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Le rachat vaudrait-il le prix à payer?

Lorsque le roi pourrait nommer qui bon lui semblerait, à qui donnerait-il les places?... Serait-on certain qu'il ne serait pas trompé et que ce serait au plus digne et au plus capable?.. Admettrait-on le concours, adopté pour la nomination des notaires, pendant la révolution, et rejeté par la loi du 25 ventôse an 11, lorsque l'ordre fut substitué à l'anarchie?... Et ne craindrait-on pas que ces places ne fussent données qu'à la faveur et aux sollicitations?...

Mais l'officier nommé sans présentation n'aurait pas de clientèle! Il lui faudrait s'en créer une, et les moyens qu'il emploierait seraient-ils toujours scrupuleux?

Mais le roi ne pouvant connaître les candidats, il faudrait toujours la présentation des magistrats, et croit-on que la magistrature ne serait pas, comme par le passé, portée naturellement à présenter celui qui aurait traité de la clientèle.

Mais ne voit-on pas que le roi, par esprit de justice, ferait ce qu'ont fait ses prédécesseurs et donnerait les provisions à celui qui aurait traité avec le titulaire; il le ferait, parce que l'intérêt public voudra toujours que l'officier ne se considère pas comme un simple usufruitier, et qu'il n'exploite pas son emploi comme l'usufruitier exploite la terre dont un autre a la nue propriété (1). Il le ferait, parce qu'il faut une clientèle à l'officier, et parce qu'un officier qui est obligé de s'en créer une n'a pas le choix des moyens. Cela arriverait, sinon le lendemain du rachat, du moins dans un temps peu éloigné. Le roi aurait le droit de nommer qui lui plairait, en fait il n'en userait pas plus que Napoléon. Et dès à présent, quoiqu'il ait la libre disposition des offices en cas de destitution de l'officier, ne voit-on pas que, dans l'intérêt des familles et des créanciers, ou bien il permet la présentation d'un successeur, ou bien il impose à celui qu'il nomme l'obligation d'indemniser le titulaire ou ses ayants droit?

Ainsi, l'Etat aurait sacrifié inutilement les deniers publics; gardons-les pour une meilleure occasion.

La mesure proposée serait d'ailleurs impolitique, par la perturbation qu'elle engendrerait et par l'instabilité de la position des officiers ministériels qui en serait la conséquence.

Tout concourt donc à démontrer qu'il faut maintenir l'espèce de vénalité de leurs offices qui, encore une fois, ne consiste que dans le droit de présenter au roi, pour remplir leur place, ceux auxquels ils ont cédé leur clientèle.

Cela étant, faut-il au moins limiter le droit de présentation,et, pour arriver, par degrés, à son extinction, ne le permettre qu'aux

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(1) Expressions de M. Réal, conseiller d'État, suprà, pag. 519.

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officiers existants et à leur successeur immédiat, de sorte qu'après deux mutations, l'office rentrerait libre entre les mains du roi ?

On ne doit pas plus restreindre le droit des officiers ministériels que le supprimer. La violation d'un droit acquis, pour n'être que partielle, n'en est pas moins violation, et une injustice, pour être moins grave, n'en est pas moins injustice. II faudrait toujours une indemnité, moins considérable, sans doute, mais équivalente à la portion de droit dont, pour cause d'utilité publique, on exproprierait les officiers.

Et, après l'extinction par degrés, n'arriverait-il pas ce que nous avons prévu après l'extinction immédiate? N'y aurait-il pas toujours une clientèle appartenant à l'officier? Serait-il donc. moins injuste alors qu'aujourd'hui de l'en dépouiller, pour en investir son successeur, ou la voir se disséminer? Serait-il plus moral alors qu'aujourd'hui de donner cette clientèle en appât aux autres officiers et d'en faire le prix de la course et de l'adresse? Faudrait-il que l'officier ne se considérât que comme usufruitier, et exploitât son office comme un usufruit? Et croiton qu'après être arrivé à grand'peine à l'extinction du droit, on ne reviendrait pas, malgré soi, à admettre la présentation des successeurs?

Inutile donc de s'occuper de l'extinction (que ce soit par de-. grés ou immédiatement) d'un droit qui est dans nos mœurs et que l'équité fera toujours revivre.

Mais si le gouvernement crée de nouveaux offices (ce qu'il a incontestablement le droit de faire en consultant les besoins du public, comme il a le droit d'opérer des réductions), devra-t-il, pour ces nouveaux offices, interdire la faculté de présenter des successeurs? Mais non, certainement. Pourquoi, en effet, établir deux classes d'offices, les uns transmissibles, les autres non? Est-ce que les nouveaux officiers ne parviendront pas, après un exercice plus ou moins long, à se faire une clientèle et sera-t-il moins injuste pour eux que pour les autres de les priver de cette clientèle? Est-ce qu'il ne faut pas donner de la stabilité à l'état de ces nouveaux officiers, afin qu'ils n'exploitent pas leur emploi comme des usufruitiers (1)?

Dans aucun cas il ne faut porter atteinte à la loi de 1816; si elle n'existait pas, il faudrait la provoquer et la voter, sans limitation du principe.

BOURICAUD, ancien avoué.

(1) Voir la discussion à la Chambre des députés, dans la séance du 3 février 1838. (J. A., t. 54, p. 40.)

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QUESTION.

Ordre amiable. — Enregistrement.

Délégation.

Les ordres amiables sont-ils assujettis dans tous les cas au droit de délégation?

Le Code de procédure civile, au livre 5, intitulé de l'exécution des jugements, titre 14, de l'ordre, porte:

« Art. 749. Dans le mois de la signification du jugement d'adjudication, s'il n'est pas attaqué; en cas d'appel, dans le mois de la signification du jugement confirmatif, les créanciers et la partie saisie seront tenus de se régler entre eux sur la distribution du prix.

« Art. 750. Le mois expiré, faute par les créanciers et la partie saisie de s'être réglés entre eux, le saisissant, dans la huitaine, et, à son défaut, après ce délai, le créancier le plus diligent ou l'adjudicataire, requerra la nomination d'un juge-commissaire, devant lequel il sera procédé à l'ordre.

«Art. 775. En cas d'aliénation autre que celle par expropriation, l'ordre ne pourra être provoqué s'il n'y a plus de trois créanciers inscrits, et il le sera par le créancier le plus diligent ou par l'acquéreur après l'expiration des trente jours qui suivront les délais prescrits par les art. 2185 et 2194 C. C. »

Lorsque l'ordre a lieu devant le juge-commissaire, la perception des droits d'enregistrement n'éprouve point de difficulté. La loi du 22 frimaire an 7 tarife à 50 c. pour 100 fr. les jugements portant collocation de sommes et valeurs mobilières, et les procès-verbaux ou jugements d'ordre sont dans ce cas.

L'instruction générale n. 436, du 4 juillet 1809, relative à l'exécution du Code de procédure civile en ce qui concerne la perception des droits d'enregistrement, porte, n. 57, que les collocations faites à l'amiable par-devant notaires, et qui sont prévues par la loi, ne produisant pas au profit des créanciers d'effets plus utiles que celles réglées en justice, elles ne doivent être assujetties, comme celles-ci, qu'au droit d'un demi pour

cent.

Seize années après, le 30 décembre 1825, l'instruction générale n. 1180, § 3, transmet une décision du ministre des finances qui confirme, sous ce rapport, le n. 57 de l'instruction n. 436.

Mais un règlement amiable ayant eu lieu entre leurs altesses royales Mgr. le duc, mademoiselle d'Orléans, héritiers bénéficiaires, et les créanciers du duc d'Orléans père, la perception du droit de collocation fut contestée, et la Cour de cassation, par un arrêt du 17 mars 1830, décida que cette perception était illégale.

Par suite de cet arrêt, l'instruction générale n. 1320, § 2, où il est transcrit, porte que les préposés cesseront de percevoir le droit proportionnel de collocation sur les actes de distribution de sommes faits à l'amiable entre créanciers, mais qu'il y aura lieu d'exiger le droit de libération sur les sommes reçues par les créanciers autres que les héritiers bénéficiaires.

Ainsi, depuis cette instruction, on ne doit percevoir qu'un droit fixe sur les règlements ou les collocations amiables; il ne peut s'élever de difficulté que sur la question de savoir quand il y a collocation ou distribution amiable, et ce n'est en effet que de cette question qu'il s'agit dans cet article.

Le sieur Lemaire s'est rendu adjudicataire, le 2 juin 1838, devant le Tribunal de la Seine, sur saisie immobilière, d'une maison appartenant à M. et à madame Dugas. Il y avait par conséquent lieu à l'application des art. 749 et 750 C. P. C., c'est-à-dire que l'on devait procéder ou à un règlement entre le débiteur et les créanciers, ou à un ordre devant un juge-commissaire pour la distribution du prix.

C'est le règlement amiable que les parties ont préféré. Par acte devant Me Aubry, notaire à Paris, des 24 août, 2, 10 et 14 septembre 1839, les vendeurs et leurs créanciers ont procédé à la distribution du prix de la vente et des intérêts, le tout s'élevant à 50,966 fr. 20 c.

Cette somme a été répartie tant entre l'acquéreur pour ses frais qu'entre quatre ou cinq créanciers. Une partie a été payée comptant. Le surplus est resté entre les mains de l'acquéreur pour être payé après l'extinction d'une rente viagère ou à des époques déterminées par les titres.

Le receveur n'a perçu que le droit fixe pour l'ordre amiable ou les collocations; mais on a prétendu que le droit de délégation était dû, et l'on s'est fondé sur diverses décisions judiciaires.

Toutes les fois qu'il y a règlement, collocation amiable, il semble, en effet, qu'il n'y a pas délégation. Le règlement est la conséquence de la vente forcée. Le vendeur ne peut seul disposer du prix; il est contraint ou de s'entendre avec les créanciers, comme dans l'espèce, ou de laisser procéder à l'ordre judiciaire.

Il est vrai qu'il a été décidé plusieurs fois que le droit de délégation était exigible, savoir :

Par la Cour de cassation, le 28 mai 1834; d'abord il s'agissait d'une vente volontaire, ensuite une partie du prix avait été touchée comptant par les vendeurs, et la délégation n'était faite qu'au profit d'un créancier : il n'y avait point lieu à règlement; Par le Tribunal de la Seine, le 18 janvier 1838; mais il s'agissait encore d'une vente volontaire; le prix n'en était pas réparti par les créanciers entre eux, il l'était par les vendeurs :

LIX.

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il n'y avait pas règlement; l'acte n'était pas l'exécution des art. 749 et 750 C. P. C. ;

Par la Cour de cassation, le 27 février 1839; mais il s'agissait encore de ventes volontaires; une partie du prix seulement était distribuée; tous les créanciers, même tous les créan ciers colloqués, n'intervenant pas, il n'y avait pas règlement, et aussi n'est-ce point comme règlement ou ordre amiable que le tribunal dont le jugement a été cassé avait considéré les délégations, mais comme de simples indications de paiement;

Par le Tribunal de Rouen, le 30 juillet 1839; mais, dans l'espèce encore, les ventes étaient volontaires; le prix n'a été distribué qu'entre trois créanciers, qui ne paraissent pas même avoir été présents: il n'y avait donc pas règlement ou ordre amiable;

Enfin par la Cour de cassation, le 15 juillet 1840. Non-seule. ment il s'agissait encore de ventes volontaires, mais la Cour motive particulièrement son arrêt sur ce que des créanciers chirographaires étaient appelés à la distribution.

Ainsi aucune de ces décisions judiciaires n'est en opposition avec le § 2 de l'instruction générale n. 1320, et il en faut néces sairement conclure que toutes les fois que, comme dans l'espèce, il y a règlement ou ordre amiable, il n'est dû qu'un droit fixe.

J. E. D.

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1o Le prix d'un office de notaire acquis pendant le mariage est meuble et tombe dans la communauté (1).

2° Les jugements d'homologation sont sujets à l'appel comme les autres jugements, encore bien qu'aucune contestation contre la liquidation n'ait été élevée dans l'intérêt des mineurs, et quoique le tuteur ail signifié le jugement sans réserves.

3 Le délai de l'appel ne court contre un mineur que du jour où le jugement a été signifié au subrogé tuteur, soit que le mineur soit demandeur ou défendeur. (Art. 444 C. P. C.)

(1) Gette décision est conforme à la jurisprudence. V. J. A., et infra, p. 542.

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