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Que dis-je ? sur sa tête ils sont prêts à lever
L'instrument de labeur qui les pourrait sauver.

Lui, sans trouble, et touché de leur seule infortune:

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Viens, mon fils, viens finir une vie importune!

« Ils l'exigent! eh bien! livrons-les à leur sort;

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« En les privant de nous précipitons leur mort. »
Alors vous eussiez vu redoubler les alarmes,
La menace expirer et se changer en larmes,
Et les séditieux, se traînant à genoux,
Crier, les bras tendus: « Goffin! protégez-nous.
Quelques-uns, dans l'accès de leur morne délire,
Prolongeaient tristement un effroyable rire ;
Quelques-uns promettaient à la Vierge des cieux
Et la sainte neuvaine et les dons précieux;
D'autres avec ferveur juraient par ses images
D'accomplir, les pieds nus, de longs pélerinages;
Les orphelins entre eux se répétaient toujours:
<< Nos mères sont au ciel, et veillent sur nos jours.
Les enfans recevaient, avant l'heure dernière,
Les bénédictions, les larmes de leur père:

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De leur père !... et mon fils mourait loin de mes bras, Et l'adieu paternel ne le consolait pas.

« Mais le jeune Goffin lève un front intrépide; Son cœur n'est point ému, son œil n'est point humide. De leur abattement il les fait tous rougir:

« Est-ce à nous de pleurer quand nous devons agir? « Frappons; voici la route. » Et sa voix consolante A déjà raffermi leur force chancelante.

On le suit, plus d'effroi, plus d'oisive langueur;
L'espoir aux bras lassés rend toute leur vigueur.
Un bruit vague, ô transports! a frémi sous la roche;
De moment en moment il s'augmente, il approche ;

L'oreille peut du fer compter les coups pressés;
La voix répond aux cris des deux parts élancés ;
Et le dernier effort va briser la barrière

Qui de l'affreuse nuit séparait la lumière.
Les sombres flancs du roc s'entr'ouvrent, et le jour
Par le bruit de la foudre atteste son retour.

Ils sont sauvés ! s'écrie une foule enivrée. »
« Sauvés ! sauvés! » répond la troupe délivrée.
Tous au-devant du jour s'élancent.... Malheureux!
Songent-ils que la mort plane toujours sur eux?
Ils peuvent, au cercueil restituant sa proie,
Échappés aux douleurs, succomber à la joie ;
L'air en poison subtil peut encor se changer;
Et le danger redouble au terme du danger.
Les soins sont prodigués; l'art, prévoyant et sage,
Du trépas à la vie adoucit le passage.

Goffin veille, attentif, sur les communs destins :
Il songe à ses enfans naguères orphelins,

Il embrasse en espoir son épouse fidèle :
Mais à ses compagnons il doit encor son zèle,
Et sorti le dernier du gouffre ténébreux,
Son œil se lève au ciel et retombe sur eux. »

A ces récits, la bouche et l'oreille captives,
L'étranger oubliait les heures fugitives;
Et déjà pâlissaient les feux mourans du jour.

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<< Restez, dit le vieillard. Non loin de ce séjour,

Un banquet, signalant la fin de nos misères,
De nos fils délivrés doit rassembler les pères.
Là, vos yeux à loisir contempleront Goffin.
L'étoile de l'honneur pare déjà son sein;
La palme et les lauriers vont décorer sa tête. »
Il dit; et l'étranger, qui s'assied à la fête,

Admire dans Goffin d'honneurs environné
L'héroïsme ingénu, de sa gloire étonné.

Son cœur alors palpite, et semble enfin renaître ;
Il est homme et Français 1, il se sent fier de l'être;
La joie épanouit son front moins abattu,

Et

pour croire au bonheur il croit à la vertu.

1. On se souvient que le dévoûment de Goffin date d'une époque où l'évêché de Liége faisait partie de l'empire français.

FIN DU POEME.

L'AMOUR MATERNEL,

POËME.

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