Page images
PDF
EPUB

naissance de tout le monde, et il ne faut pas que, pour s'affranchir d'une obligation, on soit individuellement admis à prouver qu'on ignorait la loi.Le moyen de tout concilier, pour l'avantage commun de tous les membres de la société, était donc de donner à la loi la plus grande publicité possible, telle que le peuple sût, ou pùt au moins savoir, qu'elle existait, et de supposer qu'ainsi publiée, elle n'était inconnue de personne. Voilà le point de vue qui s'est offert à tous les législateurs, quand ils ont fixé des règles sur la publication des lois, et l'époque à laquelle elles deviennent obligatoires, et qu'avait complétement méconnu la loi du 19 septembre 1851.

[ocr errors]

55. Nous n'avons point à nous occuper du mode de promulgation des lois antérieures à notre réunion à la France. La loi du 12 vendémiaire an iv maintient l'établissement d'un Bulletin destiné à contenir, outre les actes du pouvoir législatif, les proclamations et arrêtés du pouvoir exécutif, pour assurer l'exécution des lois; elle ordonne que les lois et actes du corps législatif obligeront, dans l'étendue de chaque département, du jour auquel le Bulletin où ils seront contenus, sera distribué au chef-lieu.-Du reste, il était au pouvoir du directoire d'ajouter à la publicité par telles autres formes que bon lui semblait, la réimpression, l'affiche, la proclamation (art. 2 de cette loi).

[ocr errors]

Des difficultés se sont élevées sur le mode de publication alors usité en Belgique. Un arrêté du comité de salut public du 20 frimaire an 11, confirmé par l'art. 2 de la loi du 5 brumaire an iv, portait : « Jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué par le corps législatif, il n'y aura de lois françaises obligatoires, dans les départements réunis, que celles dont la publication sera spécialement ordonnée pour ces départements. » Le directoire, interprétant ces deux lois, arrêta, le 18 pluviose an iv, que les lois ne seraient obligatoires en Belgique qu'à compter du jour où elles y auraient été envoyées, soit en → vertu d'un arrêté spécial du comité de salut public, des représen> tants du peuple en mission, du directoire exécutif ou des commissaires généraux du gouvernement, revêtus de ses pouvoirs; soit en exécu>tion d'une disposition spéciale, d'un décret, d'une loi, d'un acte émané » de la représentation nationale. Les administrateurs des départements réunis devaient constater, sur un registre particulier, l'arrivée de la loi ou de l'arrêté, conformément à l'art. 12 de la loi du 12 vendé

miaire an iv.

»

36. La publication des lois ne s'était pas toujours faite dans les formes légales. Ce défaut de formes n'avait pas été un obstacle à ce que la loi du 12 vendémiaire aniv les déclarat obligatoires, dans les anciens départements, du jour de leur arrivée officielle au chef-lieu. Le même effet s'étendait-il

à la Belgique? La loi du 24 brumaire an vi a dissipé tous les doutes en établissant formellement l'assimilation (art. 1 et 2).

[ocr errors]

57. C'est dans cet état que le Code civil trouva la législation sur la publication des lois. La Constitution du 22 frimaire an vi avait encore ajouté à la publicité par des délais et des formes introduites dans un autre but. Les décrets du corps législatif ne pouvaient être promulgués que dix jours après leur émission, afin de laisser au gouvernement et au tribunat la faculté de les attaquer pour inconstitutionnalité (art. 37). Tout citoyen connaissait d'avance, par les papiers publics, l'existence de la loi, qui en moins de dix jours parvenait aux points les plus éloignés du territoire. On était certain du jour où elle serait promulguée; chacun avait le loisir de se préparer à l'exécuter.

58. Les rédacteurs du Code, prenant pour point de vue cet ordre de choses, considérèrent la notoriété comme suffisamment établie par les formes dans lesquelles la loi était portée; et ils ne firent plus, de l'envoi du Bulletin, une condition de publication. Mais ils déterminèrent un délai après lequel la loi devait être exécutée, lui donnant assez d'étendue pour qu'on pût raisonnablement penser qu'elle serait parvenue aux magistrats avant que l'occasion de l'appliquer se présentât.

L'art. 1er du Code civil porte : « Les lois sont exécutoires dans tout le » territoire belge, en vertu de la promulgation qui en est faite par le roi. » Elles seront exécutées dans chaque partie du royaume, du moment où la >> promulgation en pourra être connue. La promulgation, faite par le roi, » sera réputée connue dans la province de la résidence royale, un jour après la promulgation; et dans chacune des autres provinces, après l'expiration du même délai, augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois » dix myriamètres entre la ville où la promulgation aura été faite, et le chef» lieu de chaque province. » Il en résulte que les lois de l'empire sont exécutoires dans chacune de nos provinces comme suit :

[ocr errors]
[ocr errors]
[blocks in formation]

Le sénatus-consulte du 1-5 brumaire an xin, a décidé que les unités de 10 à 20, de 20 à 50, etc., ne devaient pas être comptées.

59.-C'est la publicité de la confection des lois qui, ainsi que nous l'avons

déjà fait remarquer, a déterminé les rédacteurs du Code à présumer qu'elles étaient connues dans chaque province, après un certain délai depuis leur promulgation. Mais la même prescription ne devait pas s'appliquer aux actes du gouvernement, qui, préparés et arrêtés dans le secret, ne deviennent publics que par une notification matérielle : on voit, en effet, que les décrets impériaux n'ont pas été compris dans l'art. 1er du Code civil. Le conseil d'État, partant de ces principes, a décidé, le 12 prairial an xIII, « qu'il faut, » pour que les décrets deviennent obligatoires, une connaissance réelle, qui » résulte de leur publication ou de tout autre acte ayant le même effet. » Les décrets impériaux inscrits au Bulletin des lois sont obligatoires dans chaque département du jour auquel le Bulletin a été distribué au chef-lieu, conformément à l'article 12 de la loi du 12 vendémiaire an iv. Quant à ceux qui ne sont point insérés au Bulletin, ou qui n'y sont indiqués que par leur titre, ils sont obligatoires du jour qu'il en est donné connaissance aux personnes qu'ils concernent, par publication, affiches, notification, signification, ou envois faits ou ordonnés par les fonctionnaires publics chargés de l'exé

cution.

L'approbation du gouvernement avait donné à cet avis l'autorité de la loi, et si le délai a été changé par des actes subséquents, pour ceux des arrêtés insérés au Bulletin, on ne peut méconnaitre que ses dispositions doivent encore recevoir leur application aux actes non publiés. Telle est, au surplus, l'opinion de M. le procureur-général Plaisant.

40. — Tel était l'état des choses au 1er février 1814. Les puissances alliées occupent la Belgique ; un arrêté du 25 février porte que les fonctionnaires sont tenus d'exécuter, sans instruction spéciale, les actes insérés au Journal officiel ; et l'arrêté du 3 mars suivant décide que, tous décrets, arrêtés et ordonnances quelconques, contenant quelques mesures générales, sont obligatoires dans l'étendue de chaque arrondissement, trois jours après que le journal qui les contient sera distribué au chef-lieu de l'arrondissement, à moins qu'une disposition spéciale n'en ait autrement ordonné.

Dans les pays d'outre-Meuse, faisant partie du gouvernement du bas et moyen Rhin, le délai est de huit jours francs, pendant la période qui embrasse le gouvernement prussien. —A partir de cette époque et jusqu'à la révolution de 1830, ces pays, comme le reste de la Belgique, sont placés, pour la force obligatoire des arrêtés, sous l'empire de l'arrêté du 5 mars 1814.

Il en est autrement pour les lois les provinces septentrionales du royaume des Pays-Bas suivent une autre législation que les provinces méridionales. La loi du 2 août 1822 remédie à cet état de choses, en ordonnant (art. 2) que la loi sera réputée connue, vingt jours après la date que portera

le Journal officiel dans lequel la loi sera insérée. Ainsi, sous le gouvernement des Pays-Bas, et jusqu'en 1822, l'article 1er du Code civil, et depuis 1822, la loi du 2 août 1822, règlent la force obligatoire des lois en Belgique.

41. A la révolution de 1830, les communications sont interrompues avec la plupart des villes du royaume; dès lors il devient juste que les actes du pouvoir ne soient obligatoires qu'autant qu'ils peuvent être légalement connus. L'article 3 de l'arrêté du 5 octobre 1830 porte, que les actes du gouvernement seront obligatoires, dans l'étendue de chaque province, trois jours francs après l'arrivée du Bulletin au chef-lieu.

Le congrès national décide (décret du 27 novembre 1850) que ses décrets sont obligatoires le onzième jour après celui de leur date, si la loi n'en ordonne autrement.

Ici encore nulle difficulté, parce que l'adoption de ses décrets est publique, et que, par cette adoption, la loi a obtenu toute sa perfection. Mais l'on reste sous l'empire de l'arrêté du 5 octobre, quant aux actes du pouvoir exécutif.

42. L'avénement du Roi Léopold change seulement, quant aux lois, les dispositions que nous venons de rapporter.

Le premier acte du pouvoir législatif est une loi sur cette matière : elle est ainsi conçue : Art. 1or. « La sanction et la promulgation des lois se font » de la manière suivante : Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété, et nous ordonnons ce qui suit (texte de la loi). Mandons et > ordonnons que les présentes, revêtues du sceau de l'État, insérées au » Bulletin officiel, soient adressées aux cours et tribunaux et aux autorités >> administratives, pour qu'ils les observent et les fassent observer comme >> loi du royaume; donné à . . . . . . le . Art. 2. « Les lois seront » insérées au Bulletin officiel aussitôt après leur promulgation, etc. (Art. 3). » Les lois seront obligatoires dans tout le royaume, le onzième jour après » celui de leur promulgation, à moins que la loi n'en ait autrement or» donné. »

[ocr errors]
[ocr errors]

Comme on le voit, l'émission des lois n'est plus publique ; la sanction, dont elles tiennent leur perfection, consiste dans un acte occulte et tout facultatif, qui peut ne pas intervenir, comme cela est déjà arrivé; on peut, par conséquent, ignorer la promulgation de la loi; et, si par une cause quelconque, la copie de la loi promulguée n'est envoyée que tardivement à l'imprimeur du Bulletin officiel, il en résulte cette étrange anomalie, qu'une loi est obligatoire avant d'avoir été publiée, bien que le législateur ait entendu accorder un délai en prescrivant l'insertion aussitôt après la promulgation, et en ne la rendant obligatoire que onze jours après; et que, d'après l'article 1er du

Code civil, non modifié sur ce point, la publication seule les rende obligatoires (1).

45. Dès 1855, nous élevions notre faible voix contre cette marche dangereuse: ce ne fut que dix ans plus tard qu'elle fut entendue du pouvoir;et une loi du 28 février 1845 a fixé les véritables prescriptions en matière de sanction, de promulgation et de publication des lois.

Cette loi qui embrasse en même temps les règles sur la force obligatoire des arrêtés royaux en tant qu'elle résulte de leur publication, dispose en ces

termes :

Art. 1. La sanction et la promulgation des lois se feront de la manière suivante :

« LEOPOLD, Roi des Belges,

» A tous présents et à venir, SALUT.

» Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit:

(LOI.)

» Promulguons la présente loi, ordonnons qu'elle soit revêtue du sceau de ⚫ l'État et publiée par la voie du Moniteur. »

[ocr errors]

2. Les lois, immédiatement après leur promulgation, seront insérées au Moniteur qui remplacera, pour la publication, le Bulletin officiel. Elles seront obligatoires dans tout le royaume le dixième jour après celui de la publication, à moins que la loi n'ait fixé un autre délai.

3. Les arrêtés royaux seront également publiés par la voie du Moniteur, dans le mois de leur date (2); ils seront obligatoires à l'expiration du délai fixé par l'article précédent, à moins que l'arrêté n'en ait fixé un autre.

4. Néanmoins, les arrêtés royaux qui n'intéressent pas la généralité des citoyens, deviendront obligatoires à dater de la notification aux intéressés,

(1) Des termes de cette loi (art. 1er) il résulte que M. Bivort, p. xII, commet une erreur inexplicable quand il dit que la formule de promulgation actuellement en usage est celle-ci :• Mandons et ordonnons, etc., etc. » — Il est évident que M. Bivort a pris l'ancienne formule pour la nouvelle.

Il se trompe également quand il dit (ibid.) que les lois sont obligatoires le dixième jour après leur promulgation ou leur date. Cela était vrai sous l'empire de la loi du 19 septembre 1851; mais celle du 28 février 1845, art. 2, qu'invoque cet écrivain à l'appui de son opinion, dit précisément le contraire.

Les lois sont obligatoires le dixième jour après leur publication par la voie du Moniteur, quelle que soit d'ailleurs leur date.

(2) Jusqu'ici le gouvernement, surtout au ministère des affaires étrangères, n'a tenu aucun compte de celle prescription législative: pour réclamer des citoyens l'obeissance aux lois, le gouvernement devrait être le premier à les respecter.

J

« PreviousContinue »