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Toutefois ils sont bien distincts des décrets rendus pour l'interprétation de la loi, en exécution de la loi du 16 septembre 1807, et qui ont toujours été déclarés inattaquables, comme nous l'avons dit, no 19.

22.

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21. Quelle est l'autorité des actes du roi des Pays-Bas, pris sous l'empire de la loi fondamentale, en dehors de la prérogative consacrée par cette loi? Ces actes, nous devons le dire, sont radicalement nuls, et la nécessité seule peut, en certains cas, les faire maintenir (Const., art. 158), pour éviter au pays la plus déplorable cause d'anarchie, l'absence de lois. Quand la voix de la nécessité se fait entendre, la seule loi qui doive dominer alors n'a pas besoin d'être écrite, c'est la loi de la conservation! Salus populi supræma lex esto. Nous avons à voir maintenant les actes postérieurs à la Constitution. Quelle est l'autorité des arrêtés royaux? La Constitution porte, article 67: «Le roi fait les réglements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois. » En effet, quelque détaillées que soient les précautions stipulées expressément par le législateur pour l'exécution de ses volontés, il reste toujours une multitude de cas imprévus, de mesures différentes à prendre, surtout dans les matières d'administration, par rapport au temps, au jour, aux heures, aux localités, au choix des officiers à employer, et à la manière dont ils procéderont voilà le domaine des arrêtés, des règlements. « Les arrêtés d'exécution » ne sont, ne peuvent être, dit M. Cormenin (Questions de droit administratif), » que le développement naturel et nécessaire de la loi, qui ne pose que le principe et ne règle pas les détails. Ils sont sans autorité, s'ils contreviennent à la loi ou la suppléent, dans des matières qui sont de la compétence législative. Autrement, il n'y aurait plus besoin de lois, et c'en serait fait du gouvernement représentatif. Les arrêtés d'ailleurs diffèrent de la loi par leur objet, par le pouvoir qui leur donne l'existence, par leur instabilité: le roi peut les révoquer à volonté; par leur forme, par leurs effets: on peut s'en plaindre au roi, aux chambres, ils donnent lieu à l'accusation et au jugement criminel des ministres; enfin par le mode de leur publication et l'époque à laquelle ils deviennent obligatoires, comme nous le verrons dans la section suivante.

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25. Où finit le domaine de la loi? où commence celui des arrêtés? La limite n'est pas facile à distinguer. Dans tous les cas, une règle générale a été tracée au numéro précédent; on trouvera encore des notions à cet égard dans un avis du conseil d'Etat du 1er août 1807 (approuvé le 18), dont voici les principaux passages : « La loi n'est autre chose qu'une règle commune à » tous les citoyens; elle établit des principes généraux sur lesquels reposent a leurs droits civils et politiques. Le point de savoir si la règle a été violée » dans l'application au droit d'un particulier, est une simple question de

» fait. Il s'agit d'exécuter la règle et non d'en créer une nouvelle. La société « a intérêt à ce que le principe ne soit changé que par la même autorité

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qui l'a établi; l'intérêt social n'est point blessé par l'erreur ni même par l'injustice dans la décision du fait particulier; c'est un préjudice indivi» duel. Les lois les plus sages et les plus claires n'empêcheront jamais qu'il > y ait des erreurs ou des injustices dans leur application. On a toujours » regardé comme une garantie politique que la même autorité qui fait la loi ne soit pas chargée de l'exécuter. Il est d'ailleurs impossible alors que la » loi intervienne avec sûreté et avec dignité: avec sûreté, parce que la question de fait dépend souvent de connaissances locales; et que le corps législatif n'est point organisé pour éclaircir et pour juger des questions de » fait. La dignité de ce corps en est blessée, parce qu'on transforme les législateurs en simples juges, et le plus souvent encore l'objet du jugement » est du plus médiocre intérêt. »

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24. C'est en vertu de la séparation distincte des pouvoirs, que sont susceptibles d'être modifiées par des arrêtés royaux les dispositions purement réglementaires des décrets impériaux, inconstitutionnels dans quelques-uns de leurs articles; mais les dispositions législatives des mêmes décrets ne sauraient être changées que par une loi.

Il n'est pas superflu de remarquer qu'avant la loi du 6 mars 1818, il n'appartenait pas au roi de statuer des peines par arrêté; cette loi autorise le gouvernement à prononcer des peines, dont l'application appartient aux tribunaux correctionnels, contre l'infraction aux dispositions arrêtées par les mesures générales d'administration intérieure de l'État, alors qu'une loi n'a pas déterminé ces peines.

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25. — Quelle est l'autorité des instructions ministérielles? Elles n'obligent point les tribunaux, les ministres n'ayant pas mission d'interpréter la loi. Les fonctionnaires inférieurs, qui dépendent du chef de l'administration dont elles émanent, sont seuls tenus de s'y conformer. Il en serait autrement si l'instruction ministérielle avait l'approbation royale, et qu'elle ne statuàt que sur l'exécution d'une loi : elle obligerait alors comme les réglements généraux.

26. Quand les réglements administratifs sont-ils obligatoires pour les tribunaux? Cette question est importante, puisqu'à chaque degré du pouvoir administratif en Belgique appartient, dans sa sphère, le droit de faire des réglements et de comminer des peines (loi du 6 mars 1818, art. 1or; loi provinciale du 50 avril 1856, art. 83; loi communale du 50 mars 1836, art. 78). Mais elle se trouve formellement résolue par l'art. 107 de la Constitution, qui porte que les tribunaux n'appliqueront les arrêtés et les réglements généraux, provin

ciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois. Or cette conformité résulte de deux circonstances: il faut que l'administrateur dont émane le réglement, ait le pouvoir légal de le faire, et qu'en outre il statue sur des objets confiés par la loi à sa vigilance. Or il pourra se présenter trois cas: 1° Si l'acte réunit les conditions qui le rendent conforme à la loi, les juges, en l'appliquant, seront censés appliquer la loi elle-même; 2° S'il est contraire, le devoir des juges est de ne pas l'observer, sous peine de devenir complices de l'excès de pouvoir de l'administration et de renverser par là, toute barrière légale à un envahissement inconstitutionnel; 5° S'il n'est ni conforme ni contraire à la loi, mais qu'il statue sur des objets pour lesquels le législateur n'a pas donné attribution à l'administration, « les juges alors devront se rappe»ler, dit M. Merlin (Questions de droit, v° Préfet, § 4), que leur autorité se borne à appliquer la loi, et que là où la loi et les actes qui en ont le carac»tère se taisent, les tribunaux sont sans pouvoir... un administrateur ne >peut et ne doit recourir aux tribunaux que pour réclamer d'eux l'exercice » des droits que la loi lui a attribués, et les tribunaux ne peuvent seconder "l'action administrative que dans la limite de ces droits. » Telles sont les distinctions avec lesquelles il faut apprécier la légalité des actes administratifs. En tout cas, l'autorité judiciaire se borne à ne vouloir pas concourir, avec l'autorité administrative, à l'exécution d'un de ses actes. Elle refuse seulement de lui prêter assistance; elle n'ordonne pas le contraire, elle ne peut ni annuler ni réformer. Il faut remarquer, en outre, qu'elle n'est compétente que pour apprécier la légalité des actes administratifs, et non l'utilité, l'efficacité ou la justice, qui sont confiées à la discrétion et aux lumières de l'administration seule.

27.Il nous reste à examiner quelles lois régissent un pays pendant une occupation militaire. La législation de ce pays tombe-t-elle de plein droit pour faire place à celle du conquérant? L'opinion des publicistes est que les vaincus conservent leurs lois civiles, tant que le vainqueur ne les abroge ni ne les modifie.

Mais quelle autorité conservent les lois du vainqueur après l'occupation? Il y a une distinction à faire, selon le mode dont l'occupation cesse, et selon qu'on en considère les effets dans le passé ou dans l'avenir. Leur empire sur l'avenir s'évanouit entièrement, soit que le souverain recouvre de vive force le territoire conquis, soit qu'on le lui restitue par un traité de paix; car quand un ennemi rend une ville à la paix, il renonce au droit que ses >> armes lui avaient acquis, c'est comme s'il ne l'eùt jamais prise; il n'y a là » aucune raison qui puisse dispenser le souverain de la remettre dans ses » droits, dans son premier état. » (Vatel, liv. 5, no 214.)

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28. — Quid, si le souverain fait l'abandon de ses droits, et tel est le cas où nous autres, Belges, nous sommes trouvés en 1814? Si l'invasion a cette fin, la force des choses confère un caractère définitif à l'autorité d'abord précaire de tous les actes de souveraineté émanés du conquérant. C'est ce qu'a jugé la cour de Liége, le 28 février 1818 et le 7 juin 1827, à l'égard des édits et arrêtés rendus en Belgique par l'une des puissances alliées avant que là France eût renoncé à la souveraineté par le traité du 30 mai 1814.

SECTION II.

De la sanction, de la promulgation et de la publication des lois.

29. — L'usage et le langage des lois ont souvent confondu le sens des trois mots: sanction, promulgation, publication.

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La sanction est le consentement donné par le roi au vote des deux chambres dernière condition ou complément de la loi, elle est nécessaire à cause des additions et amendements que les chambres peuvent faire au projet primitif. La promulgation atteste au corps social que la loi existe, revêtue de toutes les formes constitutionnelles, commande aux autorités administratives et judiciaires de la publier et de la faire observer, ce qui la rend exécutoire. La publication consiste dans le fait même qui opère à la fois la connaissance de la loi et de sa promulgation : dès lors elle devient obligatoire (1). La loi du 19 septembre 1851 avait consacré une confusion déplorable de ces principes, sur lesquels nous aurons occasion de revenir, no 42.

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50.-Nous n'avons point à nous occuper ici de la sanction et de la promulgation des lois antérieures à 1789. En séparant les pouvoirs, l'assemblée constituante attacha, pour la première fois, un caractère distinct à la sanction. Les lois de cette époque ont une double date, celle du vote par l'assemblée, et celle de la sanction royale. Elles sont indifféremment citées par l'une ou l'autre de ces dates, quelquefois par ces deux dates réunies. Sous la convention, aucun autre pouvoir n'existait souverain. Les décrets portaient et devaient porter la date de leur émission. La promulgation et la publication étaient identiques, comme signifiant toutes deux la manière de rendre la loi publique. C'est ce qu'on peut voir dans la loi du 14 frimaire an 11.

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(1) Ainsi c'est à tort que M. Bivort, p. x1, dit qu'il est nécessaire de se fixer sur la date des lois pour savoir de quel jour elles ont dû être obligatoires ; en effet, d'après la loi du 28 février 1843, ce n'est point à partir du jour de la date, mais de celui de la publication, que les lois deviennent obligatoires.

C'est aussi une erreur de dire que la date des lois est celle de leur émission par le corps législatif. Cela était vrai sous l'empire de la Constitution de l'an vii, mais ne l'est plus aujourd'hui. La date d'une loi est celle du jour de la sanction royale. V. n. 31.

31. Sous le directoire exécutif, la loi, proposée par le conseil des CinqCents, était complétement formée par l'approbation du conseil des anciens (Const. 5 fruct. an ш, art. 76, 79, 92). Sous le consulat et sous l'empire, la sanction n'aurait pas eu de but, puisque les projets, présentés par le gouvernement seul, devaient se voter sans changement au tribunat et au corps législatif; et qu'en tout état de discussion, le gouvernement avait la faculté de les retirer et de les reproduire modifiés (Const. de l'an vin, art. 25, 26, 28 et 34).—De là diverses conséquences : la loi recevant toute son existence de l'adoption par le corps législatif, il ne dépendait pas du gouvernement d'empêcher l'exécution, en tardant indéfiniment à la promulguer. Aussi, la Constitution obligeait-elle à cette promulgation, le directoire deux jours après la réception de la loi (art. 128), et le jour même si la loi était précédée d'un décret d'urgence (art. 129); le gouvernement consulaire et impérial, le dixième jour après l'émission législative, à moins que, dans ce délai, il n'y eût eu recours au sénat, pour cause d'inconstitutionnalité (art. 37). Il en résulte encore que la loi prend la date du jour de la sanction, quand cette prérogative appartient au chef de l'État; sinon du jour où le corps législatif l'a décrétée. C'est ce que décide une délibération du conseil d'Etat, sur la date des lois, du 5 pluviòse an vi, pour le cas même où le recours ayant eu lieu devant le sénat, la loi était maintenue comme n'étant pas contraire à la Constitution; parce qu'alors, ce n'était plus comme partie intégrante du pouvoir législatif que le gouvernement promulguait la loi, mais comme pouvoir distinct et séparé.

52. La promulgation de la loi appartient donc naturellement au pouvoir qui, à la tête des agents de l'administration et commandant les forces de terre et de mer, réunit tous les moyens de la faire publier et observer. De là l'attribution de cette prérogative au roi jusqu'en 1792; au directoire exécutif sous la Constitution de l'an ; au premier consul, et plus tard à l'empereur, d'après celle du 22 frimaire an vIII, au roi des Pays-Bas, sous la loi fondamentale. Aujourd'hui le roi sanctionne et promulgue les lois.

(Constit., art. 69).

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55. Toutes les lois qui ont distingué la sanction de la promulgation ont déterminé en quelles formes elles doivent avoir lieu. La loi du 19 septembre 1851, par une étrange confusion d'idées, avait agi d'une manière tout opposée, en réunissant ces deux actes en une seule et même formule et en rendant les lois obligatoires dans un délai déterminé, après leur promulgation!!!

54.-En thèse générale, une loi ne doit obliger que ceux qui la connaissent (L. 9, C. de Legibus). Mais il est impossible que les lois parviennent à la con

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