Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

1846

1851

1856

1861

10.789.766

1866

1872

1876

1881

1886

1891

1896.

8.646.743 26.753.743 35.400.486 24,4 75,6 9.135.459 26.647.711 35.783.170 25,5 74,5 8.844.828 26.294.536 36.139.364 27,3 72,7 26.596.597 37.386.313 28.9 71,1 11.595.348 26.471.716 38.067.064 30,5 69.5 11.234.899 24.868.022 36.102.291 31,1 68,9 11.977.396 24.928.392 36.995.788 32,4 67,6 13.096.542 24.575.506 37.672.048 34,8 65,2 13.766.598 24.452.395 38.218.903 35,9 64,1 14.311.292 21.031.656 38.342.948 37,4 62,6 15.025.812 23.492.163 38.517.375 39,1 60,9

Dans son rapport au ministère du commerce et de l'industrie sur le mouvement de la population en France en 1901, M. A. Fontaine écrit : « L'examen des résultats du dénombrement par département amène à faire une constatation dont la gravité mérite une attention spéciale; c'est que l'augmentation de la population ne se fait sentir que dans un nombre restreint de départements, un nombre important d'autres départements voient au contraire leur population décroitre. La principale cause de la décroissance de la population dans les trois quarts des départements, c'est l'attraction de plus en plus forte qu'exercent les grands centres. Alors que le chiffre total de l'augmentation de la population générale n'est que de 444.670 habitants, la population des villes comptant plus de 30.000 âmes s'est accrue de 458.376 personnes. En 1896 cette augmentation n'avait été que de 327.009. Donc est certaine et augmente de plus en plus la dépopulation des campagnes au profit des grands centres urbains, des «< villes tentaculaires », comme les appelle M. Vandervelde (1). A cette désertion des campagnes on peut trouver des explications

(1) E. Vandervelde, L'exode rural et le retour aux champs.

dans la démocratisation des masses qui élargit le programme du bien-être et l'horizon des ambitions, dans le goût du luxe, fruit du progrès de la civilisation, dans la rapidité et la facilité des communications, dans le service militaire qui déracine les fils de la terre pour les mettre en contact avec la ville qui les séduit parce qu'ils l'ignorent, par le mauvais exemple provenant de l'absentéisme du grand propriétaire, plaie de l'ancien régime passée à l'état chronique. A notre avis, il n'en reste pas moins vrai que la cause primordiale de cet abandon de la vie des champs est que l'agriculteur ne trouve pas dans la culture de la terre la rémunération suffisante de son travail, de ses peines et des capitaux qu'il y consacre.

La cause première de la dépopulation est encore l'état d'infériorité de l'agriculture. La première mesure à prendre pour enrayer le mouvement d'émigration des campagnes vers les villes est d'essayer de fixer l'ouvrier agricole dans les champs en lui procurant les moyens de subsister (1). Pour l'agriculteur, des enfants nombreux c'est la richesse; les bras de tous, forts ou faibles, trouvent un emploi dans les travaux si variés des champs. A la ville, avec la famille nombreuse, la gêne et les privations entrent dans le ménage de l'ouvrier. La désertion des campagnes est donc une cause directe de la dépopulation d'un pays. Non seulement la race diminue, mais elle va encore se débiliter et se dégénérer dans l'entassement des villes, la morale s'abaissera devant toutes les tentations corruptrices des grandes villes, et à la promiscuité malsaine des ateliers et des usines. M. P. Deschanel disait dans un discours récent: « Deux fléaux menacent la France la dépopulation et l'alcoolisme ». Or, la crise agricole pousse le cultivateur vers les villes où les naissances

(1) G. Michel, L'Economiste français du 10 avril 1897.

sont moins fortes et où l'assommoir tue. Par suite, chercher à relever la prospérité agricole de la France, c'est chercher à affermir la prospérité nationale tout entière, qui pourrait être compromise si la crise agricole se prolongeait dans l'état aigu où elle se trouvait en 1884. Ainsi que le disait, devant la Chambre des députés, le rapporteur du projet de loi sur le crédit agricole : « Comme l'agriculture constitue la première industrie de la nation, et qu'elle fait vivre la majorité de ses habitants, comme la consommation des classes agricoles est presque l'unique marché des produits de toutes les autres, son malaise est une calamité qui doit attirer l'attention de tous ceux qui ont la charge du gouvernement ». <«< Deux choses déterminent le degré de puissance et de richesse des nations: l'une c'est leur force numérique; l'autre, l'étendue des moyens de consommation dont elles jouissent; or, ces deux choses dépendent entièrement de l'état plus ou moins prospère de l'agriculture » ('). « C'est chose étrange, pouvait s'écrier M. Jaurès, c'est chose surprenante que la longue patience du travailleur paysan et de la souffrance paysanne » (2).

« Les hommes de la terre doivent donc eux aussi se préparer à des pensées nouvelles, à des destins nouveaux..... Oui! nous croyons, nous aussi, à un ordre nouveau, à une organisation nouvelle » (*).

Il faut en effet une organisation nouvelle du travail pour changer l'état moral et la situation matérielle de tous nos paysans, pour concilier ces deux parties trop souvent séparées du problème agricole le bien-être du paysan et les progrès de l'agriculture. Nous verrons quelle peut être cette

(') H. Passy, Nouveau dictionnaire d'économie politique.

(2) Journal off. Interpellation Jaurès, 19 juin 1897, p. 1588, col. 3.
(3) Journal off. Deschanel. Séance du 10 juillet 1897, p. 1943. col 2.

nouvelle organisation, le rôle que peut y remplir l'association.

Pour faire sortir l'agriculture de cette crise aiguë, il faut s'efforcer d'obtenir une production plus abondante, d'augmenter ses ressources et de diminuer ses dépenses, d'attacher le cultivateur à la terre et d'attirer à nouveau ceux qui l'avaient désertée, maintenir ainsi l'équilibre dans la répartition des forces productrices, faire à la fois œuvre de défense agricole et sociale. Il serait injuste, à ce propos, de ne pas rappeler les nombreux efforts tentés par les gouvernements, les savants, les économistes et les particuliers. Et si l'on songe que cette crise agricole a apparu plus intense, presque au lendemain de nos désastres, il faut rendre justice à notre troisième République d'avoir su grouper toutes ces bonnes volontés, toutes ces forces, en conjurer les conséquences fâcheuses, relever la France au rang qu'elle occupait jadis. Malheureusement la plupart des lois protectrices de l'agriculture votées depuis 1870 sont par trop des lois « impressionnistes >> comme les a appelées M. Leroy-Beaulieu.

« Les conditions économiques nouvelles qu'il y avait tout lieu de considérer comme permanentes imposaient à l'industrie agricole une évolution profonde. Il fallait s'organiser pour la lutte, réaliser rapidement tous les progrès possibles, abaisser les prix de revient, améliorer les méthodes de production et de vente. Pour cette tâche, les anciennes associations agricoles se trouvaient mal préparées. Il ne pouvait plus suffire de répandre les connaissances techniques et de distribuer aux cultivateurs quelques récompenses et encou ragements, dans des concours périodiques » (').

Les comices, institués par la loi du 21 mars 1851, se

(1) Comte de Rocquigny loc. cit.

réunissaient toujours, mais ces sociétés se bornaient à distribuer des encouragements sans prendre une part suffisamment active dans l'œuvre de rénovation de l'agriculture. Quant aux chambres d'agriculture, réglementées par le décret du 25 mars 1852 qui les avait constituées sur des bases trop étroites, elles avaient presque partout cessé de se réunir. Seule la loi du 21 juin 1865, en permettant aux propriétaires ruraux de former entre eux des associations syndicales pour l'exécution en commun des travaux de dessèchement, de curage et d'irrigation, avait donné un commencement de satisfaction au besoin de s'associer qui se manifestait dans les campagnes, mais restait insuffisante (').

On sentait vaguement qu'à une situation économique profondément modifiée devait correspondre une forme d'association agricole également neuve et adéquate au but pratique à atteindre qui était de substituer peu à peu, chez les producteurs agricoles, une action plus collective, combinée en vue de l'intérêt commun, à l'action purement individuelle d'autrefois. Cette œuvre ne pouvait être celle des petits cénacles d'agronomes, formant le personnel des sociétés d'agriculture et des comices. Elle réclamait une base plus large, plus démocratique; elle devait faire appel à tous les concours, mettre des services variés à la disposition de toutes les catégories d'exploitants, pourvoir aux besoins de la moyenne et de la petite culture. « C'était, en un mot, la population agricole tout entière, envisagée comme profession, qu'il fallait chercher à faire entrer dans les cadres de l'association, en solidarisant ses intérêts et en créant une organisation propre à les servir.

>> Cette œuvre immense que tout semblait rendre impos

(') Les associations syndicales existaient d'ailleurs bien avant cette loi. Certaines de ces associations sont très anciennes et remontent au xro siècle.

« PreviousContinue »