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ce qui établirait une solution de continuité; il est nécessaire pour cela qu'elle soit bien sèche et résiste à la pression des doigts. L'extrémité supérieure qui affleure le bord du trou est maintenue par la pelote d'argile qui la presse et l'on y fixe une petite mèche de coton soufrée, en faisant fondre un peu de soufre pour établir l'adhérence. C'est à cette mèche que l'on met directement le feu quand on veut faire partir la mine; sa combustion est assez lente pour laisser à l'ouvrier tout le temps nécessaire pour s'éloigner. Si plusieurs coups de mine doivent partir à la fois, ou successivement les uns après les autres, on gradue la longueur de la mèche soufrée sur l'ordre dans lequel il faut que l'explosion ait lieu. Cette précaution est très-importante, d'abord pour permettre aux ouvriers de compter les coups qui partent et de reconnaître ceux qui ont manqué, ensuite pour augmenter l'effet à produire par les diverses mines, en faisant partir les premières celles qui doivent dégager les autres, comme disent les ouvriers, c'est-à-dire diminuer la résistance de la masse à soulever en l'ébranlant et en soulevant la partie antérieure. On conçoit que si les ordres des explosions étaient interverties, certains coups ne pourraient produire aucun effet; aussi y a-t-il quelque art à disposer l'extrémité de la canette, munie de la mèche soufrée, pour éviter qu'elle ne prenne trop vite, ou qu'elle ne soit éteinte par les débris projetés des autres

mines.

Les ouvriers ont besoin de ne pas trop s'éloigner, afin d'éviter une perte de temps qui devient considérable par sa répétition, et d'être à même de remarquer les mines qui ne partent pas, soit parce que la mèche est éteinte, soit parce que la canette a pris feu sans le communiquer à la charge. Il importe dans tous les cas de laisser écouler un temps assez long, 4 ou 5 minutes, après le départ de la dernière mine, pour être sûr qu'aucun accident particulier n'a retardé l'inflammation de celles qui ont manqué. La plupart des accidents tiennent à ce que l'on revient trop tôt sur les mines. En raison des grandes dimensions du souterrain, les éclats de pierre étaient projetés fort loin, quelquefois directement, quelquefois en ricochant d'une paroi à l'autre ; ce qui nous a conduit à creuser de 100 mètres en 100 mètres à peu près de petites galeries de refuge ayant 2 mètres de hauteur sur 2 mètres de largeur et une profondeur de 4 mètres, dont l'axe formait un angle aigu avec celui du souterrain dans la direction de l'approfondissement. De cette manière, les ouvriers n'avaient à redouter aucun accident. On se contente dans d'autres travaux de construire des abris en charpente derrière lesquels les ouvriers se placent; mais, malgré le surcroît de dépenses, les petites galeries latérales ont l'avantage de ne pas obstruer le souterrain et de pouvoir être utilisées comme magasins pour tous les objets du matériel. Fusées de sûreté. Nous avons été chargé par M. le sous-secrétaire d'État des travaux publics d'essayer au Lioran, pour mettre le feu aux mines, les fusées de sûreté importées d'Angleterre et sur lesquelles M. Lechatelier, ingénieur des mines, a inséré une notice détaillée dans les Annales de ce corps. Ces fusées se composent d'une corde en chanvre ou en coton dont les brins sont enroulés autour d'un filet continu de poudre fine, qui en forme l'âme et qui est fortement serrė; cette première corde est recouverte d'un ruban formé de plusieurs fils, roulé en hélices jointives et protégé contre l'action de l'humidité par un enduit de goudron. Cet assemblage forme un tout flexible, mais d'une grande dureté, qu'une pression considérable ne pourrait pas écraser, et qu'une pierre anguleuse chassée fortement par le bourroir dans un trou de mine ne couperait qu'avec difficulté.

Pour les mines pratiquées dans des roches très-aquifères ou sous l'eau, qui

exigent une plus grande imperméabilité, un double ruban goudronné recouvre la fusée ordinaire et en augmente la dureté. Ces fusées renferment de 11 à 12 gr. de poudre par mètre courant et reviennent, les premières à 0,10, les secondes à 0,15. On a évalué que la poudre, une fois enflammée, brùlait graduellement avec une vitesse de 0,50 environ par minute, dans l'intérieur de la corde, lorsque cette dernière est serrée par le bourrage dans un trou de mine. Cette vitesse doit varier du reste suivant la plus ou moins grande compression exercée.

Il est facile de concevoir les avantages que présentent ces fusées pour le tirage de la poudre; elles remplacent la canette ordinaire, rendent complètement inutile l'usage de l'épinglette et diminuent par suite les chances d'accident, tout en abrégeant le travail. On est même fondé à croire qu'elles procurent une certaine économie dans la quantité de poudre employée à la charge, à cause du rétrécis sement du vide occupé par la mèche. Leur emploi est très-simple; quand le trou de mine est préparé, on y verse, s'il est suffisamment incliné de haut en bas, la moitié de la charge et on introduit jusqu'au contact de la poudre un bout de fusée d'une longueur suffisante pour qu'il reste quelques centimètres en saillie au-dessus du trou; on verse alors le restant de la charge et on enfonce comme à l'ordinaire une pelote d'argile destinée à faire glisser tous les détritus de poudre qui auraient pu s'arrêter le long des parois (quoique ce soit presque impossible avec la poudre ronde) et à isoler complétement la charge. On achève ensuite de bourrer avec des débris de roche décomposée en ayant loin de ménager la fusée. Si le trou se rapproche de l'horizontale ou est incliné de bas en haut, on se sert d'une cartouche dans laquelle on introduit le bout de la fusée, jusqu'au tiers ou à la moitié de la longueur, après quoi on lie autour de la fusée le papier du haut de la cartouche, soit avec de la ficelle mince, soit au moyen d'une partie du ruban goudronné de la fusée que l'on déroule avant d'en enfoncer l'extrémité dans la poudre; le goudron ramolli par la chaleur de la main sert dans ce dernier cas à augmenter la solidité de la ligature, puis on pousse le tout avec le bourroir en bois et l'on effectue le bourrage comme précédemment. Pour faire par ir les mines, on met le feu directement avec une lampe au bout de la corde qui ressort du trou, après l'avoir un peu détordue afin de mettre la poudre à nu, car sans cela il pourrait arriver que la poudre trop comprimée ou empâtée de goudron ne s'enflammât pas. Un procédé encore plus sûr indiqué par notre camarade M. Lechatelier, consiste à imbiber d'essence de térébenthine l'extrémité de la corde. La fusée, en brûlant dans le bourrage, laisse un résidu charbonneux qui obstrue presque entièrement la place qu'elle occupait, en sorte que les gaz provenant de la deflagration de la poudre, ne trouvant aucune issue pour s'échapper, doivent réagir plus fortement sur le rocher et produire un effet utile plus considérable. Cependant nous n'avons pu continuer dans les travaux de la percée l'emploi de ces fusées à cause d'un grave inconvénient qu'elles présentent, mais que l'on parviendra sans doute à corriger en partie; c'est l'épaisse fumée et l'odeur que répand la corde en brùlant, surtout la partie extérieure qui doit parfois être laissée assez longue pour graduer le départ des mines. Cette fumée bitumineuse ne parait pas nuisible à la santé des ouvriers comme le sont les vapeurs sulfureuses qui proviennent de la combustion des mèches soufrées ou de la poudre, mais elle était si intense au fond de nos galeries de 500 à 600 mètres, où l'air ne se renouvelait qu'avec lenteur, que le travail ne pouvait être repris qu'au bout de quelque temps. Un autre inconvénient des fusées résulte précisément de la difficulté de régler le départ des coups de mine lorsqu'il y en

a un certain nombre et que les plus profondes doivent partir avant celles qui le sont moins; on conçoit, en effet, que la fusée brûlant graduellement, on ne peut en laisser hors du trou une longueur suffisante pour intervertir l'ordre des explosions successives, et si l'on a recours aux mèches soufrées, comme avec les canettes ordinaires, il arrive assez fréquemment que la fusée ainsi amorcée ne prend pas.

Ce que nous venons de dire ne constitue qu'un cas particulier où l'emploi des fusées de sûreté présente quelques inconvénients en compensation de leurs avantages; il n'en est pas de même dans les souterrains convenablement aérés et dans toutes les exploitat.ons à air libre; et nous somines convaincus que leur usage produira les plus heureux résultats, en diminuant considérablement le nombre des victimes, dans une foule de travaux où l'on emploie comme mineurs des ouvriers maladroits ou peu expérimentés.

Il est probable qu'on parviendra à obtenir dans leur confection une perfection telle qu'on n'ait pas à craindre qu'une fusée rate dans le trou de mine, soit par suite d'une solution de continuité dans le filet de poudre, soit par suite d'un défaut de résistance à la compression de la corde goudronnée. Mais c'est pour l'exploitation des roches aquifères ou submergées que leur emploi est inappréciable: il fallait auparavant établir dans chaque trou de mine un cylindre en fer-blanc surmonté d'un mince tube qui servait à communiquer le feu à la poudre, tandis qu'avec elles, des cartouches de toile goudronnée suffisent, et l'on peut laisser noyer l'appareil sans risque, lorsque les bords du petit sac de toile contenant la charge ont été bien rattachés à la corde au moyen d'une ligature enduite de goudron. »

Effet des mines. Il arrive, dans les rochers fissurés, que l'effet d'une mine est nul parce que les gaz formés par la combustion se détendent dans les cavités ; en général, quand on a affaire à de telles roches, on les exploite au coin; toutefois, dans le cas où on voudrait employer la mine, il faudrait d'abord couler dans l'excavation de l'eau chargée de sulfate de chaux ou plâtre, lequel se déposerait dans les fissures et durcirait assez pour les boucher.

Il y a beaucoup de travail perdu dans celui que représente la combustion de la poudre la plus grande partie de la force vive est absorbée par les projections, par les vibrations communiquées à la masse, par les pertes de chaleur, etc...; cependant, l'emploi de la poudre est économique par rapport à l'emploi du ciseau et de la pointerol e, parce que la poudre développant en un temps très-court une force expansive énorme, permet de détacher des blocs considérables.

Le mineur intelligent acquiert par la pratique une grande habileté dans l'art de disposer ses trous de mine, eu égard à la force de la charge. Ainsi soit à détacher le bloc A (figure 11, planche I); la ligne de moindre résistance est évidemment dirigée suivant (np): il faudra placer la mine (mn) normalement à (np) et à une distance telle que la charge soit aussi bien utilisée que possible; si la distance est trop courte, il y aura projection; si elle est trop forte, la disjonction n'aura pas lieu et la dépense sera perdue.

POUDRE ORDINAIRE. DYNAMITE.

Jusqu'à ces dernières années, on n'employait que la poudre de mine ordinaire; mais les progrès de la chimie ont mis au jour un certain nombre de matières explosibles qui sont pour la plupart trop brisantes, c'est-à-dire à explosion trop brusque, pour être utilisées dans les armes à feu, mais qui, par cela même, n'en sont que plus précieuses dans le travail des mines En effet, avec les armes à feu, il ne faut pas d'explosion instantanée, car l'impulsion n'aurait pas le temps de se communiquer à la bourre et à la charge, et l'arme éclaterait; mais, dans les mines, on cherche précisément à faire éclater l'arme, et la poudre est d'autant meilleure que son explosion se rapproche davantage de l'instantanéité. Ainsi, la poudre de guerre et la poudre de chasse seraient, à égalité de prix, bien préférables à la poudre de mine ordinaire, qui renferme moins de salpêtre et qui possède une moindre force explosive.

Poudre ordinaire. Les Chinois connaissaient depuis fort longtemps des mélanges de soufre et de salpêtre qu'ils faisaient entrer dans la composition des artifices, mais les proportions mises en œuvre donnaient des produits brûlant avec rapidité mais sans explosion. Il en est de même du mélange, indiqué dès le huitième siècle par Marcus Græcus, et reproduit par Albert le Grand. Roger Bacon paraît avoir connu un véritable mélange détonant (treizième siècle), et, dans un manuscrit arabe du quatorzième siècle, on trouve la description d'une poudre à tirer et même d'un canon. Le moine Barthold Schwartz, qui vivait dans la seconde moitié du treizième siècle n'a donc pas le mérite de l'invention de la poudre. C'est pendant la guerre de Cent ans, à Crécy, dit-on, qu'apparut l'artillerie sur les champs de bataille; mais l'emploi de la poudre à l'extraction des roches ne s'est guère développé que depuis un siècle.

Voici la composition de la poudre ordinaire de mine, fabriquée en France par les manufactures de l'État :

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Elle ne renferme pas assez de salpêtre et trop de charbon pour pouvoir être employée dans les armes à feu, et c'est là une disposition nécessaire pour ménager le rendement de l'impôt.

L'administration avait mis en vente, dans ces dernières années, une poudre de mine forte, contenant 72 de salpêtre, 13 de soufre et 15 de charbon, et une poudre de mine lente contenant 44 de salpêtre, 26 de soufre et 30 de charbon. Celle-ci développe en plus de temps une moindre quantité de gaz qui se trouve portée à une moins haute température; son emploi ne saurait donc être avantageux, car la poudre de mine ordinaire est déjà trop lente. Aussi le public n'a pas accueilli les nouveaux produits et s'en est tenu à l'ancienne composition. La poudre s'enflamme assez difficilement par simple choc; au contraire, elle s'enflamme bien par une élévation subite de température à 300°.

Poudres diverses. — On a préconisé depuis quelques années diverses poudres

de composition différente, qui ne semblent pas avoir reçu un accueil favorable. On en trouvera l'énumération et la description dans la Chimie technologique de MM. Debize et Mérijot; nous nous contenterons de citer:

Le lithofracteur dynamital de Lannoy et Cie, composé de salpêtre grossier, de soufre, et de sciure de bois ou de son que l'on traite préalablement par l'acide azotique (comme on fait pour préparer le coton-poudre). Ce produit, brûlant difficilement à l'air, fait explosion en vase clos: il paraît qu'aux mines de la VieilleMontagne, on en a été satisfait;

Le pyronome de Detret, renfermant 52 d'azotate de soude, 20 de soufre et 28 de tan épuisé. Cinq parties d'azotate de soude renferment autant d'acide azotique que six parties d'azotate de potasse, et de plus l'azotate de soude, ou salpêtre du Chili, coûte moins cher. Il y a donc grand avantage à l'employer; malheureusement, il est hygrométrique et donne une poudre qui absorbe l'hu

midité;

La poudre de mine de Schwartz, aussi efficace et plus économique que la poudre ordinaire, renfermant 56 d'azotate de potasse, 18 d'azotate de soude, 10 de soufre, 15 de charbon et 1 d'humidité;

La poudre de mine de Neumeyer, plus forte et plus économique que la poudre ordinaire, composée de charbon, de salpêtre, de prussiate de potasse et d'un peu de cyanure de potassium;

La poudre blanche d'Augendre, composée d'un mélange à sec de 2 parties de chlorate de potasse, 1 partie de prussiate jaune de potasse et 1 partie de sucre de canne. Elle s'allume plus facilement que la poudre ordinaire, détone avec violence sous le choc d'un marteau, quelquefois même par un simple frottement. Cette poudre se conserve et se fabrique avec la plus grande facilité, mais les éléments qui la composent coûtent cher et elle a le grave inconvénient d'altérer les armes, à cause du chlorate qu'elle renferme. On l'a essayée au siège de Paris, puis on y a renoncé.

Coton-poudre, ou pyroxyle. - Tous les corps ligneux, l'amidon, le papier, le coton, traités par l'acide azotique concentré, se transforment en une substance explosible. Le coton particulièrement, traité par un mélange d'acide azotique et d'acide sulfurique monohydraté, devient la pyroxyline ou coton-poudre, substance dont la découverte fut accueillie avec une grande faveur. On se sert de coton cardé et nettoyé, que l'on débarrasse de ses impuretés en le lavant d'abord dans une solution faible de soude caustique, puis dans un acide étendu et, enfin, dans l'eau distillée. L'acide sulfurique, qu'on ajoute à l'acide azotique, n'intervient pas dans la réaction; il réduit la dépense d'acide azotique et absorbe les acides azoteux et hypoazotique que celui-ci renferme.

La réaction a lieu à froid; si l'on opérait à chaud, on obtiendrait la variété de coton-poudre soluble dans l'alcool et l'éther et servant à la préparation du collodion. Quelques minutes suffisent à la réaction.

Le pyroxyle se décompose peu à peu à mesure qu'on élève la température, e!, si on le conserve quelque temps, il subit une décomposition spontanée; chauffé progressivement jusqu'à 100o, il détone, et même il détone à plus basse température si on le chauffe brusquement. Il absorbe facilement l'humidité de l'air. On voit donc qu'il présente des inconvénients sérieux comme poudre de guerre; comme poudre de mine, ces inconvénients seraient bien atténués si on pouvait préparer la sub-tance sur place.

Les avantages du coton-poudre sont de brûler sans résidu et avec une force explosible considérable, bien supérieure à celle de la poudre ordinaire.

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