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Toscane, s'étoit mis en possession de ce pays. Quant aux duchés de Parme et de Plaisance, les puissances, qui avoient délivré Paris en 1814, en avoient disposé par le traité de Fontainebleau du 10 avril; mais la France et l'Espagne, qui n'avoient pas pris part à ce traité, refusoient de reconnoître une disposition qui privoit de son patrimoine une branche de la maison de Bourbon, et elles demandoient au congrès la restauration de cette branche.

Il fut nommé, dans la conférence du 10 décembre 1814, une commission composée de cinq plénipotentiaires, savoir un autrichien, un espagnol, un anglois, un françois et un russe, et chargée de s'occuper de ces prétentions réciproques. Il paroît que la commission ne se réunit jamais, et que la restauration de l'infant Charles-Louis fut l'objet d'une négocia tion particulière entre l'Autriche et l'Espagne. Cette négociation n'étoit guère avancée, lorsque l'entreprise criminelle de Buonaparte engagea les puissances à publier leur manifeste du 13 mars 1815, par lequel elles déclarèrent que la convention de Fontainebleau étoit rompue. Le plénipotentiaire espagnol, regardant comme annullée la stipulation de ce traité, par laquelle le roi d'Étrurie se trouvoit sacrifié, réclama d'autant plus vivement la restauration de ce prince 1.

Voy. sa note adressée le 4 avril 1815 au prince de

Affaire de Napleɛ.

Les cabinets n'ont pas voulu que les motifs qui les engagèrent à disposer autrement des états de Parme fussent portés à la connoissance du public. Le sort de ce pays fut arrêté, le 4 juin 1815, de la manière dont nous le dirons, en donnant l'analyse de l'acte du congrès.

La seconde difficulté, relativement aux affaires d'Italie, provenoit de l'existence et des prétentions de Joachim Murat. Son traité avec l'Autriche l'avoit garanti contre toute attaque qui seroit dirigée contre le royaume de Naples, et lui avoit assuré une augmentation de territoire. Cette augmentation ne pouvoit être prise que sur l'état de l'Église, et Pie VII protestoit hautement contre toute diminution du patrimoine de saint Pierre. Quoique l'Autriche et la Grande-Bretagne eussent acquis la conviction que Murat les avoit trompées, les preuves de sa duplicité n'étoient pourtant pas si manifestes qu'elles pussent justifier la rupture des traités existans. Néanmoins les cours bourboniques ne pouvoient se résoudre à reconnoître l'usurpateur, et les ministres de Louis XVIII demandoient que le congrès se prononçât sur une question qui tenoit si intimement à celle de la légitimité. Ils pensoient qu'une déclaration franche et unanime des puissances de l'Europe, et la certitude obtenue par Murat qu'il

Metternich, dans mon Recueil de pièces officielles,
Vol. IX, p. 323.

ne seroit soutenu par aucune d'elles, rendroient inutile tout emploi de forces pour le faire descendre du trône. Dans le cas contraire, Ferdinand IV n'auroit besoin que de ceux de ses alliés qui jugeroient devoir lui prêter leur secours. Pour obvier à la crainte qu'une attaque dirigée contre l'usurpateur n'enveloppât l'Italie dans une nouvelle guerre, ces ministres consentirent à ce qu'il fût stipulé que le royaume de Naples ne pourroit être attaqué par le continent italien. Ils proposèrent l'article suivant: « L'Europe, réunie en congrès, reconnoît S. M. Ferdinand IV comme roi de Naples. Toutes les puissances s'engagent mutuellement, les unes envers les autres, à n'appuyer ni directement ni indirectement aucune prétention opposée aux droits qu'il a de prendre ce titre. Mais les troupes que les puissances étrangères à l'Italie, et alliées de Sadite M., pourront mettre en marche pour le soutien de sa cause, ne pourront traverser l'Italie 1. »

D'un autre côté, le duc de Campo - Chiaro que Murat avoit envoyé à Vienne en qualité de son plénipotentiaire, pressa lord Castlereagh de conclure un traité définitif avec son maître. Il remit un long mémoire justificatif de sa conduite; mais les généraux Bentinck et Nugent, auxquels cette pièce fut com

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Lettre du prince de Talleyrand à lord Castlereagh, du 15 décembre 1814.

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muniquée, prouvèrent, article par article, la fausseté des faits qu'elle renfermoit'. En conséquence, lord Castlereagh déclara, le 25 janvier 1815, à Vienne, que la Grande-Bretagne n'avoit aucun engagement avec Murat, puisque celuici n'avoit pas rempli le sien; qu'ainsi la question relative au royaume de Naples appartenoit aux délibérations du congrès, et qu'il dépendoit, de celui-ci de prendre telle détermination que la politique générale européenne exigeroit.

Cependant Murat faisoit de grands efforts pour augmenter son armée et pour préparer une révolution en Italie. Son ministre à Vienne se plaignit, le 15 février 1815, auprès du prince de Metternich, de ce que la France n'avoit pas voulu le reconnoître, puisque, comme allié de l'Autriche, il se trouvoit inclus dans l'article 1°r du traité de Paris. Ce ministre prévint, en même temps, qu'il étoit chargé de demander le passage par le territoire autrichien en Italie, pour 80,000 hommes, qui payeroient tout ce qu'ils consommeroient, Cette déclaration, aussi imprévue qu'extravagante, fut très-mal accueillie; elle engagea l'Autriche à prendre des mesures pour assurer la tranquillité de l'Italie, et à porter à 150,000 hommes l'armée qui se trouvoit dans la presqu'ile; et comme, à cette époque, la poli

Voy. le mémoire du duc de Campo-Chiaro et les observations de Bentinck et de Nugent, dans mon Recueil de pièces officielles, Vol. VI, p. 364, 395, 435.

tique ou la trahison du ministère françois avoit réuni une armée en Dauphiné, le prince de Metternich adressa à la fois et au prince de Talleyrand et au duc de Campo-Chiaro une note dans laquelle il les avertit que l'empereur étoit décidé à regarder comme ennemie touté puissance qui feroit marcher des troupes en Italie.

On a de la peine à concevoir le but que se proposoit Murat, en faisant la déclaration du 15 février; on ne peut toutefois douter que eette démarche ne fût une suite de la trahison qui se tramoit alors. Quoi qu'il en soit, les pré paratifs de Murat eurent une influence désas treuse sur les événemens qui se passèrent bientôt après: ils avoient servi de prétexte à ce rassemblement de troupes françoises en Dauphiné qui, commandées par des officiers révolutionnaires pour lesquels la guerre est un besoin et la patrie un mot vide de sens, suivirent bientôt après les bannières d'un chef qui leur montroit la perspective de dévaster encore une fois l'Eu

rope.

Aussitôt que Murat apprit le départ de son beau-frère de l'île d'Elbe, il fit convoquer son conseil et déclara son intention de persister dans l'alliance avec l'empereur d'Autriche; il chargea son ministre à Vienne de faire connoître son intention aux plénipotentiaires des autres puissances. En niême temps toute son armée se mit en mouvement vers la frontière;

Guerre de Naples.

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