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blait alors vouloir sauver les Polonais que d'euxmêmes; elle était là, disait-elle, afin d'empêcher l'intolérance des catholiques et les persécutions des dissidens. Depuis elle se proclama garante de l'anarchie populaire, et du funeste liberum veto, et elle fit envahir de nouveau en 1793 une partie de la Pologne pour détruire le parti qui soutenait la constitution du 3 mai 1791 et le principe de succession des rois. L'année suivante, elle fit accomplir le dernier partage, en envahissant en même temps la Courlande, pays soumis à la suzeraineté de la Pologne.

Du côté de la Turquie, les empiétements moskovites remontent à la seconde moitié du siècle écoulé. Les czars occupèrent vers ce temps Oczakaow, Azow, Chocim et la Moldavie. Dès 1770 les victoires du Pruth et de Kagoula sur terre, celles de Scio et de Tezesme sur mer; auraient suffi peut-être à la réalisation complète des projets de Pierre, si la peste, l'insurrection de Pouhaczew et les changements politiques survenus en Pologne et en Suède n'eussent partagé et affaibli les forces mosko

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ites. Une année après le premier partage, la Moskovie s'agrandit encore par l'occupation de Kinburn, du Cherson et de la Cabardie; à ce temps aussi remonte le plan d'un empire grec sous la tutelle de la Moskovie. Les agrandissements continuèrent sans relâche dans les an

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nées suivantes. En 1783, la Moskovie occupa le reste de la Tatarie, s'assurant ainsi la clef des possessions de la Porte. Elle se fit faire de nouvelles cessions par le traité de Jassy; par le traité de Bukarest en 1812, elle conquit la Moldavie jusqu'au bord du Pruth, la Bessarabie et les principaux débouchés du Danube, avec les forteresses de Bender, d'Akerman, de Kilia et d'Ismaïl. Par le traité d'Andrinople et après la guerre de 1829, elle acquit une portion de l'Arménie, et les forteresses turques d'Akalzik, d'Azhur, de Poti, d'Anapa, d'Akalkali, situées dans la Géorgie; elle consolida son influence dans la Servie, la Valachie et la Moldavie. Enfin, par le dernier traité, elle est parvenue à obtenir, en échange de secours fournis à Mahmoud contre le pacha d'Egypte, le privilége exclusif de la navigation dans la mer Noire.

Les agrandissements moskovites vis-à-vis de la Suède n'ont été ni moins prompts ni moins hardis. On sait que Saint-Pétersbourg est bâti sur un sol suédois conquis en 1703. En 1743, le traité d'Abo attribua aux czars de nouveaux avantages sur la Suède; et en 1762, on nommait à Stokholm l'opposition de la diète suédoise, opposition moskovite. Enfin en 1809, pendant que la Suède était absorbée par les embarras que lui avait suscités Napoléon, les czars envahirent ce territoire et rallièrent définitivement à leur

empire le reste de la Finlande, la Bothnie orientale, et les îles d'Aland.

Quant à la Perse, la Moskovie lui a enlevé la Géorgie en 1801, en 1813 tous les pays situés à l'occident de la mer Caspienne, entre les fleuves Kur et Aras, et à l'orient de cette mer, le territoire qui se prolonge jusqu'au golfe de Balcan. En outre, la Perse fut obligée d'accorder à la Moskovie la navigation exclusive de la mer Caspienne. Enfin, par le traité de 1828, signé à Turmatczaj après une longue guerre, les armées moskovites occupèrent le khanat d'Erivan, situé sur les deux bords de l'Aras, et le khanat de Nakitchevan.

Si maintenant on se retourne vers l'Europe, on voit la Moskovie y faire peser son influence dès 1754, et dépasser en cela les plans de Pierre. Elle prend part à la guerre de sept ans. En 1799, elle ose plus encore. Sans y être entraînée par un intérêt direct, elle se mêle aux guerres de l'Europe coalisée contre la France républicaine; ses soldats se font voir en Italie avec Souwarow. Ensuite, cherchant à s'indemniser, elle s'unit aux Turks et occupe l'ile de Corfou avec ses auxiliaires, de façon à pouvoir fonder son influence naissante sur la Méditerranée. Vaincue dans son alliance avec l'Autriche en 1805, elle en contracte une autre avec la Prusse en 1806, et y gagne un district polonais que lui cèdent

les Prussiens (Bialystok). En 180g, un retour joué vers les Français, alors arbitres de l'Europe, lui vaut le district de Tarnopol détaché de la Gallicie. Enfin la guerre de 1812 et les guerres de 1813 et 1814 complètent ce système d'empiétements, en entourant tout à coup le nom moskovite d'une auréole de terreur et de force. A cette époque, la Moskovie obtint non-seule→ ment le grand-duché de Varsovie composé de lambeaux de la Pologne arrachés pour la plupart à la Prusse et à l'Autriche, mais encore elle fonde, le glaive à la main, son influence sur l'Europe. Aussi depuis ce temps la Moskovie a-t-elle affiché la prétention de plier tout le continent à sa politique, et dans tous les congrès diplomatiques qui se succédèrent depuis, les czars affectèrent ce rôle de patronage officieux sur les démêlés des autres puissances. Enfin, à une époque récente, l'anéantissement du petit royaume de Pologne créé par le congrès de Vienne, la destruction complète de la représentation et des institutions polonaises dans d'autres parties de la Pologne comme dans la Lithuanie, la Volhynie, la Podolieet l'Ukraïne, complétèrent ce grand système d'amalgame moskovite et renversèrent la dernière barrière qui couvrît encore l'Europe occidentale contre les envahissements des czars.

Voilà ce que la Moskovie a fait en un siècle.

Dans cette récapitulation sommaire, on a négligé, malgré toute leur importance, les conquêtes du second ordre, par exemple la mise au néant de l'indépendance des Kosaks qui, après avoir rompu, en 1654, les liens qui les unissaient à la Pologne, croyaient avoir conclu avec la Russie une union fédérale et non un traité de vasselage. On sait qu'aux premiers signes de résistance, les Kosaks Zaporogues furent exterminés ou refoulés en Turquie, puis qu'après la soumission de plusieurs tribus du Caucase, on attira des frontières de la Chine, par des promesses insidieuses de patronage, sept khans de Kalmouks et de Kirguises; enfin que la prise de possession de terres au delà du détroit de Behring, dans une contrée contiguë aux possessions des États-Unis, semble avoir eu pour but de créer à la Moskovie une pierre d'attente pour la conquête du Nouveau-Monde, aux jours où elle aura réalisé la conquête de l'ancien.

Pour résumer ces divers empiétements, il faut dire:

Qu'en 1473, époque à laquelle JEAN, duc de Moskou, prit le titre de grand-duc (czar), et qu'il adopta les armes dont l'empire actuel de Russie se sert aujourd'hui, ce grand-duché n'était composé que de MoskoU, WLADIMIR, NIJNI-NOVGOROD, KOSTRAMA, JAROSLAVL et

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