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Davout reçoit des requêtes comme celle-ci : « Je soussigné, juge de paix du canton de l'Arbresles (Rhône, demande à reprendre le grade de maréchal des logis que j'avais il y a vingt ans '. »

On est prêt à donner son sang, et, ce que l'on n'a pas fait en 1814, on donne son argent. Les offrandes patriotiques sont innombrables. Un groupe de négociants de Bordeaux arme, habille et équipe une compagnie de garde nationale mobile. Les acquéreurs de biens d'émigrés du Puy-de-Dôme fournissent cinquante chevaux tout harnachés. Un armurier de Marseille donne cent canons de fusil, un sellier de Boulogne-sur-Mer vingt selles de grosse cavalerie, un distillateur de Jonzac quarante fûts d'eau-de-vie, un aubergiste de Rennes 5,500 francs. Le commandant Miteau, de la garde nationale de Reims, promet une pension viagère de 250 francs à chacun des quatre gardes mobiles qui se seront le mieux conduits dans les trois premiers mois de la guerre. Les élèves du lycée de Grenoble donnent 400 francs, les élèves du lycée de Nancy donnent 500 francs, une orpheline de la Légion d'honneur donne 100 francs. Une Cornélie parisienne écrit à Carnot: « Je vous envoie cent francs. C'est le produit de mes bijoux. Pour la première fois j'ai regretté de n'avoir pas d'autre parure que mes enfants. » Le fer léger (officiers et soldats) abandonne un jour de solde, le 79° de ligne deux jours de solde, le 4 tirailleurs de la jeune garde quatre jours de solde, le 7 tirailleurs cinq jours de solde, la gendarmerie de l'armée du Nord un jour de solde par mois pendant la durée de la campagne. Des officiers donnent 100 francs, 500 francs, 1,000 francs, 4,000 francs. Les employés de l'Intérieur souscrivent pour

1. Pignard à Davout, L'Arbresles, s. d. (fin mars). (Arch. Guerre.)

5,777 francs, ceux des Affaires étrangères pour 5,000, ceux de la Guerre pour 14,000, ceux du Trésor pour 27,839, ceux des postes pour 20,000, ceux de l'Enregistrement pour 10,000, ceux de la préfecture de police pour 20,000. La Cour impériale de Paris donne 50,000 francs, la Cour de cassation 6,000, la Cour des comptes 6,400, la Cour de Douai 2,000, la Cour de Poitiers 3,000, les agents du fisc de Colmar 5,300, l'Ecole polytechnique 4,000, le Collège de France 1,050, la Comédie-Française 1,500, les agents de change 10,000, les facteurs de la halle au blé 3,700. Binet, ex-caporal au 14 de ligne, offre le premier semestre de son traitement de légionnaire. Mabillon, ancien soldat de l'armée d'Egypte, offre quatre années de solde de retraite, soit 1081 francs. Lachenadais, bourgeois de Paris, et Frédéric, manufacturier à Mulhouse, versent chacun 10,000 francs au Trésor. Delorme, le propriétaire du passage de ce nom, donne 60,000 francs et s'engage à payer pareille somme chaque année « tant que durera la guerre ». Il y a enfin un grand nombre de souscriptions anonymes. Davout reçoit 2,000 francs pour le soldat qui prendra le premier drapeau ennemi. Le 14 mai, pendant la revue des fédérés, une femme s'approche de l'empereur et lui présente une pétition roulée qu'il met dans sa poche. Rentré aux Tuileries avec Carnot, il ouvre la prétendue pétition: c'est un rouleau de vingt-cinq billets de banque de mille francs noués par un ruban de la Légion d'honneur'.

1. Rapports de Davout et de Bertrand à Napoleon, 6, 25 et 27mai, 3, 4, 6, 8 et 15 juin. Prefet de Bordeaux à Carnot, 3 et 14 juin. Lettres diverses du 15 mai au 15 juin. (Arch. nat. AF. IV. 1933, AF. IV, 1936, AF. IV, 1937, F. 9, 751, F. 7, 3774.) Gruyer à Davout, Vesoul, 23 mai. Rapports de Colmar, 3 juin. Clausel à Davout, 9 mai. Colonel de gendarmerie à Rovigo, 31 mai. Carnot, à Davout, 19 juin. (Arch. Guerre.) Moniteur et Journal de l'Empire, du 10 mai au 15 juin. L'empereur décida que le produit de ces dons serait employé aux depenses des gardes nationales.

L'opinion troublée et divisée n'est pas telle sans doute que semblait le présager la marche triomphale du golfe Jouan à Paris. L'Ouest est encore en armes, la discorde règne dans le Midi; à Paris, à Lille, à Rouen, à Bordeaux, il y a des mécontents, des agitateurs, des artisans de démoralisation. L'approche de la guerre suspend toute affaire, paralyse le commerce, fait tomber la rente à 54 francs. Mais cette guerre odieuse, dont la prévision a pendant deux mois consterné et accablé tout le pays, le ranime maintenant dans un grand mouvement de patriotisme. Devant l'humiliant ultimatum de l'Europe et son agression inique, la France se lève frémissante d'indignation et de colère. Au défaut de l'enthousiasme de 92 et de la rayonnante confiance de 1805 et de 1806, elle a la haine de l'étranger, la rancune ulcéreuse de l'invasion, le rêve des représailles vengeresses. Il lui manque l'espérance, mais l'espérance elle la retrouvera à la première bataille gagnée. L'ardeur et la résolution des soldats, la bonne volonté des gardes nationaux, la multitude des dons patriotiques confirment ces mots d'une lettre de Mme de Staël à Crawfurd : « Si l'empereur a une première victoire, et il l'aura, l'orgueil national fournira à son vengeur toutes les ressources d'hommes et d'argent qui lui seront nécessaires. »

Cette première victoire, Napoléon quitta Paris le 12 juin pour l'aller chercher dans les plaines de la Belgique.

Paris, 1889-1892.

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I. Les opinions au retour des Bourbons (avril-mai 1814)..

II. Les premières maladresses.....

II. La réorganisation de l'armée.

biens nationaux......

IV. Troubles pour les droits réunis.

Inquietudes pour les

V. Les princes, le roi, les ministres.........

VI. Le mécontentement dans l'armée et dans le peuple.
culte de Napoléon....

Le

VII. La renaissance des partis.....

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VIII. Les débats des Chambres 'août-décembre 1814

CHAPITRE II. - LE MINISTÈRE DU MARÉCHAL SOULT

1. Dandré à la police et Soult à la guerre. L'ordre du 17

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Le général Exelmans. Les troubles de

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76

L'anniversaire du 21

89

97

Imprudences de la noblesse

et du clerge. - La France en fevrier 1815......
V. Les conspirations orléano-bonapartistes....

103

113

III. Les genéraux de l'Empire et l'ancienne noblesse.
IV. L'appel des 60,000 hommes.

-

CHAPITRE III. LE CONGRES De Vienne

I. Les suspicions contre la France. La première periode du
congrès. Les conflits d'intérêts...

122

II. Le « Congrès dansant ».
III. Marie-Louise et Parme.
déporter Napoléon dans une île de l'Océan....

-

- Le traité secret du 3 janvier 1815.
- Murat et Naples.

-

Projets de

139

CHAPITRE IV. — L'ILE D'ELBE

I. Napoléon souverain de l'ile d'Elbe...

115

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II. Les violations du traité de Fontainebleau.
trichien. Marie-Louise et le comte Neipperg.
ment par le gouvernement français de la rente de deux mil-
lions. Menaces de déportation et d'assassinat...........
III. Projets incertains de Napoléon. Arrivée à l'ile d'Elbe de
Fleury de Chaboulon. — Détermination soudaine de Napoléon. 175
IV. Le départ de l'ile d'Elbe 26 février 1815 .....
V. Retour à Porto-Ferrajo du commissaire anglais. Discours
de lord Castlereagh au Parlement...........

'Le cabinet au-

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Non-paie-

159

187

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195

LIVRE II

LE VOL DE L'AIGLE

I. La traversée......

II. Le débarquement au golfe Jouan.

CHAPITRE I. — LE GOLFE JOUAN

Résistance d'Antibes. -
Haltes à Cannes et Grasse 1er et 2 mars 1815). La route des
Alpes.....

20

-

207

III. Mesures de Masséna. - Marche sur Sisteron de la garnison
de Marseille et des volontaires royaux. -Napoleon à Digne,
à Sisteron, à Gap et à Corps (4, 5 et 6 mars)...

219

IV. La nouvelle aux Tuileries (5 mars...

225

CHAPITRE II.

GRENOBLE ET LYON

I. Mesures de défense du général Marchand, commandant à
Grenoble....

231

II. Le défilé de Laffray.

211

III. L'entrée de Napoléon à Grenoble (7 mars

217

IV. Le comte d'Artois et le maréchal Macdonald à Lyon.
L'entrée de Napoléon à Lyon (10 mars).......

257

CHAPITRE III. LA CONSPIRATION MILITAIRE DU NORD

I. L'opinion à Paris et dans les départements.
politiques. La bourgeoisie.
Les troubles et les séditions...

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