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seule le rocher et les autres servent à l'expulsion des poussières et débris. Des expériences exécutées à Montchanin ont donné les résultats suivants : Dans les schistes noirs tendres, on creusait un trou de 0,53 de profondeur en six minutes, et un trou vertical de 0,94 en neuf minutes; dans le grès tendre fin micacé, il fallait cinq minutes pour creuser un trou de 0,73; on changeait trois fois de fleuret, sans que l'outil s'échauffât sensiblement; au contraire, dans le grès extrêmement dur, il fallait huit minutes pour pénétrer de 0,14 et l'outil s'échauffait un peu. L'outil doit être d'autant plus aigu que la roche est plus tendre.

Une machine analogue au perforateur Lisbet est très-commode pour creuser des trous de scellement dans des pierres calcaires.

Comparaison des outils à rotation aux outils à percussion. Le perforateur à rotation, système Lisbet, donne d'excellents résultats avec les roches tendres, mais il a un grave inconvénient: c'est que chaque outil ne convient bien qu'à une roche déterminée, en vue de laquelle il a été construit : quand on passe d'une roche à une autre, il faut changer le diamètre et le pas de la tarière; ces deux quantités diminuent à mesure que la dureté augmente.

Enfin, malgré le bon rendement mécanique de l'appareil Lisbet, il devient impuissant dès qu'il s'attaque à des roches plus dures que le grès, et, si l'on veut alors continuer à se servir d'un perforateur à rotation, il faut recourir à l'appareil Leschot, que nous décrirons plus loin et dont le fleuret est remplacé par un anneau garni de diamants noirs.

Pour des roches dures, les appareils à percussion sont préférables; ils produisent une désorganisation intermittente, qu'on ne pourrait obtenir avec un effort continu. Ainsi, quoiqu'ils soient défectueux au point de vue mécanique, puisque le choc absorbe toujours beaucoup de force vive, ils n'en sont pas moins précieux pour attaquer les roches dures, surtout celles qui se cassent facilement sous les chocs.

Il va sans dire que les appareils à percussion ne feraient que de mauvaise besogne dans des roches tendres; la lame du fleuret y pénétrerait profondément et il faudrait exercer un effort considérable pour la dégager.

Ainsi, en résumé, il faut recourir aux perforateurs à rotation pour les roches tendres et aux perforateurs à percussion pour les roches dures.

Le plus connu des perforateurs à percussion est celui de M. Sommeiller, avec lequel a été exécuté le tunnel du mont Cenis.

Perforateur Sommeiller. Au moment où l'on étudiait le projet de tunnel sous le mont Cenis, on fit des expériences, en 1854, sur le perforateur Bartlett, qu'une machine à vapeur faisait mouvoir. MM. Sommeiller, Grandis et Grattoni perfectionnèrent l'appareil Bartlett, lui donnèrent comme moteur l'air comprimé et en tirèrent le parti que l'on sait pour le percement du mont Cenis.

Il a été donné plusieurs descriptions de l'appareil Sommeiller; elles différent entre elles à cause des perfectionnements successifs que le mécanisme a reçus : la plus complète et la plus claire se trouve, suivant nous, dans le Bulletin de la Société de l'Industrie minérale de 1873. Elle a été rédigée par M. l'ingénieur Pernolet, et c'est de cette notice que nous avons extrait les figures 1 et 2 de la planche 11.

Un châssis ou cadre en fer (abcd) de 2m,68 de longueur et de 0,18 de largeur porte deux mécanismes distincts: l'un BXMNL, posé à demeure sur le châssis, et l'autre placé au-dessous du précédent, entre les deux longs côtés ab, cd du tadre, est mobile parallèlement à la direction de ces côtés du cadre; ce dernier

mécanisme, qui constitue l'appareil percusseur, est commandé par le premier. Occupons-nous d'abord de l'appareil percusseur :

Sa pièce essentielle est un piston (Ee'eS); la première partie E est vissée sur la seconde e', et elles serrent entre elles des cuirs emboutis g, g', formant la garniture du piston et destinés à interrompre la communication de l'air de l'avant à l'arrière du cylindre; avec la seconde partie e' est venue à la fonte la troisième partie (e), beaucoup plus longue que les deux autres, mais d'un diamètre un peu moindre; ainsi, tandis que le diamètre de (Ee') est de 0,08, c'est-à-dire précisément égal au diamètre du cylindre, celui de la partie (e) n'est que de 0,065, et il reste entre la pièce (e) et les parois du cylindre un vide annulaire de 0,0075. Le piston (e) traverse le fond du cylindre dans une boîte en bronze garnie d'un cuir embouti (h) et se termine par un bourrelet S, dans lequel on introduit et où l'on maintient par une clavette la tige carrée f qui est en fer, et qui se termine aussi par une douille; c'est dans cette douille que l'on fixe par une clavette le fleuret, qu'il faut remplacer fréquemment. Le fond arrière du cylindre est fermé par un bouchon en bronze taraudé, prolongé par une tige i i faisant corps avec lui.

L'air comprimé est amené dans le cylindre percusseur A par un tuyau en cuivre C, indiqué sur le plan, et formé de deux bouts pénétrant l'un dans l'autre ; de la sorte, ce tuyau peut s'allonger à volonté et suivre le mouvement de progression de l'appareil percusseur. Il amène donc l'air comprimé au-dessus du tiroir F; la figure suppose le piston au moment où commence sa course en avant; l'air comprimé s'introduit derrière lui par la lumière 1, mais il pénétre aussi en avant par la lumière k qui est toujours ouverte. En avant la pression ne s'exerce que sur une petite surface annulaire, en arrière elle s'exerce sur toute la section du cylindre; le piston est donc poussé de la droite vers la gauche; mais il viendrait frapper violemment contre le fond du cylindre, si on n'avait eu soin de faire déboucher la lumière k un peu en deçà du fond; par suite de cette disposition, un peu d'air se trouve emprisonné dans l'espace annulaire, et s'y comprime assez pour annuler la force vive du piston. La course en avant est donc achevée; à ce moment le tiroir avance de k' k et le recouvrement ferme la lumière l, tandis que la lumière l', précédemment fermée, est mise en communication par l'intérieur du tiroir avec le conduit d'émission m; à ce moment, la face de droite du piston est en rapport avec l'air extérieur, tandis que la partie annulaire est toujours en communication avec l'air comprimé; la pression de gauche l'emporte sur celle de droite et le piston revient en arrière pour reprendre sa position initiale; dès qu'il a dépassé la lumière l', l'air confiné entre E et le fond se comprime et amortit la force vive de la masse, de manière à rendre un choc impossible.

A chaque oscillation double du piston percusseur, le fleuret, emmanché au bout de la tige f, est donc lancé avec force contre le rocher qu'il frappe et pulvérise, jusqu'à ce qu'il se soit creusé un trou jusqu'à l'extrémité de la course possible du piston. A ce moment, le fleuret ne travaille plus et il faut communiquer au mécanisme percusseur un certain mouvement de progression.

Il est indispensable, en outre, que le fleuret tourne d'une certaine quantité autour de son axe à chaque coup qu'il frappe.

Il y a donc trois mouvements à demander à l'appareil distributeur.

1. Mouvement de rotation de la tige f et du fleuret qu'elle porte,

2° Mouvement du tiroir.

3 Mouvement de progression de tout le système percusseur.

1o Mouvement de rotation du fleuret. Le système distributeur reçoit son impulsion d'une machine à air comprimé à double effet B, qui, par l'intermédiaire d'une bielle et d'une manivelle, actionne un arbre de couche horizontal, portant d'un côté un volant, de l'autre une roue dentée qui commande une seconde roue dentée, placée dans un plan transversal au châssis. Dans l'axe de cette dernière roue dentée est une tige carrée LL', qui prend un mouvement de rotation uniforme et continu, d'autant plus rapide que l'on active davantage le mouvement de la machine B; à son extrémité L elle est portée par le palier P, et ce palier est, ainsi que la roue à rochet R (vue de face), compris entre les deux joues du manchon R'; la roue à rochet R est calée sur ce manchon, mais lui est traversé à frottement doux par la tige porte-outil f, de sorte qu'il ne participe pas au mouvement de va-et-vient de cette tige, mais qu'il peut néanmoins lui imprimer un mouvement de rotation. La tige L est terminée par un excentrique dont le collier porte un doigt N qui, à chaque tour de l'excentrique, fait avancer d'un cran la roue à rochet; celle-ci communique donc un petit mouvement de rotation à la tige porte-outil et par suite au fleuret. Un cliquet n, relié au doigt N par une lanière en caoutchouc, s'oppose à tout mouvement de recul de la roue ȧ rochet.

2o Mouvement du tiroir. Le tiroir F est monté sur une tige p que termine un piston q en cuir embouti; comme le tiroir est toujours plein d'air comprimé, le piston q est toujours sollicité à se mouvoir et à entraîner le tiroir de gauche à droite, mais ce mouvement est contrarié par une tige qui se trouve sans cesse maintenue en contact avec la came M, calée sur la tige LI; cette came présente un ressaut brusque qui correspond à l'oscillation kk' du tiroir. Si le mouvement de la machine régulatrice B s'accélère, il en est de même de la rotation de la came et des battements du tiroir, et le nombre des coups de fleuret sur la roche augmente dans la même proportion.

3° Progression de l'appareil percusseur. L'appareil percusseur est placé dans l'axe du cadre, et les côtés ab, cd de celui-ci sont filetés à l'intérieur comme s'ils faisaient partie de l'écrou de la vis Q; cette vis Q. placée derrière le cylindre percusseur, est traversée à frottement doux par la tige i' qui prolonge ce cylindre; elle peut donc tourner indépendamment de la tige i et du cylindre; mais, en tournant elle avance dans son écrou fixe, c'est-à-dire dans le cadre, et elle pousse le cylindre, qui reçoit ainsi un mouvement lent de progression.

Après la vis Q, on voit un manchon Q traversé aussi à frottement doux par la tige i et non relié à la vis; sur ce manchon polygonal il y a une roue à rochet O' et un autre manchon q', lequel est susceptible de prendre sur le manchon polygonal Q' un mouvement de translation; le manchon q' porte des dents saillantes faites pour pénétrer dans des cavités ménagées sur la face arrière de la vis Q; lorsque la pénétration a lieu, la rotation de la roue à rochet O' se transmet au manchon polygonal Q', qui la communique au manchon q' et par suite à la vis Q, solidaire de ce dernier. La vis, se mettant à tourner, avance dans son écrou fixe et pousse devant elle tout l'appareil percusseur; mais, ce mouvement de progression ne tarde pas à dégager les dents du manchon q', la rotation de la roue à rochet n'est plus communiquée à la vis et celle-ci s'arrête. Mais voici ce qui se passe alors : les longs côtés ab, cd du cadre portent des espèces de crémaillères, sur lesquelles repose une fourche projetée en (s) et montée sur la tige T, que prolonge un petit piston U, engagé dans un cylindre traversant la paroi du tiroir : l'air comprimé de celui-ci pousse donc sans cesse la tige T et tend à appuyer la fourche sur les dents de la crémaillère. Mais il arrive un

moment où le fleuret a de nouveau creusé son trou d'une certaine profondeur, le piston percusseur parcourt sa course entière, et le bourrelet S vient alors soulever et dégager la fourche s; celle-ci, poussée en avant, entraine la tige T et, avec elle, les ailes vv' en fer forgé (voir le plan) qui passent de chaque côté du cylindre, et qui relient la tige T et le manchon q'. Le manchon q' marche donc en avant et les dents qu'il porte viennent s'engager une seconde fois dans les cavités de la vis Q; celle-ci recommence à tourner et par suite à pousser en avant le cylindre percusseur.

On voit que la progression de celui-ci est intermittente; mais la course de la vis Q est limitée à 0,80 et, quand le trou de mine est arrivé à cette profondeur, il faut s'arrêter ou remplacer le fleuret par un autre plus long.

Pour retirer rapidement le fleuret du trou, et le remplacer par un fleuret non émoussé ou par un fleuret plus long, voici comment on opère :

On arrête la machine B, on dégage le doigt 0 de la roue à rochet O', on soulève la fourche s, qui se trouve poussée en avant et qui tire avec elle le manchon q'; celui-ci devient solidaire de la vis Q. On prend la roue X, mobile le long de la tige carrée LL', et on la pousse vers la gauche pour l'engrener avec la roue intermédiaire X', qui, elle, commande la roue Y calée sur le manchon Q'; celui-ci tourne donc et avec lui la vis Q, qui, tournant en sens contraire de celui qui résulte de l'impulsion de la roue à rochet, revient sur ses pas dans son écrou fixe, et, comme elle ne peut se mouvoir le long de la tige ii', elle entraîne dans son mouvement de recul tout l'appareil percuteur.

Le poids d'un perforateur complet, sans le fleuret, est de 215 kilogrammes, et son prix de 2,000 francs; le poids de la masse percutante (piston, porte-outil et fleuret) est de 20 kilogrammes.

Le volume d'air nécessaire par coup de fleuret est de 1',555, à la pression effective de 4,5 atmosphères, et il y a une perte d'un quart.

Il ne faut pas oublier de signaler un appendice indispensable de l'appareil : c'est un tuyau de petite section, sorte de lance à eau légèrement flexible, dans laquelle arrive de l'eau comprimée; le jet est dirigé constamment dans le trou de mine, au-dessus du fleuret; cette eau a pour fonction d'enlever les détritus au fur et à mesure qu'ils se forment et d'empêcher l'échauffement du fleuret, qui ne tarderait point à se détremper.

La lance d'injection est représentée en D sur la coupe transversale; elle est soutenue par des fourches métalliques fixées au châssis.

Nous reviendrons ultérieurement sur la quantité de travail que l'on peut obtenir du perforateur Sommeiller.

Affût en usage au mont Cenis.- La figure 2 de la planche III représente l'alfût en usage au mont Cenis vers 1863.

C'est un chariot en fer dont les bâtis sont très-lourds, afin de résister aux chocs et aux vibrations perpétuelles ainsi qu'au mouvement de recul qui pourrait résulter de la réaction du rocher sur les fleurets. Dans ce chariot on distingue deux parties: l'affût proprement dit, qui porte un certain nombre de perforateurs, et le tender.

On voit en A une machine à air comprimé dont la bielle fait mouvoir deux roues dentées, la roue inférieure est calée sur un essieu du chariot; elle transmet à cet essieu son mouvement de rotation qui se transforme en une translation du chariot.

On voit en B une machine à air comprimé faisant mouvoir une pompe qui puise l'eau dans des puisards ménagés de distance en distance et la refoule dans un

réservoir C, qui lui-même communique avec la conduite d'air comprimé. L'eau est chassée de ce réservoir C, placé au sommet du tender, dans un petit réservoir R' que porte l'affût; de ce réservoir elle passe dans dix tuyaux en caoutchouc terminés chacun par un ajutage conique, d'où s'élance un jet qui vient frapper dans le trou de mine au-dessus du fleuret.

En R on voit le réservoir, ou clarinette à air comprimé, d'où partent dix tubes flexibles indépendants, alimentant chacun un perforateur.

Un perforateur repose sur deux barres horizontales 0,0, soutenues elles-mêmes par des barres verticales à crémaillère D,E; il y a des agrafes métalliques G, H, qui permettent de fixer la machine sur les deux barres; cependant l'agrafe H permet un certain déplacement angulaire de l'appareil dans un plan horizontal; le déplacement dans un plan vertical s'obtient en mettant les barres 0 à des crans différents de la crémaillère, et si les deux barres d'un même perforateur ne se trouvent pas au même niveau, le fleuret prend une direction inclinée; sur un affùt on installe une dizaine d'appareils qui peuvent prendre les uns par rapport aux autres une direction quelconque, du moins dans une certaine mesure.

C'est vraiment un spectacle merveilleux que cette machine de fer qui, à plusieurs kilomètres dans la montagne, au fond d'une galerie étroite où règne une atmosphère chaude et toute chargée de vapeurs, semblable à un monstre de la fable, frappe de ses dards infatigables et pulvérise les rochers les plus durs.

Les affûts que nous venons de décrire ont été perfectionnés dans ces derniers temps aux supports verticaux à crémaillère on a substitué des vis verticales, et les barres O reposent sur des écrous mobiles le long de ces vis. De la sorte, on obtient d'une manière simple et progressive tel déplacement et telle inclinaison que l'on veut.

Fleurets du mont Cenis. On connaît le fleuret ordinaire dont nous avons donné la description: c'est une barre de fer ronde ou polygonale terminée par un biseau aciéré, plus ou moins tranchant. La largeur de ce biseau est plus grande que le diamètre de la barre, ce qui est necessaire pour que la barre descende librement dans le trou. Ce biseau aciéré s'appelle le diamant du fleuret et son excédant de largeur constitue les ailes.

Au mont Cenis, on commença par recourir à un fleuret ordinaire dont le diamant avait des ailes très-larges, afin de permettre facilement l'expulsion des détritus; mais, il y avait à ce fleuret ordinaire deux inconvénients: 1o son tranchant présentait trop peu d'étendue eu égard à la force impulsive de la machine, 2o les ailes s'usaient très-rapidement et on était forcé de changer fréquemment d'outil. On eut l'idée d'abord de substituer, au diamant ordinaire à un seul tranchant (figure 8, planche I), un diamant à deux tranchants rectangulaires (figure 16); mais, avec celui-ci, l'expulsion des détritus se faisait mal; elle ne réussit pas mieux lorsqu'on adopta deux tranchants rapprochés faisant entre eux un angle aigu. On arrive au contraire à d'excellents résultats avec le diamant en forme de Z que représente la figure 17; il présente une grande surface, et ses ailes, recourbées en sens inverse de la rotation, ne s'usent que très-peu, ce qui constitue une énorme économie de temps et d'argent.

Les trous creusés avec ce fleuret ont un diamètre d'environ quatre centimètres.

Lorsqu'on voulait obtenir un trou plus large, on avait recours au fleuret à double diamant de la figure 18; le diamant étroit commençait le trou, qui se trouvait élargi par le diamant large.

Il va sans dire que ces diamants sont aciérés; cependant, avec les roches

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