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INTRODUCTION.

1.-Peu de matières touchent autant que le droit public et le droit administratif aux intérêts directs et quotidiens de tous les membres de l'ordre social.

Le DROIT PUBLIC est l'ensemble des principes qui règlent, dans l'intérêt de chaque nation, l'exercice des pouvoirs politiques de l'État, à la différence du droit civil, qui consacre et protége les droits et les devoirs de chaque personne considérée en particulier.

Le droit public est donc le droit de tous. C'est, en un mot, l'acte et le contrat de société dans la nation. Conséquemment, il embrasse toutes les lois qui touchent à la forme essentielle du gouvernement et à la Constitution.

Il règle la mise, l'état, les charges et les droits de chaque citoyen, et, sous ce point de vue, il comprend les lois relatives à l'impôt, à la jouissance des droits politiques, à la représentation nationale, à la défense du pays, au libre exercice de la religion, à la liberté de la presse, enfin, à toutes les libertés publiques, etc.

Le droit public se lie essentiellement au droit administratif; mais celui-ci comprend plus particulièrement les détails; il indique toutes les mesures nécessaires pour assurer l'exécution des principes posés par le droit public. 2. ADMINISTRER, c'est donc faire exécuter la loi; et s'il n'existe point de lois administratives proprement dites, on est, du moins, convenu de donner ce nom à celles que l'administration est plus spécialement chargée de mettre en action et dont l'ensemble constitue le Droit administratif.

5. Pour étudier avec fruit le droit administratif, il est indispensable de connaître :

1o Ce que c'est que la loi. Comment, depuis 1789, sous les divers gouvernements qui nous ont successivement régis, s'est formée la loi, et quels actes ont force de loi;

2o Comment et à partir de quelle époque les lois sont devenues obligatoires, ce qui comprend la sanction, la promulgation et la publication;

5o Les principes qui régissent la non-rétroactivité des lois;

4° L'abrogation des lois;

5o L'interprétation qu'il est dans le domaine de l'administrateur de donner aux lois.

C'est ce que nous exposerons dans les cinq sections suivantes.

SECTION 1re.

Définition des lois; de la formation de la loi; quels actes ont force de loi.

4. Les lois sont les règles que le pouvoir législatif établit dans la société, pour coordonner les rapports qui existent, soit entre les nations, soit entre un État et les individus qui le composent, soit enfin entre les divers individus d'un même État. La loi est donc la règle des droits et des obligations de

chacun.

L'ensemble des lois forme la législation ou le droit.

Les lois, comme tout ce qui provient de l'homme, doivent leur efficacité et leur amélioration à l'observation et à la connaissance des faits : rien dans leur rédaction ne doit être spéculatif ou absolu; car quelque bien conçue, quelque logique que fût une loi, elle pourrait être sans application possible ou équitable aux hommes ou aux faits, et serait dès lors inutile; et une loi inutile offre toujours, sinon pour le présent, du moins pour l'avenir, un grave danger, car elle habitue la société à l'inexécution, et, par suite, au mépris de ses prescriptions.

Les lois, pour être utiles et efficaces, doivent encore ne pas être surabondantes. Toutes doivent avoir un but, une portée, une application, car autrement elles ne servent qu'à surcharger la législation d'un pays, de prohibitions ou de prescriptions impuissantes. Malheureusement ce résultat est difficile, pour ne pas dire impossible, à obtenir. Nous avons en Belgique plus de 50,000 lois, et chaque jour ajoute à cet immense fardeau de législation qui pèse sur la raison publique au lieu de la diriger. Personne n'ose entreprendre d'approfondir un sujet, de fondre dans une seule loi tant de lois incohérentes

sur la même matière, de sorte que la législation devient, relativement à chaque partie qu'elle traite, une sorte de mosaïque composée de mille pièces de -rapport, présentant une législation dont les différentes parties, dictées par la république, le consulat, l'empire et la monarchie, suivant les idées et les formes du jour, forment un dessin sans ordre, bizarre et irrégulier.

5.

-

Les lois qui sont faites directement en vue du bien public sont des lois politiques, et dans cette classe, celles qui concernent le corps même et l'essence de la société, la forme du gouvernement, la manière dont l'autorité publique doit être exercée, celles en un mot qui forment la constitution sont des lois fondamentales: telle est, en Belgique, la Constitution du 7 fév. 1831.

Les lois sont générales lorsqu'elles statuent généralement sur les personnes et les choses, sur les droits communs à tous : tels sont les codes civil, pénal, criminel, etc.

Elles sont spéciales, au contraire, lorsqu'elles établissent une législation particulière sur certaine classe d'individus ou sur certaines matières, en dérogeant aux lois générales : telles sont les lois militaires.

Les lois civiles ont pour objet d'assurer et de protéger l'état, les propriétés ou les droits de chacun, de régler les intérêts des citoyens entre eux d'une manière juste, éclairée et surtout égale pour tous.

Les lois civiles sont personnelles ou réelles personnelles, elles régissent l'état et la capacité des personnes; réelles, elles statuent sur les choses et les intérêts généraux ou privés.

Les lois réelles sont des lois de localités.

Les lois personnelles, au contraire, suivent les personnes partout où elles se trouvent, et les obligent partout.

Les lois réelles, en principe, ne statuent jamais que pour l'avenir et ne peuvent avoir d'effets rétroactifs; les lois personnelles, au contraire, saisissent et modifient l'état de l'individu du jour même de leur publication.

Les lois d'ordre public, de sûreté et de police ont pour objet direct et principal l'intérêt de la société, la stabilité et la sécurité de l'État; elles obligent tous ceux qui habitent le territoire, citoyens ou étrangers; personne ne peut y déroger ou s'y soustraire.

Par lois de police et de sûreté ayant force obligatoire pour tous, il faut enten dre, non-seulement les lois proprement dites, mais encore les arrêtés, les réglements administratifs, rendus en vertu des lois.

Les lois pénales tracent la limite des choses permises en punissant l'abus, le délit et le crime. Elles sont, en même temps, une arme puissante entre les mains de l'autorité, dans l'intérêt même du corps social, et un frein nécessaire aux abus de cette autorité. Elles seules donnent au pouvoir chargé de

punir, ce caractère de justice, de modération, de stabilité qui peut le faire craindre en le faisant respecter.

La loi pénale a des caractères particuliers qui lui ont été imprimés par l'humanité du législateur. Ainsi, contrairement à la loi civile, elle a un effe rétroactif, c'est-à-dire, que la dernière loi pénale s'applique aux faits consommés sous l'empire de lois antérieures, si les peines qu'elle prononce sont plus douces que celles créées par les lois préexistantes.

Les lois de droit privé sont fondées sur les conventions particulières qui, légalement formées, tiennent lieu de lois entre ceux qui les ont faites. Ne statuant que dans un intérêt individuel, elles n'ont de force qu'entre les individus. contractants.

6. Nous n'avons point à rechercher ici comment, avant 1789, se formait la loi. Ce travail, plus curieux qu'utile, nous conduirait trop loin, mais nous devons préciser avec soin tout ce qui tient à la confection de la loi, à partir de cette époque mémorable.

L'assemblée constituante, composée d'une seule chambre (douze cents membres), fait, dès le 26 août 1789, connaître par sa déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que « la loi est l'expression de la volonté générale, » que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, par eux ou par leurs représentants, à sa formation.» Des articles organiques de ce principe déclarent, dès le 1 octobre suivant, « qu'aucun acte du corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s'il n'est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s'il n'est sanctionné par le monarque (art. 9). » Le refus du roi n'est que suspensif et ce refus cesse à la seconde des législatures postérieures à celle qui a proposé la loi (art. 11 et 12). La proposition des lois n'appartient qu'à l'assemblée, mais le roi peut l'inviter à prendre un objet en considération (art. 15).

La Constitution du 5 septembre 1791 remplace l'assemblée nationale par une assemblée législative, siégeant aussi en une seule chambre, réduite à 745 membres, librement élus par le peuple. Ses décrets furent soumis à la sanction du roi jusqu'au 10 août 1792, jour où la prérogative royale s'engloutit avec le trône.

7. Le 2 septembre suivant, la convention nationale succède à l'assemblée législative. Mélange odieux de tous les pouvoirs, elle porte l'abus jusqu'à déléguer, en certaines circonstances, à quelques-uns de ses membres, la puissance de faire des lois. (V. plus loin, no 20.) Une Constitution, conçue dans un moment d'effervescence et qui ne fut jamais exécutée, est décrétée en 1793, et acceptée partout, sous l'influence de la terreur. Le corps législatif n'a plus que le droit de proposition et d'exécution provisoire : la décision

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