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DESCRIPTION DE QUELQUES SYSTÈMES EXCEPTIONNELS DE TRACTION.

Nous terminerons ce chapitre par la description de quelques systèmes exceptionnels de traction d'un usage assez peu répandu, mais qu'il est indispensable de connaitre, tels que chemin de fer atmosphérique, plans inclinés, chemin de fer du Mont-Cenis, chemin du Rigi, etc.

1° CHEMINS DE FER ATMOSPHÈRIQUES.

Papin a le premier proposé de se servir de la raréfaction de l'air pour agir à de grandes distances.

En 1810, un M. Medhurst eut l'idée de recourir à la compression et à la raréfaction de l'air pour faire circuler dans un canal en maçonnerie des caisses chargées de lettres et de marchandises.

En 1824, M. Wallance enferma dans un large tunnel le piston, les voitures et les voyageurs. L'expérience ne réussit pas, mais l'idée a été reprise dans ces derniers temps par plusieurs ingénieurs et mise en pratique en Angleterre.

Aujourd'hui, la transmission des dépêches télégraphiques entre plusieurs bureaux de Paris se fait au moyen de l'air comprimé; on fait arriver l'eau des conduites de la ville dans une cuve étanche en tôle, l'air s'y comprime et vient agir sur un piston engagé dans un tube de quelques centimètres de diamètre. Le piston traîne après lui une série de boîtes renfermant les dépêches, et le tout se trouve poussé dans le tube avec une vitesse plus ou moins grande, suivant la pression.

L'application de l'air comprimé et surtout de l'air raréfié, a été faite au remorquage des trains sur les fortes rampes. En France, la traction des trains sur la rampe qui va du Vésinet à Saint-Germain s'est effectuée pendant plusieurs années au moyen de l'air raréfié.

En Angleterre, fonctionnait en 1843 un railway atmosphérique, établi par MM. Clegg et Samuda, à Wormwodd-Scrubs, près Londres, et, dans le même temps, M. James Bonfils établissait, au Havre, un appareil analogue qui a fonctionné dans les ateliers de M. Nillus.

Sur une échelle plus grande, le système fut appliqué par la Compagnie du chemin de fer de Dublin à Kingstown sur la section de Kingstown à Dalkey, et M. Mallet l'a décrit dans les Annales des ponts et chaussées de 1844, d'où nous avons extrait les figures 1 à 3 de la planche XI.

La voie se compose de rails ordinaires posés sur longrines, lesquelles son': soutenues par des traverses.

Au milieu de la voie est un tube longitudinal en fonte de 0,58 de diamètre, présentant à la partie supérieure une fente longitudinale d'environ 0m,06 de large, qui est fermée par une soupape en cuir garnie de fer, figure 3; par suite de sa forme, lorsqu'un vide partiel règne dans le tube, les deux parties latérales de ce tube, à partir des bords de la rainure, tendent à se rapprocher en fléchissant autour de la génératrice horizontale; il faudrait donc, pour la résistance de l'appareil, donner à la fonte une épaisseur croissante depuis les bords de la

rainure jusqu'à la partie basse de la section. On se contente de renforcer cette section par des nervures transversales en forme de croissant, convenablement espacées, et on fixe les tubes sur les traverses, comme le montre la figure.

Dans ce tube circule un piston, qui se trouve en tête du train et en avant duquel on fait un vide partiel, au moyen de pompes et de machines fixes; il va sans dire qu'à l'avant du piston la soupape en cuir est appliquée sur la rainure, grâce à la pression extérieure, et l'obture complétement.

En arrière du piston vient une longue tige solide réunie dans sa partie centrale avec le châssis du wagon directeur par une tige en fer qui transmet au wagon le mouvement du piston.

Cette tige en fer, d'abord verticale, se courbe à 45° au passage de la soupape, qui n'a besoin d'être soulevée que de la même quantité.

La soupape en cuir, garnie de bandes de fer sur ses deux faces, afin de conserver une rigidité suffisante, s'appuie en (a) et (a') sur un mastic composé de cire et de suif, mastic facilement fusible.

Pendant la marche du piston, le vide se fait devant lui et la soupape est fermée, mais derrière lui sa tige porte deux galets de diamètre croissant qui soulèvent la soupape, permettent à la pression atmosphérique de s'exercer sur la face postérieure du piston et livrent passage à la tige directrice des trains.

A l'arrière du wagon directeur est un galet de grand diamètre qui vient presser fortement la soupape pour l'appliquer sur son siége, et après ce galet on trouve un cylindre plein de charbons incandescents; celui-ci ramollit le mastic et rend la fermeture hermétique.

Ce système est évidemment favorable à la traction sur les fortes rampes, puisqu'il n'a pas besoin de recourir à l'adhérence et qu'il ne possède qu'un faible poids mort. Mais il y a des pertes de pression tellement considérables que le rendement est inférieur à celui de la locomotive; la construction et l'entretien sont du reste plus difficiles. Aussi le système a-t-il été abandonné sur la rampe de Saint-Germain comme ailleurs; cependant il a été préconisé à nouveau dans ces derniers temps, notamment sous la forme d'un tube à large diamètre renfermant les trains tout entiers. On ne peut dire ce que l'avenir réserve à ces essais.

Généralement ils ne seront pas économiques, parce qu'entre la chaleur produite par le combustible et le moteur, il y a trop d'intermédiaires qui absorbent du travail : machine fixe, pompes, tuyaux, etc. Cependant il y a un avantage, c'est qu'on peut emmagasiner du travail, c'est-à-dire faire le vide à l'avance dans la conduite, afin d'aspirer le train dès qu'il se présente.

Le système atmosphérique serait susceptible d'être plus efficacement utilisé dans les pays de montagnes où l'on dispose encore de chutes considérables, auxquelles on peut demander, presque sans frais, le travail nécessaire à la compres sion ou à la raréfaction de l'air.

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Il y longtemps qu'on a eu l'idée d'utiliser le travail produit par la descente des corps pesants et de l'employer à élever d'autres corps sur des rampes. C'est particulièrement dans les houillères que ce système est en usage, et la figure 1 de la planche XV suffira à en faire comprendre le mécanisme.

Soit un plan incliné (ab) qui se prolonge en haut et en bas par des paliers, ou de faibles inclinaisons. Deux voies ferrées M et N règnent sur toute la longueur du parcours. En A est un train chargé qui va descendre, en B un train de wagons vides qu'il faut élever.

Sur une poulie P, placée sous la voie au sommet de la montée et inclinée en sens inverse de (ab), s'enroule un câble, qui sort de terre sur des poulies de renvoi de manière que chacune de ses parties se trouve dans l'axe d'une voie ferrée. Un bout s'attache au train A et l'autre au train B.

Supposez que l'on pousse le train A jusqu'au plan incliné, la pesanteur va l'entrainer sur ce plan, et, si l'inclinaison est supérieure à celle sur laquelle le train descendrait naturellement d'un mouvement uniforme, il y a un excès de force disponible; le câble est donc capable d'exercer une certaine traction sur le train B. Le système doit être disposé de telle sorte que chaque wagon plein puisse faire monter un wagon vide; la pente et les charges sont calculées en conséquence.

Il n'est pas indispensable de construire une double voie sur toute la longueur; il suffit que la double voie existe en haut et en bas, pour faciliter le garage des trains (fig. 2, pl. XI) et dans la partie médiane où se croisent le train montant et le train descendant. Dans la seconde moitié supérieure du plan incliné, pour empêcher le câble montant et le câble descendant de se confondre et de se gêner pendant leur mouvement, on adopte une double voie, mais avec rail intėrieur commun. Cette disposition réalise sur la précédente une notable économie, lorsque le plan incliné est de grande longueur.

Les câbles sont supportés de distance en distance par des poulies de 0,20 à 0,40 de diamètre.

A l'origine du mouvement, le train descendant doit trainer toute la longueur du câble; cette charge diminue peu à peu, de sorte que le mouvement tend à s'accélérer; pour faciliter le départ, on force un peu la pente à la partie supérieure du plan; de même pour faciliter l'arrêt, on raccorde à la partie basse la pente et le palier.

Cette disposition conduit donc à adopter pour le profil en long du plan inclinė une sorte de chaînette.

Il va sans dire que les wagons doivent être munis de freins, afin de parer à la rupture éventuelle des câbles, et de modérer la vitesse lorsque la charge descendante est hors de proportion avec la charge montante.

Les pentes un peu fortes de 0,05 à 0m,10 sont les plus avantageuses pour les plans inclinés.

Les plans inclinés sont très-utiles lorsque la masse des transports se fait dans le sens de la descente et qu'il n'y a qu'à remonter le matériel vide. Ils peuvent donc être installés avec avantage à la sortie des mines et carrières placées à flanc de coteau.

Dans les montagnes où l'on dispose de chutes d'eau considérables, on peut charger avec de l'eau les trains descendant et par ce moyen élever des wagons chargés de matériaux: cette combinaison était à signaler, bien qu'on n'ait pas souvent l'occasion de l'appliquer.

Sur les chemins de fer, le plan automoteur, sur lequel le jeu de la pesanteur est seul à intervenir, ne se rencontre guère, parce qu'il faut satisfaire aux besoins de la circulation dans les deux sens. On peut à la rigueur compenser en partie le poids qui monte par celui qui descend, mais il faut demander l'excédant de puissance à un moteur spécial; c'est une machine fixe communiquant

un mouvement de rotation à un tambour sur lequel s'enroule un câble de raction.

La machine fixe est, autant que possible, placée au sommet du plan inclinė; elle agit sur un tamhour dont l'axe porte une bobine qui reçoit le câble. On peut placer le tambour au-dessus de la voie et dans son axe, à une hauteur suffisante pour que les wagons puissent passer sous le bâti; ou bien on dévie la voie à partir du sommet du plan incliné; ou bien encore, on place le moteur fixe en dehors de la voie et on a recours à des poulies de renvoi pour donner au câble la direction convenable.

Un système d'embrayage à levier permet de mettre la bobine du câble en rapport avec le moteur et de le soustraire à son action, suivant que l'élévation d'un train commence ou finit.

En haut comme en bas du plan incliné, on dispose des voies de garage.

Il va sans dire que l'excès du poids descendant sur le poids montant ne doit pas dépasser le frottement de glissement du câble sur la gorge de la poulie, parce qu'alors celle-ci ne tournerait plus; mais cet effet arrive rarement, parce que le frottement croit avec la pression; si cependant il était à craindre, il faudrait augmenter l'étendue de l'arc embrassé par le câble sur la poulie.

A l'origine des chemins de fer, on ne croyait pas à la possibilité de l'emploi de la locomotive sur les fortes rampes: on cherchait à accumuler les pentes sur des longueurs restreintes, de manière à racheter tout d'un coup une grande différence de niveau; on créait donc un plan incliné sur lequel on remorquait les trains au moyen de machines fixes.

La rampe que l'on trouve en arrivant à Liverpool, sur la ligne de Manchester å Liverpool, a 0,021 d'inclinaison par mètre et règne sur 1804 mètres de longueur. Aujourd'hui, elle est parcourue par les locomotives; mais dans le principe Stephenson y établit un plan incliné avec double voie et câble sans fin agissant à la fois sur le train montant et sur le train descendant.

La solution de Stephenson fut appliquée sur la ligne de Malines à Liège près de cette dernière ville, et les figures 6 et 7 de la planche XI indiquent les dispositions générales des plans inclinés de Liège.

Il y a deux plans inclinés successifs séparés par un palier de 350 mètres de long; ces deux plans sont en alignement droit, mais raccordés par une partie courbe, ce qui a permis de placer les machines en dehors des voies, comme l'indique le plan.

Les deux rampes, que sépare le palier de 350 mètres, ont chacune 1980 mètres de long, avec des inclinaisons successives de 14, 28, 30 et 15 millimètres, l'inclinaison de 50 régnant sur la plus grande partie de la longueur.

La voie est double et le mouvement se fait toujours dans le même sens; on aperçoit un câble dans l'axe de chaque voie simple; le train montant est tiré vers le haut et le train descendant est tiré vers le bas.

Il y a une machine fixe spéciale pour chacun des plans inclinés, et cela est nécessaire, car on arriverait à une longueur de câble beaucoup trop considérable.

Considérons le plan incliné inférieur : la vapeur est amenée du bâtiment des chaudières par le conduit (i) jusqu'aux machines fixes à basse pression a,a, celles-ci agissent sur les deux poulies couplées c,c. Le câble montant passe sur la poulie de renvoi f, vient faire deux tours sur la première poulie motrice c, de celle-ci passe sur la seconde poulie motrice c, dont il fait aussi deux fois le tour; il va de là sur la poulie horizontale d, portée par un chariot mobile sur

deux rails; après avoir embrassé la poulie d sur une demi-circonférence, le câble revient sur la poulie de renvoi g pour se diriger suivant l'axe de la voie descendante. Au bas du plan incliné, il passe sur une poulie souterraine de grand diamètre, et revient en f par l'axe de la voie montante. Nous avons donc parcouru le circuit complet.

La poulie horizontale (d) est, avons-nous dit, portée par un chariot mobile sur deux rails qu'on voit indiqués par deux traits pleins; à l'arrière de ce chariot s'attache une chaîne qui vient descendre dans un puits e, où elle se termine par un lourd contre-poids.

Lorsque le câble obéit aux variations d'humidité et de température, lorsqu'il se contracte ou s'allonge, le chariot (d) se rapproche ou s'éloigne des poulies motrices, le contre-poids s'élève ou s'abaisse dans le puits; mais le câble reste toujours convenablement tendu, et l'on n'a pas à s'occuper d'en régler la

tension.

Les plans inclinés de Liège ont été décrits par M. l'ingénieur Garella dans les Annales des ponts et chaussées de 1843. L'exécution en a été très-coûteuse et est revenue à plus d'un million par kilomètre. C'était un beau travail, et le système fonctionnait bien, mais il n'était pas économique et créait une grande gène pour l'exploitation. Aujourd'hui, les locomotives ont remplacé les machines fixes.

Le service des plans inclinės exige l'installation d'un système très-complet de signaux.

Parmi les plans inclinés de construction récente, nous signalerons :

1o Le plan incliné de la Croix-Rousse, à Lyon, qui présente une longueur d'environ 500 mètres avec une inclinaison de 0,16. Il est à deux voies, qui servent alternativement à la montée et à la descente; on n'a donc pas eu besoin d'un câble sans fin, et on a un câble à deux bouts dont un tire le train montant tandis que l'autre retient le train descendant. L'un des bouts s'enroule sur le tambour, tandis que l'autre se déroule; un appareil d'embrayage permet de faire tourner le tambour tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. Des freins automoteurs perfectionnés sont adaptés aux véhicules et suffiraient à les arrêter, si le câble venait à se rompre ;

2o Le plan incliné d'Ofen, dont la longueur est de 90 mètres avec une rampe de 0,5, c'est-à-dire inclinée à 30°; les wagons comprennent trois compartiments étages;

3o Les plans inclinés de la Levade, qui mettent en communication les houillères de Portes (Gard) avec la ligne d'Alais à la Grande-Combe. Ils sont représentés en profil par la figure 2 de la planche XV.

Du point (a) partent 3 wagons pleins qu'une machine fixe monte sur le plan incliné (ab) de 410 mètres de longueur et de 0,25 de pente par mètre; en même temps 3 wagons vides descendent de b en a.

De b en c règne un palier, cependant les voies 'montante et descendante ont de légères pentes en sens inverse, pour permettre, grâce à un faible effort, aux wagons pleins de se rendre de b en c, et aux wagons vides de venir de c en b.

Puis vient un second plan incliné, cd, desservi comme le premier par une machine fixe, sur 865 mètres de longueur avec pentes variant de 0,25 à 0,35. En (d) les wagons pleins trouvent une voie qui descend vers la Levade avec une inclinaison de 0,015; cette voie, de 2500 mètres de longueur, est parcourue simplement par l'effet de la pesanteur que l'on règle au moyen du frein.

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