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J'ai, dans ces derniers mois, poursuivi l'étude de ces phénomènes et je suis arrivé à l'explication complète des apparences observées (*). Cette explication repose tout entière sur l'état de la nappe liquide dans la région qui sépare les colonies de cellules. En regardant attentivement la nappe. on voit, dans ces régions, de longues coupures peu régulières et moins nettes dans les photographies présentées à Nîmes que les tourbillons euxmêmes. La région des coupures apparaît toujours un peu trouble; il semble qu'un voile léger s'étende sur la surface, tandis que dans la région des cellules le liquide est parfaitement transparent. J'ai expliqué ailleurs la formation de ce voile dans la cire saponifiée. Il est dû à des parcelles solides très fines formant une sorte de membrane mauvaise conductrice qui isole le liquide sous-jacent de l'atmosphère ambiante. Le refroidissement par la face supérieure de la nappe est alors beaucoup moins actif; la convection calorifique beaucoup plus lente.

L'état de la nappe au-dessous de cette membrane est analogue à celui qui peut être réalisé dans la cire fondue ordinaire en couvrant une partie de la surface par une plaque solide. Mais l'observation devient alors difficile, même si la plaque en question est transparente; les méthodes optiques de M. Bénard, basées sur le relief de la surface libre, sont en effet inapplicables. La membrane flexible qui sépare de l'air libre la surface de la nappe de cire ne trouble nullement ce relief; elle est transparente et permet l'application de ces méthodes; c'est pourquoi les coupures sont parfaitement visibles dans les photographies. On peut, d'ailleurs, obtenir une membrane superficielle plus cohérente et tout aussi transparente en s'adressant à d'autres substances, faciles à fondre, par exemple à l'acide stéarique.

L'acide stéarique pur ne se recouvre d'aucun voile et donne dans toute la nappe le réseau cellulaire hexagonal régulier de Bénard (**). L'acide stéarique impur des bougies ordinaires donne souvent des tourbillons isolés. Des résultats remarquables ont été obtenus avec la bougie de fantaisie colorée en rose, ou en bleu. Les grains très fins de la matière colorante forment à la surface un voile transparent extrêmement ténu, mais très résistant; toute la surface en est couverte, et, si l'on vient à le crever, il se reforme immédiatement, ne donnant jamais des tourbillons isolés; la division en coupures existe alors seule au-dessous du voile. Elle est d'abord irrégulière et à peine visible; mais si l'on élève la température progressivement, des rides de plus en plus prononcées se forment à la surface libre le long des coupures et fournissent en lumière réfractée des lignes focales brillantes qui acquièrent bientôt une netteté et une régularité remarquables. La régularisation des coupures ou des lignes focales qui les décèlent se produit à une température d'autant plus basse

(*) C. DAUZÈRE, Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. CLVI, 20 janvier 1913, p. 218.

(**) H. BÉNARD, Revue générale des Sciences, 1900, p. 1316.

que l'épaisseur est plus grande comme le montrent les nombres suivants :

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Avec cette dernière épaisseur la division en coupures persiste jusqu'à la solidification quand la nappe se refroidit progressivement. La solidification commence nettement sur les lignes focales images des lignes de faite de la surface libre, et la division en coupures persiste dans la plaque. solide obtenue après refroidissement complet; rien de pareil ne s'observe avec les faibles épaisseurs.

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Les photographies 1 à 6 jointes à cette Note montrent l'aspect des coupures régularisées elles sont parallèles et équidistantes dans des régions assez étendues; on y voit, en certains points, des amorces de petites coupures transversales, ébauche d'une division cellulaire qui n'aboupas. On peut mesurer la distance moyenne des coupures d'une série sur une ligne droite tracée sur la photographie normalement à leur direction commune. Un quadrillage de dimensions connues, projeté sur la nappe liquide et visible dans les photographies, forme une échelle permettant de calculer en vraie grandeur les distances des coupures. Les mesures ainsi faites ont évidemment fort peu de précision, elles fournissent néanmoins des résultats intéressants :

1o La distance moyenne 2 des coupures dans une nappe d'épaisseur donnée e varie peu avec la température. Avec une nappe d'épaisseur e égale 2,44 mm, on trouve :

119o. 115°. 110°. 105°.

Température.. 135°. 130°. 125°. 100°. 95°. 90°. X moyen..... 5,7 5,6 5,6 5,7 5,7 5,7 5,5 5,6 5,5 5,5 Ce résultat est bien différent de celui qu'on observe dans la convection à l'air libre où les dimensions des cellules augmentent notablement avec la température comme je l'ai indiqué dans une publication antérieure (*). 2o L'élévation de la température influe au contraire beaucoup sur le relief de la surface, la courbure des parties saillantes et des dépressions augmente plus rapidement que celle des cellules ordinaires de Bénard, de telle sorte que la mise au point doit être modifiée à mesure que la température s'élève. Cette exagération du relief explique la netteté très grande que prennent les photographies des lignes focales, au-dessus de la température de régularisation.

3o On peut calculer les valeurs du rapport pour diverses épaisseurs en utilisant les valeurs moyennes de λ, indiquées plus haut. Le nombre

(*) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. CLV, 5 août 1912, p. 394.

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des expériences et des mesures est encore très restreint. J'ai pu néanmoins me rendre compte de ce fait que ce rapport reste à peu près constant pour une substance donnée et voisin de 0,5, de telle sorte que la distance moyenne à des coupures augmente proportionnellement à l'épaisseur; c'est là loi approchée trouvée par M. Bénard pour les tourbillons cellulaires produits par la convection à l'air libre. Il y a lieu de remarquer l'augmentation notable qu'éprouve la valeur du rapport quand an

e

=

e

passe de la convection à l'air libre 0,3 au maximum à la conえ

vection qui s'opère dans nos expériences sous la membrane superficielle

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Il serait intéressant de réaliser à la fois dans la même nappe les deux espèces de tourbillons. On y arrive en mélangeant à la bougie rose un dixième de son poids de paraffine ou de cire. Le voile superficiel se forme toujours, ainsi que la division en coupures parallèles; mais le réseau cellulaire qui n'est qu'ébauché dans les expériences précédentes est ici bien mieux indiqué. A côté des petites cellules ainsi formées, on peut en produire d'autres beaucoup plus grosses; il suffit de souffler à la surface pour crever le voile superficiel; dans les plages ainsi découvertes se forment des tourbillons isolés dus à la convection à l'air libre. C'est cet aspect très curieux de la nappe que représentent les photographies 7 à 10. En résumé, les tourbillons formés par convection calorifique dans une nappe liquide horizontale indéfinie de faible épaisseur peuvent produire deux modes différents de division de la nappe :

Un premier mode donne un réseau régulier de cellules hexagonales dans lequel diminue beaucoup avec la température à partir de 0,3 qui

parait être sa valeur maximum. Ce mode de division se produit lorsque la face supérieure est en contact avec l'air libre; il a été étudié d'une manière approfondie par M. Bénard.

Un deuxième mode donne un réseau de coupures parallèles avec amorce de cellules hexagonales; ce réseau se régularise à une température d'au

e

tant plus faible que l'épaisseur est plus grande. Le rapport varie très

peu avec la température et a des valeurs plus grandes que dans la convection à l'air libre. Ce mode de division se produit lorsque la face supérieure est couverte par une membrane qui l'isole de l'atmosphère ambiante.

Les conditions dans lesquelles on obtient ce dernier mode de division, sont analogues à celles où se trouverait une nappe liquide horizontale placée entre deux surfaces solides parallèles portées à des températures différentes. M. Bénard a signalé l'intérêt que l'on aurait à opérer dans ces conditions et aussi les difficultés que présenterait l'observation; des essais isolés et incomplets ont montré qu'elle fournirait des résultats

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semblables à ceux que je viens d'indiquer : en particulier le rapport prendrait des valeurs beaucoup plus grandes que dans la convection à l'air libre.

Ce cas présente de l'intérêt en raison des indications qu'il peut fournir pour élucider un phénomène naturel qui a de tout temps excité la curiosité universelle, je veux parler des colonnes basaltiques orgues, pavés de géants, sur lesquels de récentes discussions à la Société géologique ont appelé l'attention des savants (*). Ces discussions ont porté sur une théorie de la formation des prismes que j'ai proposée le premier, en 1908, au Congrès de Clermont-Ferrand (**). Cette explication est basée sur la production dans la lave fondue de courants de convection qui ont divisé la masse en prismes hexagonaux, d'axe vertical. Or l'examen des coulées montre que les colonnes prismatiques se sont formées entre deux couches supérieure et inférieure non prismées dont la solidification a nécessairement précédé celle de la couche intermédiaire. Dans ces conditions, les expériences que je viens de décrire montrent que le rapport prend des न

e

valeurs notablement plus grandes que dans les expériences de M. Bénard; ceci enlève une grande partie de sa valeur à l'objection relative à l'énormité de la hauteur des colonnes par rapport à leur diamètre, que l'on a formulée contre notre théorie. Les progrès de nos connaissances sur les tourbillons cellulaires permettront, je l'espère, de réfuter également toutes les autres objections.

M. J. GROSSELIN,

Ingénieur civil des Mines, Paris.

LES CABLES A TRÈS HAUTte tension eN ALLEMAGNE.

621.315.2

24 Mars.

Il est toujours intéressant de suivre les progrès industriels réalisés en dehors de nos frontières. Si nous constatons qu'ils dépassent ceux que nous avons nous-mêmes accomplis, nous sommes incités par là à chercher les causes de notre retard.

(*) Comptes rendus des séances de la Société géologique, 16 décembre 1912, 6 janvier 1913.

(**) C. DAUZÈRE, Comptes rendus du Congrès de Clermont-Ferrand, 1908, p. 436.

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