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cice de ses fonctions: il conseillera à l'avoué d'empêcher les transactions et d'augmenter les frais; de retarder le jugement, d'incidenter, etc.... le notaire ouvrira un comptoir de banquier, il deviendra commerçant, il multipliera les renouvellements de contrats, et le reste!... A l'aide de ces associations, un candidat refusé par l'autorité, comme ne présentant pas les garanties de capacité et surtout de moralité, se servira d'un plastron pour exercer des fonctions qu'il n'a pas paru digne à l'autorité de revêtir, même sous la garantie du serment! L'un apporte son nom et sa qualité, sa probité même, et l'autre ses relations, ses connaissances : ils se complètent l'un par l'autre quel accouplement!... Enfin, que devient ici, plus encore que dans le premier cas, où nous en avons parlé, la liberté des démissions, consacrée par la loi?-Telles sont, et nous pensons ne pas les avoir affaiblies, les raisons principales invoquées par ceux qui s'opposent à l'association dont il s'agit.

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La conférence de Toulouse n'a pas été émue par leur gravité : elle a déclaré ce contrat valable, et nous partageons son avis, qui est aussi celui de M. Chauveau.

Une considération se présente dès l'abord à l'esprit, en prenant la position de la question telle que l'opinion contraire la formule (et bientôt on verra qu'elle est portée hors de son véritable terrain); c'est que, puisque l'on n'a jamais songé à contester la validité de la convention attributive d'une quote part des bénéfices d'un office à un tiers, mais seulement que l'on a dit qu'elle ne constituait pas une association, il faut avouer qu'on De verrait que difficilement les motifs de différence, à l'égard de la solution donnée à la question d'association : l'objet du contrat est le même, la position de prétendue sujétion au gérant est identique, et les résultats si hautement signalés sont également produits.

allons plus loin.

Mais cela ne suffit pas : L'objet de l'association est-il illicite? - Oui, si ce sont les fonctions ou leur exercice, puisqu'elles sont hors du commerce; non, si cet objet n'est autre que ce qui, d'après la loi de 1816, peut devenir l'objet d'un contrat onéreux. Or, sur quoi portent les traités autorisés par cette loi? uniquement sur la clientèle, comme dans la vente d'un fonds de commerce sur l'achalandage: la preuve en est que le bénéfice de la présentation se paie, non pas à prix fixe, mais suivant la chance de succès que présente pour le successeur la clientèle affidée de l'office. De là, concluez que l'association qui aura cette clientèle pour objet sera parfaitement licite, si elle peut avoir lieu sans toucher à l'ordre public sous un autre rapport.

Or, est-il vrai que, par son administration ou par ses résultats, le contrat qui nous occupe offense une loi quelconque. On peut en douter. L'art. 1856 reconnaît, même à un seul des associés,

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le pouvoir d'être constitué gérant: dans ce cas, il peut en général administrer, malgré l'opposition des autres. - - Voilà l'officier ministériel, administrateur unique par la nature des choses, à l'abri de toutes les suggestions et de perfides conseils : il conserve sa liberté d'action; s'il est probe, et que le certificat de moralité qui lui a été délivré soit sincère, il importera peu qu'il soit seul ou en société, sa conduite sera droite: comme dans l'hypothèse inverse, elle serait vicieuse. - Le contrôle sera-t-il d'ailleurs impossible? Non, certes. D'abord la loi oblige certains officiers à tenir des carnets ou livres qui sont le miroir de leur situation, et l'on ne peut présumer la fraude gratuitement: et puis la liberté des stipulations est si grande, que rien n'empêchera les parties de convenir d'un mode de justification des recettes et dépenses, abstraction faite de la communication des secrets dont il est tant parlé, et dont, forcément, les collaborateurs ordinaires de l'officier sont journellement appelés à prendre part. On ne pourrait pas, dit-on, en cas de fraude, faire cesser la société, parce que la destitution de l'officier ne dépend pas des parties intéressées..... Mais l'on oublie sans doute l'art. 1871 C. C. : la dissolution de la société pourra être provoquée, et elle équivaudra à la destitution du gérant. - İl n'est pas plus exact de trouver dans le terme fixé à la durée de la société une gêne pour le titulaire qui voudrait se démettre avant cette époque. Il restera, en effet, toujours libre, mais avec la condition généralement imposée à tous les débiteurs qui manquent à leurs engagements, c'est-à-dire la perspective d'une condamnation à des dommages-intérêts. Enfin, et pour n'y plus revenir, le prétendu inconvénient tiré de l'activité stimulante de l'associé sur le titulaire, et que nous avons renvoyé se briser contre la moralité et la liberté de celui-ci, n'est pas inhérent à la clause d'association : il se trouve dans toutes les ventes d'offices faites à terme, comme dans celle des clientèles d'agents d'affaires; le vendeur, intéressé à plus d'un titre à ce que son débiteur prospère, n'est-il pas vis-à-vis de lui dans cette position que l'on fait à l'associé étranger? A ce prix, il faudrait n'autoriser que les traités au comptant!...

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Voilà les motifs qui valident l'association pour l'exploitation par profits el pertes. Nous avons adopté et soutenu cette opinion, avons-nous déjà dit; toutefois nous devons à la vérité de déclarer que la possibilité de la fraude pour l'exercice du contrôle nous a toujours effrayé : nous avons craint de trouver, sous l'enveloppe du contrat dont s'agit la convention annulée par l'art. 1174 du C. C.; et ce n'est que la force du principe, que la fraude ne se présume pas, qui nous a fait valider, en droit, une stipulation qui, pour quelque utilité en fait, peut engendrer de graves abus.

III.

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Association quant au droit de présentation.

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Il est bien

entendu qu'il ne s'agit ici que de la clause qui intervient entre le titulaire et un tiers de partager le profit on de supporter la perte, résultant de la comparaison du prix d'achat par l'officier avec le prix de sa revente.

Or, sur ce point, la combinaison des art. 1832, 1841 C. C., et de l'art. 91 de la loi de 1816, § 2, ne permet pas l'hésitation; la conférence de Toulouse a validé ce genre d'association, et nous partageons entièrement son avis : l'opinion contraire est impossible.

IV. Association pour le prix reçu par le titulaire de son successeur. Il ne faut pas confondre cette modalité avec la précédente : dans celle-ci, il n'y a pour objet de la société que la différence existant entre les deux prix d'achat et de revente ; dans celle-là, c'est la seule somme reçue du successeur qui fait le fonds social. Or, il est clair qu'il n'y a, entre ce contrat et celui qui aurait pour objet une somme d'argent à faire valoir provenant d'une tout autre cause, aucune espèce de disparité : ils sont aussi licites l'un que l'autre ; et il y a cela à noter, que l'hypothèse qui nous occupe actuellement, quoique mue à l'occasion d'une vente d'office, se décide très-bien en dehors des principes spéciaux à cette matière, et n'a, avec la véritable question d'association posée en thèse, qu'un rapport très-éloigné, par la raison que, lorsque cette association commence, il n'y a plus d'office, dans la possession d'aucun des associés, si l'on peut parler de la sorte.

En résumé, est valable l'association ayant pour objet : 1o l'exploitation d'un office par profits et pertes; 2° le droit de pré

sentation.

Cela posé, il faut, ainsi que nous l'avons annoncé en commençant, exposer quelques-unes des questions qui résultent de cette solution par voie de conséquence.

1o Dans les cas où l'association dont il s'agit est permise, de quelle nature est-elle, civile ou commerciale P

Il n'y a eu de doute, et il ne pouvait y en avoir, qu'à l'égard des associations intervenues en matière d'office d'agent de change ou de courtier, par la raison que le Code de commerce place les opérations de courtage parmi les actes de commerce. Mais nos lecteurs se souviennent des articles de M. Freméry (1), qui, à l'occasion de l'affaire Bureaux, établit que la société dont il s'agit n'était jamais commerciale, par la double raison que le corps moral de la société ne pouvait pas faire le courtage, droit exclusivement accordé par la loi aux individus commissionnés ad hoc, et qu'elle ne pouvait davantage revêtir un nom social, caractères distinctifs des sociétés commerciales.

2o De là, il faut conclure que l'association permise en ma

(1) V. J. A., t. 54, p. 177 et suiv.

tière d'offices ne peut jamais être faite en nom collectif, ni en commandite, et qu'elle n'est, dès lors, non plus soumise aux formalités requises par le Code de comm. pour ces sociétés. Ce n'est pas que la clause de commandite ne puisse, jusqu'à un certain point, être insérée dans ces associations : les art. 1855 et 1863 en autorisent l'adjonction aux sociétés civiles; mais, pour cela, les principes du C. C. ne subissent pas les modifications que la loi spéciale du commerce a établies à ce sujet.

3o Enfin, de quelle nature sont les droits conférés par ce contrat aux divers associés, à l'égard des créanciers personnels de l'officier ministériel? Auront-ils un droit exclusif sur l'actif social, ou bien ne viendront-ils qu'en concurrence avec ces derniers? La solution de cette question se rattache à celle de savoir si les sociétés civiles sont, comme les sociétés commerciales, des personnes juridiques, ayant des droits et des obligations distincts de ceux des individus qui les composent. On n'ignore pas la controverse qui règne à ce sujet et que l'on agite surtout, mais à tort selon nous, parce que ces questions sont loin de dépendre l'une de l'autre, à l'occasion de la représentation en justice des sociétés civiles. Quant à nous, il nous paraît que la société civile est personne morale comme la société de commerce. L'on sent qu'il n'est pas ici le lieu de développer notre opinion: nous nous contenterons d'en donner cette raison toute doctrinale, qui est un syllogisme parfait, à savoir : Tout ce qui, dans l'état, outre l'homme, est regardé comme pouvant avoir des droits actifs ou passifs est une personne juridique ou morale; or, les art. 1845, 1846, 1849, 1851, 1867, etc., du C. C. en reconnaissent aux sociétés civiles; donc elles sont des personnes morales comme telles, elles ont, suivant la loi 7 § 1, ff. quod cujusc. univers., des droits distincts de ceux de chaque associé : dès lors les créanciers sociaux priment sur l'actif social les créanciers individuels, ou, pour parler plus exactement, chaque créancier s'adresse à un débiteur différent, et ainsi tout concours est rendu impossible. Tel est le droit applicable aux sociétés qui ont fait l'objet de cette dissertation.

Nous avons résumé tout simplement les travaux de nos devanciers heureux si notre essai peut être utile aux officiers ministériels de toute espèce. Notre seul mérite, si cet aperçu en peut revendiquer aucun, sera, nous l'espérons, l'exactitude de notre analyse, et la facilité qu'elle procurera aux intéressés de bien apprécier au point de vue légal la portée de clauses devenues aujourd'hui si fréquentes.

Gustave BRESSOLLES,

Docteur en droit, avocat à la Cour royale de Toulouse.

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Lorsqu'une des parties litigantes change son domicile, à quel lieu doivent lui être signifiés les actes postérieurs qui se rapportent à l'instance?

On a beaucoup discuté sur la validité des assignations données à un domicile que venait de quitter l'assigné. La difficulté alors résidait bien plus dans les dispositions de la loi civile sur le domicile que dans celles de la loi de procédure sur les ajournements ; il s'agissait surtout d'apprécier les circonstances opérant changement de domicile et les délais faisant présumer que le changement était connu des tiers. La conclusion a été que, si le temps et les circonstances justifiaient l'ignorance alléguée par le demandeur, l'assignation donnée à un domicile apparent pouvait être tenue pour valable. (Denizart, vo Domicile, §7; Rodier, sur l'art. 3, tit. 2, de l'ordonnance de 1667; Merlin, Rép.,vo Déclinatoire, § 1; Malleville, sur l'art. 103 C.C.; Carré, sur l'art, 68 C. P.C., n. 355; Berriat Saint-Prix, t. 1o, p. 63a et arrêts y indiqués; Boncenne, Théorie de la procédure civile, t. 2, p. 200.)

Mais notre question est tout autre. L'assignation a été donnée à un domicile certain; l'instance est régulièrement engagée; le domicile des deux parties est respectivement connu et indiqué. En cet état, l'une des parties vient à changer de domicile; l'autre veut lui signifier soit des offres, soit un jugement, soit un appel, soit tout autre acte relatif à l'instance. Comment procédera l'huissier?

Si le changement de domicile avait été notifié au requérant, nul doute que cette indication dût être suivie. Mais celui-ci n'a qu'un soupçon et aucune certitude, aucune preuve : il lui importe cependant que l'acte à signifier soit valable, qu'on ne puisse y trouver ultérieurement une nullité pouvant entraîner déchéance contre lui ou annihiler la mise en demeure qu'il avait en vue. Ou bien l'huissier, en se présentant au domicile indiqué dans les premiers actes de l'instance, apprend le changement de domicile sans découvrir la demeure nouvelle; et il lui incombe de remplir son mandat aussi régulièrement que possible avant le terme fatal. Dans cette incertitude, doit-on faire la signification à l'ancien domicile, et l'adversaire ne pourra-t-il pas exciper d'un changement opéré par le fait et la double déclaration qui suffisent suivant l'art. 104 C. C.? L'huissier peut-il agir comme si celui à qui doit être faite la signification n'avait ni domicile ni résidence connus en France, et n'exposera-t-il pas sa partie à ce que celui-ci vien ne prouver que son domicile nouveau était notoire ? Cette question n'est pas sans intérêt, si l'on considère qu'elle doit se présenter chaque jour, sur tous les points de la France, et que des procès majeurs peuvent en dépendre. Aucun auteur pourtant ne l'a discutée, comme si un texte précis l'eût résolue in terminis.

Le Code civil, bien entendu, est muet à cet égard, puisque c'est principalement une difficulté de procédure. Et d'ailleurs, en disposant que la preuve de l'intention, qui jointe au fait opère changement de domicile, résulterait soit d'une double déclaration (qui n'est pas publiée), soit des circonstances (103, 104 et 105), il augmente l'embarras de la partie liti

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