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Si nous avons la satisfaction de faire la constatation inverse, nous en prenons plus de confiance en nous-mêmes.

Ne nous privons donc pas de regarder, de temps à autre, par dessus le mur mitoyen et, à ce titre, il n'est peut-être pas inutile d'examiner d'un peu près les résultats récemment obtenus, en Allemagne, dans l'utilisation des câbles souterrains isolés au papier imprégné pour les très hautes tensions.

Il doit, d'ailleurs, être entendu, que, dans le domaine des câbles, aujourd'hui du moins, les très hautes tensions commencent à 25 000 volts.

L'Elektrotechnische Zeitschrift a donné deux articles, l'un sur les câbles pour courant monophasé 60 000 volts, du chemin de fer DessauBitterfeld, l'autre sur le réseau triphasé 30 000 volts d'Obersprée, comprenant 200 km de câbles à trois conducteurs tordus.

Tous ces câbles sont isolés au papier imprégné, sous plomb.

Nous allons chercher à extraire de ces deux articles, les constatations susceptibles de nous intéresser.

I. CABLES A 60000 VOLTS DE BITTERFELD.

Cette installation, destinée à alimenter les locomotives monophasées bien connues, fut faite en 1910.

On parait avoir adopté avec beaucoup de timidité la solution des câbles souterrains au papier imprégné. En effet, d'une part, on n'osa pas employer les câbles à deux conducteurs tordus et, de l'autre, on se préoccupa d'assurer des rechanges très largement suffisants pour le cas où un câble serait mis hors service.

L'installation comprend une ligne aérienne et deux paires de câbles souterrains à un seul conducteur chacun, sans armure de fer, par conséquent. L'un quelconque des trois systèmes est en état de transporter à lui seul, toute l'énergie nécessaire.

La longueur séparant la station génératrice de la sous-station est de 4,3 km. Deux firmes, Siemens et Halske d'une part, Felten et Guillaume de l'autre, ont concouru à fournir les câbles, chacune d'elles ayant livré 8,6 km de longueur simple.

La tension employée est de 60000 volts entre conducteurs, la fréquence est de 16 la puissance à transmettre par chaque câble est d'environ 150 000 kv-A, correspondant, pour cos 0,8, à une puissance réelle de 11 500 kw à 12 000 kw.

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Le métal adopté pour les câbles est l'aluminium que l'on a choisi pour augmenter le diamètre du conducteur d'une résistance donnée et par là diminuer la fatigue de l'isolant. On a constaté que, pour un courant de 240 ampères traversant une section de 100 mm2, soit pour' une densité de 2,4 ampères par millimètre carré, l'échauffement du conducteur atteignait, à l'équilibre, 25o.

Remarquons, en passant, que la section de cuivre d'égale résistance serait environ 57 mm2 et que la densité correspondant au même échauffement serait voisine de 4.

Cette densité est très supérieure aux densités limites reconnues comme admissibles par l'Union des Syndicats français. L'échauffement constaté n'a, cependant, rien d'anormal. Il est donc permis de penser que les expériences actuellement poursuivies par le Laboratoire central pour le compte de l'Union montreront que les densités peuvent être poussées beaucoup plus loin qu'elles ne l'ont été jusqu'ici chez nous.

De l'aveu de l'auteur de l'article,

Tension appliquée au diélectrique. M. Lichtenstein, les câbles de Bitterfeld sont faits pour fonctionner normalement à 30 000 ou 33 000 volts entre le conducteur et le plomb.

Sans doute, chacun d'eux a été essayé à 60 000 volts, mais nous sommes avertis que c'est à titre purement exceptionnel que cette tension a été atteinte et que, pour empêcher qu'elle ne prenne cette valeur en cours d'exploitation, le point milieu de l'installation est en permanence relié à la terre par une résistance.

Ces câbles sont donc en réalité des câbles à 30 000 volts, essayés à tension double après pose, conformément aux stipulations du Cahier des charges de l'Union des Syndicats d'Électricité.

Au point de vue technique, la difficulté vaincue est beaucoup moindre que pour les câbles à 30 000 volts à trois conducteurs tordus du réseau d'Obersprée, dont nous parlerons tout à l'heure.

Leur fabrication est donc loin de présenter un record. Nous noterons eulement, à titre documentaire et sans l'apprécier, l'épaisseur du diélectrique imprégné, épaisseur qui est de 13 mm et correspond à un gradient maximum de potentiel, à la surface du conducteur, de 4200 volts par millimètre de tension efficace ou à 5880 volts par millimètre de tension maxima.

Pouvons-nous remarquer que cela n'est pas énorme et que les constructeurs ne se sont pas ici encore, départis de leurs habitudes de prudence ?

M. Lichtenstein nous annonce des résultats expérimentaux. Passonsles rapidement en revue, en nous demandant s'ils nous apportent des précisions nouvelles sur certaines conditions encore mal connues du fonctionnement des câbles.

La principale question que s'est posée l'auteur est de savoir si le diélectrique des câbles subit une détérioration notable, soit du fait de la pose, soit du fait de l'action prolongée de la tension.

Si le diélectrique souffre, nous dit-il, nous verrons varier le pouvoir inducteur moyen et aussi les pertes par hystérésis.

A vrai dire, il semble qu'une détérioration subie à la pose se traduira par un abaissement de rigidité diélectrique sans affecter peut-être le pouvoir inducteur et que la constance de ce dernier ne permettra

pas de conclure que le diélectrique est resté intact. Mais c'est encore. une des nombreuses questions qui restent à éclaircir par l'expérience et sur laquelle les données précises font totalement défaut.

Pour ce qui est de l'action de la tension, il est très probable que, si la tension d'exploitation reste suffisamment en dessous de la tension de rupture, ce n'est pas après quelques mois d'exploitation, mais seulement au bout de plusieurs années que ses effets pourront commencer à se faire sentir.

Aussi, M. Lichtenstein semble-t-il avoir seulement cherché à vérifier si les tensions d'épreuve appliquées au câble n'avaient pas été de nature à modifier les propriétés du diélectrique, comme un essai de chaudière ou de pont poussé trop loin modifie la structure du métal. Si cette modification du diélectrique se produit, il y a quelque chance qu'elle affecte plus ou moins toute la longueur du câble, et une variation de la capacité peut être, dans ce cas, prise pour critérium.

Effet de la pose sur le pouvoir inducteur. - Peu de temps après fabrication, les constantes mesurées du câble étaient les suivantes par une température ambiante de 159:

Résistance d'isolement au kilomètre: 3000 mégohms.

Résistance ohmique du conducteur au kilomètre: 0,275 ohms.

Capacité au kilomètre: 0,169 microfarads.

De cette valeur de la capacité on déduit, par la formule connue donnant la capacité d'un condensateur cylindrique, la valeur du pouvoir inducteur K 3,35.

=

La pose fut faite dans des conditions défavorables, surtout pour des câbles à haute tension, car elle se poursuivit par une température de plusieurs degrés en dessous de zéro, et les boites furent confectionnées de nuit.

Après pose, on releva les constantes suivantes :

Résistance d'isolement au kilomètre : 8620 mégohms.

Résistance ohmique du conducteur au kilomètre: 0,265 ohms.
Capacité au kilomètre: 0,1705 microfarads.

De la valeur nouvelle prise par la résistance ohmique du conducteur, on déduit que la température du 'conducteur dans le sol était voisine de 5o, ce qui explique l'augmentation très considérable de l'isolement au kilomètre: quant à la capacité, la différence entre les valeurs trouvées, avant et après pose, est de l'ordre des erreurs d'expérience. On peut donc admettre, avec l'auteur, qu'elle n'a pas sensiblement varié. Mais, pour la raison indiquée plus haut, il paraît difficile, surtout étant donnée la valeur très élevée du chiffre d'isolement kilométrique, d'en conclure d'une manière certaine que le diélectrique n'a pas souffert de la pose.

Effet de la mise sous tension. Avant la mise en exploitation définitive, chacun des câbles fut soumis à une différence de potentiel de 50 000 volts avec la terre.

Quelques jours après, soit le 10 décembre 1911, pendant l'arrêt de l'exploitation, entre minuit et 4 h du matin, on appliqua 33 000 volts, puis, quelques heures après, 60 000 volts entre conducteurs.

La température du sol était relevée au thermomètre à la profondeur de 70 cm. Aussitôt après avoir coupé la charge, on releva les constantes électriques du câble, résistance d'isolement, résistance ohmique, capacité.

La capacité mesurée au galvanomètre balistique à miroir Siemens, n'a pas varié d'une manière plus appréciable qu'après la pose.

L'isolement au kilomètre a subi de fortes variations, en corrélation avec la température du sol.

La température du conducteur a été déduite de la résistance ohmique mesurée.

L'échauffement a été pris par différence entre les températures du conducteur et celle du sol relevée comme il est dit plus haut.

A la fréquence de 16, le courant de charge était de l'ordre de 4 ampères, soit 0,04 par millimètre carré de section d'aluminium. L'échauffement par effet Joule était donc négligeable et l'échauffement constaté pouvait être attribué presque entièrement à la perte dans le diélectrique. En tous cas l'échauffement observé constitue une limite supérieure de l'échauffement diélectrique et il n'a jamais dépassé quelques dixièmes de degré.

Or, un courant de 240 ampères, dégradant en chaleur une énergie de 16 kwh par kilomètre, détermine dans les câbles un échauffement de 250; la perte d'énergie dans le diélectrique est donc de l'ordre de 1 à 1,5 % seulement de l'effet Joule. Elle était done négligeable, tout au moins pendant les premiers jours qui ont suivi la pose, les essais et la mise en exploitation.

On peut en conclure, sans trop de hardiesse, que les tensions d'essais (50 000 volts) et de fonctionnement (30 000 volts) étaient assez loin de la tension de rupture pour que le diélectrique n'en ait pas souffert.

Mais peut-être était-ce se donner beaucoup de peine pour un assez maigre résultat, car il aurait été plus sûr de vérifier l'état du câble après pose par un essai de tension statique et plus facile de contrôler, à l'usine, l'effet de la tension sur les propriétés du diélectrique.

L'auteur s'en est, sans doute, rendu compte, car il fait suivre le compte rendu de ces premiers essais d'une autre série de résultats obtenus en usine, sur un câble enroulé, et par suite, dans des conditions de refroidissement beaucoup plus mauvaises que s'il avait été allongé en terre. De plus, d'après les dimensions respectives du câble et de l'isolant (20 mm pour le diamètre du conducteur et 15 mm pour l'épaisseur de l'isolant), et d'après la tension appliquée (50 000 volts entre conducteur et terre) il est facile de calculer que le gradient maximum de potentiel à la surface du conducteur était de 5460 volts par millimètre de tension efficace, soit 30 % de plus qu'à Bitterfeld. Si l'on admet que

la perte par hystérésis diélectrique est proportionnelle au carré de l'intensité du champ, l'épreuve dans ce dernier cas, dépassait de 70 % en sévérité celle de Bitterfeld.

De plus, la fréquence était de 50 au lieu de 16.

Malgré ces conditions beaucoup plus dures, on ne releva, au bout de 4 semaines d'essai, qu'un échauffement du plomb de 2o, correspondant d'après d'autres expériences à un échauffement de 5o à 6o pour le conducteur. On arrive donc à un échauffement et, par suite, à une perte dans le diélectrique du même ordre que pour le câble de Bitterfeld. En rapprochant encore cet échauffement de celui observé sur le conducteur, M. Lichtenstein conclut que l'énergie dégradée dans le diélectrique est ici de l'ordre de 2 kw-h par kilomètre.

Ce qui paraît le plus important c'est que l'ordre de grandeur trouvé pour l'énergie dissipée est le même pour des essais prolongés que pour des essais très courts. On peut donc conclure que le coefficient de sécurité, rapport entre la tension d'essai et la tension de service, était suffisant dans les cas examinés pour que le diélectrique ne soit pas détérioré.

II.

CABLES TRIPHASÉS A CONDUCTEURS TORDUS

FONCTIONNANT

A 30 000 VOLTS. RÉSEAU D'OBERSPRÉE (BANLIEUE DE BERLIN).

Si nous n'avons reconnu aucune valeur sensationnelle aux câbles de Bitterfeld, nous devons ici admirer sans réserve la hardiesse avec laquelle a été fabriqué et posé un réseau de 200 km de câbles triphasés à conducteurs tordus sous 30 000 volts entre phases. Nous avons en France des câbles de tension égale ou même supérieure, mais leur longueur est loin d'approcher de celle-là.

La banlieue de Berlin étant fort peuplée, c'est évidemment la considération de la sécurité qui y a fait adopter la solution des câbles souterrains.

Cette solution n'a, d'ailleurs, pas suffi, paraît-il, à protéger l'installation contre les saboteurs, qui ont criblé de coups de pioche certains câbles.

Ce qui est surtout intéressant de connaître, c'est dans quelle mesure se sont réalisées, à Obersprée, les craintes qui se font jour dès qu'il est question de placer une canalisation souterraine à haute tension de quelque longueur.

Ces craintes prennent toutes leur origine dans les effets de la capacité du réseau, courant de charge et oscillations de période propre.

Courant de charge. Les inconvénients du courant de charge sont

bien connus.

Ils se manifestent dans la marche à vide, la nuit, quand les lampes sont éteintes, les moteurs arrêtés, et que les transformateurs prennent seulement un faible courant magnétisant. Alors, si la capacité est consi

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