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à Bénitza. Le lendemain, le général Loison devait arriver à Oszmiana, et il y avait garnison à Smorgoni et à Miedniki.

quitta Malodeczno, et transporta son quartier-général | l'y remplacer '. De cette position seulement, il imposera encore à la Prusse et à l'Autriche; c'est donc à Paris qu'il faut se rendre. S'il tarde, le passage peut lui être fermé; au surplus, l'armée ne restera pas abandonnée: elle va se trouver couverte d'ici à peu de jours par les 20,000 hommes du duc de Tarente, par les troupes du duc de Castiglione, par les divisions de Reynier et de Durutte, et même par les Autrichiens de Schwartzenberg. Ces 80,000 soldats, qui ne sont pas désorganisés, doivent suffire pour donner une attitude respectable à nos quartiers d'hiver.

Ce fut durant ce séjour de vingt heures à Malodeczno que l'Empereur dicta, le 29, un bulletin qui fit connaître à l'Europe les désastres de la retraite. Ce fut aussi dans cette petite ville qu'il commença à méditer sur l'importante résolution de revenir en France recréer une armée. Nous allons citer à ce sujet le récit de celui même qui écrivit le bulletin impérial.

«Le 3, on trouve à Malodeczno les vingt estafettes qui s'y étaient accumulées. Ces estafettes (dit M. Fain) contiennent toutes les lettres qui ont été écrites de Paris, du 1er au 19 novembre.-L'Epereur y jette un coup d'œil : il n'y voit encore que de vagues inquié- | tudes..... Le dessein dont il est occupé va répondre à tout.

«Il appelle l'auditeur au conseil d'État, de Forget, qui arrive de Paris avec le portefeuille des ministres, et l'interroge sur la sûreté des routes. Partout, du Rhin à l'Oder et de l'Oder au Niémen, on est dans une morne tranquillité... La vérité ne peut plus rester enfermée dans l'enceinte de l'armée : il faut qu'elle éclate. L'Empereur veut lui-même mettre sous les yeux de la France le tableau des malheurs de la retraite. Il n'y a pas eu de bulletin depuis Smolensk, où des ménagements étaient à garder. Celui de Malodeczno n'admet plus de restriction: il dit tout. C'est un appel fait avec noblesse à l'énergie des peuples et à la constance des alliés.

«Mais tandis que l'Empereur dévoile le mal que le froid nous a fait, le froid qui redouble nous jette dans une situation physique et morale pire que celle qui vient d'être décrite. Les derniers rangs de l'armée sont dissous. La main gèle sur le fer, les larmes se glacent sur les joues, on se sent raidir, engourdir et chanceler..... malheur à celui qui tombe 1!.....

1

«Le mal parvenu à cet excès, il est impossible de penser à suivre désormais aucune opération militaire. Tout ce qu'on peut faire, c'est de gagner Wilna et de chercher à s'y maintenir. Il n'y a plus de remède que dans l'arrivée d'une armée nouvelle; mais cette armée, qui peut la créer en trois mois, si ce n'est l'Empereur? Un autre ordre de devoirs a commencé pour lui. C'est avoir assez fait le général; il est temps de descendre de cheval et de remonter sur le trône. Sa présence, qui n'est plus indispensable au milieu de ses soldats, est indispensable à Paris; elle y peut tout, et nul ne peut

Nous étions tous dans un tel état d'abattement et de torpeur, que nous avions peine à nous reconnaître les uns les autres; on marchait dans un morne silence..... L'organe de la vie et les forces musculaires étaient affaiblis, au point qu'il était très difficile de suivre sa direction et de conserver l'équilibre..... La mort était devancée par la pâleur du visage, par une sorte d'idiotisme, par la difficulté de parler, par la faiblesse de la vue.....

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|

«Napoléon a achevé de peser ces importantes considérations. Pendant la marche qui l'a ramené, le 4, de Malodeczno à Bielitza, il s'est décidé; et le 5, après s'être arrêté quelques heures à Smorghoni, il fait ses adieux à ceux des chefs de l'armée qu'il a pu réunir autour de lui. Le roi de Naples aura le commandement supérieur, sous le titre de lieutenant de l'Empereur. Le prince de Neufchâtel et le comte Daru resteront auprès du roi. Le prince Eugène et tous les maréchaux continueront de servir comme si l'Empereur était présent.

«Je vous quitte, leur dit-il, mais c'est pour aller «chercher 300,000 soldats. Il faut bien se mettre en «mesure de soutenir une seconde campagne, puisque, «pour la première fois, une campagne n'a pas achevé «la guerre..... Et pourtant à quoi cela a-t-il tenu! «Quinze jours après l'ouverture des hostilités, la paix «devait être faite à Wilna; mais Bagration et ses 40,000 «Russes ont pu se dégager de nos mains, et vous sa«vez à qui la faute! - Le mois suivant, Smolensk était «tournée, surprise, et pas un soldat russe n'était là «pour en fermer les portes. Ce grand coup de main «pouvait encore ramener le cabinet de Pétersbourg au «parti de la paix; mais on a donné le temps à Neve«rowski d'atteindre Smolensk, d'y recevoir Rajewski, «et finalement d'être secouru par les deux grandes ar«mées russes. Toutefois nous prenons Smolensk, et «Barclai de Tolly, pour gagner Moscou, allait être forcé «lui-même de défiler sous la longue rangée de nos ca«nons; mais, par un vertige incompréhensible, le duc «d'Abrantès n'a pas voulu occuper la position essen«tielle : Pétersbourg sacrifiée se trouvait du moins à la «merci de la moindre patrouille suédoise; mais voilà «que Bernadotte rêve de se faire empereur à ma place! «Moscou tombe enfin dans nos mains. C'était, cette «fois, le gage assuré de la paix. Mais les mèches an«glaises la changent en un monceau de cendres! «Je me charge alors du rôle de l'ennemi, je fais por«ter des paroles de conciliation; mais l'empereur

La triste victoire (de la Bérézina) que nous venions de remporter était glorieuse; mais elle ne faisait que retarder notre ruine et n'améliorait en rien notre situation. Il fallait de nouveau continuer une retraite que nos forces épuisées ne nous permettaient plus de soutenir. Pour comble de malheur, le froid, qui s'était adouci depuis quelques jours, reprit avec beaucoup plus d'intensité qu'auparavant. L'ennemi, piqué de nous avoir laissé échapper à la Bérézina, nous poursuivait à outrance. Notre marche depuis Zembin jusqu'à

même à la vue de ce désastre. j'eus besoin de me rappeler qu'un souverain qui tient à cœur de sauver la masse ne doit jamais s'attendrir ni s'apitoyer sur le sort du plus petit nombre.

«J'ai remarqué que les sujets bruns et d'un tempérament biliososanguin, presque tous des contrées méridionales de l'Europe, résis-Smorgoni acheva la dissolution de l'armée. Vivement affecté moitaient plus que les sujets blonds, d'un tempérament flegmatique, et presque tous des pays du nord, aux effets de froid rigoureux....... Dans la proportion du nombre, les Allemands ont perdu beaucoup plus de monde que les Français.» ( MÉMOIRES DE CHIRURGIE, du docteur Larrey, tom. iv).

« Je n'avais plus rien à faire à une armée condamnée à périr sans délai. Les destinées d'un grand peuple reposaient sur moi sent

et du canon. Ignorant qu'une division d'infanterie française occupait la ville, il y pénétra brusquement à la tête de sa cavalerie; mais il en fut chassé aussitôt, et il alla bivouaquer sur la gauche, à peu de distance de la route.

« Alexandre, à qui je m'adresse, n'est plus le même | avait avec lui un régiment de hussards, des Cosaques «homme que j'écoutais à Tilsit, quand il me deman«dait la paix !... Nous nous décidons à la retraite, et «nos réserves sont disposées de manière que toute «armée ennemie, qui viendra se placer sur notre che «min, doit être écrasée.... Mais vous savez l'histoire «de nos désastres, et combien est petite la part que En ce moment l'Empereur, parti de Smorgoni, at«les Russes y ont prise. Ils peuvent bien dire comme teignit Oszmania. Si le colonel Seslawin eût été instruit «les Athéniens de Thémistocle: Nous étions perdus si de son passage, il aurait pu le faire prisonnier; mais «nous n'eussions été perdus!... Quant à nous, notre dans cette circonstance, comme en Italie et en Égypte 1, «unique vainqueur c'est le froid, dont la rigueur pré- | l'étoile de Napoléon le sauva. «<maturéé a trompé les habitants eux-mêmes! Les «contre-marches de Schwartzenberg ont fait le reste! «Ainsi l'audace inouïe d'un incendiaire, un hiver sur «naturel, de lâches intrigues, de sottes ambitions, <quelques fautes, de la trahison peut-être, et de hon<«<leux mystères qu'on saura sans doute un jour, voilà «ce qui nous ramène au point d'où nous sommes par«lis! Vit-on jamais plus de chances favorables déran«gées par des contrariétés plus imprévues! La campagne «de Russie n'en sera pas moins la plus glorieuse, la «plus difficile et la plus honorable dont l'histoire mo«derne puisse faire mention! »

En arrivant à Micdniki, l'Empereur trouva le due de Bassano, qu'il avait informé de son voyage, et auquel il avait donné ordre de venir au devant de lui. Maret monta dans la voiture de Napoléon, qui arriva, le 6, à Wilna, à dix heures du matin, tourna autour de la ville, et s'arrêta dans une maison isolée située au bout du faubourg de Kowno. It eut avec son ministre une conversation sur les motifs qui le déterminaient à retourner en France, sur la situation des affaires, et principalement sur celle de l'armée. «Quant à l'armée, dit l'Empereur, il n'y en a plus; on ne peut appeler armée une troupe de débandés, errant çà et là pour Le conseil auquel l'Empereur donnait ainsi ses der- chercher leur subsistance et des abris. On en ferait nières instructions, et auquel il faisait connaître ses encore une armée, si, sur un point rapproché quelsecrètes pensées, était composé du roi de Naples, du conque, on pouvait donner du pain à des affamés, des vice-roi, et des maréchaux Berthier, Ney, Davoust, souliers et des vêtements à des hommes qui ne peu. Lefèvre, Mortier et Bessières. Après avoir remis le vent continuer de marcher sur la glace avec de maucommandement au roi de Naples, Napoléon partit à vaises chaussures, et qui sont en proie à un froid de sept heures du soir. Il n'était accompagné que des géné-plus de vingt degrés; mon administration militaire raux Duroc, Mouton et Caulaincourt. Ce dernier était n'a rien prévu, et mes ordres n'ont point été exédans la voiture de l'Empereur, les deux autres dans cutés.>> le traîneau qui la suivait. Sur le siége de sa voiture était son mameluck, et un capitaine des lanciers polonais qui devait lui servir d'interprète. Il voyageait incognito, sous le nom du duc de Vicence, et, croyant la route libre, n'était escorté que par un faible détachement de cavalerie napolitaine.

Dans la nuit qui suivit le départ de l'Empereur, le thermomètre descendit à 28 degrés a-udessous de zéro.

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mon devoir m'appelait en France, où il fallut organiser les moyens
de réparer des malheurs qu'il ne dépendait plus de moi de lui épar-
gner. Le 5 décembre, je remis, à Malodeczno, le commandement
des débris de mon armée au roi de Naples, et je partis pour Paris.
«Mes détracteurs ont eu beau jeu pour déclamer contre ce départ.
Si j'avais été petit-fils de Louis XIV, et que la France eût eu mon
successeur naturel prêt à monter sur le trône, je n'aurais pas ba-
lancé à partager la mauvais fortune de mes compagnons d'armes,
parce que ma présence n'eût pas été nécessaire pour sauver l'Em-
pire. Mais qu'aurais je pu faire avec 30,000 hommes à moitié gelés,
luttant à six cents lieues de leur pays contre l'Allemagne ameutée,
et poursuivis par l'armée russe ? Devais-je augmenter par ma cap-
ure les trophées de l'ennemi ? Beau courage, vraiment, que celui
de rester avec un corps dont le sort est de passer sous les fourches

Le duc de Bassano mit alors sous les yeux de l'Empereur l'état des magasins immenses qui existaient à Wilna; l'Empereur ignorait cette circonstance, car il s'écria: «Vous me rendez la vie!» et il enjoignit à son ministre de rester jusqu'à l'arrivée du roi de Naples et du major général, pour leur ordonner de s'arrêter à Wilna huit jours, si cela était possible, afin d'y rallier l'armée, de réparer le moral et le physique du soldat, et de le préparer à continuer sa retraite dans un état moins pitoyable. Ces ordres donnés, l'Empereur continua sa route. Le 10 décembre il arriva à

Varsovie, s'y reposa, et en repartit au bout de quelques heures; il ne s'arrêta plus qu'à Dresde, où il arriva le 14, et reçut la visite du roi de Saxe; enfin il arriva à Paris le 19, à onze heures et demie du soir.

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caudines! Je suis parti avec deux de mes officiers et revenu trois mois' après avec 300,000 hommes dont il n'existait que les cadres lorsque je mis le pied sur le territoire français. Voilà la plus belle excuse que je puisse opposer à ces censeurs importuns qui font la guerre dans les salons de la capitale. Quel autre que moi eût levé ces forces et réorganisé le personnel et le matériel de six cents pièces de canon, qui reparurent triomphantes dans les champs de Lutzen et de Bautzen? (VIE POLITIQUE ET militaire de NAPOLÉON, racontée par lui-même au tribunal de César, d'Alexandre et de Frédéric; par Jomini, t. 1v.)

1 En Italie, après le passage du Mincio ( voyez t. II, p. 91); et en Égypte, dans la marche d'Alexandrie sur le Kaire (voyez t. II, p. 245).

ches à feu montées sur des traîneaux, il lui fallut se reployer. La canonnade se fit entendre à Wilna, vers deux heures de l'après-midi, et y jeta la stupeur. Le maréchal Ney ne put réunir que 600 hommes de la division Loison; cependant, avec ce léger secours et ce qui restait encore du corps du général de Wrède, il réussit à se maintenir sur la hauteur qui domine Wilna du côté de Minsk, parce qu'il n'eut affaire qu'à de la cavalerie.

Dès que l'ennemi arriva en présence de Wilna, le roi de Naples transporta son quartier général dans un café qui se trouve sur la route de Kowno, à une portée de fusil du faubourg. La garde vint y établir ses bivouacs.

Bérézina, prit, à compter du 3 décembre, une inten- | par une cavalerie nombreuse, canonné par douze bousité dont on n'a pas l'idée dans les climats tempérés. Le 5 décembre, le thermomètre marqua vingt degrés au-dessous de zéro; le 6, vingt-quatre; le 7, vingt-six. Les effets de ce froid furent terribles sur des malheureux déjà soumis à tant de privations; il tuait avec la rapidité de la foudre; partout on ne rencontrait que des mourants étendus de chaque côté de la route; ce fut un désastre sans exemple. Wilna était le but que l'on s'efforçait d'atteindre, on savait que l'on y trouverait des secours. Malheureusement au milieu de tant de calamités, l'administration militaire, dans un but légitime, sans doute, voulut observer les formalités comme en temps ordinaire; on ne donna pas de vivres aux militaires isolés; il en résulta que les dix-neuf vingtièmes de l'armée en furent privés. Les Russes profitèrent de cette mesure inopportune; car on ne détruisit même pas les magasins de Smorgoni lorsqu'on abandonna cette ville. Chaque jour l'ennemi s'emparait des bagages de l'artillerie et d'un grand nombre de militaires restés dans les villages situés sur la route. En faisant connaitre au major général qu'il confiait le commandement de l'armée au 'roi de Naples, l'Empereur avait joint à sa lettre l'instruction suivante, datée de Smorgoni, le 5 décembre 1812 ;

<«< Rallier l'ennemi à Wilna, tenir cette ville et prendre ses quartiers d'hiver; les Autrichiens sur le Niemen couvrant Brezesc, Grodno, Varsovie; l'armée établie à Wilna et Kowno. En cas que l'armée ennemie marche, et qu'on ne croie pas pouvoir tenir en deçà du Niémen, se poster la droite couvrant Varsovie, et, s'il se peut, Grodno; le reste de l'armée en ligne derrière le Niémen, gardant, comme tête de pont, Kowno. Faire faire de grands approvisionnements de farine à Koenigsberg, Dantzick, Varşovie, Thorn. Faire tout évacuer de Wilna et de Kowno, afin d'être libre de ses mouvements. Les évacuations auront lieu sur Dantzig, pour ce qui est le plus précieux.>>

Ainsi, l'Empereur conservait l'espoir de s'arrêter à Wilna, ce qui ne se pouvait que si l'ennemi s'arrêtait lui-même.

Le quartier général fut établi, le 8, à Wilna. Le roi de Naples arriva dans cette ville à onze heures du matin. Le duc de Bassano lui fit aussitôt part des nouyelles instructions de l'Empereur.

On avait espéré que l'arrière-garde retarderait la poursuite des Russes; mais il n'en fut rien, et ce qui restait encore de troupes au duc de Bellune acheva de se débander à Smorgoni. Ce maréchal fit l'arrièregarde avec la division Loison et la cavalerie napolitaine, depuis Oszmiana jusqu'à Rukoni, village situé à trois lieues de Wilna. Le général de Wrède y rejoigoit l'armée le 9, au point du jour; ses forces s'élevaient encore à 2,000 combattants, et il avait conservé quelques canons.

Le 10 décembre, à quatre heures du matin, Murat se remit en marche. Toute l'armée suivit la route de Kowno, à l'exception de quelques détachements polonais que l'on dirigea sur Olita. Le roi de Naples était accompagné du vice-roi et des maréchaux Davoust, Berthier, Bessières, Mortier et Lefèvre. La garde lui servait d'escorte. L'armée ne comptait plus alors que 4,300 combattants.

A une lieue et demie de Wilna, la route franchit la colline escarpée de Ponary. Il s'y était formé, depuis le 9, un encombrement qui s'augmenta tellement à l'arrivée de l'armée, qu'il devint impossible d'y suivre la route. Les fantassins et les cavaliers durent passer de chaque côté, à travers le bois qu'elle traverse. On fut forcé d'abandonner ce qui restait encore d'artillerie et de bagages, les trophées enlevés à Moscou, que l'on avait conduits jusque-là, les équipages de l'Empereur, et dix millions d'argent monnayé que les trainards pillèrent. Il fallut, en outre, y laisser un assez grand nombre d'officiers blessés ou malades, qui avaient été assez heureux pour conserver leurs voi

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Combat de Kowno. L'armée rentre en Prusse. - Depuis Wilna, l'armée accéléra encore sa marche. Le 11, à sept heures du soir, elle arriva à Rumsziki; la garde et les maréchaux s'y arrêtèrent; mais le roi de Naples continua de marcher sur Kowno, qu'il atteignit à minuit. Cette ville renfermait des magasins très considérables, et deux millions et demi d'argent monnayé qu'on avait négligé de faire évacuer. Elle contenait quarante-deux bouches à feu, et une garnison de troupes allemandes de nouvelles levées, qui s'élevaient à peine à 1,500 hommes. Quoique Kowno fût à peine à l'abri d'un coup de main, surtout depuis que le Niémen et la Wilia étaient gelés, le roi de Na

Le maréchal Ney venait d'être choisi pour comman-ples espéra que Ney pourrait s'y maintenir pendant les der l'arrière-garde, qui fut composée du corps de Wrède et de la division Loison, seules troupes qui, avec celles de la garde, eussent conservé des armes. De Wrède, resté à Rukoni, devait y tenir le plus longtemps possible; mais bientôt, attaqué vivement

journées du 13 et du 14; mais lui-même il était décidé à en repartir le lendemain, avec la garde. Dans l'aprèsmidi, on plaça neuf bouches à feu près d'Alexioten, sur la hauteur qui domine Kowno; le soir, la garde vint y bivouaquer.

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Tchitchagof s'était arrêté à Wilna. Platof seul pour-, sur Schirwindt, où se trouva une route qui conduit suivait les Français avec ses Cosaques, quelques régi- | à Gumbinen. Il fut obligé d'abandonner dans la forêt ments de cavalerie et quinze bouches à feu placées sur l'artillerie de la division Loison, qu'il avait emmènée. des traîneaux. Le maréchal Ney, sans cavalerie, sans artillerie, sans cesse débordé par la cavalerie de l'ennemi, canonné par l'artillerie, et voyant périr chaque jour une partie de sa faible arrière-garde, ne put arrêter la poursuite des Russes; il fut obligé de marcher sans relâche. Le 12, à deux heures de l'après-midi, la garde atteignit Kowno. Cette ville, déjà remplie de militaires isolés, fut, dès ce moment, encombrée sur tous les points. Il s'y mit bientôt le plus grand désordre; les magasins furent pillés et des incendies se déclarèrent sur plusieurs points.

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Position des deux armées sur le Niémen. — Le 14 décembre, l'armée ne comptait plus en combattants que 400 hommes de l'infanterie de la vieille garde, et 600 hommes de la cavalerie de la garde, en y comprenant les régiments de marche qui y étaient réunis. Toute l'artillerie se réduisait à neuf bouches à feu qu'on avait emmenées de Kowno.

Le roi de Naples eut, le 19, son quartier général à Koenigsberg. Platof aurait facilement pénétré jusqu'à cette ville, où il ne se trouvait alors que très peu de troupes, s'il ne lui eût été ordonné de s'arrêter au territoire prussien.

L'armée commença enfin à prendre un peu de repos, le premier depuis son départ de Moscou. Le roi de Naples profita de ce repos pour réunir les débris des différents corps dans les lieux suivants : du 5o corps à Varsovie, du 6o à Plock, des 1er et 8e à Thorn, des 2e et 3° à Marienburg, des 4o et 9o à Marienwerder; la garde occupa Insterburg, où elle devait

Le 13, à cinq heures du matin, le roi de Naples quitta Kowno, et se porta sur Gumbinen avec la garde et quatre des neuf bouches à feu qui étaient sur ta hauteur d'Alexioten. Il laissa, pour occuper cette hauteur, un détachement avec les cinq autres pièces. Le maréchal Ney arriva à Kowno, dans la matinée du 13, avec 1,000 combattants qui lui restaient encore. Mais loin de pouvoir conserver cette ville pendant deux jours, comme le roi de Naples l'avait espéré, il ne put s'y maintenir jusqu'à la nuit que par une fer-être bientôt remplacée par la division Heudelet, du meté extraordinaire. 11o corps, dont les premières brigades étaient incessamment attendues à Koenigsberg.

Les Cosaques étaient entrés dans Wilna aussitôt que les Français avaient quitté cette ville. L'avantgarde de Tchitchagof y arriva dans l'après-midi, et ce général y fut lui-même le lendemain avec le reste de son corps.

Kutusof arriva, de son côté, le 6 décembre, à Radoszkowiczi. Il y apprit l'apparition de détachements autrichiens vers Nieswij et Slutz, et la marche de Schwartzenberg sur Slonim. Le corps de Hertel ne suffisant pas pour tenir tête aux troupes autrichiennes, Kutusof mit deux corps d'infanterie et un de cavalerie sous les ordres de Miloradowitz, et lui ordonna de se diriger sur Grodno avec ces forces réunies. Il voulait ainsi, en menaçant le flanc des Autrichiens, les obliger à la retraite. Il continua à suivre la route de Wilna avec le reste de son armée, et son quartier général fut établi, le 13, dans cette ville.

Le plus grand désordre régnait à Kowno, lorsque Platof, ayant occupé la hauteur d'Alexioten, y plaça une batterie, et attaqua la ville vers deux heures de l'après-midi. Cette batterie canonnait en même temps le pont sur le Niémen, celui sur la Wilia et la porte de Wilna. Dans ce dernier endroit, les pièces de position avaient été enclouéés par suite d'un malentendu, et 80 recrues, chargées de la défense du poste, avaient pris la fuite. Le général russe, n'éprouvant sur ce point aucune résistance, fit mettre pied à terre à un détachement pour le faire pénétrer dans Kowno. Mais le maréchal Ney, secondé du brave général Gérard (aujourd'hui maréchal), parvint à réunir plusieurs soldats, à mettre en batterie sur le rempart quelques canons de bataille, et à repousser l'ennemi. En même temps, le général Marchand parvenait aussi à rassembler quelques fantassins, et attaquait la hauteur d'Alexioten; il s'en empara, mais il ne put s'y maintenir. Heureusement la nuit tira le maréchal Ney de sa posi- Tchitchagof quitta Wilna, le 14 décembre, pour se tion critique. Les Russes occupaient alors toutes les porter sur le Niémen; il atteignit ce fleuve le 18, et routes qui aboutissent à Kowno, excepté celle de Til-prit ses cantonnements dans les environs de Gezna et sitt, sur la rive gauche du Niémen. La retraite était urgente; le maréchal l'effectua à neuf heures du soir, après avoir détruit tout ce qui existait encore en matériel d'artillerie, en approvisionnements, et après avoir mis le feu aux ponts du Niémen et de la Wilia. Il ne lui restait plus que 200 hommes armés, avec lesquels il voulut d'abord prendre la route de Gumbinen, par Alexioten et Schrance, ainsi qu'il en avait reçu | l'ordre; mais ses soldats, exténués de fatigue et de froid, se refusèrent à aborder franchement l'ennemi. Le maréchal remonta donc le Niémen, et se dirigea

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de Prenn. Le 16, l'armée de Kutusof fut réunie à Wilna et dans les environs, et y prit des cantonnements. Wittgenstein, laissant Wilna à gauche, se dirigea sur Tilsitt, pour tâcher de couper la retraite à Macdonald.

Kutusof pensa que l'état de son armée exigeait qu'il s'arrêtât; le froid, la continuité des marches et des bivouacs, de nombreuses privations surtout, lui avaient été funestes. L'armée russe était alors réduite à 100,000 combattants.

Voir le RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUE au chapitre suivant.

FIN DE LA CAMPAGNE DE RUSSIE.

RETRAITE DERRIÈRE L'ODER, PUIS DERRIÈRE L'ELBE.

Arrivée d'Alexandre à Wilna.

SOMMAIRE.

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Retraite du maréchal Macdonald. Défection du général prussien York. Entrée des Russes dans la Vieille-Prusse. -Suite des opérations militaires. - Blocus de Dantzick. - Retraite de Schwartzenberg et de Reynier. - Entrée des Russes en Pologne. — Proclamation de l'empereur Alexandre. Le vice-roi prend le commandement de l'armée. - Levées en Prusse. Occupation de la Pologne par les Russes. — Combat de Zirke. - Retraite des Français sur l'Oder. — Combat de Kalisch. - Évacuation de Berlin. Retraite sur l'Elbe. L'armée française s'arrête et prend position sur l'Elbe. Défection ouverte de la Prusse. - Son alliance avec la Russie.

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ARMÉE FRANÇAISE.

ARMÉE RUSSE.

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L'empereur | fectua sur plusieurs routes qui se rejoignent à Piklupenen, à deux lieues avant Tilsitt. La division Grandjean et une brigade de cavalerie prussienne ouvraient la marche; York les suivait à une journée de distance. Le général russe Palucci ne poursuivit pas Macdonald; il se dirigea sur Memel, dont il s'empara le 27 décembre.

Arrivée d'Alexandre à Wilna. Alexandre s'était décidé à reparaître à la tête de ses armées. Il quitta Pétersbourg le 18 décembre, et arriva le 22 à Wilna. Son premier soin, il faut le dire à sa louange, fut, en arrivant, de s'occuper du soin des prisonniers qui étaient tous dans un état déplorable. Il distribua à ces malheureux des secours pécuniaires, leur fit payer la solde qui leur avait été affectée, écouta leurs réclamations. Il parvint aussi à établir des hôpitaux où les prisonniers qui étaient malades étaient traités avec des soins pareils à ceux que les Russes eux-mêmes recevaient.

Après l'arrivée de l'Empereur, les différents corps de l'armée russe reprirent leurs mouvements et continuèrent les opérations militaires.

La colonne la plus forte du corps de Macdonald était celle qui marchait le plus à gauche; elle était destinée à garantir les autres colonnes des Cosaques que l'on s'attendait, à chaque instant, à rencontrer. Le général Bachelu, avec sa brigade et un régiment de cavalerie prussienne, marchait à l'avant-garde de cette colonne. Il rencontra des Cosaques, le 22, pour la première fois, et sa cavalerie delogea des hussards qui occupaient Kelm. Le 27, avant le jour, il trouva le village de PikRetraite de Macdonald. Défection du général | lupenen occupé par une brigade d'infanterie du corps prussien York. — Le maréchal Macdonald, qui avait de Wittgenstein; elle se retira aussitôt, mais elle fut été quelque temps dans l'erreur sur la situation de poursuivie et chargée par la cavalerie prussienne, qui l'armée de Moscou, ne tarda pas à apprendre qu'après lui prit deux bataillons. Cette rencontre fit craindre à s'être retirée précipitamment sur Wilna, elle avait Macdonald de trouver à Tilsitt des forces plus consiabandonné cette ville, et allait sans aucun doute re- dérables; aussi employa-t-il une partie de la journée passer le Niémen. Dans cet état de choses, le maré- du 27 à concentrer la division Grandjean. Il était déjà chal se serait compromis en différant sa retraite,nuit quand il entra dans Tilsitt. A son approche, des puisque les Russes pouvaient se porter sur Tilsitt avec des forces bien supérieures aux siennes. Il fit donc revenir la division Grandjean pour la concentrer autour de Bansk. Le général York occupait Mittau; le quartier général était à Stalgen. Ce qui rendait la situation du chef du 10° corps plus critique, c'est que les deux tiers des troupes placées sous ses ordres étaient des prussiens; Macdonald craignait que Napoléon vaincu ne vit ses alliés lui échapper.

Le maréchal français s'était enfin décidé à se retirer, lorsque, le 18 décembre, dans l'après-midi, il reçut une dépêche datée de Wilna, et par laquelle le roi de Naples lui enjoignait de se porter sur Tilsitt, pour se rapprocher de la nouvelle ligne d'opération. Macdonald commença sa retraite le lendemain, et l'ef

Cosaques qui occupaient cette ville l'abandonnèrent.

Le lendemain, Macdonald s'étendit sur sa droite jusqu'à Ragnit. Ses communications avec le roi de Naples, interrompues depuis quelques jours, furent rétablies; mais celles avec le général York se trouvèrent interceptées. Le 29 et le 30 se passèrent sans que le maréchal reçût aucune nouvelle du corps prussien. Macdonald était incertain sur le parti qu'il devait prendre, lorsque des mouvements qu'il remarqua parmi les troupes russes vinrent le convaincre qu'il ne pouvait plus long-temps différer sa retraite. En effet, décidé à l'effectuer le lendemain, il concentra, pendant la nuit, toutes ses troupes dans Tilsitt.

Cette opération était à peine terminée, que le 31 décembre, quelques heures avant le jour, le général Mas

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