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Maria. Les 43 et 52e régiments, qui faisaient partie | du désastre de la nuit, sa fermeté d'homme et son orgueil de vainqueur cédèrent un moment, et la douleur qu'il éprouvait de la perte de tant de vaillants soldats éclata avec une pénible émotion. »

de la division légère, perdirent à eux seuls plus de monde que les sept régiments de la 3e division à l'atque du château 1.

« Représentez-vous maintenant que cet épouvantable carnage dut trouver place dans un étroit espace de cent verges carrés. Considérez que les victimes ne mouraient pas toutes immédiatement, ni d'un seul genre de mort, mais que les uns périssaient par l'acier, les autres par un coup de feu, plusieurs par l'eau; que ceux-ci étaient écrasés et mis en pièces par la chute des débris, que ceux-là étaient foulés aux pieds, qu'il y en eut de réduits en atômes par les explosions; que nos troupes restèrent, sans reculer, exposées pendant des heures à cette destruction multiforme, et que la place fut à la fin emportée; et l'on devra reconnaître qu'une armée anglaise porte avec elle une redoutable puissance. Et ce serait une calomnie que de prétendre que les Français furent des hommes faibles, car la garnison se comporta dignement : sa discipline fut belle; son attitude, comme sa défense, également vaillantes. Il n'y a de reproches mérités d'aucun côté. Mais qui rendra assez de justice à la bravoure des soldats, à la noble émulation des officiers? qui mesurera ce qui est dû de gloire à Ridge, à Macleod, à Nicholas, ou à cet O'Hare, du 95o, qui tomba sur la brèche à la tête des assaillants, et qui vit périr avec lui presque tous les volontaires appelés à ce périlleux service? qui | dépeindra la valeur brillante de ce grenadier portugais qui fut tué le premier sur la brèche du SantaMaria? ou la furie martiale de ce soldat du 95e qui, dans sa détermination de vaincre, se précipita en désespéré sous les chaînes des lames d'épées, où il laissa briser sa tête à coups de crosse, plutôt que de céder? qui honorera dignement l'intrépidité de Walker, de Shaw, de Clanch? ou la résolution de ce Ferguson, du 43e, que l'on vit, après avoir reçu, dans les premiers assauts, deux profondes blessures, et ayant ses plaies encore ouvertes, conduire de nouveau la colonne d'attaque de son régiment? C'était la troisième fois qu'il marchait comme volontaire, et pour la troisième fois, il fut blessé. Je n'ai point cité ces exemples comme les plus saillants: les traits d'un dévouement sans bornes furent communs; quelques-uns sont connus, et d'autres ne le seront jamais; car, au milieu du tumulte, un grand nombre passèrent inaperçus, et souvent les témoins tombaient eux-mêmes avant d'avoir pu donner acte de ce qu'ils avaient vu. Mais aucun siècle, aucun peuple, n'a jamais envoyé dans les combats des troupes plus braves que celles qui donnèrent l'assaut de Badajoz.

Ainsi finit ce célèbre siége de Badajoz dont la défense couvrit le général Philippon d'une gloire nouvelle. L'abandon de cette ville à ses propres forces, a été sévèrement reproché aux deux maréchaux Soult et Marmont, dont les mouvements ne furent ni assez prompts, ni assez bien combinés pour obliger les Anglais à renoncer à leur entreprise.

Le duc de Dalmatie, qui avait rassemblé, pour renforcer le 5 corps, toutes les troupes de l'armée d'Andalousie dont il pouvait disposer, n'était plus qu'à deux journées de marche de Badajoz, lorsqu'il apprit que cette place venait de tomber au pouvoir de l'ennemi. Il n'avait dès lors plus rien à faire en Estramadure, et il se hâta de rentrer en Andalousie où l'ennemi profitait de son absence pour tenter quelques manœvres hostiles.

Ten

Retour du maréchal Soult en Andalousie. tative du maréchal Marmont en Portugal. — Tandis que Badajoz succombait sous l'effort terrible de l'armée anglo-portugaise, Penne de Villemur, émigré français et lieutenant du général espagnol Morillo, profitant de l'absence des troupes que le maréchal Soult venait d'emmener dans la Haute-Estramadure, s'approcha de Séville avec un parti assez nombreux d'infanterie et de cavalerie. Il avait eu, depuis le 5 avril, plusieurs petits engagements avec les détachements que le général Rignoux, gouverneur de Séville, avait envoyés à sa rencontre, et il venait de les rejeter dans la ville, qu'il tenait bloquée par la rive gauche du Guadalquivir, lorsqu'il fut obligé de se retirer à l'approche de la colonne du duc de Dalmatie, revenant des environs de Badajoz, qu'elle n'avait pas pu empêcher de tomber au pouvoir de l'ennemi.

L'arrière garde du maréchal Soult, formée de la cavalerie française, fut attaquée, le 11 avril, à VillaGarcia, par un fort détachement de cavalerie anglaise aux ordres de sir Stapletton Cotton. Quoique bien supérieur en nombre, l'ennemi se vit forcé de rétrograder devant une division du 5e corps, sortie de Llerena et rangée en bataille devant cette ville, et le duc de Dalmatie continua sa marche vers Séville.-Le 5e corps, qui restait en Estramadure pour couvrir la frontière de l'Andalousie, prit les positions suivantes : la droite à Belalcazar, et la gauche à Guadalcanal; le général Drouet d'Erlon établit son quartier général à Fuenta-Ovejuna.- Le général en chef anglais, satisfait

« Quand lord Wellington eut appris toute l'étendue de la prise de Badajoz, avait refusé, en avant de Villa

La direction suivie par la 4a division et la légion légère était marquée, dit le témoin oculaire cité dans la note précédente, par

des monceaux de cadavres. La grande brèche était couverte de morts depuis la base jusqu'au sommet, qui était défendu par des chevaux de frise construits avec de longues lames d'épées assujetties dans des troncs d'arbres. Derrière ces chevaux de frise s'ouvrait une large et profonde tranchée, dans laquelle les assaillants se seraient précipités, s'ils avaient franchi cette barrière presque insurmontable. Au-dessus était une batterie de pièces de douze, qui enfilait complétement la grande et la petite brèche.

Franca, la bataille que le maréchal Soult paraissait disposé à lui offrir. Il laissa sur la Guadiana le général Hill, et marcha, avec le gros de ses troupes, contre le maréchal Marmont, qui venait d'envahir la frontière de la province portugaise de Beira.

Après la prise de Ciudad-Rodrigo par Wellington, le maréchal duc de Raguse avait compris la faute qu'il venait de faire en ne secourant pas cette place en temps utile; voulant réparer ce tort par une expédition dont

le succès ne fût dù qu'à lui seul, il laissa au maréchal | Hill, le plus actif de ses généraux.-Celui-ci partit Soult le soin de protéger Badajoz, et tenta une irrup-d'Almendralejo le 12 mai, et arriva, le 18, devant la tion en Portugal par la frontière de la province du tête de pont construite sur la rive gauche du Tage. 11 Beira. C'était le 10 mars, époque à laquelle l'armée de attaqua aussitôt cet ouvrage. La garnison, qui était lord Wellington était en pleine marche sur l'Alentejo. sur ses gardes, commença un feu bien nourri, et qui obMarmont, aurait pu être rendu sur l'Agueda le 18, il tint d'abord du succès; mais dès que les premiers soln'y arriva que dans les derniers jours du mois. Il était dats ennemis eurent atteint le parapet, presque tous partit de Salamanque avec une masse considérable; les défenseurs de la tête de pont lâchèrent pied, et, son armée s'étant augmentée de deux divisions de en fuyant, baissèrent le pont-levis pour essayer de l'armée du nord, il laissa une division devant Ciudad-gagner l'autre rive. Le commandant français et quelRodrigo, qu'il savait mal pourvu de vivres, et il investit Almeida le 3 avril. Les éclaireurs qu'il poussa jusque sur les glacis de cette place, l'ayant trouvée défendue par une bonne garnison et ses ouvrages remis en bon état, il crut devoir la laisser derrière lui. Il se porta, le 7, sur Sabugal; le 12, son avant-garde entra à Castel-Branco, menaçant de détruire le pont de ba-férir, quoique, grâce au pont qui était alors défendu, teaux que l'ennemi avait jeté sur le Tage à Villa-Velha. L'armée française détruisit ou dispersa un corps de troupes régulières, soutenu de milices nombreuses, qui tenta de s'opposer à ses progrès; enfin, le duc de Raguse ayant appris, le 14 avril, que le duc de Wellington était revenu dans les environs d'Almeida, rétrograda et repassa l'Agueda le 23.

Wellington avait, de nouveau, établi son quartier général à Fuente Guinaldo, et l'armée anglo-portůgaise était en position entre la Loa et l'Agueda. Ainsi cette pointe de l'armée de Portugal dans la Beira, fut une opération sans résultat.

Prise et destruction du pont d'Almaraz par les Anglais. L'ennemi, par ses succès précédents, avait un débouché facile ouvert soit vers le nord, soit vers le midi de l'Espagne; mais le prudent Wellington considérait ces avantages comme à peu près nuls, tant que le maréchal Marmont pourrait encore communiquer librement avec le maréchal Soult, et cette communication exissait par 'Almaraz. Le duc de Raguse y avait fait élever deux ouvrages sur les bords du Tage pour garder le pont de bateaux, le seul qui existât encore de ce côté sur le fleuve. En effet les deux armées avaient, dans le cours des campagnes précédentes, détruit tous les autres ponts permanents au-dessous de Tolède.

Le général anglais résolut donc de s'emparer du pont d'Almaraz. Il s'occupa d'abord de dispositions propres à tromper son adversaire et à lui faire croire qu'après quelques jours de repos dans son camp de Fuente Guinaldo, l'armée anglo-portugaise passerait l'Agueda pour livrer bataille.

Le duc de Raguse donna dans le piége; et bien loin d'appréhender quelque chose du côté d'Almaraz, il avait cantonné la plus grande partie de ses troupes sur les deux rives du Tormès, dans le voisinage de Salamanque. On avait élevé sur ce point deux têtes de pont, qui, par elles-mêmes, étaient susceptibles d'une longue défense; mais dont la garnison, formée de détachements de différents corps, avait peu de confiance en elle-même, et par conséquent peu de courage.

ques officiers se défendirent seuls, disputèrent, avec toute l'énergie du désespoir le passage du pont-levis, et tuèrent un certain nombre d'anglais; mais, couverts de blessures, ils tombèrent mourants au pouvoir de l'ennemi. Un détachement de Suisses, qui gardait l'ouvrage de la rive droite, l'évacua sans coup

le fleuve le séparât des troupes du général Hill. Cette lâche défection fut punie comme elle le méritait : le commandant du détachement fut traduit devant une commission militaire et condamné à passer par les armes.

Après avoir brûlé le pont, détruit les ouvrages, mis l'artillerie hors de service, et détruit les magasins et les munitions qu'ils ne pouvaient pas emporter, les Anglais se retirèrent. Le général Hill était, le 21 mai, à Truxillo, traînant à sa suite sur la Guadiana les officiers expirants qui avaient combattu avec tant d'intrépidité, et 250 soldats prisonniers. Le reste de la garnison qui, avant le combat, se montait à 500 hommes, avait péri ou était parvenu à s'échapper. Les Anglais avaient eu 300 hommes tués ou blessés.

Cette expédition hardie du général Hill empêchait l'armée de Portugal de se porter en Estramadure. Le maréchal Marmont manoeuvra par sa gauche, et dirigea une forte division sur la rive gauche du Tage. Le maréchal Soult fit avancer le général Drouet d'Erlon dans la direction de Medellin; mais avec des forces trop peu nombreuses pour couper au général Hill le chemin de Badajoz. Les troupes anglo-portugaises y arrivèrent sans obstacles, et reprirent leurs positions aux environs de cette place.

Affaiblissement des armées françaises en Espagne. - Ce fut à cette époque (mai 1812), que se répandirent les premiers bruits d'une guerre prochaine avec la Russie; les opérations en Espagne allaient bientôt n'être plus regardées que comme secondaires ; l'Empereur portait toute son attention vers le nord. Les préparatifs de cette campagne, qui eut de si déplorables résultats, l'obligèrent à rappeler près de lui des soldats dont la présence était fort utile én Espagne, et que quatre ans de séjour dans la Péninsule y avaient parfaitement acclimates, en même temps qu'ils leur avaient appris à en connaître les localités et les ressources.

Les corps de la garde impériale qui se trouvaient à Valladolid et dans la Vieille-Castille durent revenir en France; l'armée du nord fut dissoute, les autres Lord Wellington chargea, de l'exécution de son armées, dont on tira de quoi former le cadre de coup de main contre le pont d'Almaraz, le général | nouveaux régiments, furent affaiblies, et cela au mo

ment où le nombre des ennemis croissait dans une effrayante proportion. Aussi, obligées de garder une immense étendue de pays, les troupes françaises se trouvèrent-elles trop faibles sur tous les points.

Cette triste situation avait préoccupé l'esprit de l'Empereur, lorsqu'il méditait encore son plan contre la Russie, et il avait résolu de concentrer toutes ses troupes sur l'Ebre. On avait même préparé des ordres pour ce grand mouvement; mais Napoléon fut détourné de ce projet par la prise de Valence et par l'anéantissement de l'armée de Blacke, composée de l'élite des troupes espagnoles, deux succès brillants qui eurent ainsi de fatales suites.

Mouvement offensif de Wellington.- Prise des forts de Salamanque. Retraite de l'armée française. Le duc de Wellington continuait à recevoir de son gouvernement des renforts qui devaient le mettre en état de poursuivre la guerre avec vigueur. Pendant son séjour dans le camp de FuentaGuinaldo, l'armée anglo-portugaise, déjà fortement augmentée, s'accrut encore de 20,000 hommes. Cet accroissement de forces donna enfin au général anglais une confiance suffisante pour le déterminer à conmencer ses opérations.

L'armée anglo-portugaise se mit en mouvement; elle passa l'Agueda le 12 juin, et, le 16, elle arriva sur le ruisseau de Val-Muza, à deux lieues de Salamanque. Le maréchal Marmont laissant seulement un détachement d'environ 700 hommes, répartis dans les couvents de San-Cajetano, la Merced et San-Vicente, évacua Salamanque. Les trois postes occupés par les Français avaient été fortifiés et leur feu commandait le pont sur le Tormès. L'armée française s'établit à portée de l'ennemi, de façon à pouvoir être aperçue de la garnison des trois forts, et manœuvra sur les bords de la rivière.

Lord Wellington commença le siége des trois couvents. Les parapets de la Mercède et de San-Cajetano furent bientôt entamés, et les palissades renversées. Les Anglo-Portugais essayèrent alors d'emporter ces forts par escalade, deux fois ils revinrent à la charge, et, deux fois ils furent repoussés après avoir eu 200 hommes tués. Faute de munitions, les batteries de siége suspendirent leur feu pendant quelque jours; mais elles le reprirent avec une nouvelle vigueur du 26 au 27; elles lancèrent des boulets rouges sur le fort San-Vicente, dont la prise devait entraîner celle des deux autres; le feu se déclara dans un magasin de bois de démolition, et, en quelques instants, le couvent ne présenta plus qu'une masse enflammée. Les attaques du dehors, jointes au feu de l'intérieur, qui détruisait les défenses, les magasins et les vivres, forcèrent la garnison à capituler; elle se rendit à discrétion dans l'après-midi du 28. Elle avait repoussé deux assauts, et avait tué à l'ennemi plus de 1,300 hommes, c'est-à-dire le double de sa force à ellemême; les forts de la Merced et de San-Cajetano furent compris dans la capitulation.

Mattre des trois forts de Salamanque, le généralissime anglais ordonna aussitôt d'en détruire les

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ouvrages, et fit remettre aux Espagnols l'artillerie qui les garnissait. Le duc de Raguse, continuant son mouvement rétrograde, se rapprocha du Duero, et fit prendre position à ses troupes le 29 sur le Trabancos, le 30 sur le Zaparadiel; le 2 juillet, l'armée de Portugal traversa le Duero à Tordesillas. Le gros des troupes se réunit entre cette dernière ville et Polos. Zamora et Toro étaient fortifiés, et les autres points se trouvaient aussi en état de défense.

Wellington avait 5,000 hommes de bonne cavalerie; le maréchal Marmont n'en comptait pas plus de 2,000 dans son armée, mais il porta le nombre à près de 3,000, en mettant en réquisition les chevaux appartenant aux individus suivant l'armée, et qui n'avaient pas le droit d'en avoir.

L'armée de Portugal fut renforcée, quelques jours après son arrivée sur le Duero, de 8,000 hommes d'excellentes troupes composant la division du général Bonnet.

Le général Bonnet évacue les Asturies et rejoint l'armée de Portugal. Les provinces de Léon et de Benavente ayant été évacuées, cette division, qui occupait les Asturies, se trouvait complétement isolée; elle avait épuisé ses munitions. Dans cette position embarrassante, le général Bonnet qui connaissait assez le pays pour savoir qu'il lui serait plus difficile de sortir des Asturies, si l'ennemi voulait s'opposer à sa retraite, que d'y rentrer, se détermina à évacuer cette province.

Les généraux Barcena, Mahi et Porlier, à la tête de 20,000 Espagnols, se portèrent au devant de la division française pour lui disputer les passages; mais ils ne purent empêcher le général Bonnet d'exécuter son mouvement à travers les montagnes; le brave général traversa le col de Pajarès, malgré les neiges qui l'encombraient, et quoiqu'il n'y eût point de chemins praticables; il éprouva de grandes fatigues, mais il parvint à emmener toute son artillerie, et à gagner Reynosa, où il prit d'abord position.

Ce fut là qu'il apprit que l'armée de Portugal était en présence de l'armée anglaise, et au moment d'en venir aux mains. A cette nouvelle, il hâta son mouvement, et, avec ses 8,000 vieux soldats, accourut rejoindre le maréchal Marmont 1.

1 La conduite du général Bonnet dans cette circonstance est d'autant plus digne d'éloges, qu'elle contraste avec cet esprit de rivalité commun à cette époque parmi les généraux français employés en Espagne, et qui eut de si fâcheuses conséquences pour les opérations militaires.

Nous en trouvons un exemple dans le passage suivant d'un historien contemporain.

«Lorsque, vers le milieu de septembre 1811, les deux armées de Portugal et du nord, sous les ordres du maréchal duc de Raguse et du général comte Dorsenne, s'étaient réunies pour débloquer et ravitailler Ciudad-Rodrigo. On ne pouvait pas croire que l'intention de l'empereur des Français fût que cette belle et forte masse de 50,000 hommes se bornât à cette seule opération, bien urgente à la vérité, mais qui ne devait être à cette époque qu'accessoire au grand plan de mettre l'armée anglo-portugaise hors d'état de se maintenir sur le territoire espagnol, et de raviver par sa présence l'insurrection dans les provinces de l'ouest.

ravitaillement de Ciudad-Rodrigo, parut indiquer que les instruc«En effet, le mouvement des deux armées francaises, après le tions des généraux en chef étaient plus étendues qu'on ne l'avait

Le roi Joseph part pour l'armée de Portugal. Le maréchal Marmont reprend l'offensive. - Ayant reçu la nouvelle du mouvement offensif de lord Wellington et de la retraite du maréchal Marmont derrière le Duero, le roi Joseph réunit sa garde, ses réserves et une partie de l'armée du centre, formant 20,000 vieux soldats, et partit avec eux dans le but d'aller se mettre momentanément à la tête de l'armée

supposé d'abord. Les troupes de l'un et de l'autre vinrent prendre position à une demi-lieue de Fuente-Guinaldo, où l'armée de Wellington occupait un camp retranché. L'examen de la position ennemie, fait avec des lunettes, conduisit à juger qu'elle était inattaquable. On crut voir que la ligne anglaise était hérissée de redoutes, appuyée par sa droite à un talus à pic, couronné par un ouvrage revêtu et armé de pièces de siége, et par sa gauche, à un bois rendu impénétrable; sans autre vérification, les deux généraux en chef convinrent de se réunir à l'entrée de la nuit (le 26 septembre), pour prendre un parti; ce parti fut la retraite des deux armées sur Ciudad-Rodrigo le soir même.

«Avant de quitter la position qu'il occupait, un des généraux de division de l'armée du nord, exécutant à regret une décision dont les motifs ne lui paraissaient pas assez plausibles, voulut tenter une reconnaissance plus positive, et envoya à cet effet une compagnie de voltigeurs vers le bivouac ennemi. Le capitaine revint bientôt annoncer que le camp anglo-portugais était abandonné. Sur le rapport qui fut fait de cette découverte au général Dorsenne, celui-ci se rendit sur-le-champ auprès du maréchal duc de Raguse, pour lui déclarer que, dût-il agir seul, il allait se mettre à la poursuite de l'armée anglaise. Des ordres furent donnés pour faire revenir toutes les divisions: celles de l'armée de Portugal, parties les premières, ne furent rejointes que sous Ciudad-Rodrigo. Il était déjà trop tard pour atteindre l'armée ennemie dans sa retraite.

· Deux divisions de l'armée du nord se portèrent sur le camp de Fuente-Guinaldo, et vérifièrent que dans le bois qu'on avait jugé impraticable, il n'existait ni abattis ni coupures; que la ligne hérissée n'était défendue par aucune redoute; que l'ouvrage revêtu et armé de pièces de siège, consistait dans une redoute simple, dont on n'avait pas même terminé les terrassements; enfin, que le talus à pic offrait une pente assez douce pour qu'un régiment de cavalerie pût le gravir au trot. Quelques traineurs anglo-portugais furent ramassés dans cette circonstance.

«Quelle était donc la cause réelle qui avait pu déterminer les commandants en chef des deux armées à un mouvement rétrograde aussi prompt et aussi intempestif? nous devons la faire connaître avec toute la franchise qui doit caractériser un historien impartial: Ja crainte de jouer un rôle sccondaire dans une opération qui commandait le sacrifice de l'amour-propre, de tout intérêt autre que celui du souverain. Le général Dorsenne ne cherchait qu'une occasion de décliner l'autorité supérieure du duc de Raguse, à qui la plus grande part serait revenue dans le succès, si les armes françaises avaient été beureuses; et cette occasion, il dut la saisir avec empressement lorsqu'elle se présenta.

«En supposant même qu'un choc avec l'armée anglo-portugaise eût pu avoir lieu après le retour des deux armées françaises sur Fuente-Guinaldo, la mésintelligence n'aurait point tardé à éclater entre le maréchal et le général; celui-ci se serait attribué l'idée de la découverte faite pendant la nuit sur le camp ennemi, et s'en serait prévalu auprès de Napoléon; et qui peut dire où se serait arrêtée cette querelle, surtout quand on connaît les résultats de celle qui s'était élevée entre les maréchaux Masséna et Ney, à la retraite de Portugal?>

Puisque l'occasion se présente de reparler de cette querelle qui signala d'une manière fâcheuse la fin de la troisième expédition contre le Portugal (Foir t. iv, p. 227 et suivantes), nous citerons quelques fragments d'une note de M. le lieutenant général Pelet, où cet officier général a indiqué les causes réelles de la mésintelligence survenue entre ces deux illustres maréchaux. - M. Pelet était en 1811 chef d'état-major du maréchal Masséna.

«Les premières altercations un peu vives, entre le prince et le maréchal, eurent lieu à Miranda-de-Corvo, pendant le petit combat du 14 mars. Le lendemain, 15, à neuf heures du matin, les 2o et 8e corps ayant pris position, ainsi que la division Loison, sur la rive droite de l'Arunce, je portai l'ordre au maréchal Ney de faire passer son corps d'armée, en laissant seulement un détachement sur les hauteurs de Foz-d'Arunce, pour couvrir le passage de quelque artillerie et des équipages de tous les corps, et de faire ensuite sauter Je pont. Le maréchal s'obstina à rester avec ses deux divisions sur

de Portugal, afin de livrer à Wellington une nouvelle bataille décisive.

L'avis de ce mouvement fut envoyé par le roi au duc de Raguse, mais parvint-il au maréchal, ou futil intercepté par les guérillas espagnoles? c'est ce qu'on ignore. Il faudrait croire, si le duc de Raguse a été effectivement informé de l'approche du roi Joseph, qu'il s'est décidé à livrer bataille par un sentiment de

la rive gauche, et, malgré un ordre formel, risqua un combat qui pouvait avoir des suites funestes.

Le 16, l'ordre était donné aux 6e et 8e corps de couronner les hauteurs de la rive gauche de l'Alva, pendant qu'on travaillait à réréparer le pont, le 2o corps étant à Arganil. Malgré ces dispositions écrites, le maréchal voulut rester avec la seule division Marchand, en pointe et à trois licues du reste de l'armée, sur la rive droite de l'Arunce, position forte, mais trop étendue.

«Le prince d'Essling m'envoya auprès du maréchal pour savoir de lui les motifs de son retard, et pour faire échelonner cette division trop aventurée. Il y avait dans cette position du maréchal Ney quelque chose de dévoué et de chevaleresque extrêmement touchant, si ce n'était pas fort régulier, mais qui devait enthousiasmer ceux qui ne connaissaient pas le fond des affaires.»

L'exécution des ordres du prince d'Essling amena une discussion; le général Pelet ajoute à cette occasion:

«Je proteste qu'autour du prince tout a été fait constamment pour maintenir l'harmonie si nécessaire dans l'intérêt général; du reste, deux caractères semblables n'avaient besoin d'aucun excitatif dans ces querelles, suscitées par les jalousies de commandement : nous Voici arrivés à leur dénoûment.

«Parvenus au terme de notre retraite, devions nous établir l'armée entre Almeida et Ciudad-Rodrigo, pays épuisé par deux siéges et par le séjour de l'armée pendant cinq mois, ou nous placer au sud de ces places, sur les deux rives du Tage, entre l'Elix et l'Alagon, dans un pays qui avait moins souffert? Le premier parti présentait beaucoup d'inconvénients, le second beaucoup d'avantages; mais ce n'est pas ici le moment de détailler les uns et les autres, ils sont consignés dans un mémoire que l'empereur me demanda le 6 avril, et que je lui remis le surlendemain. Il suffit d'indiquer que, par la deuxième position, bien plus conforme aux règles de la stratégie, nous nous lions avec le 5° corps, avec l'armée de l'intérieur et le centre général des opérations à Madrid, nous ramenions lord Wellington dans la position qu'il avait quittée, nous conservions les avantages qu'on venait d'obtenir et qu'on perdit si vite dans l'Estramadure espagnole, comme les moyens de menacer de nouveau le centre du Portugal et les lignes de Lisbonne. Ce double projet fut mûri et étudié pendant quelques jours, depuis qu'une sorte de rupture parmi les chefs faisait perdre tout espoir de rétablir les affaires par une action de vigueur, lorsque nous avions repris nos véritables directions de retraite.

Le prince penchait fort pour le second projet; je fus chargé par lui de le communiquer le 21, à Gouvea, au général Reynier, homme fort habile dans la partie spéculative de la guerre, qui connaissait parfaitement l'Estramadure, et qui fut entièrement de notre avis; ce qu'il confirma le lendemain en envoyant des renseignements écrits sur ce pays. Le prince se décida à reporter, par une marchc savante, le théâtre des opérations sur le Tage.

Le 22 mars au matin, l'ordre général fat donné de rester en po sition pendant deux jours dans les environs de Celorico, pour y ramasser des vivres qu'on y trouvait encore, pour envoyer dans les places les blessés et les malades, avec l'intention de diriger de ces places vers Coria les dépôts, effets, etc., qui y étaient arrivés depui s notre départ.

Le maréchal Ney avait écrit à l'avance contre ces dispositions, parvenues, je ne sais comment, à sa connaissance. Aussitôt qu'il eut reçu l'ordre général, il écrivit non-seulement qu'il refusait d'obéir, mais que le lendemain il ferait exécuter un mouvement contraire. A une lettre paternelle du prince pour le ramener, il répondit surle-champ par un nouveau refus d'obéissance. C'est alors, c'est pour ce seul motif, que le prince lui retira son commandement, et le transféra au général Loison (qui était éloigné de Celorico), comme au plus ancien général de division. Le lendemain matin, le maréchal cherchait à revenir sur ce qui s'était passé la veille; le prince crut devoir persister dans sa résolution. - Tel fut le maréchal Ney; grand et intrépide par dessus tous dans l'exécution, faible hors du champ de bataille. Tel il fut sans doute dans une occasion fatale, où une vie si brillante et les services les plus éclatants devaient faire pardonner un instant de faiblesse et d'erreur.>>

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