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CHAPITRE DEUXIÈME.

SOMMAIRE--La révolution de Juillet.

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- Ce qu'on aurait dû faire à cette époque. Protestation en faveur de Napoléon II faite par l'ancien roi d'Espagne, Joseph Bonaparte. — Impopularité du roi Louis-Philippe; sa politique extreure; la loi électorale de 1831. Existence de sympathies bonapa: tistes prouvée par les journaux du temps, la Révolution de 1830, le Courrier des électeurs, ete, et même par les actes du Gouvernement. La statue de Napoléon rendue à la colonne Vendôme.--Mécontentement général en France. - Premiers symptômes de la corruption politique. -- Louis-Napoléon en relations avec Lafayette, Armand Carrel, Châteaubriand. — Appréciation de l'état du pays et de ses vœux par le Prince. Amis divers du Prince - MM. Persigny et Vaudrey; leurs portraits.— Causes du choix qu'on fit de Strasbourg pour la première tentative. -Entrée du Prince à Strasbourg le 28 octobre 1836.- Proclamations adressées à l'armée et au peuple. Journée du 30. Le colonel Vaudrey présente Louis-Napoléon au 4e régiment d'artillerie - Discours du colonel, discours du Prince. Enthousiasme des soldats. -Marche triomphale à travers les rues de Strasbourg. Le général Voirol résiste.-Le 46o d'i "anterie - Le lieutenant Pleignier et la colonel Taillandier.-Mensonge de ces officiers, et insuccès -La Prince est fait prisonnier. -- Sa lettre à sa mère, sa translation à Paris. Son entrevue avec M. Delessert.- Il demande des juges au préfet de police.- On le force à partir pour les Etats-Unis. - Lə verdict du jury de Strasbourg. - Réflexions sur cette entreprise

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La révolution de Juillet se fit surtout, c'est là son caractère dominant, contre cette chose morte depuis 89, et qui pendant quinze ans essaya vainement de revivre : la légitimité du droit divin.

La France, en chassant Charles X, voulut dire ceci: «Il n'y a d'autres légitimités que la mienne

ou celles qu'il me plaît de créer; il n'y a plus de ce que, par un singulier abus de mots, on appelle le droit divin; je ne reconnais d'autre • droit que le droit national.

Devant cette volonté manifeste, éclatante du pays, que devait-on faire en Juillet? une seule chose: assembler le peuple dans les comices électoraux, et l'appeler à choisir la forme du gouvernement et les hommes qu'il jugeait le plus dignes de diriger ses destinées. A défaut de cette convocation populaire, et si on voulait éviter les agitations inséparables d'un si grand mouvement électoral, on devait consulter un passé tout récent et encore vivant au cœur des masses; on devait chercher quel était l'homme qui seul avait des titres irrécusables au gouvernement de la France démocratique. Cet homme, il n'eût pas été difficile de le trouver; c'était le fils du grand capitaine qui s'appelait lui-même la révolution faite homme, qui disait : « Je suis le peuple empereur. » C'était enfin le roi de Rome, le duc de Reichstadt, dont le brevet impérial avait été, en 1804, comme nous l'avons dit plus haut, signé par trois millions cinq cent mille Français.

Au lieu d'adopter l'une ou l'autre de ces deux lignes de conduite, que fit-on? on eut recours à un expédient: deux cents députés sans mandat, sans mission spéciale, ramassèrent sur les pavés des barricades la couronne de Charles X, pour la

mettre au front de Louis-Philippe. On ne tint compte ni des droits du fils de l'Empereur, ni de ceux de la nation; on fabriqua étourdiment et en famille une nouvelle royauté, qui eut la prétention de tenir par un bout à la légitimité de naissance, par l'autre bout à la révolution, mais qui eut en réalité le double tort de ne représenter véritablement ni le droit divin, ni le droit national, de n'avoir pour elle ni le prestige de l'un, ni la solidité et la force de l'autre.

La France se résigna à cet escamotage de ses droits, et consentit à faire l'expérience d'une royauté entourée d'institutions républicaines.

Cependant les membres de la famille impériale durent tous ressentir sur la terre étrangère l'atteinte portée à leurs droits et à ceux du pays tout à la fois (1). A défaut du duc de Reichstadt, dont l'Autriche étouffait la voix, un d'entre eux, devenu par la mort de Napoléon le chef de la famille, Joseph, comte de Survilliers, l'ancien roi d'Espagne, crut devoir se rendre l'organe des vœux et des légitimes réclamations de tous. Il adressa à la Chambre des Députés de France une sorte de protestation au profit de Napoléon II. Il entre dans nos vues de donner connaissance à nos lecteurs de ce document historique, qui est fort peu connu, et que les journaux de l'époque n'osè

(1) Voir, à la fin du volume, Pièces justificatives, note 2.

rent publier, quoiqu'ils s'en soient fort occupés. On y verra avec quelle énergie Joseph plaidait la cause de son infortuné neveu, le roi de Rome, tout en s'inclinant avec respect devant ce grand principe, la souveraineté du peuple :

« New-York, le 18 septembre 1830.

• A Messieurs de la Chambre des Députés.

• Messieurs,

« Les mémorables évènements qui ont relevé en France les couleurs nationales et détruit l'ordre de choses établi par l'étranger dans • l'ivresse du succès, ont montré la grande na⚫tion dans son véritable jour : la grande capitale ⚫ a ressuscité le grand peuple.

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« Proscrit et loin de la patrie, je m'y serais

présenté aussitôt que cette lettre, si je n'avais ■lu, parmi tant de noms avoués par l'esprit libéral de la France, celui d'un prince de la maison de Bourbon.

« Les évènements des derniers jours de juillet ⚫ ont mis dans tout son jour cette vérité histori■ que, à savoir, qu'il est impossible à une dynas⚫tie régnante par le droit divin de se maintenir • sur le trône lorsqu'elle en a été expulsée une • fois par la nation, et cela parce qu'il n'est pas possible que des princes, nés avec la préten⚫tion d'avoir été prédestinés pour régir un peu

ple, s'élèvent au-dessus des préjugés de leur ⚫ naissance. Aussi le divorce entre la maison ⚫ de Bourbon et le peuple français avait-il été • prononcé, et rien au monde ne pouvait détruire les souvenirs du passé. Tant de sang, ⚫ de combats, de gloire, de progrès dans tous les genres de civilisation; tant de prodiges ⚫ opérés par la nation sous l'influence des doctrines libérales, étaient des brandons de dis⚫ corde tous les jours rallumés entre les gouvernants et les gouvernés. Fatigués de tant de « révolutions, et désireux de trouver la paix sous une charte donnée et acceptée comme ⚫ancre de salut après tant d'orages, les bons esprits étaient en vain disposés à tous les sacri⚫fices. Plus puissante que les hommes, la force • des choses était là, et rien ne pouvait mettre • d'accord les hommes d'autrefois restés stationnaires, et ceux qu'une révolution de trente ans avait grandis et régénérés. En vain le duc • d'Orléans abjure sa maison au moment de ses ⚫ malheurs: Bourbon lui-même, rentré en France

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l'épée à la main avec les Bourbons, à la suite' ⚫ des étrangers, qu'importe que son père ait • voté la mort du roi son cousin pour se mettre ◄ à sa place? Qu'importe que le frère de Louis . XVI le nomme lieutenant-général du royaume

et régent de son petit-fils? En est-il moins a Bourbon? En a-t-il moins la prétention d'être

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