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32 escadrons à 8'; le génie de 60 compagnies à 30o.

On licencia entièrement la classe de 1815. Les déserteurs des classes antérieures, « les absents sans permission» ils étaient désignés par cet euphémisme sur les situations furent considérés comme en congé limité. Les sous-officiers et soldats qui, à raison de leurs années de service, étaient susceptibles d'obtenir des congés, et qui en firent la demande, furent renvoyés définitivement dans leurs foyers. Enfin on donna un très grand nombre de congés illimités, de façon à atteindre ou plutôt à tomber au complet de paix déterminé par l'ordonnance royale, soit 201,128 hommes, officiers compris. Mais on reconnut bientôt que le pauvre budget de la guerre serait encore insuffisant. Dupont parvint à réduire l'armée à peu près aux trois quarts du complet de paix, en prescrivant de donner en masse de nouveaux congés 5, même aux hommes qui n'en désiraient pas. Le pis, c'est qu'à cette époque où l'armée avait la vanité, assez naturelle, des beaux uniformes, des plumets et des chamarrures, on renvoyait les soldats en haillons. -(( «Voyez la belle f... récompense après s'être bien battu pour son pays!

1. Mars 1814: 27 escadrons de la ligne ; - 6 escadrons de la garde. Septembre 1814: 8 escadrons.

2. Mars 1814: 2 bataillons de mineurs à 6 compagnies; sapeurs à 9 compagnies; - 3 compagnies de la garde. Septembre 1814: 3 regiments à 10 compagnies.

5 bataillons de

3. Ordonnances du roi, des 12 mai, 15 mai et 8 août. Journal militaire, 1814. Rapport de Davout à Napoleon, s. d. (du 25 au 29 mars 1815. Arch. nat. AF. IV, 1936).

4. Officiers et soldats: infanterie: 144,795. Cavalerie: 36,027 Artillerie: 15,993. Genie: 4313. (Ordonnances du 12 mai. Journal militaire.) 5. Circulaire de Dupont, 26 juillet 1814. (Arch. Guerre.) A cause des prisonniers qui venaient sans cesse combler les vides à mesure qu'on les faisait, on ne parvint pas à réduire l'armée tout à fait aux trois quarts du complet. La situation generale du 15 septembre (Arch. Guerre), epoque où ces differentes mesures avaient produit tout leur effet, porte le nombre total des presents sous les armes à 163,419 - sans compter naturellement les veterans, gendarmes, etc.

disait un vieux hussard sur le seuil du quartier de l'Ave Maria. Jamais avec le Tondu nous n'aurions été traités ainsi. S'il faisait tuer les gens, il savait les récompenser. Mais le J... F... d'à présent n'est bon qu'avec les calotins '. »

La réduction de l'effectif imposait aussi celle des cadres et des états-majors. En exécution de l'ordonnance du 12 mai, les officiers qui, par l'ancienneté des services, les blessures ou les infirmités, avaient droit à la retraite, durent quitter l'armée. Tous les autres officiers qui excédaient le complet réglementaire furent mis en non activité avec un traitement de demi-solde. Les deux tiers des emplois qui deviendraient vacants leur étaient réservés, par rang d'ancienneté. Dix ou douze mille officiers de tout grade, généraux de division, capitaines, sous-lieutenants, furent ainsi écartés de l'armée pour un temps indéterminé3.

Après les fanfaronnades et les secrets déchirements du départ, ils se trouvèrent comme perdus dans la vie civile. Où étaient le quartier, les camarades, la grande famille du régiment? où l'existence commune et la

1. Rapport de police, 20 juillet 1814. (Arch. nat. F. 7, 3738.)

2. Ordonnance royale du 12 mai (Journal militaire, 1814). Aux termes de cette ordonnance, les officiers devaient être mis à la demi-solde à mesure que la nouvelle organisation de chaque regiment serait achevée. D'après une circulaire de Lebarbier de Tinan du 9 août (Arch. Guerre) et les dossiers des archives administratives de la Guerre, beaucoup d'officiers entrèrent en demi-solde dès juillet et août. Mais pour la plupart, ce ne fut qu'à partir du 1 septembre. (Circulaire de Dupont. 27 août, Journal militaire.) Il y en eut même en assez grand nombre qui, quoique sans emploi, restèrent dans les etats-majors et les corps de troupe, avec la solde entière, jusqu'au 1er janvier 1815. (Circulaire de Dupont, 16 octobre ; Arch. Guerre). Ordonnance royale du 16 decembre 1814, rendue sur le rapport de Soult (Journal militaire.)

3. On a porte à 14,000, à 20,000 et même à 30,000 le nombre des officiers mis à la demi-solde. D'après le procès-verbal de la seance du conseil des ministres du 15 juin 1814 (Arch. nat. AF • V), il y en eut 11,000. Davout, dans un rapport à l'empereur de la fin de mars 1815 (Arch. nat. AF. IV, 1936), les evalue d'une façon generale à 12,000. Mais il y avait en outre beaucoup d'officiers mis d'office à la retraite.

vie réglée, si douces au moine et au soldat, malgré leur monotonie, leurs rigueurs et leurs servitudes ? Ces douloureux regrets venaient s'ajouter aux embarras de la fausse situation de ces officiers. L'armée les repoussait temporairement, et la société civile restait fermée pour eux. Ils ne pouvaient prendre aucune carrière, les uns parce qu'ils se sentaient incapables d'autre chose que de se battre, les autres pour ne pas renoncer à l'espérance, si lointaine qu'elle fût, de ressaisir leur épée. En attendant, ils vivaient dans le désœuvrement et la misère. Convenable pour les officiers généraux, à peine suffisante pour les officiers supérieurs, la solde de non-activité assurait tout au plus le pain aux officiers subalternes. Défalcation faite de la retenue de 2 1/2 pour cent, les capitaines touchaient 73 francs par mois, les lieutenants 44 francs, les souslieutenants 41 francs'. On recourait à la bourse des camarades qui avaient quelque fortune personnelle, puis, ce moyen épuisé, montres d'argent, épaulettes, vieux uniformes, armes allaient chez le brocanteur. Certains officiers à la demi-solde portaient pour tout vêtement leur longue capote d'ordonnance, dont ils avaient enlevé les boutons de cuivre, leurs grandes bottes et un caleçon; d'autres plus pauvres encore, qui habitaient à quatre ou cinq une méchante chambre sous les toits, se passaient tour à tour, pour sortir. T'unique chapeau et l'unique redingote de l'association.

Les officiers à la demi-solde et les officiers en retraite furent les plus actifs ennemis de la Restauration. Désœuvrés comme ils l'étaient, ils passaient leur vie sur

1. Circulaire ministérielle du 27 septembre 1814. (Journal militaire.) Cf. Coignet, Cahiers, 381, 384.

2. Souvenirs manuscrits du chef d'escadrons Bourgeois, aide de camp de Hullin, en mars 1814 et pendant les Cent Jours, grand'père maternel de l'auteur. Rapp. de Fouque, 23 novembre 1814. (Arch. nat, F. 7, 32004.)

les promenades et dans les lieux publics, aux aguets des on-dit, colportant les mauvaises nouvelles, critiquant les actes du gouvernement, vilipendant les ministres, les princes, le roi, prédisant le retour de l'empereur, déclamant sur la « paix honteuse », la perte des frontières, l'humiliation de la France, les dépenses de la Cour, la misère des soldats, la puissance des prêtres, les menaces des royalistes. Sympathiques aux gens du peuple, ils imposaient aux bourgeois et défiaient insolemment les émigrés, les gardes du corps et les beaux cavaliers des compagnies rouges. Des duels s'en suivaient, où le plus souvent la chance servait bien leur colère et leurs rancunes. Dans la plupart des villes de province, les officiers à la demi-solde se trouvaient en assez grand nombre pour former un petit centre d'opposition ardente. A Paris, ils étaient une multitude. Certains soirs, ils venaient chanter sous les fenêtres des Tuileries des refrains insultants'.

Même avec le faible budget affecté à la Guerre, on aurait pu ou maintenir l'armée sur un pied plus élevé, ce qui aurait permis d'employer un plus grand nombre d'officiers, ou donner la solde entière à tous les officiers sans emploi. Mais il eût fallu pour cela que Louis XVIII renonçàt au rétablissement de la Maison. militaire. Cette troupe dorée comprenait six compagnies de gardes du corps à 505 hommes, cadres compris; la compagnie des cent-suisses, de 134 hommes; la compagnie des gardes de la porte, de 232 hommes; les quatre compagnies rouges - chevau-légers, mousquetaires noirs, mousquetaires gris, gendarmes chacune de 456 hommes; la compagnie des grenadiers

1. Beugnot à Dupont, 23 juillet; au prefet d'Ille-et-Vilaine, 10 sept.; à Maison, 19 nov. Rapport à Dupont, 23 nov., 15 et 26 oct. Soult à Dandre, 12 dec. (Arch. Guerre). Rapp. de Fouque, 23 nov. Rapp. de police, 5 juin, 23 sept., 15, 26, 30, 31 oct., 4, 8, 9, 27 nov., 2, 16, 20 dec., 13 janv. (Arch. nat. F, 7. 3204, F. 7, 3738, F. 7, 3739, F. 7, 3773, F. 7, 32004.)

à cheval, de 200 hommes; enfin deux compagnies de gardes du corps de Monsieur, à 235 hommes 1. C'était une petite armée de 6,000 officiers, car tous les nongradés, sauf dans les cent-suisses et les grenadiers à cheval, avaient rang de sous-lieutenant. Plus des trois quarts de ces soldats-officiers portaient la particule. Seize cents ou environ sortaient des gardes d'honneur, des gardes nationales, de la cavalerie; le reste se composait d'anciens gardes du corps de Louis XVI, de soldats de Condé, de Vendéens, d'émigrés ayant servi à l'étranger et de jeunes gens de quinze ans, comme Alfred de Vigny. La Maison militaire figurait au budget pour 20,390,000 francs".

On aurait pu aussi économiser en licenciant les régiments étrangers La Tour d'Auvergne, Isemberg et Irlandais, en congédiant les quatre régiments Suisses, dont le recrutement et l'entretien s'élevaient à 3,632,000 francs, et en s'abstenant de faire entrer

1. Ordonnances du roi des 25 mai, 15 juin et 15 juillet. (Journal militaire.) 2. Les Cent-Suisses, qui avaient un recrutement spécial, et les grenadiers à cheval, pris dans les corps de cavalerie parmi les sous-officiers et soldats ayant cinq ans de service, avaient rang de sous-officiers.

3. De ces six mille hommes, deux mille étaient surnuméraires, avec grade de sous-lieutenant, mais sans solde. La solde, qui variait selon les compagnies entre 60 et 800 fr. par an, n'était pas d'ailleurs la grosse depense. C'etaient les chevaux, l'equipement et les brillants uniformes.

4. Registres matricules de la Maison militaire du roi. (Arch. Guerre.) Il y avait des compagnies plus ou moins aristocratiques. Dans les quatre compagnies rouges, tous les hommes etaient nobles à quelques exceptions prés. Dans la 3o compagnie (Gramont) des gardes du corps du roi, dans la compagnie des gardes de la Porte, dans les compagnies de Monsieur, les trois quarts des gardes étaient nobles. Dans les 1, 2 et 4o compagnies des gardes du corps du roi, la moitié seulement des gardes avait la particule.

5. Rapp. de Davout à Napol. 20 mars 1815 (Arch. nat. AF, IV, 1921). 6. Ces trois regiments créés par l'empereur en 1805, 1806 et 1807 avaient ete dissous en 1813, et les hommes formes en bataillons de pionniers. Le gouvernement de Louis XVIII n'avait qu'à les licencier et à les rapatrier. Mais bien loin de là, on forma un 4 régiment sous le nom de régiment colonial etranger. (Ordonnance du 16 decembre 1814.)

7. Rapport de Davout à Napol. 28 mars 18:5. (Arch. nat. AF. IV, 1941.) Sous la première restauration, les quatre régiments Suisses formaient un effectif total de 3,500 hommes. Situation du 1" septembre 1814. Arch. Guerre.)

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