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définitive est renvoyée, quoiqu'en matière de législation ordinaire et de gouvernement, aux assemblées primaires. L'impossibilité d'organiser cette œuvre de la plus folle démocratie, lui fit substituer la Constitution du 5 fructidor

an III.

8.-Ici commence une ère toute nouvelle. Les détails qui précèdent peuvent, de prime abord, paraître sans utilité, puisque notre réunion à la France n'a eu lieu qu'en vertu d'un décret de la convention nationale du 9 vendémiaire an iv. Il est toutefois loin d'en être ainsi, parce qu'une grande partie des lois antérieures nous ont été déclarées applicables.

9. L'acte du 5 fructidor an in divise la puissance législative entre un conseil des anciens, et un conseil des cinq cents. La puissance exécutive a un directoire, composé de cinq membres. La proposition des lois n'est confiée qu'au conseil des cinq cents, et le directoire n'en a point la sanction. En aucun cas, le corps législatif ne peut déléguer à un ou plusieurs de ses membres aucune des fonctions qui lui sont propres. (Const., art. 44, 45, 76.)

10. Les deux conseils sont dissous, en même temps que le directoire, par la loi du 19 brumaire an vII. Le même jour, avant de se séparer, ils nomment provisoirement une commission consulaire exécutive, qu'ils investissent de la plénitude du pouvoir directorial, et deux commissions législatives, composées chacune de vingt-cinq membres, qu'ils autorisent à statuer, avec la proposition formelle et nécessaire de la commission consulaire exécutive, sur tous les objets urgents de police, de législation et de finances. L'initiative appartient à la commission des cinq cents. L'approbation à celle des anciens. Les délégués subdéléguèrent douze d'entre eux, qui, le 22 frimaire an vIII, arrêtèrent la Constitution mise en activité le 4 nivôse de la même année.

11. — Un sénat, un corps législatif, un tribunat, un conseil d'État et trois consuls, voilà les nouveaux rouages du mécanisme politique. Le sénat est chargé d'annuler, sur la demande du premier consul ou du tribunat, les actes signalés comme inconstitutionnels. Le corps législatif n'a plus l'initiative et la discussion des lois. Il vote, en silence, les projets présentés par le gouvernement, et débattus devant lui par des orateurs du tribunat et du conseil d'État (art. 51 et 34). Le tribunat, élu par le peuple, discute les projets de loi, en vote l'adoption ou le rejet, exprime son vœu au corps législatif par trois orateurs pris dans son sein, défère au sénat, pour cause d'inconstitutionnalité seulement, les actes du corps législatif et du gouvernement (art. 27 et 28). Le conseil d'État, sous la direction des consuls, rédige les projets de loi et exprime le vœu du gouvernement au corps législatif par trois de ses orateurs (art. 52 et 55). Trois consuls sont chargés du pouvoir exécutif. Mais le premier consul exerce, seul, toute l'autorité attachée à cette magistrature. Les deux autres

n'influent dans les actes du gouvernement que par voie consultative. Le premier consul participe à la loi de trois manières : par l'initiative, par le droit de retirer les lois proposées et non encore décrétées par le corps législatif, surtout par l'émission de décrets qui, s'ils ne sont pas attaqués dans le délai de dix jours pour cause d'inconstitutionnalité, acquièrent force de loi (art. 38, 40, 42 et 44). On sait que le premier consul a largement usé de cette dernière faculté. 12.

Le 18 nivôse an vIII, une loi organique réduit le tribunat à 50 membres. Un sénatus-consulte du 28 floréal an xi organise le gouvernement impérial, en modifiant tous les autres pouvoirs. Le tribunat est divisé en sections, et ne peut plus se réunir en assemblée générale pour discuter les projets de loi; enfin, le 19 août 1807, le tribunat est supprimé : trois commissions législatives, tirées du sein du corps législatif, remplacent les trois sections du tribunat pour la discussion des lois. Il ne restait donc plus qu'un corps législatif, muet, réduit à l'alternative d'adopter ou de rejeter, sans aucun changement, les propositions du gouvernement, et un sénat, trop flexible instrument des volontés du monarque, et qui n'a jamais annulé un seul des décrets inconstitutionnels émanés de Napoléon.

15. Mil huit cent quatorze arrive, l'armée et les autorités françaises doivent abandonner la Belgique et se replier sur l'ancien territoire de la France; le 1er février, Napoléon a cessé d'être notre souverain. Tous les actes qui se succèdent, depuis cette époque jusqu'au 24 août 1815, soit qu'ils émanent de vainqueurs qui rançonnent leur conquête, soit qu'ils émanent du prince souverain des Pays-Bas unis, destiné par les puissances à régner sur la Belgique, sont tous actes de pouvoir absolu, auxquels il est, par conséquent, impossible de méconnaître l'autorité de la loi.

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14. Une loi fondamentale du 24 août 1815 réunit la Belgique et la Hollande, et établit dans le nouveau royaume des Pays-Bas un simulacre de régime constitutionnel. Le roi propose la loi. Il l'adresse à la seconde chambre des états-généraux, soit par un message qui en contient les motifs, soit par des commissaires. Cette chambre, après l'avoir examinée en sections, la discute en séance publique et l'adopte ou la rejette sans changement.

La 1 chambre des états-généraux suit le même mode dans ses délibérations et adopte ou rejette aussi sans changement. Toutefois ses délibérations ne sont pas publiques.

Le roi sanctionne et promulgue la loi. Ainsi le roi participe à la loi de trois manières: l'initiative, le retrait et la sanction.

Enfin le droit de provoquer une délibération des états-généraux sur une proposition à faire au roi appartient exclusivement à la seconde chambre. Elle、

l'examine dans la forme prescrite pour les projets de loi, l'adresse après son adoption à la première chambre, qui, si elle donne son consentement, la transmet au roi pour obtenir la sanction royale.

Ce droit a été nul pendant les quinze années qu'a duré le royaume des Pays-Bas.

15. Les abus qu'on avait tant reprochés au gouvernement de Napoléon, abus qu'on s'efforçait de rétablir, amènent une insurrection. La Belgique se sépare violemment de la Hollande, et le 25 septembre 1850, les hommes que l'énergie révolutionnaire avait jetés au timon des affaires, constituent un gouvernement provisoire. L'imminence du danger et les graves nécessités du moment l'investissent de tous les pouvoirs : il exerce la dictature. Le 10 novembre 1850, un congrès national s'assemble: il exerce les pouvoirs législatif et constituant; le gouvernement provisoire n'a plus que celui de faire exécuter les lois, sans pouvoir suspendre les lois elles-mêmes ni dispenser de leur exécution. Le 7 février 1851, une Constitution, dont l'exécution franche et sans arrière-pensée doit faire le bonheur de la Belgique, est solennellement promulguée; un décret du 24 février de la même année nomme un régent pour remplacer le gouvernement provisoire, et ordonne la mise à exécution de la Constitution dans presque toutes ses parties. Enfin le prince Léopold de Saxe-Cobourg, élu par le congrès, roi des Belges, prête serment le 21 juillet, et le même jour, un décret proclame la mise en vigueur de la monarchie constitutionnelle.

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16. Tous les pouvoirs émanent de la nation. Le pouvoir législatif est exercé par le roi, la chambre des représentants et le sénat. - L'initiative appartient à chacune des trois branches du pouvoir législatif. La proposition des lois est, au nom du roi, sauf les cas mentionnés à l'article 27 de la Constitution, portée indifféremment à l'une ou à l'autre chambre (1). Chaque chambre a le droit d'amender ou de diviser les propositions. En cas de partage des voix, la proposition est rejetée (2). Enfin le roi sanctionne et promulgue les lois (5). Le pouvoir exécutif est exercé par le roi : il fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, mais sans pouvoir suspendre les lois elles-mêmes ni dispenser de leur exécution. —

(1) M. Bivort, p. 40, parle de cas où l'initiative est réservée au roi. Nous exprimons le regret de ne pouvoir indiquer à nos lecteurs à quels cas cet écrivain a voulu faire allusion.

(2) M. Bivort, loco citato, dit, non que le projet est rejeté, mais qu'il reste à l'état de proposition. Nous croyons, nous, qu'après le rejet il ne reste plus rien, sauf aux autres branches du pouvoir législatif à reproduire le projet sous forme de proposition nouvelle. (3) M. Bivort appelle la sanction vote royal définitif; nous pensons qu'il serait plus exact de dire vote définitif du gouvernement.

Enfin l'interprétation des lois par voie d'autorité, appartient au pouvoir législatif. Tel est le régime sous lequel nous vivons aujourd'hui.

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17.- En parcourant, dans un rapide exposé, les différentes manières dont s'est exercée la puissance législative à diverses époques, nous avons eu pour but de faire connaître quels actes ont force de loi; mais ce but ne serait qu'imparfaitement atteint si nous n'examinions quels actes, quoique non revêtus des formes de la loi, sont obligatoires comme elle. La série en est nombreuse : arrêtés des représentants du peuple en mission dans la Belgique; décrets inconstitutionnels de l'empire; avis du conseil d'État interprétatifs des lois; arrêtés inconstitutionnels du roi des Pays-Bas.

18. Les arrêtés des représentants du peuple en Belgique ont-ils force de loi? Deux époques sont à distinguer dans la législation : 1° Avant le 4 brumaire an iv, ces arrêtés étaient considérés comme des lois provisoires. La loi du 17 juillet 1795, qui les qualifie ainsi, déclare que nulle autorité, autre que la convention nationale, ne peut y porter atteinte; » et celle du 25 ventôse an iv accorde un délai de six mois aux personnes que ces arrêtés ont lésées pour en obtenir la réformation du corps législatif. Un décret du 5 brumaire an va en conséquence maintenu, comme ayant force de loi, tous les arrêtés pris par le comité de salut public et les représentants du peuple dans la Belgique, avant la réunion de notre pays à la France; 2° après le 4 brumaire an iv, la convention n'existait plus. Les deux conseils des anciens et des cinq cents l'avaient remplacée. Dès lors, les représentants du peuple ne continuèrent plus leur mission qu'en qualité de commissaires du gouvernement, soit qu'ils aient été réélus au corps législatif ou non. Ce sont les termes mêmes du décret du 20 vendémiaire an iv. Devenus ainsi des fonctionnaires subalternes dans l'ordre administratif, leurs actes furent soumis à la censure du Directoire exécutif, qui en a annulé et modifié plusieurs, sans que les arrêtés infirmatifs, quoique publiés par la voie du bulletin, aient excité la moindre réclamation. La distinction que nous venons d'établir est, pour notre pays, de la plus haute importance.

19. Quelle est aujourd'hui l'autorité des décrets inconstitutionnels de l'empire non contraires à la Constitution belge, mais postérieurs à la suppres-sion du tribunat? Une distinction a été proposée entre les décrets exécutés et ceux qui n'avaient pas encore reçu d'exécution. - Commençons par les premiers. La cour de cassation de France, les cours supérieures, et depuis, les cours d'appel et la cour de cassation de Belgique les ont constamment déclarés lois de l'État.

Le motif déterminant, c'est que le sénat conservateur était seul compétent pour prononcer l'inconstitutionnalité, et qu'à défaut d'opposition par ce pou

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voir, le juge et l'administrateur sont sans mission pour refuser de les appliquer. — Les adversaires approuvent ce raisonnement pour tout le temps où le tribunat existait; mais, disent-ils, ce corps supprimé, il ne restait plus aucun pouvoir reconnu par la Constitution pour demander l'annulation des décrets. « Le sénat, d'après l'art. 24, maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés par le tribunat ou le gouvernement,» Or, à défaut du tribunat, cette faculté devenait sans application possible, puisque le gouvernement n'aurait pas déféré ses propres actes. Il est, selon nous, deux manières de répondre D'abord fût-il vrai que le sénat n'avait plus la faculté d'annuler les décrets, il n'en résulterait pas qu'elle fût incontinent passée à la magistra ture et à l'administration. Elle leur était interdite par la Constitution. Il eût donc fallu qu'une disposition expresse la leur conférât. La seule conséquence à tirer d'une telle position serait le gouvernement absolu, la concentration de tous les pouvoirs dans les mains du chef de l'État. Or, le sénat avait eu qualité pour faire du premier consul un empereur, pour détruire, sous la dénomination illusoire d'actes organiques, l'ordre pelitique antérieur; il pouvait au même titre, abroger, en 1807, l'art. 24 de la Constitution. En second lieu, ne peut-on pas dire que le sénat était autorisé à statuer d'office sur l'inconstitutionnalité des décrets, qu'il tenait cette prérogative de la nature même de son pouvoir conservateur, centre nécessaire de tous les pouvoirs non délégués, institué pour garder intacte la Constitution, et qui, chargé ainsi de coordonner toutes les branches de la souveraineté, devait par cela seul avoir mission d'en réprimer les écarts?

Mais, dit-on, la Constitution, en créant une division régulière des pouvoirs, n'a pu entendre que les actes inconstitutionnels des précédents gouvernements seraient maintenus et continueraient à recevoir leur exécution. A cette objection la réponse est facile. « L'art. 158 dispose qu'à compter du jour » où la Constitution sera exécutoire, toutes les lois, décrets, arrêtés, régle>>ments et autres actes qui y sont contraires sont abrogés. » D'où cette conclusion incontestable, que tous les actes qui n'y sont pas contraires sont maintenus.

Ce que nous venons de dire s'applique aux décrets qui, à la chute de Napoléon, n'avaient pas encore reçu d'exécution; parce qu'ils sont obligatoires par eux-mêmes tant qu'ils n'ont pas été révoqués par le pouvoir compétent.

20. Des actes du gouvernement impérial ont été promulgués sous le nom d'avis du conseil d'État, interprétatifs des lois. — L'autorité de ces avis est la même que celle des décrets, lorsque le chef de l'État les a approuvés. Ce n'était d'abord qu'une consultation solennelle; mais, par l'approbation, le gouvernement se l'est rendue propre et l'a convertie en décret impérial.

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