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sincérité de leur contrat, - dans cette lacération solennelle qui devra être faite devant eux, et dont l'exécution est imposée à la main du premier officier du parquet. Tout cela, comme nous le disons, n'est qu'une affaire de forme, de convenance, dans laquelle nous retrouvons, sans nous en étonner, le cachet de ces influences peu mesurées dont nous parlions tout à l'heure, mais qui assurément échappent au regard de M. le garde des sceaux, Nous n'examinerons la question qu'au seul point de vue du droit, abstraction faite des circonstances particulières que nous venons de rappeler.

Il s'agit de l'affirmation sous serment de la sincérité du prix porté au traité : il s'agit de la légalité des clauses compromissoires.

Nous nous sommes expliqués déjà sur ce qu'il y a, selon nous, d'illégal dans la prescription de l'affirmation sous serment: nous n'y reviendrons pas; nous rappellerons seulement que la Chambre des députés, lorsqu'elle fut saisie de plusieurs pétitions qui dénonçaient cette prescription comme un abus de pouvoir, fit assez énergiquement connaître son opinion, en prononçant unanimement le renvoi de ces pétitions à M. le garde des sceaux (1): nous rappellerons que M. le garde des sceaux lui-même — et certes l'opinion de M. Teste n'est pas ici sans importance - déclara que la question du serment lui paraissait fort grave et qu'il comprenait qu'elle dût être sincèrement méditée (2).

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Quant à la question de la validité des clauses compromissoires, elle avait été déjà soulevée par le ministre précédent, mais il avait été bientôt reconnu que ces clauses étaient régulières et légales et l'usage avait été respecté.

D'où viennent les doutes qui s'élèvent encore?

La loi dit que toutes personnes capables peuvent compromettre sur les choses dont elles ont la libre disposition. La question a-t-elle donc rebroussé à ce point que l'on conteste encore aujourd'hui aux officiers ministériels le droit de propriété ?

Il faut s'entendre.

Si l'on dit que les officiers ministériels n'ont pas la libre disposition de leurs offices, en ce sens qu'ils ne peuvent en user et en abuser, qu'ils ne peuvent les transmettre à qui leur plaît, sans contrôle, sans appréciation ni du successeur, ni du traité en lui-même, en ce sens on a raison. Mais une

(1) Non-seulement, disait le rapporteur de la commission, il ne faut point faire du serment une chose habituelle qui le réduirait bientôt à une de ces formalités banales qui perdent de leur solennité lorsqu'elles sont prodiguées, mais encore, appliqué au prix des offices, il paraîtrait préférable, dans l'intérêt de la dignité des possesseurs, de chercher d'autres moyens plus légaux et moins flétrissants de parvenir à l'application saine et juste des véritables principes qui règlent la matière.

« La commission a été d'avis à l'unanimité, moins une voix, de décider que cette question a une importance telle que l'attention de M. le garde des sceaux doit être appelée sur sa décision. »

(2) J'avoue mes propres scrupules à cet égard, disait M. le garde des sceaux Teste, j'avoue que cette question est grave, et que si j'avais eu à lạ résoudre pour la première fois, comme on m'a fait l'honneur de le penser, j'y aurais réfléchi à deux fois. J'ai suivi les traditions, parce que je les ai trouvées utiles; je n'ai pas cru qu'on dût s'en effaroucher. Mais la question veut-elle être examinée? Elle le sera,»

fois que l'autorité publique a octroyé son investiture, une fois que dans l'intérêt de tous elle a consacré par son approbation le choix du successeur et les conditions de la transmission, alors évidemment le titulaire est libre, il est maître des stipulations qu'il croit devoir attacher à sa démission.

Mais, dit-on, si l'autorité a le droit de contrôler les conditions de la transmission, elle peut prohiber les unes, admettre les autres. Or, la clause compromissoire n'est autre chose elle-même qu'une de ces conditions, l'autorité peut donc y mettre son véto.

Ce raisonnement ne nous paraît pas fondé.

La clause compromissoire, en effet, ne peut être considérée comme une des conditions du traité; elle en est, le cas échéant, la sanction. Elle est destinée précisément au maintien des conditions essentielles du contrat; elle n'a rien d'actuel au moment où le contrat se lie, elle est toute de prévoyance et d'avenir. Les conditions, proprement dites, peuvent être contrôlées, pourquoi ? Parce qu'elles s'appliquent à une nature de propriété qui peut intéresser l'ordre public, et parce que, dès lors, au nom de ce grave intérêt, l'adininistration qui le représente doit aussi intervenir. Mais à quoi s'applique le compromis? Ce n'est plus à la transmission en elle-même, ce n'est plus à ce droit mixte qui naît de la démission et de la présentation, c'est aux intérêts tout individuels que la démission et la présentation ont fait naître entre les parties contractantes. Ce sur quoi elles compromettent, est chose complétement privée, personnelle, qui ne concerne qu'elles seules, à laquelle l'ordre public n'a que faire.

En d'autres termes, le compromis, ce n'est pas le traité en lui-même c'en est l'exécution. Or l'exécution appartient aux parties; elles en ont, comme dit la loi, la libre disposition.

Quel peut être, d'ailleurs, le motif de ces prohibitions? C'est là la véritable question; car, en pareille matière, si puissante que se fasse l'administration, il ne suffit pas qu'elle veuille et qu'il lui plaise, il faut que ce qu'elle veut soit utile, que ce qui lui plaît soit juste.

Le motif? c'est, dit-on, que la clause compromissoire est un obstacle à la sincérité des traités ? c'est qu'à l'aide de cette clause, les contre-lettres peuvent se produire devant la justice arbitrale, et dénaturer ainsi le contrat primitivement agréé.

De tels arguments ne seraient pas faits sérieusement par des jurisconsultes, et M. le directeur du personnel ne les eût pas hasardés, s'il se fût fait rendre compte des principes qui régissent la matière des arbitrages. Aux termes de la loi, le compromis doit, à peine de nullité, désigner les objets en litige. Or, il est évident dès lors que le compromis est dans le contrat, qu'il ne peut s'appliquer qu'aux clauses de ce contrat, et qu'il sera nul de toute nullité à l'égard des clauses qui auront pu intervenir dans un contrat postérieur. Dira-t-on qu'il serait passé outre à cette nullité? Mais, à supposer que les arbitres choisis pussent commettre cet excès de pouvoir, oublie-t-on qu'il v aurait toujours lieu d'en avoir raison devant les tribunaux ordinaires, par suite de l'opposition à l'ordonnance d'exequatur, opposition qui ne manquerait pa, de s'élever, car la partie condamnée par les arbitres y verrait un moyen infaillible de succès.

Le danger qu'on signale n'est donc pas à craindre; il a son remède dans la loi.

Nous parlons de la loi; la jurisprudence aussi peut-être aurait dû être consultée sur cette question. On y aurait vu la condamnation du système que nous combattons.

La question a été soulevée devant les tribunaux sous deux points de vue différents, soit que le compromis désignât nommément tels ou tels membres des chambres de discipline, soit qu'il désignât collectivement telle ou telle chambre de discipline. Dans ce dernier cas, la question devenait plus grave, car on pouvait soutenir à l'appui de la nullité qu'il y avait dans un tel compromis prorogation de juridiction et par conséquent violation d'un principe d'ordre public.

La question a été, dans ces deux cas, tranchée d'une manière favorable à la validité de la clause. Nous citerons entre autres un arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 1836 qui reconnaît valable le compromis fait dans un traité de transmission d'office, -un arrêt de la Cour royale de Paris du 31 août 1833, — un autre arrêt de la même Cour du 29 août 1835, — un autre du 9 janvier 1838.

Ce dernier arrêt était rendu sur l'appel d'un jugement qui avait annulé le compromis pour cause de prorogation de juridiction. Mais la Cour, persistant dans sa jurisprudence de 1835, rejeta l'incompétence proposée, par le motif unique « que la demande ne rentrait pas dans les cas énoncés par le compromis, » infirmant ainsi implicitement le jugement de première instance sur le motif tiré de la prorogation.

Que les officiers ministériels persistent à réclamer l'exercice du droit qu'on leur conteste si tardivement aujourd'hui, nous le comprenons, car ils peuvent dans ce débat retrouver encore une fois la pensée qui déjà avait menacé leur propriété : nous comprenons qu'ils tiennent au maintien d'une juridiction tout amiable et de famille, et qu'ils résistent à la menace d'une incapacité que la loi ne prononce pas. Ce qu'ils demandent est juste, légal, et nous pensons que M. le garde des sceaux, mieux informé, ne voudra pas encourager des tendances qui compromettent une seconde fois leurs intérêts et leurs droits.

Dès les premiers jours de toutes ces discussions, nous avons dit qu'une loi était nécessaire, aussi bien pour protéger le droit que pour réprimer l'abus, pour défendre aussi bien que pour contenir les officiers ministé riels. Mais puisque les préoccupations politiques n'ont pas permis de continuer les études qu'exigeait un si grave sujet, il importe que l'administration ne cherche pas, par un capricieux arbitraire, à prolonger une lutte si malheureusement commencée (1).

LOIS, ARRÊTS ET DÉCISIONS DIVERSES.

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suam. Adjudication. - Formes.

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2o Décès. Mineur. Subrogé-tuteur. Vente.

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1o Il n'y a rien de contraire à la loi ou à l'ordre public dans la

(1) Nous avons appris avec satisfaction que la mesure prescrite par M. le garde des sceaux n'avait reçu aucune espèce d'exécution.

la

convention désignée sous le nom de CLAUSE DE VOIE PARÉE, par quelle le préteur stipule qu'en cas de non-paiement à l'échéance, il pourra faire vendre l'immeuble de son débiteur sans observer les formalités de la saisie immobilière. Toutefois il faut que le contrat réserve à l'emprunteur la triple garantie de la mise en demeure, de la publicité et de la concurrence. (Art. 544, 1134, 2078, 2088 C. C.; art. 747 C. P. C.) (1)

2o En cas de décès du débiteur, la clause de voie parée conserve son effet; mais s'il existe des enfants mineurs, la vente ne peut avoir lieu, à peine de nullité, qu'en présence du subrogé tuteur ou lui dúment appelé. (Art. 459, 460 C. C. ; 960 C. P. C.) (2)

(Podesta C. Aimant. Pineau de Litré C. Peneau. Deladeuille C. Lemaire. Rhodes C. Soula.)

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Quatre affaires présentant toutes, quoiqu'avec des nuances diverses, la même question, arrivaient ensemble à la même audience, et appelaient pour la première fois l'examen de la Cour de Cassation sur l'un des points de jurisprudence les plus controversés. Un grand intérêt s'attachait à cette discussion: aussi M. le procureur-général Dupin s'était-il réservé de porter la parole dans ces quatre affaires, à l'examen desquelles il avait apporté un soin tout particulier. On savait d'avance que ce magistrat devait donner des conclusions favorables au maintien de la clause; néanmoins on attendait son réquisitoire avec impatience, et avec plus d'impatience encore la décision si importante qui devait clore le débat. Le résultat n'a pas répondu à nos convictions et à nos espérances. La Cour a validé la clause avec un tempérament, il est vrai, qui en atténue singulièrement le danger; mais toujours est-il, qu'en principe, la renonciation anticipée aux formes de la saisie immobilière est déclarée licite, et peut devenir de style. Les notaires ne manqueront pas de tirer, avec leur habileté ordinaire, le plus grand parti de cette jurisprudence, plus favorable, nous n'hésitons pas à le dire, et l'on s'en apercevra bientôt, plus favorable à ces officiers qu'à l'intérêt public; mais nous aimons à croire que leur triomphe sera de courte durée. Nous plaçons notre confiance dans la sagesse du législateur, dans les lumières et l'expérience de tous les hommes pratiques qui siégent dans les deux Chambres. Ils ne voudront pas, sans doute, donner une sanction définitive à une jurisprudence hostile au système légal de l'expropriation, et qui ne paraît inspirée que par le mépris irréfléchi des formes de la procédure en général.

(1) Cette question a été jugée par les quatre arrêts rapportés infrà.p.306. (2) Cette question n'a été jugée que par le quatrième arrêt.

Nous aurions voulu que l'espace nous permît de donner l'analyse que nous avions préparée des plaidoiries remarquables de MM. Verdière, Latruffe-Montmeylian, Achille Morin, Rigaud, Fabre et Moreau; mais puisque nous sommes obligés d'y renoncer, nous insérerons du moins, en grande partie, le réquisitoire de M. Dupin, afin qu'on puisse comparer les raisons que ce grave magistrat a fait valoir à l'appui de son opinion, avec celles qui ont été développées en faveur de l'opinion contraire, dans les dissertations de MM. Adolphe Chauveau Achille Morin, Lemerle et Waldeck Rousseau, et dans les observations de MM. Mestadier et Viger. (V. J. A., t. 47, p. 518; t. 50, p. 257; t. 52, p. 203 et 546, et t. 57, p. 641.)

Il y a longtemps, a dit M. Dupin, qu'on adresse à notre système hypothécaire des reproches qui se lient essentiellement aux transmissions de propriété. Seulement aujourd'hui, le législateur, averti par le besoin des transactions et par le cri social, se montre lui-même convaincu de ces imperfections. Il a fait la critique de son propre ouvrage : il y cherche remède par les lois qui sont actuellement en discussion sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, et sur les ventes judiciaires d'immeubles.

Les inconvénients reprochés à la législation actuelle sur la vente et l'hypothèque peuvent se résumer ainsi :

1o En achetant, on n'est jamais sûr d'être propriétaire;

20 En payant, on n'est jamais sûr d'être libéré;

3o En prêtant son argent sur hypothèque, on n'est jamais sûr d'être remboursé;

4° Loin de là, on est à peu près certain de n'être jamais exactement remboursé à l'échéance.

La cause de ce mal, il faut bien le reconnaître, est dans la protection surabondante accordée aux débiteurs, et dans la prévention dont on se montre animé, dans une sorte de haine que l'on semble avoir conçue contre les créanciers. On plaint toujours les premiers, jamais ceux-ci. Et cependant où est le plus souvent la mauvaise foi: chez le débiteur ou chez le créancier ?

Au surplus, comme il arrive ordinairement dans tout ce qui est faux et exagéré, les résultats ont tourné contre le but; ils ont tourné contre la propriété elle-même. La terre est incontestablement le gage le plus solide, et pourtant c'est celui auquel on se confie le moins. Les propriétaires ne trouvent à emprunter qu'aux conditions les plus défavorables. Tout pèse sur eux, non-seulement l'intérêt légal des sommes prêtées, mais les frais d'acte, les frais de négociation des agents du prêteur et de l'emprunteur, le coût des inscriptions, celui des mainlevées et des actes de libération ; car il faut bien, pour sa sûreté, éteindre par un acte authentique l'obligation contractée de cette manière. Enfin, reste la perspective de l'expropriation forcée, longue, coûteuse, hérissée de formes, entourée de moyens de nullité.

Là tout semble avoir été imaginé pour prolonger la résistance du débiteur et pour désoler le créancier, Si celui-ci a lui-même des dettes, il se

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