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L'apprentissage est industriel, agricole ou commercial.

Apprentissage industriel. Pour préciser son fonctionnement, prenons comme exemple une des écoles où il est le plus développé, l'École de la rue du Tribunal à Tunis, qui compte aujourd'hui So apprentis, tous recrutés parmi les élèves parvenus à la dernière partie de leur scolarité et placés chez des patrons en ville.

La plupart des corps de métiers y sont représentés: citons les menuisiers, les ébénistes, les menuisiers d'art indigène, les sculpteurs sur bois, les charrons et carrossiers, les forgerons, ajusteurs-mécaniciens, serruriers, les automobilistes, les plombiers, plombiers-zingueurs et ferblantiers, les électriciens, les maçons, les céramistes, les peintres, les tapissiers, les typographes, lithographes et graveurs, les relieurs, les cordonniers, tailleurs et brodeurs, les tisserands et les teinturiers, les horlogers et bijoutiers, les cuisiniers et pâtissiers, les coiffeurs, les horticulteurs, les comptables.

Certains apprentis soit parce qu'il sont pourvus du C. E. P. E. et ont ainsi terminé leurs études primaires, soit sur la demande expresse de leurs parents ou tuteurs fréquentent l'atelier toute la journée. Les autres reçoivent à l'école un enseignement de demi-temps approprié, dans la mesure du possible, à la nature de leurs études pratiques. En dehors de ceux dont la spécialité est à peu près indépendante de tout enseignement théorique praticable à l'École primaire et c'est l'infime minorité tous ces apprentis assistent, avec les apprentis des autres écoles, à un cours de dessin industriel et de croquis coté, créé à leur intention et sectionné en vue de concilier ces aperçus théoriques avec les notions pratiques acquises à l'atelier. Il a lieu à la fin de l'aprèsmidi, après la journée de travail.

Avec ses adaptations, ce cours s'adresse aux apprentis des professions les plus variées, du fer, du bois, de la pierre et de l'électricité. Par de fréquentes visites aux ateliers, le maître, chargé du cours, se rend compte des genres d'ouvrages auxquels participent les apprentis; sa leçon de dessin est donc comme le reflet immédiat et direct de la tâche quotidienne. Ainsi compris et spécialisé, ce cours donne à chaque apprenti le complément de connaissances générales indispensables à la pratique rationnelle, éclairée et intelligente de son métier.

Ajoutons que, à raison de deux après-midi par semaine, les apprentis de temps complet reçoivent, dans une école plus spécialement destinée aux apprentis recrutés dans l'intérieur, un complément d'instruction générale portant sur les connaissances pratiques et usuelles, et des notions de comptabilité. C'est l'École de la rue El-Monastiri, dont nous avons dit un mot plus haut.

En application d'instructions générales sur l'apprentissage, chaque apprenti est muni d'un livret qui assure, avec le contrôle, le contact permanent du maître et du patron, de l'école et de l'atelier. Des con

trats individuels passés entre le Directeur de l'école et les patrons déterminent les conditions de l'apprentissage (durée, rétribution du patron, gratifications et salaires, exclusion, etc.).

Le Directeur de l'école est tenu de faire de fréquentes visites aux divers ateliers et de se tenir très exactement et au jour le jour, au courant de la marche de l'apprentissage. A cet effet, il est déchargé de classe le soir.

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On ne néglige aucun moyen de stimuler le zèle des apprentis et des patrons. Les premiers reçoivent, quand ils le méritent, des récompenses en nature outils et vêtements de travail, ou en argent : livrets de caisse d'épargne. Le patron peut être autorisé à disposer de l'apprenti pour l'exécution de travaux nécessitant un déplacement et un séjour d'assez longue durée, hors de Tunis.

Certains patrons allouent des gratifications à leurs meilleurs apprentis, d'autres, des salaires variant de 0,50 fr à 2,50 fr par jour, et susceptibles de s'élever. Enfin, une cantine a été spécialement instituée dans l'école pour les apprentis; elle est accessible à quiconque justifie de sa présence à l'atelier, la veille : les enfants y trouvent, à midi, un repas chaud et gratuit. En outre, un service de bains gratuits, commun à tous les apprentis de la ville, fonctionne régulièrement.

Il est bon d'ajouter que les apprentis sont assurés par la Direction de l'Enseignement contre les accidents du travail.

La fréquentation des ateliers est régulière et les progrès sont satis faisants.

A la fin de son apprentissage, l'apprenti se voit délivrer un «< certificat d'apprentissage », attestant qu'il a acquis la pratique de son métier. Ce certificat est revêtu des signatures du patron et du Directeur de l'école; ces signatures sont légalisées par le Contrôleur civil.

Dans les autres écoles indigènes de Tunis, le fonctionnement de l'apprentissage est à peu près le même.

On peut dire, sans exagérer, qu'à cette heure, l'organisation de l'apprentissage qui a nécessairement donné lieu à des essais et tâtonnements au début, est en voie de stabilisation, approche de sa forme définitive et promet des résultats certains et peu éloignés.

Apprentissage agricole. - Comme nous l'avons dit plus haut, en traitant de l'Enseignement agricole, cet apprentissage revêt deux formes : il a lieu soit au Jardin d'essais, soit chez des colons.

1o L'apprentissage agricole s'adresse à quelques enfants considérés comme de véritables apprentis et choisis de préférence parmi les fils d'agriculteurs ou de propriétaires. Il est donné partout où la Direction de l'Agriculture possède un Jardin d'essais dans le voisinage d'une école: c'est le cas pour Gabès, Kairouan, Sfax, Gafsa, Tunis. Cet apprentissage est confié au jardinier de la Direction de l'Agriculture, considéré comme un véritable patron et rétribué à ce titre. Les apprentis reçoivent un

livret et des contrats sont signés. En résumé, on applique à cet apprentissage l'esprit qui a présidé à l'organisation de l'apprentissage commercial et industriel.

On tient compte bien entendu des circonstances locales et l'on tâche de s'y adapter.

A la Section agricole autonome, constituée au Jardin d'essais à Tunis, les enfants se forment, la saison venue, à la taille de l'olivier et reçoivent un diplôme correspondant. Plus tard, ils auront plusieurs moyens de tirer profit de cette spécialité, soit en cultivant leurs olivettes, soit en se plaçant chez des colons, ou à l'Administration de la Ghaba (1). Pour leur permettre de s'initier à la taille, on a admis à l'internat d'apprentissage de Tunis quelques enfants du dehors désireux d'acquérir le diplôme.

A Gabès, on a complété par deux mesures intéressantes, l'organisation. de la Section on y a créé un enseignement pratique des travaux manuels se rattachant à la profession d'horticulteur et l'on a assuré la gratuité du logement et de la nourriture aux jeunes gens de l'Extrême Sud qui, désireux de faire leur apprentissage agricole, n'en ont pas les moyens dans leur oasis d'origine (2).

2o Les premiers essais de placement d'apprentis chez des colons ont eu lieu à Grombalia, Béja, Zaghouan et Souk-el-Arba. Les enfants s'initient dans ces exploitations à la pratique des travaux agricoles les plus divers, tout en continuant la fréquentation de l'école.

On étudie les moyens de donner à ces placements plus de portée en confiant entièrement l'apprenti, après achèvement des études primaires, au colon qui se chargerait de l'entretien de l'enfant. Cette solution paraît s'imposer dans les régions de grande colonisation, où le colon habite souvent au milieu de son exploitation, loin des agglomérations et par conséquent de l'école. Il faudrait également que l'apprenti pût acquérir, chez le colon, les notions pratiques du travail du fer et du bois, qui lui permissent de procéder lui-même à certaines réparations faciles d'outils ou de machines.

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Apprentissage commercial. Il se fait soit au magasin --qui est ici l'atelier soit dans un établissement privé de Tunis, sorte d'école pratique de commerce, où les élèves s'initient à la comptabilité, à la tenue des livres en partie simple et en partie double, et à la dactylographie.

Internats d'apprentissage. C'est ici le lieu de dire un mot de cette institution dont le but est parfaitement défini par la circulaire du 25 septembre 1910 sur l'apprentissage, savoir lorsqu'un apprentissage est

(1) Un de ces jeunes gens, originaire d'Akouda (Sahel), a été demandé en janvier dernier par les habitants de son village pour la greffe et la taille de leurs arbres fruitiers. Il y a été aussitôt envoyé en mission pour le temps nécessaire. (*) Cf. l'organisation de la Medersa de Ksar-Halal citée plus haut.

impossible sur place, faute de patron ou pour tout autre cause, appeler l'apprenti à Tunis ou dans une localité où la profession à étudier est bien représentée. Renvoyer ensuite l'apprenti dans son pays pour y exercer son métier.

Depuis la publication de cette circulaire, il a été possible par certains aménagements de locaux, d'élever le nombre primitivement prévu des places disponibles à Tunis et, aujourd'hui, ces apprentis, venus du « bled », constituent un véritable internat installé dans un immeuble habous, rue du Pacha, et dont l'effectif atteint près de 40 élèves.

Ces élèves sont draînés dans les régions les plus diverses de la Tunisie: Akouda, Djerba, Kairouan, Kebili, Le Kef, Kerkenna, Monastir, Rasel-Djebel, Smala des Souassi, Soliman, Souk-el-Arba, Sousse, Tébourba, Téboursouk et Zarzis. A Tunis, ils s'initient à l'exercice de professions non moins variées : ils sont apprentis menuisiers, charrons-"orgerons, serruriers, mécaniciens, horlogers, bijoutiers, tailleurs d'habits, cordonniers, tisserands, teinturiers, jardiniers. Ils reçoivent à l'école de la rue Monastiri, spécialement créée à leur intention, un enseignement du français, de la comptabilité et du dessin industriel. Ils peuvent être autorisés à accompagner leur patron dans ses déplacement pour exécution de travaux dans l'intérieur du pays : dans ce cas, l'internat met à leur disposition des lits de camp démontables.

Leur apprentissage terminé, ils retourneront dans leur pays pour y exercer leur profession: c'est le cas pour trois apprentis tisserands de Sousse, qui sont rentrés dans cette ville et y sont en voie d'installation. Un quatrième, tisserand également, va rentrer incessamment à Monastir, pour y ouvrir un atelier.

A Gabès, toujours avec le concours des Habous, un petit internat agricole a été fondé dans une médersa de la localité : on y recueille de jeunes indigènes des oasis de l'Extrême Sud qui viennent y faire l'apprentissage des cultures spéciales de leur pays; ainsi se trouve tranchée la difficulté où ils sont de faire sur place l'apprentissage agricole; ils sont rattachés à la Section agricole spéciale instituée à l'école de garçons de Gabès, dans les mêmes conditions qu'à Tunis. C'est sous un climat et dans une région analogues aux leurs qu'il convient, en effet, de les initier à des cultures et procédés s'adaptant aux conditions climatologiques particulières de leurs contrées. Ajoutons que les plus nécessiteux d'entre eux reçoivent de la Direction générale de l'Enseignement une petite subvention mensuelle, pendant la durée de leur apprentissag. Cette médersa constitue dès maintenant un véritable internat d'apprentissage agricole pour l'Extrême Sud, analogue à celui de Tunis qui est destiné surtout, comme on sait, à généraliser l'apprentissage industriel ou agricole en le mettant à la portée d'élèves recrutés dans les centres de l'intérieur, dépourvus de facilités.

A Ksar-Halal, centre de tissage important du Sahel, dont nous avons déjà parlé, fonctionne, à l'école, un atelier de tissage outillé de la façon

la plus complète. Il est fréquenté par les élèves de l'école et les adultes de la localité et de la région.

Cet atelier comporte actuellement quatre métiers trois métiers lyonnais pour les étoffes de soie et un métier d'Orléans pour celles de coton. Un autre type de métier, spécialement adapté à la fabrication de ces tissus, doit y être installé prochainement.

Dès maintenant, cet atelier représente un foyer d'enseignement professionnel régional et afin de le rendre plus accessible aux indigènes des villages voisins, la Direction générale de l'Enseignement a loué, à KsarHalal, un local assez vaste, où sont recueillis les jeunes gens de l'extérieur, désireux de suivre les cours pratiques de tissage.

Pour terminer cet exposé de l'apprentissage, ajoutons que la Direction générale de l'Enseignement étudie en ce moment les moyens d'envoyer en France quelques apprentis de certaines professions, telles que l'horlogerie, qui se trouvent insuffisamment représentées en Tunisie pour permettre sur place un apprentissage sérieux.

III.

ENSEIGNEMENTS PRATIQUES DANS LES ÉCOLES DE FILLES

MUSULMANES.

Ces écoles pratiques constituent une innovation en Tunisie; les premières datent de 1909.

Elles sont actuellement au nombre de 9, avec un total de près de 600 élèves Kairouan, Nabeul, Sousse, Gafsa, Mahdia, Monastir, Tunis (rue Chadlia et rue des Silos (1)), Soliman. Toutes sont en plein succès et d'autres ne tarderont pas à s'ouvrir, à Djerba notamment.

Ces écoles sont surtout des organes d'enseignement professionnel, et à ce titre, elles appliquent, depuis leur création, des programmes spéciaux très pratiques, très utilitaires, qu'une circulaire du Directeur général de l'Enseignement a réglementés, en février 1911.

« L'enseignement y est divisé en deux parts égales l'une réservée aux exercices scolaires proprement dits, l'autre aux travaux manuels. Au nombre de ces derniers, figurent la dentelle arabe, la broderie indigène et le tapis, auxquels une importance plus ou moins grande est accordée suivant la région : le tapis domine à Kairouan, la broderie à Nabeul.

« Pour les fillettes de condition modeste, et c'est la grande majorité, l'école remplace l'atelier qui permet de donner aux jeunes garçons, par l'apprentissage, la connaissance pratique du métier. Si la plupart des fillettes apprennent la couture, la coupe, le tricot, etc., c'est beaucoup moins pour acquérir un art d'agrément que pour posséder, dès leur sortie de l'école, une profession qui les aide à vivre, tout en pouvant être exercée à domicile. Le rôle de l'institutrice consiste, dans ces conditions, à industrialiser la production de son. école, à assurer dans les meilleures conditions possibles la vente des produits, et à ménager pour plus tard aux enfants des débouchés commerciaux qu'il

(1) Rattachée à l'École d'application de l'École normale d'Institutrices.

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