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CHEMINS DE FER

CHAPITRE PREMIER

HISTORIQUE

Le merveilleux instrument de transport que l'on désigne d'ordinaire sous le nom de chemin de fer, se compose de deux éléments distincts: la voie et le

moteur.

Ces deux éléments ont chacun une existence propre et peuvent fonctionner indépendamment l'un de l'autre; ainsi, la voie ferrée peut livrer passage à des véhicules soumis à la traction des hommes ou des animaux; de son côté le moteur, la locomotive, est susceptible de se mouvoir sur une route ordinaire sans emprunter le secours des rails.

Mais, la voie ferrée et la locomotive réunies se complètent l'une par l'autre et de leur combinaison résulte le maximum de la puissance de transport.

Les avantages de la substitution de la voie ferrée à la voie ordinaire ressortent nettement des considérations suivantes :

Pour trainer en terrain horizontal un véhicule ordinaire pesant une tonne ou 1,000 kilogrammes, il faut développer un effort de :

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Ainsi, en développant le même effort, on traînera sur une voie ferrée à rail saillant une charge dix fois plus forte que celle qu'on traînerait sur un bon empierrement.

Ce résultat tient à deux causes la régularité et la dureté de la surface sur laquelle le roulement s'opère.

Lorsque les transports se font avec des bêtes de somme, le poids transporté pèse tout entier sur l'animal, et ce poids ne peut dépasser un certain maximum qui est rapidement atteint; en revanche, les chemins sont inutiles, de simples sentiers, tracés à la surface du sol, sont suffisants. On réalisa un grand progrès lorsqu'on eut l'idée de placer la charge sur des chariots que des animaux entrainèrent en exerçant un effort de traction; l'effort de la bête de somme n'est plus égal au poids qu'elle transporte, mais seulement à une force égale à la résistance au roulement.

L'industrie des transports s'améliorera donc à mesure qu'on diminuera la résistance au roulement, c'est-à-dire qu'on aura recours à une voie plus unie et plus dure. Le roulement sera plus facile sur l'empierrement que sur le sol, sur le pavé que sur l'empierrement, sur les dalles que sur le pavé, sur le fer que sur les dalles.

Le moteur qui tire une charge a deux résistances à vaincre : la résistance au roulement que nous venons d'examiner, et la composante de la pesanteur parallèle à la direction du mouvement. Cette composante est proportionnelle à l'inclinaison du chemin parcouru sur l'horizon, c'est-à-dire à la pente; ainsi, une rampe d'un millième augmente d'un kilogramme l'effort à exercer pour la traction d'un véhicule pesant une tonne, une rampe de trois centièmes augmente l'effort de 50 kilogrammes.

Un véhicule, destiné à être traîné d'un point à un autre, devra recevoir une charge calculée en vue de l'effort maximum à développer dans le parcours; s'il s'agit d'une route empierrée, présentant quelque part une rampe de 0,05, l'effort sur cette rampe sera de 50 plus 50 ou de 60 kilogrammes par tonne, tandis qu'il n'est que de 30 kilogrammes en terrain horizontal. Ainsi, il faudra adopter une charge moitié de celle qui convient à un parcours horizontal, ou se ménager la faculté de développer à un moment donné un effort double.

S'il s'agit d'une voie ferrée, et qu'on rencontre une pareille rampe de 0,05, l'effort à exercer par tonne sur cette rampe sera de 33 kilogrammes tandis qu'il n'est que de 5 kilogrammes en terrain horizontal. Cet effort devra donc varier dans le rapport de 1 à 11.

On comprend sans peine qu'une pareille variation n'est pas admissible.

Donc, plus la résistance au roulement diminue, c'est-à-dire plus la voie est perfectionnée, plus les pentes doivent être réduites; à une voie perfectionnée, il faut un tracé perfectionné, ce qui entraine des déblais, des remblais, des ouvrages d'art et, par suite, des dépenses considérables.

Le produit devant être en rapport avec la dépense, les chemins de fer ne doivent être exécutés que là où se présentent des transports nombreux et importants : c'est un principe qu'on a plus d'une fois oublié.

Mais revenons au tirage des véhicules; le tirage ou la résistance à la traction se compose de trois éléments:

1o La composante due à la pesanteur; cette composante, positive ou négative suivant qu'il s'agit d'une rampe ou d'une pente, est égale, pour chaque tonne transportée, à un nombre de kilogrammes représenté par la valeur de l'inclinaison exprimée en millimètres par mètre;

2o Le frottement de roulement, qui se manifeste à la jante de la roue; d'après les lois de Coulomb et du général Morin, ce frottement est donné par la formule A dans laquelle A est un coefficient constant dépendant de la na

P

R'

ture des matières en contact, P est la charge totale transmise au sol et R le rayon

de la roue; le frottement est donc proportionnel à la charge et en raison inverse du rayon de la roue; on trouvera les expériences et les calculs relatifs au roulement des voitures aux pages 10 et suivantes de notre Traité des Routes;

3o Le frottement de l'essieu dans le moyeu ou de la fusée dans la boîte à graisse; dans les véhicules ordinaires, l'essieu est fixe et traverse le moyeu de la roue, celle-ci tourne seule; dans les voitures et wagons de chemin de fer, la roue est fixée à l'essieu, et le véhicule repose sur l'essieu par l'intermédiaire des boites à graisse; il y a une partie de l'essieu, la fusée, qui tourne dans la boite à graisse. Quoi qu'il en soit, appelons r le rayon de la partie de l'essieu qui glisse dans le moyeu ou dans la boite et f le coefficient qui correspond à ce frottement de glissement, admettons que le poids de la roue est très-faible relativement à celui du véhicule et que c'est la charge totale P que l'essieu transmet à la roue, la valeur du frottement à l'essieu sera fP et, si on suppose cette force transportée à la circonférence de la roue, il faudra, pour ne pas changer l'équilibre, lui donner la valeur fP R

γ 1 Ꭱ 20

Si le coefficient de frottement f est de 0,1 et ce qui est à peu près le cas des voitures ordinaires, le frottement à l'essieu déterminera un tirage égal à P, soit 5 kilogrammes par tonne; ce tirage sera donc le du tirage total qui se manifeste sur un empierrement en parfait état.

200

Avec un graissage soigné, on peut réduire ƒ à 0,02, et, comme dans les wa

r

gons de chemin de fer le rapport est de, le frottement à l'essieu déter

ད 600

mine un tirage de P, soit 1kg,66 par tonne, ou plus de la moitié du tirage total, qui n'est que de 3 kilogrammes à 3 kilogrammes et demi par tonne.

La question du graissage perfectionné, bien qu'elle ait son importance dans les véhicules ordinaires, est donc capitale pour les véhicules de chemins de fer.

Le frottement à l'essieu, qui n'entre que pour dans le tirage total des véhicules ordinaires, représente les du tirage dans les véhicules de chemins de fer.

Ainsi, la question de la division de la charge, afin de pouvoir diminuer la force et partant le diamètre de l'essieu, est d'une importance infiniment moindre sur les routes ordinaires que sur les chemins de fer, et il en est de même de la question du diamètre des roues, puisque cette dimension a, sur les chemins de fer, une bien plus grande influence pour déterminer le tirage.

La résistance au roulement sur un rail, abstraction faite du frottement à l'essieu, ne dépasse pas 1 kilogramme.

Le tirage augmente avec la vitesse du véhicule, et cela se conçoit, car les chocs absorbent une quantité croissante de force vive, et, quelle que soit la voie, elle présente toujours des aspérités et des défauts plus ou moins sensibles qui donnent naissance à une série continue de chocs. L'augmentation du tirage est sensible sur les empierrements, le tirage peut s'élever de 50 à 45 kilogrammes par tonne; la proportion est plus forte encore sur le pavé, et l'effort s'élève de 15 à 50 kilogrammes. L'augmentation se manifeste aussi sur les rails, mais d'une manière moins facilement appréciable, à cause des résistancss secondaires telles que la résistance de l'air.

Il ne faut pas confondre le frottement pendant la marche avec le frottement au départ, lequel est, comme chacun sait, beaucoup plus considérable. Ainsi, l'ef

Lorsque les transports se font avec des bêtes de somme, le poids transporté pèse tout entier sur l'animal, et ce poids ne peut dépasser un certain maximum qui est rapidement atteint; en revanche, les chemins sont inutiles, de simples sentiers, tracés à la surface du sol, sont suffisants. On réalisa un grand progrès lorsqu'on eut l'idée de placer la charge sur des chariots que des animaux entrainèrent en exerçant un effort de traction; l'effort de la bête de somme n'est plus égal au poids qu'elle transporte, mais seulement à une force égale à la résistance au roulement.

L'industrie des transports s'améliorera donc à mesure qu'on diminuera la résistance au roulement, c'est-à-dire qu'on aura recours à une voie plus unie et plus dure. Le roulement sera plus facile sur l'empierrement que sur le sol, sur le pavé que sur l'empierrement, sur les dalles que sur le pavé, sur le fer que sur les dalles.

Le moteur qui tire une charge a deux résistances à vaincre : la résistance au roulement que nous venons d'examiner, et la composante de la pesanteur parallèle à la direction du mouvement. Cette composante est proportionnelle à l'inclinaison du chemin parcouru sur l'horizon, c'est-à-dire à la pente; ainsi, une rampe d'un millième augmente d'un kilogramme l'effort à exercer pour la traction d'un véhicule pesant une tonne, une rampe de trois centièmes augmente l'effort de 30 kilogrammes.

Un véhicule, destiné à être traîné d'un point à un autre, devra recevoir une charge calculée en vue de l'effort maximum à développer dans le parcours; s'il s'agit d'une route empierrée, présentant quelque part une rampe de 0,03, l'effort sur cette rampe sera de 30 plus 30 ou de 60 kilogrammes par tonne, tandis qu'il n'est que de 50 kilogrammes en terrain horizontal. Ainsi, il faudra adopter une charge moitié de celle qui convient à un parcours horizontal, ou se ménager la faculté de développer à un moment donné un effort double.

S'il s'agit d'une voie ferrée, et qu'on rencontre une pareille rampe de 0,03, l'effort à exercer par tonne sur cette rampe sera de 33 kilogrammes tandis qu'il n'est que de 5 kilogrammes en terrain horizontal. Cet effort devra donc varier dans le rapport de 1 à 11.

On comprend sans peine qu'une pareille variation n'est pas admissible.

Donc, plus la résistance au roulement diminue, c'est-à-dire plus la voie est perfectionnée, plus les pentes doivent être réduites; à une voie perfectionnée, il faut un tracé perfectionné, ce qui entraine des déblais, des remblais, des ouvrages d'art et, par suite, des dépenses considérables.

Le produit devant être en rapport avec la dépense, les chemins de fer ne doi vent être exécutés que là où se présentent des transports nombreux et importants: c'est un principe qu'on a plus d'une fois oublié.

Mais revenons au tirage des véhicules; le tirage ou la résistance à la traction se compose de trois éléments:

1o La composante due à la pesanteur; cette composante, positive ou négative suivant qu'il s'agit d'une rampe ou d'une pente, est égale, pour chaque tonne transportée, à un nombre de kilogrammes représenté par la valeur de l'inclinaison exprimée en millimètres par mètre;

2o Le frottement de roulement, qui se manifeste à la jante de la roue; d'après les lois de Coulomb et du général Morin, ce frottement est donné par la formule A dans laquelle A est un coefficient constant dépendant de la na

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ture des matières en contact, P est la charge totale transmise au sol et R le rayon

de la roue; le frottement est donc proportionnel à la charge et en raison inverse du rayon de la roue; on trouvera les expériences et les calculs relatifs au roulement des voitures aux pages 10 et suivantes de notre Traité des Routes;

3o Le frottement de l'essieu dans le moyeu ou de la fusée dans la boîte à graisse; dans les véhicules ordinaires, l'essieu est fixe et traverse le moyeu de la roue, celle-ci tourne seule; dans les voitures et wagons de chemin de fer, la roue est fixée à l'essieu, et le véhicule repose sur l'essieu par l'intermédiaire des boites à graisse; il y a une partie de l'essieu, la fusée, qui tourne dans la boite à graisse. Quoi qu'il en soit, appelons r le rayon de la partie de l'essieu qui glisse dans le moyeu ou dans la boite et f le coefficient qui correspond à ce frottement de glissement, admettons que le poids de la roue est très-faible relativement à celui du véhicule et que c'est la charge totale P que l'essieu transmet à la roue, la valeur du frottement à l'essieu sera fP et, si on suppose cette force transportée à la circonférence de la roue, il faudra, pour ne pas changer l'équilibre, lui donner la valeur fP R

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Si le coefficient de frottement f est de 0,1 et ce qui est à peu près le cas des voitures ordinaires, le frottement à l'essieu déterminera un tirage égal à P, soit 5 kilogrammes par tonne; ce tirage sera donc le du tirage total qui se manifeste sur un empierrement en parfait état.

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La question du graissage perfectionné, bien qu'elle ait son importance dans les véhicules ordinaires, est donc capitale pour les véhicules de chemins de fer.

Le frottement à l'essieu, qui n'entre que pour dans le tirage total des véhicules ordinaires, représente les du tirage dans les véhicules de chemins de fer.

Ainsi, la question de la division de la charge, afin de pouvoir diminuer la force et partant le diamètre de l'essieu, est d'une importance infiniment moindre sur les routes ordinaires que sur les chemins de fer, et il en est de même de la question du diamètre des roues, puisque cette dimension a, sur les chemins de fer, une bien plus grande influence pour déterminer le tirage.

La résistance au roulement sur un rail, abstraction faite du frottement à l'essieu, ne dépasse pas 1 kilogramme.

Le tirage augmente avec la vitesse du véhicule, et cela se conçoit, car les chocs absorbent une quantité croissante de force vive, et, quelle que soit la voie, elle présente toujours des aspérités et des défauts plus ou moins sensibles qui donnent naissance à une série continue de chocs. L'augmentation du tirage est sensible sur les empierrements, le tirage peut s'élever de 50 à 45 kilogrammes par tonne; la proportion est plus forte encore sur le pavé, et l'effort s'élève de 15 à 30 kilogrammes. L'augmentation se manifeste aussi sur les rails, mais d'une manière moins facilement appréciable, à cause des résistancss secondaires telles que la résistance de l'air.

Il ne faut pas confondre le frottement pendant la marche avec le frottement au depart, lequel est, comme chacun sait, beaucoup plus considérable. Ainsi, l'ef

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