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des abstractions diplomatiques, on entre dans l'histoire vivante, dans la réalité.

J'ai conçu le cours comme une suite de monographies reliées entre elles par des exposés très-succincts destinés à résumer les données de chaque problème, à marquer l'enchaînement de la série. J'ai dû supposer à l'auditeur la connaissance, au moins générale, des événements intermédiaires et de l'histoire intérieure des États. Je me suis borné à en détacher ce qui me semblait essentiel à l'intelligence de mon sujet, renvoyant, pour le détail, aux histoires générales et aux mémoires du temps. C'est ainsi que pour l'histoire de la seconde paix de Paris, j'ai renvoyé les auditeurs à l'histoire du Consulat et de l'Empire, à l'histoire du XIXe siècle de Gervinus, aux deux derniers ouvrages surtout publiés en France sur la Restauration, l'Histoire de M. de Viel-Castel plus étendue, plus égale, plus continue, plus diplomatique aussi et plus refroidie, histoire d'État, et à celle de M. Duvergier de Hauranne moins didactique, moins suivie, mais plus individuelle, plus vivante, semée de digressions instructives, remplie de citations, de témoignages de première main, moins une histoire proprement dite qu'une série de chapitres de mémoires, histoire d'opposition.

Dans un premier essai, aussi hâtif, presque improvisé, je n'ai pas cru devoir tenter une étude abstraite, détachée, des événements. Loin de chercher la vérité absolue, que je n'aurais pas découverte, je me suis renfermé à dessein dans la vérité relative. Je ne me trouvais ni assez d'essor, ni assez de soutien pour planer au-dessus des hommes, des partis,

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TRAITÉ DE PARIS DU 20 NOVEMBRE 1815 des nations. Je n'ai point cherché à m'élever à un point de vue supérieur; je me suis imposé au contraire de demeurer à terre, de me placer au point de vue de chaque homme, de chaque parti, de chaque nation, et de passer de l'un à l'autre en décrivant successivement ce que j'avais observé. Je rendais ainsi les choses telles qu'elles m'étaient données, et il m'était permis de tirer parti des documents mélangés que j'avais entre les mains : je présentais à l'auditeur des faits, rien que des faits, tous ceux que j'avais pu rassembler, et je m'efforçais de recomposer ainsi la physionomie des hommes et des temps, telle que la donnaient, pour chaque pays, les contemporains les plus intéressés. Dans ce dessein j'ai multiplié les textes, je ne me suis interdit aucune citation, pensant qu'un aperçu de la littérature diplomatique de chaque période rentrait dans mon sujet.

En essayant ainsi de comprendre le plus d'hommes et le plus de faits qu'il m'était possible, et de les expliquer, je ne me suis point interdit de rapprocher les uns des autres, de détacher les rapports, de dégager les contradictions. Ļa méthode critique, l'étude objective des faits psychologiques n'interdit point certaines conclusions morales et certains enseignements politiques; je me suis borné la plupart du temps à les indiquer, à y solliciter l'auditeur plutôt qu'à l'y arrêter; lorsque la déduction en était très-nette et pour ainsi dire forcée, j'ai essayé de la formuler en peu de mots : ici je me plaçais exclusivement au point de vue des intérêts de notre pays.

Je ne crois pas que le patriotisme perde en s'éclairant,qu'il se refroidisse en cherchant dans l'histoire une conscience

des abstractions diplomatiques, on entre dans l'histoire vivante, dans la réalité.

J'ai conçu le cours comme une suite de monographies reliées entre elles par des exposés très-succincts destinés à résumer les données de chaque problème, à marquer l'enchaînement de la série. J'ai dû supposer à l'auditeur la connaissance, au moins générale, des événements intermédiaires et de l'histoire intérieure des États. Je me suis borné à en détacher ce qui me semblait essentiel à l'intelligence de mon sujet, renvoyant, pour le détail, aux histoires générales et aux mémoires du temps. C'est ainsi que pour l'histoire de la seconde paix de Paris, j'ai renvoyé les auditeurs à l'histoire du Consulat et de l'Empire, à l'histoire du XIXe siècle de Gervinus, aux deux derniers ouvrages surtout publiés en France sur la Restauration, l'Histoire de M. de Viel-Castel plus étendue, plus égale, plus continue, plus diplomatique aussi et plus refroidie, histoire d'État, et à celle de M. Duvergier de Hauranne moins didactique, moins suivie, mais plus individuelle, plus vivante, semée de digressions instructives, remplie de citations, de témoignages de première main, moins une histoire proprement dite qu'une série de chapitres de mémoires, histoire d'opposition.

Dans un premier essai, aussi hâtif, presque improvisé, je n'ai pas cru devoir tenter une étude abstraite, détachée, des événements. Loin de chercher la vérité absolue, que je n'aurais pas découverte, je me suis renfermé à dessein dans la vérité relative. Je ne me trouvais ni assez d'essor, ni assez de soutien pour planer au-dessus des hommes, des partis,

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TRAITÉ DE PARIS DU 20 NOVEMBRE 1815 des nations. Je n'ai point cherché à m'élever à un point de vue supérieur; je me suis imposé au contraire de demeurer à terre, de me placer au point de vue de chaque homme, de chaque parti, de chaque nation, et de passer de l'un à l'autre en décrivant successivement ce que j'avais observé. Je rendais ainsi les choses telles qu'elles m'étaient données, et il m'était permis de tirer parti des documents mélangés que j'avais entre les mains : je présentais à l'auditeur des faits, rien que des faits, tous ceux que j'avais pu rassembler, et je m'efforçais de recomposer ainsi la physionomie des hommes et des temps, telle que la donnaient, pour chaque pays, les contemporains les plus intéressés. Dans ce dessein. j'ai multiplié les textes, je ne me suis interdit aucune citation, pensant qu'un aperçu de la littérature diplomatique de chaque période rentrait dans mon sujet.

En essayant ainsi de comprendre le plus d'hommes et le plus de faits qu'il m'était possible, et de les expliquer, je ne me suis point interdit de rapprocher les uns des autres, de détacher les rapports, de dégager les contradictions. Ļa méthode critique, l'étude objective des faits psychologiques n'interdit point certaines conclusions morales et certains enseignements politiques; je me suis borné la plupart du temps à les indiquer, à y solliciter l'auditeur plutôt qu'à l'y arrêter; lorsque la déduction en était très-nette et pour ainsi dire forcée, j'ai essayé de la formuler en peu de mots : ici je me plaçais exclusivement au point de vue des intérêts de notre pays.

Je ne crois pas que le patriotisme perde en s'éclairant,qu'il se refroidisse en cherchant dans l'histoire une conscience

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plus pénétrante de lui-même. En voyant se reproduire chez le même peuple, en découvrant chez les peuples étrangers, sous des apparences différentes de langage et de coutumes, les mêmes passions, les mêmes prétentions, les mêmes illusions, les mêmes erreurs, on se forme un jugement plus rassis et plus mesuré des choses, on prend plus de patience, on a moins de colère, l'amour-propre diminue, mais la confiance dans l'avenir s'affermit davantage : c'est qu'on voit à mesure se déterminer les conditions de la vie nationale, il s'établit sur la conduite à suivre une certitude plus grande, l'esprit passe de l'instinct à la réflexion, de la superstition à la croyance, de la légende à l'histoire : il approche de la science.

Je décris ici non ce que j'ai prétendu faire, mais ce que j'aurais au moins voulu essayer. Si j'insiste à ce point sur la méthode, c'est par la conscience même de l'insuffisance de ce qui suit ce n'est qu'une intention, s'accuse-t-elle suffisamment? Je n'ose le croire, c'est pourquoi j'ai cru nécessaire d'avertir le lecteur.

Août 1872.

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