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L'origine des syndicats agricoles, application prospère de la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels, remonte à la crise économique intense qui mit en péril, il y a une vingtaine d'années, la production agricole de la France, de même que celle d'une partie des nations européennes.

Sylvestre

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L'agriculture, après avoir joui d'une longue période de prospérité, notamment de 1848 à 1873, traversait des épreuves dont on ne pouvait prévoir le terme. Dès les dernières années de l'Empire commencèrent à se manifester des symptômes d'une crise agricole grave. Le gouvernement fit procéder alors à une grande enquête qui pouvait montrer à la fois les causes et les remèdes. La crise d'ailleurs alla s'accentuant.

Or, malgré le grand développement des autres branches de la production nationale, il faut bien reconnaitre que l'industrie agricole constituè pour notre pays la plus grande source de richesses.

D'après les tableaux numériques de la Statistique agricole de la France, enquête de 1892, le chiffre des travailleurs agricoles est de 6.663.133. Ce chiffre représente les chefs d'exploitation et les salariés (y compris les servantes de ferme) en laissant de côté la famille à laquelle se rattache la majorité des femmes, des enfants et des vieillards non travailleurs.

On comptait 2.199.220 propriétaires cultivant exclusivement leurs biens avec l'aide de leur famille ou d'autrui.

1.188.025 propriétaires cultivant leurs biens, mais travaillant en outre pour autrui en qualité de fermiers, métayers ou journaliers.

1.427.675 cultivateurs non propriétaires, fermiers, métayers, journaliers.

1.183.174 domestiques agricoles.

Le nombre des exploitations était de 5.702.752 se répartissant ainsi :

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D'après le recensement fait en 1896 et publié en 1899, sur les 38.517.375 habitants que comptait alors la France, la population rurale s'élevait à 23.492.163 habitants, soit 60 p. 100 environ (1).

Sur les 107 milliards 247 millions représentant la fortune. mobilière de la France, la propriété rurale entre en chiffres ronds pour 56.248 millions, soit 52 p. 100 (2).

Enfin l'administration des contributions directes constatait, pour la propriété rurale, en 1880, une valeur totale de 91 milliards 584 millions de francs (3). Cette valeur avait diminué en 1892 d'environ 15 p. 100. Depuis cette époque, la valeur vénale de la propriété s'est relevée et atteint 89 milliards 246 millions (*).

De la prospérité agricole de la France dépend done la prospérité nationale elle-même.

« Pour nous Français, a-t-on dit, notre agriculture c'est notre tout être ou ne pas être » (5).

Les maux qui peuvent l'atteindre doivent donc appeler l'attention et les efforts de tous, car ils mettent en cause certaines des conditions essentielles de notre vie nationale. « Il faut nous demander quelle est l'essence même de la puissance

(1) Résultats statistiques du dénombrement de 1896 (ministère du commerce et de l'industrie, 1899).

(2) Journal de la Société des statistiques de Paris, année 1899.

(3) Bulletin de statistique, mai 1903.

(*) Statistique agricole de la France. Ministère de l'agriculture, 1897.

(3) De Sablement, Réforme sociale, 1er décembre 1897.

et de la grandeur françaises pour développer cette essence... La France est et doit être avant tout agricole » (').

Les causes de ce malaise, aujourd'hui atténué mais alors à l'état aigu, tenaient à la fois à des circonstances particulières et à des événements économiques d'ordre général.

Le régime fiscal était, en première ligne, responsable de cette grave situation. Malgré tous les changements politiques, l'assiette de l'impôt n'a guère été modifiée depuis le commencement du XIXe siècle. Malgré son énorme accroissement, la fortune mobilière n'a guère été assujettie jusqu'à maintenant à une nouvelle et plus équitable répartition. Il semble que, pour notre système fiscal, soit toujours appliquée, l'ancienne mais actuellement inexacte formule Vilis mobilium possessio (2).

Cependant la valeur des terres a bien baissé, les revenus fonciers sont moindres. Voici différentes estimations du revenu

des immeubles non bâtis, faites à diverses époques, qui

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Ce dernier chiffre est celui qui a été fourni au Congrès des sociétés savantes de 1898 par M. Neymarck, d'après le rapport général de la commission extra-parlementaire de l'impôt sur les revenus.

Dans son Étude sur la taxation des valeurs mobilières,

(') Revue politique et parlementaire, 10 juillet 1897, p. 36.

(2) D'après une déclaration de M. Méline au Sénat (1885), la propriété urbaine payerait 17 p. 100 de ses revenus, le commerce et l'industrie 13 p. 100, l'agricul ture, 30 p. 100.

parue en 1900, réunissant ces deux charges fiscales impôt foncier non bâti et centimes additionnels, M. Lagrange estime que les revenus de la propriété non bâtie sont grevés, par elles seules, de 12,39 p. 100.

Il est bien vrai que les gouvernements ont, à plusieurs reprises, essayé d'apporter quelques atténuations à cette dure condition fiscale de la terre, mais ces adoucissements (1) ont disparu devant le chiffre toujours grossissant des centimes additionnels (2) votés, sous l'influence de préoccupations diverses, par les départements et les communes, avec une telle générosité que le montant de l'impôt accessoire est aujourd'hui plus élevé que le montant de l'impôt principal. Si « l'impôt est un mal nécessaire », la propriété rurale plus que toute autre est la matière imposable qui a, de tout temps, souffert des exagérations de la fiscalité. Cependant, comme s'il eût comparé le paysan à la bête de somme du budget, Léon Say disait, parlant des contributions directes: « Ce n'est pas de ce côté que le bât le blesse ». Il y a encore, en effet, les droits de mutation qui sont écrasants pour le propriétaire foncier. Ce n'est même que depuis la loi de finances du 25 février 1901 que leur taxe est calculée non plus sur l'actif successoral brut, mais sur l'actif successoral net, c'est-à-dire déduction faite des dettes et des charges.

(') A signaler deux dégrèvements durant ces dernières années un de 16 millions (loi du 10 août 1890), le second de 26 millions loi du 21 juillet 1897). () Voici le montant des centimes additionnels départementaux et communaux perçus de 1893 à 1897.

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