la tutelle >> administrative des communes et des établisse> ments publics, la levée des contributions, l'ou>> verture des routes et des autres moyens de » communication et de transport.... L'administra

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tion ne cesse point d'administrer, même lors» qu'elle statue sur des matières contentieuses. La >> juridiction qu'elle exerce est le complément de >> l'action administrative. »

A mes yeux, le contentieux administratif naît des conséquences, des résultats, de l'interprétation des actes administratifs. Les tribunaux ne peuvent ni expliquer, ni modifier, ni annuler un acte administratif; le jugement du contentieux ad

J'ai été pendant six ans avocat aux conseils du roi et je ne ratifie pas toutes mes défaites... Mais j'ai aussi souvent, dans les vingt-quatre heures, maudit la chambre des requêtes. Et où découvrira-t-on donc une institution sans dangers d'erreur? Le plus grand danger est de jeter le chaos dans l'exercice simultané des trois pouvoirs dont l'accord seul peut produire la stabilité.

ministratif doit donc appartenir à la juridiction administrative. L'existence du conseil d'état est une garantie accordée par le pouvoir exécutif, que la décision ne sera définitive qu'après avoir été soumise à un conseil nombreux et éclairé.

Si on enlevait au pouvoir exécutif la connaissance du contentieux administratif, on l'énerverait sans nécessité, et on reporterait l'action et la force au pouvoir judiciaire.

Le pouvoir qui ordonne, qui prescrit, qui décide, c'est le pouvoir fort

Celui qui exécute, est un instrument, un agent

secondaire.

Ce n'est plus un pouvoir; il y a confusion.

Si l'on excepte M. de Broglie et M. Bavoux (1), la nécessité d'un contentieux administratif appartenant à une juridiction administrative, a été

néralement reconnne.

Je serai sobre de citations; voici seulement deux passages qui résument toute ma pensée :

(1) Voyez suprà, p. xxxj.

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>> précautions, a dit M. de Cormenin (1), aux > attributions de la juridiction administrative; il » vaut mieux la régler que de la détruire. Les >> parties ne gagneraient rien à aller devant les >> tribunaux civils, car les procès seraient à la >> fois plus lents et plus dispendieux. Le gouver>> nement n'y gagnerait rien non plus, car il fau>> drait qu'il rappelât sans cesse à lui, par la voie >> de l'évocation, une foule de questions pure» ment administratives ou politiques qui se mê>> leraient d'une manière presque inextricable à >> ces thèses contentieuses, devenues judiciaires. >> La séparation des pouvoirs établie par l'assemblée >> constituante, serait confondue et renversée. Les >> conflits se multiplieraient à l'infini avec leurs iné>> vitables lenteurs et leurs scandales. Le cours >> de la justice qui doit ici être prompt pour être >> efficace, serait interrompu à chaque instant et >> entravé; il y aurait des confusions de matières, >> des luttes de juridictions, des dangers de ju>> gements, des refus insurmontables de pièces >> ministérielles, des impossibilités d'exécution de >> toute espèce. »

(1) Préface de ses Questions, éd. de 1837, p. xiv.

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