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Cateux (Picardie-Artois); cateulz (Établissements de Saint-Louis); chateux (Pierre de Fontaine); chatels, chetels (Orléanais); chatiex, chastelz (Vermandois, Loiseau); chetiex (Livre de justice et de plet, VII, § 3); cheté (Orléans; Livre de justice et de plet, XVI, § 3; Roman de la Rose, v. 2610); cheté-levant, cheté-prenant (Coutumes de Metz) sont les différentes formes du même mot. A peu près toutes de la même époque (fin XII et XIII° siècle), elles se partagent les différentes régions du pays coutumier français. On remarque que la forme ch est la plus commune (de l'Orléanais au Vermandois, de l'Artois au pays Messin).

La forme ca se trouve exclusivement dans le nord de la France; là, le dialecte picard a alourdi et durci le c, ou, plus exactement, il lui a conservé sa lourdeur et sa dureté (').

(1) Charles Joret, Du c dans les langues romanes, 1874. Biblioth. de l'Ecole des Hautes-Etudes, XIII-XIV, p. 217-231, ligne 13, corrigée par p. 340.

Au contraire, le dialecte français et ses voisins peu indépendants du Sud, de l'Est et du Nord-Est l'ont adouci par l'adjonction d'un h (1), comme cela s'est fait pour quantité d'autres mots où le c vélaire est suivi d'un a (campagne, champagne; camp, champ; carte, charte) et dont les philologues se plaisent à montrer les doublets. Cette particularité de notre langue n'avait pas échappé à Loiseau; seulement, il attribua par erreur au dialecte picard le changement apporté par celui de l'Ile-de-France; «< car, c'est chose notoire, dit-il, que le dialecte picard change volontiers ch en simple c » (2).

Tous ces mots dérivent, croyons-nous, du bas-latin : capitale.

C'était l'opinion la plus répandue autrefois et elle paraît être la seule adoptée de nos jours.

Elle se recommande de :

BRODEAU, Commentaire sur la Coutume de Paris, t. II, tit. III, art. LXXXVIII;

DU CANGE, Glossarium ad scriptores mediæ et infimæ latinitatis, v° Catallum;

RAGUEAU, Glossaire, v° Catels et Cateuls;

LA BOULAYE (Edouard) et DUPIN, Glossaire de l'ancien droit français, v° Chatel;

DALLOZ, Répertoire, v° Cheptel;

JORET (Charles), Du c dans les langues romanes, p. 203, ligne 15 (Bibliot. de l'École des Hautes-Études);

CAUWÈS (Paul), Grande Encyclopédie, v° Catel; BAUDRY-LACANTINERIE, Précis de Droit civil, t. III; PLANIOL, Droit civil, t. I, n. 790;

HATZFELD, DARMESTETER, THOMAS, Dictionnaire géné

(1) Charles Joret, op. cit., p. 197.

(*) Des offices, liv. III, ch. IV, 42.

ral de la langue française du commencement du XVII° siècle jusqu'à nos jours, v° Chetel.

La transformation s'est faite peu à peu, suivant les règles ordinaires de la Sémantique et en donnant à notre ancienne langue, avec une richesse incomparable, ce que, depuis Nicolas Catherino (1683), conseiller au présidial de Bourges, les philologues appellent à regret des doublets (').

Du mot Capitale, diminutif de Caput, qui devait donner au « français populaire », par la suppression de la voyelle brève i, le mot de la langue d'oc: Captal, et au français dit « d'origine savante», par le maintien de la même voyelle, la forme Capital, est dérivé le mot populaire Catalle, qui ne s'emploie guère qu'au pluriel Catalla, par la suppression de l'i bref et la chute de la consonne médiane Catalle. Cette forme se rencontre continuellement dans les coutumes anglo-normandes.

Arrivée à ce point, la transformation s'opère par suppression de l'e atone final et par permutation de la tonique a: Catale donne Catel, dans le Nord, Chatel, comme nous l'avons dit, dans les dialectes de la langue d'oïl.

L'a atone finira par tomber remplacé par un e, comme cela arrive lorsqu'il est précédé d'un c velaire qui lui-même se change en ch et ainsi se fera jour la forme: cheptel, que connaissent notre code et notre langue moderne.

(1) Recueil de travaux originaux ou traduits relatifs à la philologie et à l'histoire littéraire. Avant-propos, par Michel Breal, 4° fascicule, p. 1, dans le supplément au Dictionnaire des doublets de A. Brachet.

CHAPITRE II

PÉRIODE GALLO-ROMAINE

L'origine latine du mot cateux nous oblige à prendre comme point de départ de notre étude la première période de notre ancien droit, la période gallo-romaine. D'ailleurs. nous aurons souvent besoin, au cours de notre travail, de rappeler la division romaine des biens, ne serait-ce donc qu'à ce point de vue, il n'est pas inutile d'en fixer brièvement les éléments.

A la fin de cette époque, l'antique classification des choses en res mancipi et nec mancipi, a, en fait, disparu sous l'influence prédominante de la division des choses. réelles en meubles et immeubles (1), les biens incorporels formant une classe à part.

Les immeubles comprennent à peu près tout ce qu'il y a d'important dans le patrimoine d'un Romain. D'abord, les choses immobilières par leur nature: Prædia urbana et suburbana, prædia rustica, italica, provincialia; puis, par application des principes d'accession et d'incorporation, les constructions que ces prædia supportent (ædes) (2);

En matière de gage: D., de re judicata, XLII, 1, 1. 15, § 2 (pr. Ulpien). De dot Paul, Sentences, de dotibus, II, 21, 1. 2, D., XXIII, 5, de fundo dotali. De tutelle: D., XXVII, 9, de rebus eorum, Code, V, 37, 1. 22, de adm. tut., Code Theod., III, 30, ch. III.

(2) D., XLI, 1, de a. r. d., 7, 10: Omne quod inædificatur solo cedit; Gaius, II, 73, Superficies solo cedit.

les fruits et les produits du sol qui n'en sont pas encore détachés ('); en outre, par destination agricole, les instruments d'exploitation et de culture troupeaux, esclaves attachés à la terre (2).

Les fonds de terre et les constructions paraissent être déjà la principale richesse (3); juridiquement on leur assimile les choses nécessaires à les mettre en valeur ou à rehausser celle qu'ils ont.

La prédominance des immeubles ne discrédite cependant pas les meubles. On comprend sous ce terme les choses qui peuvent être déplacées sans détérioration (res mobiles, res se moventes).

Du reste, la conception de la propriété ne varie pas, qu'elle s'applique à un meuble ou à un immeuble. Les modes d'acquisition et de conservation sont les mêmes en principe. Il n'y a que des différences de détail.

Quoi qu'il en soit de cette division, aucun des biens qu'elle comprend n'est appelé caput ou capitale ou catalle (*). Le catel n'est ni de cette époque, ni d'origine romaine.

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(') D., XIX, 1, de act. empti, 40; arborum quæ in fundo continentur non est separatum corpus. VI, 1, de rei vendi., 44. Paul, D., h. t., 26. 1, arbor ubi coaluit agro cedit et si rursus eruta sit, non ad priorem dominum revertitur; nam credibile est alio terræ alimento aliam factam. Justinien dira plus tard, Inst., h. t., 32, Plantæ quæ terra coalescunt solo cedunt.

(2) D., XXXIII, 7, de instr. vel instrum., 8 pr. Ulpien), XLIV, 3, de divers. temp. praesc., 3 (pr. Modestin). Code, XI, 47, de agricol., 7. Code Théod., II, 30, ch. I.

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(3) Tacite, Annales, VI, 17. Suétone, Tibère, 48. Sous Tibère, un sénatusconsulte oblige les capitalistes à placer les deux tiers de leur fortune en fonds italiques. Code Théod., XIV, 17, 1. 1 et 12. Constantin favorise les constructeurs de maisons à Constantinople en leur accordant l'annona civilis, qui passe, en cas d'aliénation, à l'acquéreur. Antérieurement les sénatusconsultes Hosidien et Volusien avaient interdit la démolition des maisons pour en vendre les matériaux de prix.

(*) Sur les différents sens du mot caput, v. Brisson, De verborum significatione, vo Caput; Humbert, Dictionnaire de Saglio, vo Caput.

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