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tative sera saisie de la question, il est à prévoir qu'elle fera appel à la bienveillance de la Métropole pour n'être conduite à l'union douanière que progressivement et au fur et à mesure des possibilités budgétaires et économiques.

La France, de son côté, ne saurait contraindre la Tunisie à une solution précipitée qui risquerait de jeter le trouble dans ses finances à la prospérité desquelles elle est intéressée, comme garante de la Dette. Elle devra, comme pour l'Algérie, accorder des délais à la Régence: ce n'est, en effet, qu'en 1884, plus d'un demi-siècle après la conquête, qu'a été réalisée l'assimilation douanière de cette colonie avec la Métropole.

M. RAOUL BEAUCHAMP,

Saint-Martin-les-Melle (Deux-Sèvres ).

LA DÉPOPULATION FRANÇAISE, SES DANGERS, SES CAUSES, SES REMÈDES.

24 Mars.

312.8 (44)

Que de démographes, de sociologues, d'économistes ont essayé de résoudre le grave problème de la dépopulation française; problème angoissant s'il en fut, et dont nul n'a le droit de se désintéresser.

Des plumes plus autorisées que la mienne, en ont cherché la solution; après les travaux de MM. Levasseur, Leroy-Beaulieu, Cheysson, Richet, on ne peut espérer apporter aucune lumière nouvelle sur la question : la présente étude, pour laquelle j'ai sollicité la bienveillante attention des membres du Congrès, n'a d'autre prétention que celle d'être consciencieuse et sincère.

Cri d'alarme. Ceux qui ont poussé le cri d'alarme sont des esprits clairvoyants dont la bonne foi ne saurait être soupçonnée.

« La France manque d'enfants, nous dit, M. de Folleville, et par une antithèse qui peut paraître tout d'abord inconcevable, la France se dépeuple alors que les puissances voisines continuent à s'accroître et à pulluler. »

Conséquences. Le mal, on le voit, c'est de rester stationnaire, alors qu'au delà de nos frontières la population devient de plus en plus dense. En 1789, nos 26 millions d'habitants représentaient le quart de la population totale des grandes puissances: la Russie comptait alors 28 millions d'habitants, l'Allemagne 28, l'Autriche 18 et l'Angleterre 12 seulement.

Alors, nous envoyions nos enfants au loin; nos navigateurs, nos

soldats, nos commerçants s'en allaient répandre notre influence, notre langue et nos idées.

Aujourd'hui, la France compte 39 millions d'habitants; mais la Russie en a 129, l'Allemagne 64, l'Angleterre 45 et notre population n'est plus que le dixième de la population totale de ces mêmes puissances, En 1872, le nombre des naissances était de 956 000, en 1902 il n'est plus que de 845 000 et en 1910 de 744 000 seulement.

Nous avons 200 000 naissances de moins qu'il y a 40 ans et 100 000 de moins qu'il y a 10 ans.

On voit le danger par l'indiscutable évidence des chiffres: si le mouvement continue; si la population devient de plus en plus dense et si nous n'avons à opposer qu'un nombre toujours plus faible de Français, tôt ou tard, nous serons submergés, anéantis.

La France stérile, c'est notre influence mondiale qui va diminuer, c'est notre patrimoine national qui s'effrite, c'est notre magnifique empire colonial exploité par des Anglais, des Allemands, etc.

La France stérile, c'est notre armée devenue insuffisante.

« D'ici 15 ans, nous allons perdre quatre corps d'armée »

disait, en 1910, M. Messimy.

Aujourd'hui, nous savons que l'Allemagne qui, au lendemain de nos désastres avait à peu près le même nombre de conscrits que nous, possédera dès 1914, 35 000 officiers et 650 000 soldats et, vers 1916-1917, elle mettra 800 000 hommes sur pied.

Le nombre ne fait pas tout; mais l'accroissement de la population allemande lui permet d'obtenir la qualité par le nombre. De plus, l'Allemagne est un peuple de soldats (esprit de discipline...) elle veut jouer un grand rôle, et pour être sûre de la victoire, elle jette dans la balance des lois militaires successives, qui rendront ses effectifs supérieurs aux nôtres de plus de 300 000 hommes.

Devant les dangers de l'heure présente, il ne faut pas hésiter à consentir de nouveaux crédits et de nouveaux sacrifices pour réorganiser notre armée; il faut surtout par des alliances, imposer la paix par force.

la

L'avenir on le voit est plein de sombres présages, le sentiment du danger provoquera nous l'espérons le réveil de l'orgueil français et le commencement d'une ère nouvelle.

Mais, le danger au point de vue militaire n'est pas le seul danger, il en est un autre d'ordre économique qui pour n'être pas aussi immédiat n'en est pas moins réel, ni moins grave: c'est l'invasion en temps de paix. La France n'a plus assez de bras pour peupler nos villes et nos campagnes et donne par an 1 milliard aux ouvriers étrangers, qui viennent en foule remplacer les français « non nés ».

La France devient de plus en plus un pays d'immigration

« un pays qu'on colonise, tout comme les contrées de l'Amérique du Sud »;

et elle souffre de l'exode rural, du surpeuplement urbain et de ses conséquences l'alcoolisme et la tuberculose.

L'exode rural, d'abord nécessaire au développement de l'industrie et du commerce, a servi en même temps les intérêts de l'agriculture et M. Tisserand à pu dire : l'exode rural a appris le cultivateur à mieux utiliser la main-d'œuvre, à améliorer son matériel agricole, en un mot à mieux cultiver.

Mais, bientôt un danger plus grave est apparu la diminution du nombre des enfants dans les familles rurales.

Les causes. « Quand une population s'enrichit lentement par le travail, elle contracte peu à peu des habitudes de bien être; elle n'éprouve pas le besoin de multiplier plus rapidement parce qu'elle ne trouve jamais qu'il y a trop de jouissances. Il peut arriver, même, que devenant plus exigeante pour la postérité que pour elle-même elle restreigne le nombre des enfants qu'elle met au monde. »

Ainsi parla M. Levasseur quand il étudia la question de la dépopulation. Avant lui, Bastiat avait étudié cette loi de limitation préventive dont l'effet va s'atténuant des couches supérieures aux couches inférieures de la société.

Avec l'instruction et l'aisance, l'esprit de prévoyance se développe; la bourgeoisie, petite ou grande, aura des enfants dans la mesure où elle sait pouvoir les élever, sans les exposer à des privations et sans changer elle-même sa manière de vivre. Les besoins sont plus nombreux, l'existence se complique et l'ouvrier, dans un logement exigu et malsain, est moins en état d'élever une nombreuse famille que le travailleur d'il y a 50 ans. L'employé, dont le traitement suffit à peine à conserver une médiocrité décente, la femme, que les nécessités de la vie conduisent à l'atelier; tous ceux qui rêvent de gloire ou qui ne veulent pas entraver leur existence par trop de charges, tous ceux qui redoutent, après leur mort, la dislocation de leur patrimoine, sont amenés à limiter le nombre de leurs enfants.

Le mouvement centralisateur de la Révolution et de l'Empire est passé de la politique dans nos mœurs; il s'est accentué, favorisé par le développement des moyens de communication et Paris est devenu le grand centre vers lequel tendent tous les désirs et toutes les ambitions. On va vers les villes, qui sont un milieu défavorable à la natalité et tandis que Paris, surpeuplé, étouffe, la province s'anémie et la France se dépeuple.

Au seuil des grandes cités il semble que l'on ait inscrit ces mots : Ici, pas d'enfants, et le paysan qui veut son fils plus heureux ou plus riche, cherchera à faire de son unique héritier un fonctionnaire dans une administration quelconque, un citadin.

La demi-stérilité de la famille francaise est donc voulue; elle n'est pas due, heureusement encore, a une dégénérescence de la race, mais, nous savons cependant que la vie à outrance des grandes villes est une vie contre nature qui affaiblit les générations, et nous savons aussi que tout

organe, toute société qui s'abandonne au repos et à la mollesse s'affail'activité c'est la loi

blit et disparaît

Les remèdes.

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Il faut modifier les conditions de notre vie sociale; la stérilité de la famille française, repose sur un faux calcul égoïste déterminé et encouragé par différents facteurs sociaux (éducation, mœurs, partage forcé, individualisme, fonctionnarisme, centralisation, renchérissement de la vie, fausse conception du bonheur, etc.).

Nous ne pouvons pas, comme en Angleterre, établir le droit d'aînesse": l'impôt sur le célibat serait lui-même difficile à faire admettre, mais les lois qui favoriseront les pères de familles nombreuses seront justes.

Partout, en Allemagne, en Angleterre, la natalité a fléchi, car la loi du bien-être est générale et le peuple en se civilisant pense aux sacrifices qu'il devra s'imposer pour élever une famille nombreuse. Mais, en Angleterre, en Allemagne, des conférences ont été faites pour montrer au peuple les dangers de la dépopulation et de nouvelles lois sociales ont été élaborées - on a remis en honneur la vie active (création des boyscouts jeux militaires, olympiques, etc.).

Partout on a lutté contre l'alcoolisme et la tuberculose, floraison de l'alcoolisme.

Les Norvégiens, Suédois et Finlandais ont appliqué grâce à des lois très ingénieuses une formule curieuse : « Il ne faut pas disent-ils, que le débitant ait intérêt à vendre. » A Berlin, à New-York, on a multiplié les espaces libres, les parkways, les sanatoriums.

En France on s'est sans doute préoccupé de la diminution de notre natalité, on a élaboré quelques projets de lois excellents (subsides et encouragements aux familles nombreuses, lois de 1909-1912 sur la protection de l'enfance, des mères etc.); mais c'est aussi une patiente et profonde réforme de notre mentalité qu'il faut entreprendre. La chose ne doit pas être impossible lorsqu'il s'agit d'une nation qui a brille et brille encore au premier rang par l'esprit, le génie et l'audace.

Si la France se dépeuple, c'est que le caractère français n'est pas à la hauteur de l'esprit français. Le retour à la terre, qui contribuerait à la reconstitution de la famille, serait de nature à arrêter le mal, car si la ville est un milieu impropre à la natalité, la campagne fait des enfants roses et des soldats robustes.

Les pouvoirs publics, qui ont leur part de responsabilité, ne sauraient tarder à voter le dégrèvement du sol.

Si la vie contre nature des grandes villes nous a conduit à cette phrase lugubre, que le citadin a érigé en devise: «Avoir des enfants c'est de l'imprévoyance ou de l'inintelligence » il faut, d'autre part constater que le goût des jeunes gens pour les carrières libérales et le fonctionnarisme a sensiblement diminué ils affirment de plus en plus leur volonte d'agir et de vivre. Il y a un retour à l'idéal classique, au culte de la force et de l'énergie, à l'esprit de discipline.

Loi du travail. Des faits se produisent qui nous prouvent que la fin de la crise que nous traversons n'est peut-être pas très éloignée (baisse du taux de l'intérêt qui, diminuant le rendement de la fortune acquise, diminuera le nombre de ceux qui peuvent vivre sans travailler, capitaux qui commencent à s'intéresser au sol, etc.).

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Conclusion. Si je termine ce rapide exposé par des paroles d'espoir ce n'est pas pour donner une conclusion optimiste, c'est que je suis persuadé qu'une nation comme la France ne peut ni ne doit mourir; une France forte est une nécessité européenne.

Travaillons donc et que l'initiative privée seconde l'action des pouvoirs publics, que chaque société se mette sur un plan d'attitude générale, que l'intérêt de parti s'incline devant l'intérêt national.

M. PH. BARREY,

Archiviste de la Ville, Le Havre.

SUR LA POPULATION DU HAVRE.

312.921 (4.25) Le Havre

24 Mars.

Fondé, en 1517, pour remplacer les ports de l'estuaire de la Seine ruinés par la mer ou envahis par les alluvions, le Havre ne s'étendait primitivement que sur une surface de 24 acres, pris de chaque côté de la crique naturelle que forma le chenal.

Par la suite l'enceinte de la ville circonscrivit deux quartiers ou paroisses, l'un affectant la forme d'un trapèze dont le plus grand côté présentait un développement de 480 m. et dont la superficie était à peu près de 20 ha.; le second, entièrement entouré par le port, le bassin, une crique et des fossés, dont la figure se rapprochait grossièrement d'un triangle, occupant une surface de 9 ha.

C'est dans cet espace restreint que se développa le Havre, jusqu'à l'arrêt du 5 août 1787, qui reculait de 400 m. vers le Nord, et un peu moins dans l'Est, la ceinture de ses fortifications, portant d'un seul coup son territoire à 192 ha.

Cet agrandissement n'avait englobé que des terrains incultes et dépourvus d'habitations. Tout autre fut celui opéré en vertu de la loi du 9 juillet 1852. Des agglomérations importantes, de véritables faubourgs, d'extension récente, furent annexés et la superficie de la ville s'éleva alors à 881 ha.

Des rectifications de limites avec les communes voisines, des emprises

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